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2. CONTEXTE QUÉBÉCOIS : POTENTIEL D’EXPLOITATION DES RESSOURCES HYDRIQUES Le Québec pourrait-il tirer avantage du contexte de raréfaction de l’eau douce qui oblige les

2.3 Contexte légal et réglementaire

Le partage des compétences prévu à la Constitution canadienne fait en sorte que les gouvernements fédéral et provincial légifèrent en matière de gestion et de supervision des eaux. De plus, les limites des bassins versants ne correspondant pas aux limites administratives, les lois et règlements des États et provinces voisines du Québec doivent dans certains cas être considérés. Il en résulte un besoin de coordination avec ces partenaires dans le domaine de la gestion de l’eau.

2.3.1 Responsabilités fédérales

Le gouvernement fédéral détient en outre les compétences sur les domaines d’intervention que sont la pêche, la marine marchande, les eaux navigables, l’amélioration des cours d’eau internationaux et les forces hydrauliques canadiennes. Le gouvernement fédéral a d’ailleurs légiféré en matière environnementale par l’adoption de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, et, par l’adoption de la Loi sur les ressources en eau du Canada, laquelle veille à la qualité des eaux internationales. La Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques précise les dispositions relatives aux eaux situées au nord du 60e parallèle nordique. Spécifiquement en ce qui a trait à la gestion et au captage de l’eau, la Loi du traité des eaux limitrophes internationales affirme, à l’article 13, que « nul ne peut utiliser ou dériver des eaux limitrophes d’un bassin hydrographique en les captant et en les transférant à l’extérieur du bassin » (L.R.C. (1985), c. I-17). La portée de cette loi inclut le bassin versant des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent, de même que celui de la Baie d’Hudson. Cette position est également soutenue par les lois québécoises.

2.3.2 Responsabilités provinciales

L’environnement étant une compétence partagée, le Québec légifère abondamment dans ce domaine. Ainsi, l’autorisation de prélever et l’utilisation de l’eau sont assujetties aux articles 22 et 32 de la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE) (R.L.R.Q., chapitre Q-2), adopté en 1972. La LQE et ses règlements sont complétés par d’autres lois et règlements qui précisent la portée des contraintes liées à l’utilisation de l’eau. Le MDDEFP a la responsabilité de veiller à l’application de toutes leurs dispositions. L’une de ces lois est la Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à renforcer leur protection (R.L.R.Q. c. C-6.2). Depuis son adoption, en 2009, elle officialise le statut de bien collectif de l’eau. Dès lors, l’État québécois affirme son rôle de gardien de ces ressources. Elle établit également les règles de gouvernance de l’eau (articles 12 et suivants) et constitue le Bureau des connaissances sur l’eau (article 16). Ces lois visent notamment à rencontrer les engagements du Québec en vertu de l’Entente sur les ressources en eaux durables des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent. La LQE (R.L.R.Q., chapitre Q-2) précise que, sauf exceptions prescrites, tous les prélèvements de plus de 75 000 l/j doivent obtenir une autorisation de prélèvement, de même que les prélèvements de moins de 75 000 l/j s’ils sont destinées, notamment, à des transferts hors bassin, à produire de l’eau de source ou minérale ou à entrer dans la fabrication, la conservation ou le traitement de produits alimentaires (article 31.75). En ce qui a trait spécifiquement aux transferts hors bassin, les articles 31.90 à 31.93 en déterminent les conditions d’admissibilité. Celles-ci se limitent essentiellement à quelques situations de municipalités dont les territoires chevauchent deux bassins versants de même qu’à l’eau servant à la fabrication, au traitement et à la conservation de produits transformés sur le territoire du bassin (articles 31.90 à 31.93). La distribution hors bassin de l’eau embouteillée est ainsi permise dans des contenants d’un volume inférieur à 20 l (article 31.90).

Plusieurs règlements encadrent les prélèvements de l’eau québécoise. Parmi ceux-ci, notons le Règlement sur le captage des eaux souterraines (R.L.R.Q., c. Q-2, r. 6), en vigueur depuis le

14 juin 2002. L’article 31 de ce règlement identifie les conditions nécessitant une autorisation de prélèvement. Le projet de Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection déposé en 2011, dès son adoption, le remplacera et en précisera les règles (article 92). Le Règlement concernant le cadre d’autorisation de certains projets de transfert d’eau hors du bassin du fleuve Saint-Laurent (R.L.R.Q, c. Q-2, r. 5.1), en vigueur depuis le 22 juin 2011, identifie pour sa part les transferts d’eau hors du bassin versant du Saint-Laurent qui devront faire l’objet d’une demande d’autorisation, soit tout transfert par aqueduc, pipeline, conduite ou autre canalisation, ainsi que par véhicule-citerne et par contenant de plus de 20 l.

Les industries soumises à l’obligation d’obtenir un permis de prélèvement, souhaitent couvrir la valeur maximale de leurs besoins. Il en résulte que les préleveurs n’utilisent pas systématiquement la totalité des volumes autorisés. Il importe donc, dans un souci de saine gestion intégrée de l’eau, de prendre la mesure de la situation réelle. Le Règlement sur la déclaration des prélèvements d’eau (R.L.R.Q., c. Q-2, r. 14), en vigueur depuis le 12 août 2009, vise justement à prendre cette mesure et identifie, notamment, les préleveurs assujettis et les méthodes de calculs acceptées. Cette mesure permet également d’instaurer un système de tarification selon le principe utilisateur-payeur (ce règlement sera discuté plus abondamment à la section 2.5.1). En effet, depuis le 1er janvier 2011, les industries québécoises sont assujetties au Règlement sur la redevance exigible pour l'utilisation de l'eau (R.L.R.Q., c. Q-2, r. 42.1) qui impose des redevances sur l’utilisation de l’eau lorsque le volume quotidien prélevé est supérieur à 75 000 l (75 m3/j). La tarification est fixe, mais elle varie selon le secteur d’activité. Le tarif est établi à 0,0025 $/m3 pour l’ensemble des secteurs et évolue annuellement selon l’indice des prix à la consommation. Le taux est fixé à 0,07 $/m3 pour la production d’eau embouteillée et la fabrication de boissons (code du système de classification des industries de l’Amérique du Nord (SCIAN) 3121), l’extraction de pétrole et de gaz (code SCIAN 211) et, lorsque l’eau est intégrée aux produits, la fabrication de minéraux non métalliques (code SCIAN 327), la fabrication de pesticides, d’engrais et d’autres produits chimiques agricoles (code SCIAN 3253), la production d’autres produits chimiques inorganiques de base (code SCIAN 32518).

Le Québec est aussi impliqué dans quelques comités internationaux régissant l’eau du bassin des Grands Lacs et ses usages. Depuis 2005, le Québec est ainsi signataire, avec huit États américains et l’Ontario, de l’Entente sur les ressources en eaux durables du bassin des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent, dont les objectifs sont d’interdire les transferts d’eau hors du bassin et d’instaurer les principes de la gestion intégrée de ses eaux (MDDEFP, s. d.a). Le Québec est également membre associé de la Commission des Grands Lacs et du Conseil des gouverneurs des Grands Lacs dont la mission est « d’encourager et de faciliter une croissance économique responsable d’un point de vue environnemental par un effort de coopération entre les secteurs publics et privés des huit États des Grands Lacs et ceux de l’Ontario et du Québec » (traduction libre de Council of Great Lakes Governors, 2013). Les membres suivent avec intérêt les travaux et recommandations de la Commission mixte internationale (CMI) dont la création, en 1909, fait suite au Traité des eaux

limitrophes internationales. Le Traité et la CMI visent à identifier les principes et mécanismes permettant de prévenir les différends, surtout sur les questions de quantité et de qualité des eaux.

À la lumière des ententes internationales dont il est signataire et des lois et règlements récemment adoptés ou en voie de l’être, il en ressort que le Québec penche en faveur de l’interdiction des transferts hors bassin. À moins de changements profonds aux niveaux politiques, de l’opinion publique et des mentalités, cette avenue ne semble donc pas envisageable à court terme.