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Disponibilité de l’eau douce québécoise et son évolution prévisible

2. CONTEXTE QUÉBÉCOIS : POTENTIEL D’EXPLOITATION DES RESSOURCES HYDRIQUES Le Québec pourrait-il tirer avantage du contexte de raréfaction de l’eau douce qui oblige les

2.1 Disponibilité de l’eau douce québécoise et son évolution prévisible

La question cruciale de la disponibilité de l’eau repose sur l’analyse et l’interprétation de données dont la disponibilité est encore restreinte. En effet, les efforts déployés afin de développer cette connaissance demeurent récents (près d’une vingtaine d’années), réduisant ainsi la richesse historique permettant l’extrapolation et l’établissement de tendances sûres. Le ministère de l’Environnement, du Développement durable, de la Faune et des Parcs (MDDEFP) identifie les volumes de prélèvements, la qualité des effluents industriels et des émissaires d’eau de pluie, ainsi que le suivi des lacs exposés à l’urbanisation et aux activités agricoles, comme autant de domaines pour lesquels les connaissances doivent s’améliorer (Québec. Ministère de l’Environnement, 1999). Plus récemment, treize projets d’acquisition des connaissances impliquant les universités québécoises ont été annoncés. Ces projets portent essentiellement sur l’étude des eaux souterraines afin de développer une connaissance intégrée des eaux québécoises. Leurs résultats devraient être remis au MDDEFP à compter du printemps 2013. Entre-temps, il n’en demeure pas moins que les observations, bien que parfois récentes, tendent à confirmer certaines hypothèses.

Par ailleurs, la notion d’exploitation durable des ressources hydriques repose sur l’aspect renouvelable de l’eau et les définitions à cet égard varient. Au Québec, les débits annuels moyens sont utilisés. Les réservoirs lacustres et souterrains se trouvent ainsi exclus du calcul (Québec. Ministère de l’Environnement, 2002). Cette approche rejoint celle de Statistique Canada (Langlois, 2012). Une compréhension accrue des flux d’eau souterraine apportera un éclairage nouveau sur ces évaluations.

Il n’en demeure pas moins que le Québec jouit d’une situation géographique enviable. Son vaste territoire est exposé aux climats continental humide, subarctique, arctique et maritime de l’Est (Portail Québec, 2012b). Les climats continental humide et maritime sont propices aux précipitations abondantes, généralement supérieures à 900 mm par année dans le cas du climat continental humide (ibid.). Les climats subarctique et arctique reçoivent pour leur part moins de

précipitations. Globalement, le Québec serait ainsi exposé à des précipitations annuelles moyennes de 750 mm (Québec. Ministère de l’Environnement, 1999). Statistique Canada identifie un volume de précipitations annuelles de 1 287 km3/an pour les aires de drainage localisées au Québec (Statistique Canada, 2011). Le même rapport évalue l’eau renouvelable, ou l’apport annuel en eau, à 942,4 km3/an. Cet apport est défini comme la « quantité d’eau douce dérivée des mesures de débits non régularisés dans une zone géographique donnée au cours d’une période précise ». Ce volume correspond à peu près à celui de 990 km3/an cité dans la Politique de l’eau du Québec (Québec. Ministère de l’Environnement, 2002). La générosité des précipitations, combinée à la faible densité de la population québécoise, résulte en une disponibilité d’eau renouvelable par habitant huit fois supérieure à la moyenne mondiale, plaçant la population québécoise parmi les plus avantagées du monde à cet effet (Québec. Ministère de l’Environnement, 1999).

Les changements climatiques, malgré encore plusieurs incertitudes quant à leurs impacts éventuels, ne devraient pas altérer négativement les volumes de précipitations au Québec. Au contraire, l’Institut national de santé publique du Québec rapporte une tendance à la hausse des précipitations mensuelles pour le nord du Québec et une augmentation des probabilités d’observer des tendances à la hausse dans le sud du Québec, principalement pour les mois de novembre à avril (Mailhot et autres, 2008). Les précipitations ne varieraient pas significativement pour les autres mois (ibid.). Les simulations du consortium Ouranos précisent ces tendances et prédisent une augmentation des précipitations annuelles de 30 à 55 mm dans le sud du Québec, et de 10 à 40 mm dans le nord d’ici l’an 2100 (Ouranos, 2012). Leur nature pourrait cependant évoluer. Une part plus importante des précipitations hivernales du sud du Québec devrait notamment précipiter sous forme aqueuse (pluie) plutôt que solide (neige). La tendance des écoulements suit une évolution similaire. Selon les modèles et scénarios considérés, les écoulements pourraient toutefois diminuer dans le sud du Québec pour les mois de mai, août et septembre (Mailhot et autres, 2008). Les tendances des mois d’avril à octobre pour le sud du Québec ne sont cependant pas nettes et, considérant l’incertitude méthodologique, il est encore trop tôt pour se prononcer sur leur évolution. L’analyse des écoulements est d’un intérêt particulier pour 70 % de la population québécoise habitant dans des municipalités puisant leur eau potable des eaux de surface (ibid.).

À plus grande échelle, les changements climatiques pourraient néanmoins avoir un impact à la baisse sur le niveau du fleuve Saint-Laurent. L’étude Vulnérabilité de l’eau au changement climatique, publiée en 2004, évalue que la hausse des températures du bassin des Grands Lacs d’ici 2055, pourrait mener à une réduction de 20 % du débit moyen sortant du fleuve Saint-Laurent (Environnement Canada, 2011a). Le consortium Ouranos rapporte ainsi que le niveau du fleuve serait appelé à diminuer de 0,5 à 1 m d’ici 2099 (Ouranos, 2008). Si elle s’avérait exacte, cette situation serait lourde d’impacts sur certains écosystèmes du Saint-Laurent, sur les municipalités qui y puisent leur eau ainsi que sur la navigation commerciale et de plaisance. Dans cette optique, une réduction des prélèvements pourrait contribuer à contrebalancer la perte d’apports des Grands

Lacs. D’autres options possibles seraient, entre autres, le détournement de cours d’eau permettant d’ajouter des débits en amont du fleuve, la réalisation de travaux tels que le dragage intensif ou la construction d’un barrage en amont de Trois-Rivières (Les Affaires, 2007).

Même si l’eau est généralement abondante au Québec et au Canada, une attention particulière doit tout de même être portée à la disponibilité de la ressource. En effet, selon les conditions météorologiques et l’intensification non planifiée de certaines activités, des épisodes de manque d’eau peuvent survenir. En 2009, une menace élevée sur la disponibilité de l’eau planait sur le sud de l’Ontario, le sud de l’Alberta, le sud de la Saskatchewan, le sud-ouest du Manitoba et la vallée de l’Okanagan en Colombie-Britannique (Environnement Canada, 2013). La menace élevée signifiait que plus de 40 % de l’eau des rivières était consommée par les habitants et industries de ces régions. Au Québec, des épisodes régionaux de stress hydrique surviennent également en période d'étiage. Les rivières Saint-Charles, Bécancour et Yamaska sont occasionnellement surexploitées durant la saison estivale (Québec. Ministère de l’Environnement, 1999). La rivière Yamaska est particulièrement à surveiller alors que la demande en période d’étiage peut atteindre jusqu’à 1,6 fois le débit de la rivière (ibid.). La rivière des Mille Îles est aussi problématique à cette période de l’année. En 2010, un débit moyen de 29 m3/s était mesuré alors que le débit moyen pour cette période est de 265 m3/s (Haspeck, 2010). Elle a donc nécessité des travaux d’aménagement d’urgence afin de faciliter l’écoulement et d’assurer à la population le débit de 30 à 35 m3/s nécessaire pour satisfaire les besoins domestiques (CEHQ, 2010 dans Haspeck, 2010). L’Île d’Orléans a aussi expérimenté cette situation durant l’été 2012. Comme la plupart des petites îles, l’Île d’Orléans compte sur l’eau de nappes phréatiques peu profondes pour alimenter ses habitants. Ainsi, l’absence prolongée de pluie a tôt fait d’en épuiser les réserves, obligeant les habitants et les commerçants à rationaliser leur utilisation de l’eau (Savard, 2012). Afin d’évaluer l’exposition au risque de stress hydrique en période d’étiage, le ratio des prélèvements d’eau en fonction de l’apport durant le mois d’août représente un indicateur efficace. Au Québec, les prélèvements seraient de 0 % à 10 % durant ce mois, à l’exception du bassin de drainage du Saint-Laurent où il se situerait entre 10 % et 20 % (Statistique Canada, 2011). Puisque le mois d’août est le mois le plus propice au manque d’eau, le Québec est dans une situation favorable.