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DEUXIÈME APPRENTISSAGE : L’EFFET PLUTÔT QUE LA CAUSE

Dans le document Manufactures Technophaniques (Page 102-106)

Univers invoqué

5.6. DEUXIÈME APPRENTISSAGE : L’EFFET PLUTÔT QUE LA CAUSE

Il y a néanmoins une différence majeure entre les images décrites par Arthur Koestler à propos des découvertes scientifiques et celles que j’ai en tête à ce moment du projet. Les images mentales des lignes de force de Faraday par exemple, ont pour objet de comprendre des phénomènes d’interactions qu’il a observé sur ses bricolages électriques. Elles permettent de concevoir certaines causes du comportement et des interactions de l’électro-aimant. Cependant mes images ne sont pas liées à des causes de phénomènes que j’aurais observés auparavant et que je n’aurais pas pu étudier parce qu’inconcevables au travers des lois existantes. Elles n’ont pas vocation à exprimer les causes d’un phénomène, mais bien de projeter des effets que je souhaite provoquer.

Cette distinction est notoire, car elle va permettre de comprendre une différence d’objectif, et donc de pratique, entre les sciences et le design (au sens de conception, nous y reviendrons dans la troisième partie). Sans rentrer dans la description des sciences et leurs objectifs ni discourir sur le polysémantisme du design, la différence entre ces types d’images montre que mes projets ne sont pas de l’ordre de la compréhension de phénomènes inexpliqués, mais bien de leur instauration. Je cherche à obtenir des effets, des conséquences, des impacts. La manière de le faire, le dispositif qui permet ce type d’effet, ne m’est pas encore connue. Je ne sais ni quelles matières

12 Max Planck, cité par Arthur Koestler, op. cit., p. 139. 13 Arthur Koestler, op. cit., p. 139.

14 Ibid, p. 171. 15 Ibid, p. 175. 16 Ibid, p. 139.

17 Jacques Hadamard, cité par Arthur Koestler, op. cit., p. 165. 18 Georges Polya, cité par Arthur Koestler, op. cit., p. 106.

utiliser, ni dans quel ordre, ni quelles sont les contraintes que je vais rencontrer. L’essence m’est totalement inconnue. Seul existe un idéal de performance. Si c’est bien par les performances que l’on découvre l’essence en science19, il en est de même dans ma démarche. La différence, c’est que les performances n’existent pas encore, elles sont encore fictionnelles et très peu probables.

Cette approche rejoint les conceptions pragmatistes de l’idée :

Les idées ne sont pas des images ou des copies, mais des instruments voire des armes, [...] la conception pragmatiste de vérité découle de cette conception instrumentale et téléologique de la pensée : si la carte ne nous permet pas de nous orienter avec succès dans le paysage, si elle ne nous mène pas là où nous voulions aller, si elle nous perd, alors elle sera dite fausse ; et vraie dans le cas contraire. [...] La seule fonction d’un concept est de mener à certaines conséquences pratiques dans l’expérience ; si le concept remplit cette fonction de manière satisfaisante en amenant celui qui l’utilise à faire l’expérience des conséquences pratiques prévues, c’est-à-dire s’il réussit, alors il sera dit, rétrospectivement, vrai. 20

Mes images de gestes (récolte de lampes en barbe à papa de plastique — horloge fabriquant des perles — graffeur dessinant des formes dans l’espace - pliages de papiers pétrifiés) ne peuvent aucunement être qualifiées de vraies ou de fausses à ce stade. Ce sont des instruments du projet qui pointent vers des conséquences escomptées qu’il faudra, au travers de l’expérience, rendre possible et alors seulement, valider ou invalider. Si l’empirisme est souvent le panache des chercheurs en sciences expérimentales, le pragmatisme correspond parfaitement à la pensée du design, de l’ingénierie ou de l’architecture, car il “n’insiste plus sur les phénomènes antécédents, mais sur les phénomènes conséquents, non sur les précédents, mais sur les possibilités d’action, et ce changement de point de vue est, dans ses conséquences, presque révolutionnaire”21. À plusieurs reprises dans la suite du développement, j’ai ainsi dû me référer à cette image idéale, la reconvoquer mentalement. En effet, le développement que nous allons voir dans les chapitres suivants implique des bifurcations constantes, des négociations, des compromis ; ces détours peuvent dans certains cas m’éloigner de mon projet — afin de simplifier les choses, de les rendre plus stables, d’aller droit au but, de m’insérer dans des projets existants, de correspondre au cahier des charges d’un concours ou d’une exposition. Mais leurs caractères technophanique, ouvert, territorialisé, ou simplement surprenant en sont alors amoindris, voire perdus. L’image mentale agit alors comme une force d’équilibrage, un centre, un mat, qui peut me redonner l’énergie et les pistes d’actions sans faillir à des simplicités. En ce sens, l’image agit exactement comme la carte des pragmatistes : elle sert à me diriger et à ne pas tomber dans des solutions érodées, sans quoi le projet ne ferait plus de différence vis-à-vis de l’existant. Or, comme le dit James : “il ne saurait y avoir de différence qui ne fasse de différence”22. Une idée nouvelle aboutissant au même n’est pas une idée nouvelle, rétrospectivement.

19 Bruno Latour, Face à Gaïa, Huit conférences sur le nouveau régime climatique, Paris, La Découverte, 2015, p. 110.

20 Stéphane Madelrieux, “Préface”, dans William James, Le Pragmatisme (1907), Paris, Flammarion, 2007, pp. 59-60.

21 John Dewey, “Le développement du pragmatisme américain”, cité par Stéphane Madelrieux, op. cit., p. 36.

144 145 5.7. UN PROCESSUS TECHNIQUE NOUVEAU INVOQUANT DE L’EXISTANT

Pour conclure sur mes étapes de création aboutissant à l’idée, il faut s’arrêter sur cette qualité symbolique. Qu’ai-je obtenu, à l’issue de cette phase de recherche que je n’avais pas avant ? Pourquoi est-ce que je m’arrête sur ces idées particulières, et pas d’autres ? Bien que chaque projet semble très différent, ils partagent en réalité un élément commun dans le rapport qu’ils instaurent entre un imaginaire existant et une technicité nouvelle.

Polyfloss

L’élaboration du projet Polyfloss ouvre bien la voie à l’invention d’un procédé inédit de fibrage de thermoplastique par centrifugation à chaud. En cela, le projet initie le développement d’une technique nouvelle pour le recyclage des polymères. Mais Polyfloss va bien plus loin. Il emprunte son opérationnalité au principe de fonctionnement de la barbe à papa. Dès qu’il est présenté en ce sens, il n’est plus qu’un principe technique innovant, il appelle un imaginaire puissant lié au sucre, à l’enfance, à la couleur, à l’excès, à la gourmandise, à la fête, à la légèreté, à l’informe ou au nuage. Bien que le filage de sucre existe dès le XVe siècle dans la cuisine française, italienne, chinoise ou turque, ce n’est qu’en 1897 que le dentiste William Morrison et le confiseur John C. Warton vont mettre au point la machine à barbe à papa, en utilisant une cavité percée de trous, chauffée et mise en rotation. Depuis, malgré quelques modifications améliorant sa stabilité, le principe est resté le même. L’invention est brevetée et présentée pour la première fois publiquement à l’Exposition Universelle de Saint-Louis aux États-Unis en 1904. Le duo fait un véritable tabac, en vendant plus de 68 65023 boîtes remplies de ce qu’ils ont baptisé “Fairy Floss”. Le fait que leur invention soit présentée à cette exposition en particulier n’est pas anodin : cette manifestation est non seulement considérée comme la plus étendue jamais réalisée jusqu’alors (près de 20 millions de visiteurs, un site de 5 km2, 1500 bâtiments, 121 km de routes et de trottoirs), mais c’est aussi celle qui offre le traitement le plus spectaculaire des techniques modernes, ouvrant la voie aux futurs parcs d’attractions aux États-Unis. Au-delà des pavillons classiques présentant des inventions nouvelles (le téléphone sans fil de Graham Bell, l’ancêtre du fax de Elisha Grey, la machine à rayons X d’Edison et Dally) ou des expositions à visée éducative, la Wolrd Fair de 1904 était singulière par la présence d’une immense allée baptisée The

Pike, présentant ce que l’on appellerait aujourd’hui des attractions de parcs à thèmes.

Aux côtés des premières grandes roues et chutes d’eau artificielles navigables, de nombreuses expériences étranges élaboraient ce qui deviendra “l’entertainment” à l’américaine. The Creation par exemple était un voyage de plus de 2 h en bateau dans une mise en scène épique de la création judéo-chrétienne à grand renfort de flashs et illusions d’optique. À la fin de l’évènement, L’attraction sera d’ailleurs transportée et intégrée au premier parc à thème de l’histoire à Coney Island24. Le Scenic Railway était une montagne russe de 5 km présentant successivement des décors de glaciers, de Jérusalem, de la campagne islandaise, de Pompéi et des îles des mers du sud. On trouvait aussi l’emblématique Temple of Mirth qui emmenait les visiteurs dans des labyrinthes de glaces, de couloirs et de mises en scène affublées de statues mythiques d’épouvantes à grand renfort de lumières, d’enregistrements de rires de sorcières et d’automates dignes des maisons hantées modernes. La barbe à papa fait partie de cette mouvance, elle cherche aussi à combiner l’invention technique à de la mise en scène spectaculaire — et s’inscrira par la suite dans tous les parcs à thèmes et autres fêtes foraines du XXe siècle. Elle a ce parfum de vieille technique spectaculaire légèrement futile et puérile mais toujours surprenante.

23 voir l’entrée Barbe à papa de Wikipédia version anglaise, accessible sur <https://en.wikipedia.org/wiki/ Cotton_candy> (consulté le 15 mars 2018).

24 voir à ce sujet le livre de Rem Koolhas qui fait le parallèle entre le développement de Coney Ilsand et de New-York, Rem Koohlas, New-York Delire, Un manifeste rétro-actif pour Manhattan (1978), Marseillle, Parenthèses Éditions, 2002.

Plus profondément, la barbe à papa fait jouer l’imaginaire du sucre, c’est-à-dire de l’enfance, de la douceur et du plaisir. À cette image positive, se joint celle corrélative de l’excès, des caries, de l’obésité, des restrictions et des limites posées par l’adulte. Mais ce n’est pas n’importe quelle forme de sucre qui est mise en jeu dans la barbe à papa, son esthétique invoque le nuage, la légèreté, la diffusion. En ce sens, elle joue sur une autre forme d’imaginaire qui traverse l’ensemble des cosmologies du monde. La symbolique du nuage est en effet lié à sa “nature confuse, voire mal définie, à sa qualité d’instrument des apothéoses et des épiphanies”25. Il est symbole de légèreté, du royaume des Dieux, de la tendresse, du Paradis. À l’instar du brouillard, il manifeste “l’indéterminé, une phase d’évolution : quand les formes ne se distinguent pas encore, ou quand les formes anciennes disparaissant ne sont pas encore remplacées par des formes nouvelles précises”26. Le nuage est le symbole du mélange d’air et d’eau, précédent toute consistance, “le tohu-bohu des origines, avant la création des six jours et la fixation des espèces”27. À nouveau, nous ne sommes pas face à un matériau bien plein, mais face à une matière indocile. Il est forme et pourtant ses contours ne sont jamais bien définis, il ne fait qu’évoluer et se transformer, la lumière le traverse. La barbe à papa, sans nécessairement le dire, invoque ces mêmes imaginaires. Il s’agit, finalement, de tenir un nuage céleste au bout d’un bâton, et de l’ingurgiter avec tout le plaisir que ce “presque rien”, ce morceau d’air, peut générer.

Pearling

L’idée du projet Pearling peut être décrite selon ses considérations techniques : il s’agit d’un procédé de trempage permettant de construire un composite de CaCO3 et de biopolymère. Mais Pearling ne peut être réduit à cette description. En empruntant au principe par lequel l’huitre crée la nacre, Pearling invoque un imaginaire de la nature particulièrement puissant : la perle de l’huître est l’objet de nombreux fantasmes, depuis les récits de l’accident du grain de sable qui vient se loger pour devenir perle fine, à l’imperfection de son lustre captivant ou aux temporalités de production la rendant si rare. La perle est la matière précieuse la plus complète qui soit dès sa collecte : aucun besoin de taille, de polissage ou de lapidaire pour la monter sur un collier et la vendre. Elle représente la nature à son état le plus pur et le plus abouti, la quintessence de l’intelligence des processus naturels et la beauté qu’elle produit sans la main de l’homme. Si l’on remonte dans les âges, la perle est omniprésente. Mircea Eliade revient sur quelques-unes de ces symboliques :

Il fut un temps où la coquille, la perle, le coquillage avaient partout une significa-tion magico-religieuse ; [...] Parce qu’elle était “née des eaux”, parce qu’elle était “née de la lune”, parce qu’elle représentait le principe Yin, parce qu’elle avait été trouvée dans une coquille, symbole de la féminité toute créatrice. Toutes ces circonstances transfiguraient la perle en un “centre cosmologique”, dans lequel coïncidaient les prestiges de la Lune, de la Femme, de la Fécondité. La perle était chargée de la force germinatrice de l’eau dans laquelle elle s’était formée ; “née de la lune”, elle en partageait les vertus magiques et c’est pourquoi elle s’imposait à la parure de la femme ; le symbolisme sexuel du coquillage lui communiquait toutes les forces qu’elle implique ; enfin la ressemblance entre la perle et le fœtus lui con-férait des propriétés génésiques et obstétricales. De ce triple symbolisme (Lune, Eaux, Femme) dérivent toutes les propriétés magiques de la perle, médicinales, gynécologiques, funéraires.

La perle devient dans l’Inde une panacée ; elle est bonne contre les hémorrag-ies, la jaunisse, la folie, l’empoisonnement, les maladies d’yeux, la phtisie, etc. La médecine européenne s’en est surtout servi pour traiter la mélancolie, l’épilepsie

25 Entrée “Nuage”, Jean Chevalier et Alain Gheerbrant (dir), Dictionnaire des Symboles, Paris, Robert Lafont, 1969, p. 543.

26 Entrée “Brouillard”, ibid., p. 126. 27 Ibid.

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et la folie : comme on le voit, la plupart des affections en cause sont les maladies lunaires (mélancolie, épilepsie, hémorragie...). Ses propriétés antitoxiques n’ont pas non plus d’autre explication : la lune était le remède de toutes les espèces d’empoisonnement. Mais le prix de la perle, en Orient, tient surtout à sa qualité aphrodisiaque, fécondante et talismanique. Et quand on la dépose dans la tombe, à même le cadavre, elle régénère le mort en l’insérant dans un rythme cosmique qui est par excellence cyclique, présupposant (à l’image des phases de la lune) naissance, vie, mort, renaissance. Le mort couvert de perles acquiert un destin lunaire, il peut espérer rentrer dans le circuit cosmique, puisqu’il est pénétré de toutes les vertus, créatrices de formes vivantes, de la lune.28

Dans la tradition européenne, la perle symbolise la sublimation des instincts, la spiritualisation de la matière, la transfiguration des éléments. Elle ressemble à l’homme sphérique de Platon, image de la perfection idéale des origines et des fins de l’homme. En Perse et l’ensemble du monde arabe, le musulman se représente l’élu au Paradis comme enfermé dans une perle en compagnie de sa houri29. La perle est prise comme symbole de virginité dans les œuvres folkloriques et les littératures persanes, ainsi que dans les écrits de Ahl-i Haqq et d’une manière générale chez les Kurdes : on emploie l’expression percer la perle de la virginité pour indiquer la consommation du mariage30. Chez les chrétiens, Saint Éphrem l’utilise pour illustrer aussi bien l’Immaculée Conception que la naissance spirituelle du Christ dans le baptême du feu. Plus récemment, la perle se retrouve dans de nombreux récits et œuvres d’arts, elle continue de fasciner malgré la progressive disparition de ses vertus mystiques ou thérapeutiques. La Jeune Fille à la Perle de Vermeer, surnommée la Joconde du Nord, en est sans doute l’exemple le plus connu — il montre la persistance de l’importance de cette matière à travers les âges. La perle, au fond, incarne l’idée de perfection naturelle.

Bold

Le projet de mousse peut, à nouveau, être décrit selon des considérations techniques : il s’agit d’une émulsion d’acide stéarique saponifié associée à une complexation de Sodium-Dodecyl-Sulfate et d’Alcool polyvinylique. En cela il constitue l’invention d’un outil nouveau pour générer une mousse stable. Mais, là aussi, Bold ne se résume pas à cette description plate et codifiée. Sa forme et la manière de l’utiliser font explicitement référence à la bombe de peinture et au graffiti. Le projet invoque ainsi un univers source de fantasmes et de critiques les plus clivées : c’est le lieu de la liberté, de l’activisme, de l’appropriation de l’espace public, de l’art vernaculaire sans limite, de la contre-culture et de la contre-publicité. En opposition, c’est aussi le comble du narcissisme, du vandalisme sans respect, le culte de la signature, l’appropriation et la dégradation du bien public. La pratique est profondément ambivalente, et en ce sens, elle recèle une puissance d’imaginaire qui, bien que moins ancienne que la perle ou le nuage, n’en reste pas moins puissante. Le fait que les artistes graffeurs utilisent des pseudonymes ajoute à son aura.

Le graffiti n’est pas une invention récente. Il est généralement différencié de la fresque par son statut illégal ou clandestin. En ce sens il ne peut être associé aux peintures rupestres. Mais ces inscriptions se retrouvent néanmoins de manière claire dans de nombreux sites archéologiques latins, dont Pompéi qui regorge de tailles dans la pierre des lieux publics. On en retrouve dans les prisons, catacombes, casernes, cales de bateaux ou caves. Au cours du XXe siècle, c’est souvent en lien avec des évènements politiques que le graffiti s’est manifesté : sous l’occupation (le Reichstag à Berlin couvert de graffitis par les troupes russes), pendant la guerre d’Algérie, en mai 1968, sur le Mur de Berlin ou dans les régions où se posent des problèmes d’autonomie (notamment

28 Mircea Eliade, Traité d’Histoire des Religions (1945), Paris, Payot, 1990, p. 368-369. 29 Entrée “perle”, Jean Chevalier et Alain Gheerbrant (dir), op. cit., p. 593.

30 Ibid., p. 594.

Bretagne des années 1970, et Irlande du Nord)31. Mais c’est au cours des années 60 et 70 que commence à se développer une pratique du graffiti autonome et ancrée dans une culture spécifique. New York est le centre de cette nouvelle mouvance. Les premiers “graffiti-artistes” ou “writers” cherchent à marquer leur territoire en inscrivant leur nom, qualifié de “blaze”, dans les quartiers du Bronx ou de Harlem. Taki 183, Tracy 168, Stay High 149, sont les premiers noms reconnus du mouvement. Utilisant de simples marqueurs, ils cherchent à développer leur “fame” (notoriété), en donnant des indications de rues et de quartiers (Taki habite la 183e rue de New York). Très vite, les styles se développent, la pratique s’exporte dans d’autres capitales du monde, notamment en lien avec la culture rap et hip-hop au sein de laquelle il prend une place prépondérante. En France, c’est Bando qui expérimente et invite des graffeurs new-yorkais en premier. Il crée le crew “Bomb Squad 2” avec Ash, Spirit et Psyckoze. Alors que la pratique n’est ni connue ni réglementée dans la capitale, ils vont réaliser des fresques et élaborer leur style aussi bien sur les quais de Seine qu’à Stalingrad ou dans le métro. Le style évolue, se démocratise, les bombes de peintures sont de plus en plus abordables et spécialisées. Les pratiques se diversifient, certaines s’institutionnalisent et se tournent vers la fresque (qui demande beaucoup de temps de réalisation, plutôt liée à des sites autorisés voire des commandes), d’autres se radicalisent dans le “cartonnage”, c’est-à-dire la réalisation de tags les plus nombreux et les plus vandales possible.

Ce qui m’intéresse dans ce mouvement, c’est qu’il est lié avant tout à la “street culture” et au phénomène de banlieue. Ce n’est que dans ce cadre qu’il s’est massivement

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