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TACTIQUES ET PROJETS

Dans le document Manufactures Technophaniques (Page 84-93)

L’OUTIL DE LA PRATIQUE

4.6. TACTIQUES ET PROJETS

Un savoir-faire peut mettre des mois voire des années à être adopté, nous l’avons énoncé. Cette inertie rend la diffusion de nouvelles pratiques et de nouveaux outils extrêmement complexe, longue et risquée. Comment contourner ce problème ? Il y a là une tension : comment apporter de nouveaux outils et procédés soutenant une augmentation des capacités d’agir locales, sans en appeler à l’apprentissage d’une pratique nouvelle, qui pourrait prendre des années à se diffuser ?

Pour répondre à cette énigme, je vais faire appel à un sociologue bien connu, car il a montré qu’un grand nombre de pratiques et de savoir-faire étaient déjà diffus dans la société. C’est en empruntant ou détournant ces pratiques que je développerai des manufactures nouvelles sans faire appel à des savoir-faire totalement nouveaux, permettant une diffusion large et une résonnance avec des pratiques déjà existantes. Michel de Certeau écrit son fameux ouvrage L’invention du Quotidien en 197942 dans lequel il s’interroge sur les opérations des usagers43 et tente de déceler leurs pratiques, “manières de faire” ou terme qu’il utilise pour le titre : “arts de faire”. Il soutient qu’à une “production rationalisée, expansionniste, autant que centralisée, bruyante et spectaculaire, correspond une autre production, qualifiée de “consommation” : celle-ci est rusée, dispersée, s’insinue partout, silencelle-cieuse et quasi-invisible puisqu’elle ne se signale pas avec des produits propres, mais en manières d’employer les produits imposés par un ordre économique dominant”44. Il va qualifier ces deux formes de production successivement de stratégies et de tactiques. La stratégie est le “calcul des rapports de forces qui devient possible à partir du moment où un sujet de vouloir ou de pouvoir (une entreprise, une armée, une institution scientifique) est isolable. Elle postule un lieu susceptible d’être circonscrit comme un propre et d’être la base d’où gérer les relations avec une extériorité de cibles ou de menaces (les clients ou concurrents, les ennemis, les objectifs, etc.).”45 La stratégie consiste donc à planifier, à instaurer des espaces propres et à agir sur des extériorités. À l’inverse la tactique est de l’ordre de la ruse, elle dépend d’une situation existante qu’elle ne maîtrise pas et s’insère dans l’instant : “sans lieu propre, sans vision globalisante, aveugle et perspicace comme on l’est dans le corps à corps sans distance, commandée par les hasards du temps, la tactique est déterminée par l’absence de pouvoir.” 46La tactique fait du “coup par coup”, elle profite des “occasions”, elle “braconne”, elle crée des “surprises”47. De Certeau, en observant les manières quotidiennes et diffuses de communiquer, de cuisiner, de se déplacer dans l’espace, de jouer, de bricoler ou de s’organiser, montre la richesse et la finesse de toutes ces tactiques invisibles ou sous-évaluées.

S’il y a bien une pratique qui pourrait exemplifier la tactique de De Certeau, pratique qu’il ne pouvait pas connaître à l’époque, c’est celle du graffiti. Originairement simple manière d’utiliser des pinceaux pour marquer son surnom dans les quartiers du Bronx et ainsi montrer sa présence, la pratique du graffiti s’est développée en art du détournement (utilisation de bombes de carrosserie ou de marquage industriel, les feutres remplis d’acrylique, mais aussi les lances incendies ou les extincteurs pour peindre). Elle s’inscrit dans tous les milieux urbanisés et devient une pratique avec ses

42 Il décrit dans l’introduction l’influence de l’ouvrage Surveiller et Punir de Michel Foucault, Michel de Certeau, L’invention du Quotidien, 1. Arts de Faire (1979), Paris, Gallimard, 1990, p. xxxix.

43 Michel de Certeau, op.cit., p. xxxv. 44 Ibid., p. xxxvii.

45 Ibid., p. 59. 46 Ibid., p. 62. 47 Ibid., p. 61.

savoir-faire, ses organes de diffusion, ses maîtres et ses mouvements internes. Anton Alvarez, avant d’être designer, a été graffeur à plein temps durant près de 4 années consécutives. Et il soutient que le graffiti est un “handmaking”, une manufacture, à part entière48. Le projet Bold a débuté par l’intérêt que je portais à cette pratique diffuse et vernaculaire. Elle possède cette forme d’immédiateté, de fulgurance, de simplicité, d’accessibilité et en même temps de maîtrise et de raffinement progressif qui me paraît en faire une tactique tout à fait exemplaire. Développer un nouvel outil, dont la forme et l’usage sont similaires à celui de la bombe de graffiti classique, me permet de créer une nouvelle forme de production, sans pour autant demander un savoir-faire totalement nouveau : il sera possible d’utiliser les techniques propres au graffiti pour réaliser d’autres types de formes et d’usages.

C’est aussi notamment avec cette idée en tête qu’a débuté le projet Pétrification. Avant de commencer la thèse, je travaillais pour une entreprise spécialisée dans les ateliers d’Innovation Collectives, appelés Makestorming, c’est-à-dire un brainstorming au sein duquel, plutôt que de s’arrêter à la phase du mot sur Post-it, l’objectif était que les participants prototypent physiquement les solutions proposées. Ces participants étaient issus de l’entreprise elle-même et n’avaient, pour la plupart, que très peu d’expérience dans la mise en forme de leurs idées. Tout l’enjeu des ateliers était donc d’arriver à fournir des médiums leur permettant de s’exprimer au mieux. Or, je me suis rendu compte durant ces ateliers qu’une matière en particulier fonctionnait très bien : le papier. Au contraire de la pâte à modeler, de la mousse à découper, de la complexe imprimante 3D voire même des découpeuses laser, le papier et carton étaient connus de tous les participants. Ils possédaient une dextérité avec cette matière et arrivaient à développer leurs idées de manière bien plus intéressante et poussée qu’avec n’importe quel autre médium. Le papier m’apparut alors comme une source particulièrement riche d’artisanat ouvert et accessible au plus grand nombre. Par ailleurs, l’artisanat de papier est un procédé qui permet d’obtenir des formes extrêmement complexes. C’est donc avec cette idée en tête, l’usage du papier et du carton en tant que médium le plus partagé et le plus intuitif pour une population n’ayant que peu de pratique manuelle que j’ai développé un principe de transformation de cellulose en céramique. Cette machine n’a pas encore donné lieu à des ateliers, je ne peux donc pas dire à ce stade si ce transfert sera aisé ou difficile, mais au vu de mon expérience de conception et d’animation d’ateliers de fabrication, il me semble que cette mise en forme pourra donner lieu à un transfert très intéressant et surprenant.

Enfin, le projet Polyfloss est un exemple clair d’usage de savoir-faire déjà largement diffusé dans la société. Cette machine permet d’obtenir de la laine de plastique recyclée à partir de déchets broyés en morceaux. Or, les pelotes de fibres non tissées obtenues rejoignent une forme d’un autre ordre : la laine animale ou végétale. En ce sens, elle rejoint le domaine textile, et peut donc être utilisé avec des techniques comme le tricot, le feutrage, ou le tissage, pratiques ancestrales et qui perdurent sur le territoire avec de nombreuses associations, groupes d’experts, salons divers et variés, soit en tant qu’activité professionnelle, soit en tant que pratique amateure. Polyfloss peut aussi donner lieu à des moulages unicoques simples qui s’apparentent au moulage en plâtre ou de gateaux. À nouveau, ces pratiques sont largement diffusées, depuis les jouets pour enfants à peindre, aux boutiques d’effets spéciaux, en passant par des protocoles de bricolage ou de décoration DIY sur Internet. Plus spécifique encore, la laine peut être tondue, avec une tondeuse du commerce pour réaliser des objets aux poils de longueurs contrôlées. L’intérêt de cette transposition, depuis une matière uniquement gérable et modifiable à échelle industrielle, vers une forme intermédiaire qui puisse s’adresser à des savoir-faire manuels, rend la diffusion de la machine particulièrement évidente puisqu’elle peut se coupler à nombre de pratiques et de savoir-faire locaux. Cette qualité permet aussi de tester les usages possibles lors d’ateliers de prototypage, en combinant des techniques existantes avec cette machine pourtant nouvelle.

Discussion entre Christophe Machet et l’une des étudiantes de l’EnsAD à propos des techniques utilisées et des potentialités qu’elles ouvrent pour l’usage de la matière Polyfloss, 2015.

Machine Polyfloss dans l’atelier Morphostructure de l’EnsAD à l’occasion de l’Atelier Partagé à l’initiative d’Aurélie Mossé et de Jean-François Bassereau, 2015.

Atelier pour enfant The Polyfloss Factory, au sein du festival des sciences d’Édimbourgh, 2013. Les enfants devaient venir avec des déchets plastiques qui étaient ensuite transformés en règles d’écolier.

Premier équipe d’enfants expérimentant avec la laine The Polyfloss Factory lors du festival des sciences d’Édimbourgh, 2013.

Test d’usage de Polyfloss comme milieu pour la

pousse de plante hors sol, EnsAD, 2015. Tests de gravage laser de la matière Polyfloss par les étudiants de 4ième année de l’EnsAD. L’équipe Polyfloss (Audrey Gaulard, Christophe

Machet et Nick Paget) avec le premier groupe d’enfants de la manifestation, 2013.

Machines disposées dans l’espace du festival des sciences d’Abu Dhabi, 2014.

Fig 70. Fig 74.

Fig 65. Fig 68.

Fig 71. Fig 75.

Fig 66.

Fig 69.

Échantillon de dentelle réaliée avec les rebus de

la machine Polyfloss par les étudiants de l’EnsAD. Sophie Allard et Louis Charron, Pochette composite lin et Polyfloss, résultat de l’atelier à l’EnsAD, proposé ensuite à l’exposition au CNAM. Échantillon de mélange de lin et de Polyfloss

tissés pour ensuite être moulés et obtenir des textiles semi-rigides, 2015.

Façade de l’atelier The Polyfloss Factory à Abu Dhabi, 2014, avec version du logo en arabe.

Fig 72. Fig 76.

Fig 73. Fig 67.

110 111 Chronologiquement, le premier atelier a eu lieu lors de la Science Fair d’Édimbourg en

Écosse en 2013. Ses responsables étaient venus nous voir pour savoir si nous pourrions construire une machine sécurisée et simple d’utilisation pour que les adolescents qui venaient visiter puissent amener leurs propres déchets plastiques et repartir avec des objets qu’ils auraient eux-mêmes produits. Nous avons donc élaboré non seulement une nouvelle machine Polyfloss, mais aussi un broyeur manuel, une presse à chaud et des moules pour produire des objets. Nous avons ainsi développé quatre machines en utilisant des éléments existants (un système de presse pour paninis pour le moulage, quelques pièces de machines à barbe à papa industrielles pour la nouvelle machine, des dents de broyeuses à plastique pour le déchiquetage). L’atelier fut un vrai succès, à tel point que les responsables de l’évènement décidèrent de nous acheter les machines pour pouvoir vendre l’atelier à d’autres évènements similaires à Abu Dhabi ou à Shanghai. Néanmoins, l’aspect “pratique” n’était pas assez développé. Les moules étaient de tailles et de formes définies, et la seule part créative laissée aux adolescents concernait le choix des couleurs de leurs objets. Nous nous sommes rendu compte qu’il nous fallait ouvrir les possibles au maximum pour la suite.

C’est avec cette idée que nous avons commencé le deuxième atelier, à l’EnsAD cette fois. Après ma rentrée en doctorat, Jean-François Bassereau et Aurélie Mossé, professeurs au sein de la section Design Textile et Matière de l’école, m’ont proposé d’utiliser Polyfloss pour réaliser un atelier partagé entre leur section et la section Design Produit de l’école. J’ai accepté avec plaisir et quelques mois plus tard, avec Christophe Machet, nous avons pu installer la machine dans les ateliers de l’école pour que les élèves puissent l’utiliser et produire de la matière. Les étudiants étaient divisés en équipes pluridisciplinaires et sur cinq semaines, devaient développer des propositions de techniques et d’usages pour la matière Polyfloss. Pour nous, le projet était particulièrement intéressant parce qu’il s’agissait de la première utilisation de la machine par des experts du textile. Si nous avions bien imaginé que certains usages pourraient être faits dans ce cadre, nous n’avions ni les compétences, ni les connaissances ni les machines pour explorer ces pistes. Très vite, nous avons vu les différences de culture entre les deux sections : les designers produit cherchaient plutôt des mises en forme par le moulage ou l’usage de machines de découpes, alors que les designers textile cherchaient des qualités de laine permettant de retomber sur des techniques telles que le filage, le tricot, le feutrage, le capitonnage, la dentelle. Après quelques semaines d’exploration, nous avions une série de propositions intéressantes, mais aucune n’aboutissait à des produits, il s’agissait encore de petits échantillons très parcellaires. En parallèle, nous avions été invités à présenter Polyfloss dans une exposition du Musée des Arts et Métiers intitulée Invention/Design, Regards

Croisés49. J’avais proposé aux commissaires, le duo de designers Sismo, de présenter les résultats de l’atelier sur une socle à côté de la machine. Mais je leur avais demandé de prendre un risque : en effet le rendu de l’atelier prenait place dix jours avant le lancement de l’exposition, et ils n’auraient idée des productions qu’à ce moment-là. Ils ont accepté de prendre ce risque, et ont donc simplement prévu de réserver une socle pour accueillir les résultats à venir. Nous avons proposé aux étudiants de prendre part à l’exposition, à la condition qu’ils prennent du temps pour finir les objets et peaufiner leur présentation. Trois groupes de designers élaborèrent des propositions plus abouties, et le résultat fut très intéressant. Les domaines d’applications, la manière d’utiliser la machine et ses limites, dépassèrent les usages et les techniques que nous avions envisagées jusqu’alors — notamment grâce à l’apport de savoir-faire tels que la dentelle, le tissage ou le gravage laser. La technique nécessaire à la mise en forme, de par les outils connus et simples qu’elle requièrt, permettait une exploration accessible et relativement rapide.

49 Invention/Design, regards croisés, Paris, Musée des Arts et Métiers, du 2 juin 2015 au 6 mars 2016, commissariat Sismo design.

Parce que s’appuyant sur des techniques manuelles existantes, les ateliers sont des formes d’expérimentations collectives qui permettent des ouvertures et des appropriations au-delà des usages et des réflexes que nous aurions pu avoir en tant qu’ingénieurs et designers produit. Les manières d’utiliser la matière, les techniques ou les rebus de la machine nous ont montré certains potentiels et certaines limites de notre procédé, ouvrant des pistes que nous n’avions pas pu imaginer au départ. Les ateliers collaboratifs sont donc des formats absolument essentiels pour le développement de chaque projet. Ils constituent une évaluation et une forme de transfert par les praticiens — ce qui est essentiel dans une thèse qui cherche justement à s’établir par la pratique, et qui se doit donc aussi d’être évaluée par la pratique.

112 113 CONCLUSION À LA PREMIÈRE PARTIE

Dans cette première partie de thèse, j’ai essayé de décrire les raisons, le potentiel et les limites d’un changement de paradigme de production depuis un système industriel caché et inaccessible, vers un système décentralisé, partagé, ouvert, faisant appel à l’intelligence du fait main.

Pour autant, il ne faut pas voir là une utopie qui chercherait à remplacer l’industrie. La distribution des réseaux de production sur le territoire constituerait plutôt un complément, un maillage alternatif, qui puisse donner lieu à certaines productions écologiques distribuées d’une manière plus démocratique. Mais, comme nous l’avons vu, ce système est lui-même tributaire d’un système industriel, notamment au vu d’une standardisation des composants, qu’ils soient électroniques ou mécaniques. Tous les bricoleurs, Makers et artisans que je connais commandent des pièces de moteurs, des cartes de programmation ou des bielles en acier à des fournisseurs industriels, permettant d’avoir un ensemble de composants compatibles, normés et génériques, à partir desquels travailler et inventer. La production industrielle de masse est donc liée à la Troisième Révolution Industrielle, mais en ce sens où elle devient un système de production de pièces détachées ouvertes, une sorte de système de compatibilité riche et complexe, un Lego à échelle planétaire liant les matières et les énergies. Au lieu d’objets fermés, l’industrie produit des objets ouverts, combinables et modifiables à souhait, et porte ainsi les capacités d’adaptations locales. Simondon le soutenait déjà lorsqu’il décrivait l’ouverture de l’objet technique par la concrétisation des pièces détachées. Dans ce système, “la totalité n’est plus au niveau de l’objet, comme dans la phase artisanale : elle se condense dans la pièce détachée et se dilate en un immense réseau de distribution de ces pièces à travers le monde”1.

De la même manière que la production industrielle de pièces détachées standards soutient et supporte un système de production territorialisé, ouvert, visible et appréhendable, le développement des médias numériques, et en particulier du réseau planétaire que constitue internet, est essentiel à ces transformations. Internet a vu se développer, de multiples manières, une formidable explosion du partage des savoirs et des savoir-faire. Moi-même, lorsque j’ai exploré le domaine des mousses ou de la barbe à papa, j’ai avant tout cherché sur le web des expérimentations du même type. Même si je n’ai pas trouvé les mêmes principes exactement (ce qui m’aurait poussé à changer de projet), j’ai toujours été très impressionné par le nombre d’individus tentant des expériences loufoques, se filmant et donnant tous leurs protocoles d’expérimentation. Internet a été incroyablement riche pour ma recherche, aussi bien pour la découverte d’articles scientifiques que d’expérimentation de mousses aqueuses par des amateurs dans leur cuisine. Internet est fondamental au partage et à la diffusion des savoirs pour que ceux-ci puissent se développer, s’hybrider, s’explorer localement. Par ailleurs, il est aussi un formidable liant pour les initiatives locales, permettant de faire vivre et de soutenir les expérimentations, qui de se fait ne sont pas isolées et bloquées dans des schèmes ou des pratiques qu’elles n’arriveraient pas à dépasser sans l’aide de la communauté. La question de l’ouverture, des standards numériques, ou du contrôle de la toile est donc une question éminemment politique qui impacte directement l’utopie de la Troisième Révolution Industrielle. Les récents débats sur le “tracking des données” ou les variations de flux gérées par les fournisseurs d’accès sont absolument cruciaux vis-à-vis des voies d’évolution de nos rapports à la production et la consommation. Nous avons vu dans ce chapitre quatre qualités que les procédés de fabrication gagneraient à acquérir, selon moi, pour s’insérer dans la culture. Mais à ces quatre conditions, que je partage avec mon champ de références, une cinquième vient

1 Gilbert Simondon, “Psychosociologie de la technicité (1960-1961)”, dans Gilbert Simondon, Sur la

Technique, Paris, Presses Universitaire de France, 2014, p. 69.

s’ajouter dans mon travail : celle de la technophanie. C’est sur cette qualité spécifique que je vais me concentrer dans la deuxième partie de cette thèse.

PROLOGUE 2

ROUGE SANG ET EXCRÉMENTS

Je sens encore l’odeur dérangeante et la chaleur épaisse qui régnait dans cette salle de musée, pourtant je n’avais que 13 ans : l’installation Cloaca de Wim Delvoye m’a marquée au fer. Ma mère nous avait emmené ma sœur et moi au Musée d’Art contemporain d’Anvers, le Muhka, durant l’été de l’année 20001. L’installation était dans l’une des dernières salles. Je faisais face à des cuves montées sur pieds en enfilades raccordées les unes aux autres par des tubes transparents et des pompes. D’un côté de la pièce, un escalier de fer devait permettre à un opérateur de venir placer quelque chose dans le premier élément de la chaîne. Chaque cuve contenait des liquides de

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