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Total 3 129 881 383 100,0 % 100 % * Exclus les codes 2211 (production, transport et distribution d'électricité autres que de combustibles fossiles),

3. RÉFLEXIONS POUR UN CADRE QUÉBÉCOIS D’EXPLOITATION DES RESSOURCES HYDRIQUES

3.3 Tarification de l’eau en fonction de sa consommation

La consommation québécoise d’eau est l’une des plus élevées au Canada. Le fait de tarifer la consommation d’eau permettrait en partie d’internaliser les coûts environnementaux et contribuerait à la conservation et à la réduction de son gaspillage. La tarification est donc un outil puissant de gestion des ressources naturelles permettant l’instauration du principe utilisateur-payeur. Si le tarif est trop faible, son effet incitatif (ou dissuasif) sur les usagers pourrait être marginal, représentant alors essentiellement une source de financement pour l’État. En outre, l’effet de la tarification peut être biaisé si les prix exigés ne sont pas représentatifs des coûts environnementaux ou s’ils s’avèrent trop élevés pour les utilisateurs, notamment les tranches les plus pauvres de la population dans le cas de la tarification de l’eau résidentielle. La tarification de l’eau peut également avoir des impacts sur la compétitivité des entreprises lorsque les tarifs imposés varient considérablement de ceux des compétiteurs étrangers. Une attention particulière à l’établissement du prix est donc nécessaire.

3.3.1 Composantes du coût de l’eau

Évaluer le coût complet des services en eau potable et en traitement des eaux usées n’est pas chose simple. Les écoles de pensées divergent, en effet, à ce sujet. L’OCDE identifie trois éléments constituant le coût total de l’eau (OCDE, 2010) :

o les coûts de distribution et financiers : soit les coûts d’opération et d’entretien quotidiens, les coûts d’investissements en capital pour la restauration ou le développement des infrastructures, ainsi que le coût du service de la dette;

o le coût économique : coût d’option (dans un contexte de rareté) associé à la consommation de l’eau par un usager en faisant une utilisation moins performante qu’un autre usager qui se trouve privé d’eau par la consommation du premier usager;

o le coût environnemental : impact des externalités positives (ex. : l’irrigation peut favoriser la recharge des nappes d’eau souterraines) et négatives (ex. : la pollution).

Selon les approches, les coûts administratifs et de gouvernance nécessaires à la livraison des services d’eau potable et d’eau usée devraient également s’ajouter au calcul (Cardone and Fonseca, 2008 dans OCDE, 2010). Certains auteurs, prônent même l’inclusion systématique d’une provision pour assurer la gestion durable à long terme de l’eau et le maintien de ses services (Rees et autres, 2008 dans OCDE, 2010). Il est toutefois rare que le prix de l’eau couvre l’ensemble des coûts totaux. En effet, la définition même du calcul des coûts totaux est souvent remise en question, alors que des difficultés techniques et économiques compliquent le calcul.

3.3.2 Modèles de tarification

Le défi d’établir un prix juste pour l’eau consommée est crucial puisque la tarification exerce une pression économique qui encourage les consommateurs à en faire un usage plus efficient et contribue à faire progresser la consommation vers un niveau soutenable (OCDE, 2011). Pour ce faire, le modèle de tarification le plus efficace, mais inégalement appliqué dans les pays de l’OCDE, est la tarification au volume (OCDE, 2010). Pour y parvenir, des compteurs d’eau doivent être installés à grande échelle. L’utilisation de ces derniers varie largement d’un pays à l’autre même au sein des pays membres de l’OCDE. Au Canada, le taux de pénétration des compteurs, tant pour les usagers domestiques que ceux des secteurs ICI, aurait été de 63 % en 2006 (OCDE, 2010). Une tendance qui se dessine dans certains pays de l’OCDE, est toutefois le recours à une tarification mixte reposant sur un frais fixe de base combiné à des frais variables au volume (ibid.). Cette façon de faire permet, d’une part, de financer par les frais fixes l’essentiel des coûts de distribution et des coûts financiers et, d’autre part, de financer la pression exercée sur l’environnement par les frais variables. L’OCDE suggère d’utiliser les redevances sur l’exploitation des ressources naturelles pour réduire l’empreinte environnementale des industries qui les prélèvent et atténuer les impacts de leurs activités (OCDE, 2011). De la même manière, les revenus de la tarification variable pourraient ainsi être investis dans la restauration et la protection de l’environnement, la recherche et le développement visant l’amélioration des procédés et la mise en place d’industries génératrices de valeur ajoutée. Par ailleurs, dans le cas de la tarification de la consommation domestique, plusieurs pays ont instauré des tarifs sociaux ou des mesures complémentaires en parallèle à la tarification au volume afin de soulager les populations moins nanties (OCDE 2010).

Un sondage réalisé par l’OCDE en 2007-200814, présente le prix total de l’eau. Ce prix inclut le prix au volume lorsqu’applicable, la portion des taxes foncières et des impôts collectés afin de desservir la population, ainsi que tous les autres frais récurrents associés à ces services. En 2008, le prix au Canada se serait ainsi élevé à 1,58 USD/m3, plaçant le Canada au sixième rang des administrations où le prix de l’eau est le plus bas parmi les 22 administrations considérées. À titre comparatif, le Mexique, malgré la précarité de son approvisionnement en eau, était le pays où le prix de l’eau était le moins cher à 0,49 USD/m3, alors que le Danemark était celui où le prix était le plus élevé, à 6,70 USD/m3. L’ampleur de cette variation de prix est étonnante. Il faut cependant rappeler que la notion de coût total varie grandement d’un pays à l’autre et que les prix sont généralement adaptés à la capacité de payer des usagers. Ce faisant, le prix n’est pas obligatoirement un indicateur des coûts réels ou de la disponibilité de l’eau. (OCDE, 2010)

3.3.3 Tarification de l’eau au Québec et au Canada

La section 2.3.2 a présenté les conditions pour lesquelles les préleveurs québécois font l’objet de tarification et la valeur de celle-ci selon le secteur d’activités. Rappelons que ces préleveurs sont

14 Les pays et différentes juridictions ont répondu au sondage sur une base volontaire, limitant la portée du

ceux qui utilisent ou prélèvent quotidiennement 75 m3 d’eau et plus. Les municipalités québécoises ne sont pas assujetties au Règlement sur la redevance exigible pour l'utilisation de l'eau.

Tarification de la consommation domestique

Présentement, peu de municipalités québécoises tarifient la consommation résidentielle selon le principe utilisateur-payeur prôné par la Politique nationale de l’eau. Cette pratique repose en effet sur l’installation de compteurs d’eau et, en 2005, seulement 17 % des ménages québécois en étaient pourvus (Statistique Canada, 2010). Pourtant, en 2009, 79 % des ménages canadiens disposaient d’un compteur (Environnement Canada, 2012b).

Au Québec, les municipalités financent généralement le traitement et la distribution de l’eau potable et des eaux usées par le biais de taxes municipales (dont la valeur est généralement fondée sur la valeur foncière) ou de montants unitaires (MAMROT, 2011b). Ce type de financement est largement implanté au Québec et très peu dans le reste du Canada, exception faite de Terre-Neuve (ibid.). Le résultat est qu’en 2004, environ 7,7 % des Québécois (ou 16,55 % des municipalités de plus de 1 000 habitants) payaient l’eau en fonction de leur volume d’utilisation (Environnement Canada, 2006). À titre comparatif, 96,4 % des Ontariens paient leur eau en fonction des volumes consommés, alors que la moyenne canadienne se situe à 70,1 % (ibid.). Pourtant, selon un sondage Senergis-Le Devoir, publié le 26 octobre 2010 par Le Devoir, l’opinion publique des Québécois progresse en faveur de cette alternative alors que 54 % d’entre eux sont désormais en faveur de cette pratique (Castonguay, 2010). Par ailleurs, les municipalités canadiennes évoluent vers ce type de tarification. En effet, en 2001, seulement 45 % de la population était ciblée par une structure tarifaire encourageant la conservation de l’eau (Environnement Canada, 2011d). Deux types de structures tarifaires étaient utilisés à cette fin, soit la tarification par tranches constantes (36 % de la population) où la facture de consommation augmente de façon linéaire avec les volumes consommés, et la tarification progressive (9 % de la population) où les tarifs augmentent en fonction de l’importance des volumes consommés (ibid.).

La tarification de l’eau pour les ménages pose un enjeu éthique en matière de capacité de payer des tranches défavorisées de la population. L’eau est essentielle à la vie et la Loi sur l’eau du Québec confère à tous les Québécois le droit à un accès à cette ressource pour les besoins d’alimentation de base et pour les services d’hygiène. L’une des avenues proposées à cette fin par le MAMROT est l’instauration d’instruments tarifaires et non tarifaires (MAMROT, 2011b). Selon cette approche, les ménages à faible revenu se verraient imposer le même tarif que l’ensemble de la population, mais bénéficieraient de subventions partielles, de facilités de paiement et de programmes de conservation visant à réduire leur consommation. Selon l’expérience de 45 États recensés, en 2008, de telles mesures ne limite pas l’atteinte de l’objectif des municipalités pour parvenir à un meilleur recouvrement des coûts. (Smets, 2008 dans MAMROT, 2011b)

L’impact de la tarification au volume est toutefois démontré. Au Canada, le taux de pénétration des compteurs d’eau résidentiels est passé de 52 % en 1991 à 79 % en 2009 (Environnement Canada, 2012b). Durant cette même période, la consommation quotidienne moyenne par habitant a diminuée de 20 %, passant de 342 l à 274 l. Toujours en 2009, les ménages équipés de compteurs ont consommé 39 % moins d’eau par personne que ceux qui n’étaient pas pourvus (ibid.). Au Québec, la consommation des ménages qui payaient au volume (289 l/p/j) était 30 % inférieure à celle des ménages qui payaient l’eau au forfait (377 l/p/j) (Environnement Canada, 2012c). Il semble donc réaliste d’envisager que l’instauration de la tarification au volume pour l’ensemble des ménages québécois permettrait de rapprocher la consommation résidentielle par habitant de la moyenne canadienne. Afin d’accélérer cette évolution, une tarification progressive par palier pourrait être envisagée. Ainsi, les premières quantités consommées pourraient l’être à un taux favorable jusqu’à l’atteinte d’une cible prescrite, qui pourrait correspondre à la consommation canadienne moyenne ou y être légèrement inférieure. Ce faisant, les premiers volumes consommés seraient tarifés à un taux abordable alors que la surconsommation québécoise serait ensuite facturée à une valeur supérieure, encourageant d’autant la réduction et l’investissement dans les mesures de conservation. Afin d’accroître l’acceptabilité sociale d’une telle approche, l’instauration parallèle de programmes et de mesures compensatoires visant à soutenir les ménages à faible revenu devrait être envisagée.

Tarification de la consommation des secteurs ICI

Les villes québécoises ont de plus en plus recours au principe utilisateur-payeur pour les secteurs ICI. L’opinion publique supporte d’ailleurs massivement cette pratique alors que 83 % des répondant au sondage Senergis-Le Devoir affirmaient être en faveur de cette tarification (Castonguay, 2010). À l’instar de 36,6 % des municipalités de plus de 1 000 habitants (Environnement Canada, 2008 dans MAMROT, 2011b) la Ville de Québec a décidé d’imposer l’installation de compteurs d’eau pour les établissements ICI et pour les immeubles utilisés à plus de 50 % à des fins non-résidentielles (Ville de Québec, 2012). Les tarifs imposés sont de 0,3923 $/ m3 d’eau consommée et de 0,1948 $ par tranche de 100 $ d’évaluation de la propriété (Vézina, 2013). La Ville de Montréal a pour sa part recours à un volume de base qui est exclu du calcul de la tarification à l’utilisation. Chaque immeuble non résidentiel muni d’un compteur a ainsi droit à un volume de 100 000 m3 d’eau avant que le coût variable de 0,22 $/m3 ne soit imposé (Ville de Montréal, s. d.).

L’étude de l’OCDE sur le prix de l’eau ne permet pas de relever et de comparer les prix de l’eau exigés aux ICI. La variation de prix d’un secteur à un autre et à l’intérieur même des secteurs ajoute à la difficulté première d’obtenir l’information. Il est toutefois possible de constater que le recours à une tarification décroissante, c’est-à-dire avec un prix unitaire de l’eau qui diminue avec la hausse des volumes consommés, est de moins en moins utilisé. De plus, un nombre grandissant d’administrations tarifie les effluents industriels en fonction des contaminants qu’ils contiennent et

des traitements subséquents qui sont requis. Cette approche permet ainsi de tenir compte des coûts environnementaux (OCDE, 2010), en tenant non seulement compte du principe utilisateur- payeur, mais aussi du principe pollueur-payeur.