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Total 3 286 412 769 252 755 13,00 a Prélèvements réels 2011 du secteur SCIAN 11 tels que déclarés au MDDEFP et ajusté en fonction

U. S Drought Monitor

4.2.3 Place du privé

La création d’une société d’État ne signifierait pas automatiquement l’exclusion du secteur privé du commerce de l’eau. En effet, à l’image de la gestion de l’eau dans plusieurs régions du monde, un partage des responsabilités est possible.

Secteur privé et gestion de l’eau

Dans le domaine de l’eau, plusieurs pays ont exploré le partage de responsabilités avec le secteur privé. Les avantages recherchés par l’implication du privé dans la gestion d’une ressource essentielle généralement considérée de propriété publique, sont un meilleur niveau d’investissement, l’amélioration de l’efficacité des opérations, un partage du risque et une meilleure capitalisation permettant d’étendre la couverture du réseau et la part de la population desservie. L’implication du secteur privé dans la livraison de l’eau n’est toutefois pas une garantie de succès ou de gain d’efficience. Le partage des responsabilités entre les secteurs privé et public doit être

26 Certains marchés du carbone, dont le système communautaire d'échange de quotas d'émission et le marché

pour les centrales électriques de neuf États du nord-est américain (RGGI), ont récemment connu des situations où les volumes de permis distribués aux entreprises excèdent largement leurs besoins. Surestimation de la demande par les autorités ou contrecoups d’une crise économique, ces situations excédentaires ont eu pour effet de faire chuter les prix, d’où un faible incitatif pour les entreprises à abaisser leur niveau d’émission et des revenus peu élevés pour les gouvernements. Pour rééquilibrer la situation entre l’offre et la demande, les participants au RGGI ont convenu d’abaisser l’offre de permis dès 2014 (Point Carbon, 2013), alors que les membres de l’Union européenne se penchent actuellement sur cette question (Monde.fr et AFP, 2013).

fait en considérant le contexte spécifique de chaque situation. Les objectifs des décisions gouvernementales doivent être d’assurer que les besoins de la population soient comblés, établir les prix et les normes de qualité, définir les niveaux d’investissement et d’entretien exigés et veiller à ce que les gains en efficience soient redistribués aux usagers. Le tout devrait être fait en encourageant la compétition entre acteurs du secteur privé dans un domaine qui est, par sa nature, un monopole. La complexité de la tâche résulte en une multiplicité de modèles de partage de responsabilités, allant de la gestion complète par les pouvoirs publics à une délégation complète de responsabilités au secteur privé. Entre 1990 et 2002, la population mondiale desservie par des fournisseurs d’eau du secteur privé est passée de 51 M à 300 M. Le secteur public demeure donc le principal fournisseur de ce service et représentait 70 % des investissements dans ce secteur en 2006. Le partage des responsabilités peut prendre plusieurs formes. Par ordre croissant d’engagement de la part du secteur privé on retrouve le contrat de service, le contrat de gestion, la délégation d’exploitation, la concession de services publics et la privatisation. Tous ces partenariats comprennent une délégation des responsabilités de gestion et d’opération (partielle dans le cas du contrat de service). La concession de services publics et la privatisation sont les seules formes de partage des responsabilités à transférer au secteur privé la totalité de la responsabilité des investissements et la gestion du risque. Finalement, la privatisation est le seul modèle où la propriété des réseaux est complètement transférée du secteur public au privé. Les exemples de privatisation comprennent la France, le Royaume-Uni et le Chili. (Programme des Nations Unies pour le Développement, 2006)

La question de la privatisation de la distribution de l’eau aux citoyens va au-delà des limites de cet essai. Toutefois, dans une optique de développement des exportations massives d’eau, ces exemples pourraient inspirer un modèle de partage de responsabilités. Plus précisément, ils démontrent qu’en adaptant les modèles selon le contexte, des ententes peuvent être conclues de manière à ce que les autorités conservent le contrôle d’une activité dans des domaines sensibles. Il est donc envisageable que le Québec conserve la propriété de la ressource, l’autorité sur les volumes de prélèvements autorisés en vue de transferts hors bassin et même sur les décisions de commercialisation, tout en déléguant une part des opérations au secteur privé. Considérant la sensibilité que représente la gestion durable de l’eau, il est indispensable que la population soit rassurée sur ces questions avant que tout développement commercial ne soit entamé.

Gestion des forêts québécoises

Au Québec, la gestion des forêts publiques présente des similitudes avec la gestion de l’eau qui pourrait être envisagée dans une optique de commercialisation. En effet, l’État québécois est le propriétaire de ces forêts et des ressources ligneuses qu’elles renferment. Il favorise leur valorisation en distribuant à des exploitants autorisés les droits nécessaires. Le 14 janvier 2011, le MRNF annonçait la création du Bureau de la mise en marché des bois du Québec (BMMB) (MRNF, s. d.). L’objectif de ce bureau est de favoriser l’accès au bois des forêts publiques et d’accroître la

valorisation de ces ressources en soumettant aux enchères l’exploitation de 25 % du bois qui s’y trouve (ibid.). Le BMMB identifie les terres visées par la mise aux enchères et spécifie par les devis d’intervention le mode d’exploitation, les pratiques à respecter et les essences de bois à exploiter (Boileau, 2012).

Le commerce de l’eau pourrait emprunter un modèle similaire. Une agence gouvernementale établirait les volumes de prélèvements permis à des fins de transferts massifs hors bassin, spécifiant les conditions de prélèvement autorisées et autres limites applicables. Les entreprises pourraient alors soumettre une offre de services pour les opérations de captage, de traitement (si requis) et de transport. Le gagnant de l’appel d’offres deviendrait alors le sous-traitant de l’agence gouvernementale pour les opérations liées au commerce de l’eau. En poussant le concept à l’extrême, il est envisageable que le Québec identifie des volumes d’eau qu’il serait disposé à vendre sur un marché au comptant27. Ce prix pourrait être FOB Québec28, la responsabilité des opérations de transport relevant de l’acquéreur. Ces acquéreurs pourraient alors être des régions en situation de stress hydrique, identifiant par elles-mêmes les modes de transport et autres éléments nécessaires pour acheminer l’eau achetée, ou encore des courtiers responsables d’identifier ensuite les clients et d’assumer les opérations de livraison. Ce faisant, le Québec se déresponsabiliserait des opérations de commercialisation et limiterait la vente d’eau en vrac aux surplus d’eau douce pour la période considérée à l’échelle de chaque bassin versant, limitant du même coup le risque de création de dépendance des acquéreurs et de servitude envers ceux-ci.

Implication municipale

Une autre option serait de miser sur les installations municipales existantes. Les municipalités assurent l’approvisionnement en eau de leurs citoyens et disposent des équipements et installations nécessaires au captage et au traitement des eaux. À l’image du projet de Canwex 2000 International (section 2.6.2) à Sept-Îles, la capacité de traitement excédentaire des municipalités pourrait être mise à contribution. Ce faisant, les municipalités impliquées disposeraient non seulement de revenus supplémentaires pour investir dans des mesures de conservation de l’eau, mais elles pourraient générer des économies d’échelle dont bénéficieraient ultimement les citoyens.

Quelle que soit la place conférée au secteur privé dans le commerce éventuel de l’eau en vrac, il est essentiel que l’État conserve la propriété de la ressource, l’autorité sur l’identification des volumes d’eau disponibles pour l’exportation, et qu’il bénéficie de retombées économiques

27 Marché au comptant désigne un marché où se négocient des titres ou des marchandises, par exemple des matières premières. Il se caractérise par le fait que la livraison et le paiement se réalisent simultanément ou presque (Six Swiss Exchange, s. d.).

28 Free on board (FOB) est un Incoterm du commerce international identifiant l’endroit où l’acheteur prend

possession de l’objet de la transaction. Lorsque la marchandise parvient à destination, le transport, les assurances, les taxes et autres frais afférents deviennent la responsabilité du vendeur (Investopedia, s. d.).

supérieures à la valeur que les usagers accordent à l’eau exportée. De plus, dans un premier temps du moins, il importe de ne pas inscrire le Québec dans un commerce de nature permanente entraînant le risque de créer une servitude. Le marché saisonnier de l’approvisionnement des pénuries d’eau semble plus propice à initier les démarches d’exportation. Toutefois, la nature ponctuelle de ce commerce et la fluctuation des volumes d’eau exportables en fonction du renouvellement de la ressource et de l’ampleur des prélèvements québécois entraîneraient un risque commercial pour le secteur privé. Devant l’incertitude associée au niveau d’activité économique, le secteur privé sera hésitant à investir à long terme, limitant son implication à des contrats de services garantis ou à la saisie d’occasions d’affaires ponctuelles.