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1.3 Pistes de solutions et exemples régionau

1.3.7 Commerce virtuel de l’eau

Les biens nécessitent de l’eau pour leur production. La somme de l’eau directe et indirecte requise pour leur production est appelée eau virtuelle. Ce concept est similaire à l’empreinte énergétique et à

l’empreinte de carbone des produits. Lorsque les produits sont échangés, la transaction sous-jacente d’eau virtuelle constitue le commerce virtuel de l’eau. Les méthodologies varient pour calculer l’eau virtuelle. L’une considère l’eau « contenue » dans le produit, soit l’eau requise pour sa fabrication dans le pays exportateur. L’autre approche compare la différence entre l’eau requise pour la production du bien dans le pays exportateur face à celle requise pour sa production dans le pays importateur (ou d’un produit substitut s’il ne peut être fabriqué dans le pays importateur). Cette dernière considère donc l’économie d’eau que permet le commerce international. Au-delà de ces différences conceptuelles, des difficultés subsistent pour effectuer ces comptabilisations, dont :

o les différences de performance et de consommation d’eau des divers procédés de fabrication pour un même produit;

o la variation des volumes d’eau requis pour la production d’un même bien, utilisant le même procédé de fabrication, mais conçu à une période de l’année ou à un endroit différent;

o les points de mesures de l’eau qui considèrent ou non les pertes lors de la distribution; o l’affectation de l’eau lorsqu’il y a production de biens intermédiaires (exemple : le cuire

comme sous-produit possible de la production de viande de boeuf). (Hoekstra, 2003)

Malgré les variations méthodologiques et les défis que présentent le calcul du commerce virtuel de l’eau, les résultats démontrent une convergence encourageante. Les produits agricoles sont les principaux responsables du commerce virtuel de l’eau entre les nations. Selon les études de l’UNESCO-IHE Institute for Water Education, le commerce virtuel international de l’eau, entre 1995 et 1999, se serait élevé à 1 040 km3 d’eau par an. Le commerce des cultures expliquait 67 % de ce volume, le commerce d’animaux vivants et de produits d’élevage 23 %, et les échanges de produits industriels 10 % (Hoekstra, 2003).

La contribution du commerce virtuel de l’eau à la quête de l’équilibre hydrique est l’objet de débats entre les chercheurs. Les uns affirment qu’il permet au pays importateur de diversifier ses sources d’approvisionnement en eau en favorisant l’importation à la fabrication de produits intensifs en eau. Ce faisant, il devient possible d’allouer les volumes épargnés à des utilisations plus efficaces de cette ressource. Les promoteurs du commerce virtuel de l’eau suggèrent qu’il permet d’aligner la production de biens intensifs en eau avec la disponibilité globale de la ressource. Cette position est soutenue par les résultats d’une étude de Mekonnen et Hoekstra évaluant les économies globales d’eau engendrées par le commerce virtuel à plus de 5 km3 d’eau par an (Mekonnen and Hoekstra, 2011 dans WWAP, 2012). Les exportations de denrées agricoles américaines (principalement de maïs et de soya) vers le Mexique et le Japon, expliqueraient à elles seules 11 % de ces économies (ibid.). Par contre, d’autres chercheurs soulèvent que le lien entre le manque d’eau et la pauvreté empêche plusieurs pays en manque d’eau de participer au commerce virtuel de l’eau en se portant acquéreur de denrées alimentaires sur le marché mondial (Ioris, 2004 dans Seekell et autres, 2011). De plus, le secteur agricole est le secteur offrant le meilleur facteur d’amélioration du revenu pour les pays en

développement. La pression économique sur ces pays est donc forte pour produire et exporter les cultures économiquement rentables et ce, que le pays soit en situation de stress hydrique ou d’abondance. De la même manière, les échanges internationaux sont définis par le jeu de l’offre et de la demande et la recherche du meilleur prix possible, sans égard au besoin en eau des pays acheteurs. Les subventions agricoles, la variation des taux de change, la crainte de dépendance alimentaire et la présence d’autres forces domestiques influenceraient davantage le flux des échanges internationaux et, conséquemment, la capacité de recourir au commerce virtuel pour régler les inégalités de la disponibilité de l’eau (de Fraiture et autres, 2004; de Fraiture and Wichelns, 2010 dans FAO, 2012a). Les économies en eau découlant du commerce virtuel seraient alors des effets secondaires du commerce international et les volumes totaux transigés insuffisants en comparaison des besoins globaux (Seekell et autres, 2011). Ce type de commerce ne pourrait donc pas solutionner la problématique, mais il constitue une avenue exploitable par les pays pouvant accéder au commerce mondial qui peuvent alors effectuer une forme d’arbitrage des usages industriels de l’eau. Le Canada est l’un des plus importants exportateurs d’eau virtuelle. Durant la période 1996-2005, il se classait au sixième rang des exportateurs bruts avec une exportation virtuelle de 91 km3/an (Mekonnen and Hoekstra, 2011a). Il suivait les États-Unis (314 km3 /an), la Chine (143 km3/an), l’Inde (125 km3/an), le Brésil (112 km3/an) et l’Argentine (98 km3/an) (ibid.). En considérant l’eau virtuelle de ses importations, le Canada maintient sa sixième position des exportateurs nets (importations- exportations) avec une balance négative de 53 km3/an. Les pays qui le précèdent sont alors l’Inde (95 km3/an), l’Argentine (92 km3/an), les États-Unis (79 km3/an), l’Australie (77 km3/an) et le Brésil (77 km3/an) (ibid.). Il est surprenant de constater le rang de l’Inde en tant qu’exportateur net d’eau virtuelle puisque le pays, sur une base nationale, est en situation stress hydrique régulier (Mekonnen and Hoekstra, 2011b). L’Australie et les États-Unis éprouvent également des situations régionales de stress hydrique importantes et bien documentées. La question est alors évidente : l’exploitation des ressources en eau par ces pays est-elle durable? Une piste de réponse pourrait provenir de la dispersion des précipitations dans le temps et l’espace puisque ces pays sont parmi les plus vastes du monde. À l’inverse, le Japon est loin en tête des pays importateurs nets d’eau virtuelle, comptant sur un surplus de près de 116,8 km3/an pour la période 1996-2005 (Mekonnen and Hoekstra, 2011a).

Tableau 1.10 : Avantages et contraintes de mise en oeuvre : commerce virtuel de l’eau

Critères d’analyse Commentaires

Maîtrise technique Aucune difficulté technique, sinon réglementaire.

Impacts environnementaux Favorise l’agriculture intensive et potentiellement l’exportation des impacts environnementaux.

Impact sur les populations en aval Aucun impact pour les populations en aval. Impacts politiques Crainte de dépendance alimentaire. Impacts économiques Aucun investissement particulier requis.

Mise en oeuvre / impacts : Aisée / faibles; complexe / moyens; ardue / élevés. Mise en oeuvre / impacts : Aisée / faibles; complexe / moyens; ardue / élevés. Mise en oeuvre / impacts : Aisée / faibles; complexe / moyens; ardue / élevés.