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La place du talkshow culturel et/ou sociétal sur les chaînes publiques historiques : de l’isolement nocturne à la reconquête des heures de grande

paysage audiovisuel français (PAF).

B. La place du talkshow culturel et/ou sociétal sur les chaînes publiques historiques : de l’isolement nocturne à la reconquête des heures de grande

écoute.

L’année 1986 coïncide avec l’achat de TF1 par le groupe industriel Bouygues. De public, la première chaîne télévisée historique et publique française devient la première chaîne privée du pays. L’audience est le nouveau « Graal » de la stratégie de programmation. Après l’État, ce sont désormais les publicitaires et les actionnaires qui investissent et orientent le contenu des programmes. Avant 1986, la seconde partie de soirée était pour les trois chaînes publiques un temps de liberté propice aux programmes suscitant la curiosité des téléspectateurs : documentaires, magazines culturels ou scientifiques, cinéclub…etc.1

En amplifiant les enjeux de l’audimat ainsi que la rentabilité des espaces publicitaires, l’entrée en concurrence des chaînes privées fait également muter la nature du téléspectateur. Le contenu d’un programme n’est plus une fin en soi – une fin éducative, informative ou encore culturelle – il constitue un outil de mesure indiquant le niveau d’audience des téléspectateurs. Ces derniers occupant désormais le double statut de « public » et de « consommateurs potentiels ».

Concernant la programmation des talkshows culturels, la nouvelle donne des chaînes privées telle la chaîne payante Canal + dès novembre 1984 mais aussi TF1 et M6 en 1987, bouleverse les grilles de programmes de la seconde partie de soirée en la dédiant à des programmes plus accrocheurs et même sulfureux. L’émission « Super sexy » diffusée sur TF1 dès 1987 en est un parfait exemple. Nous pouvons également citer les multiples fictions pour adultes, interdites au moins de 12 ans ou 16 ans, qui gagnent progressivement les grilles de programmes tardives et trouvent rapidement un public. Citons pour exemples la collection de téléfilms américains sulfureux « Hollywood night » diffusée les dimanches soir sur TF1 aux environs de 23h ; les fictions érotiques d’M6 également diffusées le dimanche soir ; ou encore les programmes pornographiques de Canal + tel « Le journal du Hard » diffusé dès 1991 tous les premiers samedis du mois à l’heure devenue symbolique de l’interdit, minuit. L’arrivée de ces programmes adultes constitue un tournant dans l’approche stratégique des programmes de seconde partie de soirée. La télévision tardive n’est plus uniquement libre et culturelle, elle devient également sulfureuse et érotisée.

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Régine Chaniac, Jean-Pierre Jézéquel, La Télévision, coll. Repères, éd. La découverte, Lassey-les-Châteaux, 2005.

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Afin de contrer les stratégies de programmations issues de cette étude de la concurrence, une chaîne comme France 2 fut amenée à repenser sa grille horaire nocturne généralement destinée aux rediffusions, pour placer les talkshows culturels dont l’audience est (presque par nature) limitée au seuil de la troisième partie de soirée, soit une horaire comprise entre 23h30/00h00 à 2h/2h30 du matin. Des émissions comme « Le cercle de minuit », « Des mots de minuit », mais aussi « Campus : le magazine de l’écrit », « Esprits libres » ou « le Café littéraire » vont être diffusées à ces horaires tardives. Malgré sa privatisation, la chaîne TF1 a proposé deux émissions littéraires consécutives que sont « Ex-libris » (1988 – 1999) et « Vol de nuit » (1999 – 2008). Mais si la première fut programmée en seconde partie de soirée (vers 22h40), la seconde fut, dès ses débuts, programmée en troisième partie de soirée aux environs de 00h30.1

Le graphique suivant (Figure n°4), illustre ce phénomène d’isolement des talkshows culturels sur les grilles horaires que constitue le temps télévisuel. Les zones de couleurs horizontales indiquent les tranches horaires de programmation exposées plus haut.

Légende du graphique :

1 Ces observations sont le fruit d’un recensement des grilles de programmes des chaînes ayant ou continuant de programmer les émissions citées plus haut. Ces grilles de programmes sont accessibles dans la base de données numérique de l’inathèque à la Bnf.

63 Figure 4

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Nous observons jusqu’au début des années 1980 que si les talkshows culturels se répartissaient équitablement sur la Première et la Deuxième chaîne de l’ORTF à des créneaux horaires relativement accessibles au grand public – première et seconde partie de soirée – la privatisation des chaînes télévisées va dès 1986 entraîner leur isolement progressif en les diffusant à des horaires de plus en plus tardifs.

Dès le milieu des années 1990, nous remarquons en effet une diversification progressive des offres de talkshows culturels et/ou sociétaux. Ces derniers font l’objet de l’offre de programmes de France 3 mais aussi de la nouvelle chaîne La Cinquième – devenue France 5 en 2002 – enfin, des chaînes plus récentes de la TNT apparues en 2005 que sont France 4 et France Ô. La diversification de ce genre de programmes s’accompagne d’une nouvelle amplitude horaire proposée par les nouvelles chaînes publiques. Ces dernières, sensiblement thématiques et axées sur la culture et le savoir apportent un nouveau souffle à la programmation des talkshows culturels, les plaçant même à des horaires accessibles que sont la fin de matinée (« Droit d’auteurs » puis « le Bateau livre » sur France 5 ; « L’Hebdo » sur France Ô), la fin d’après-midi (« C’est dans l’air », « chez F.O.G. » sur France 5 ; « Toutes les France » sur France Ô), enfin la première partie de soirée (« Café Picouly », « La grande librairie » sur France 5 ; « Questions de génération » sur France 4).

En résumé, les chaînes publiques historiques et hertziennes ont, dès les années 1990, proposé des talkshows culturels et/ou sociétaux sur un horaire de plus en plus tardif, inaugurant en cela la case horaire « troisième partie de soirée ». Ce phénomène est essentiellement dû à une adaptation de la programmation face aux nouvelles exigences de la concurrence et de l’audimat des chaînes privées, la culture étant un contenu télévisuel peu enclin aux fortes audiences.

La deuxième tendance que nous illustre ce graphique se trouve dans la nouvelle offre de programmes des nouvelles chaînes publiques thématiques. Les nouveaux talkshows qui apparaissent constituent une offre plurielle, tant par le nombre que par les cases horaires de leurs diffusions : de la matinée à la seconde partie de soirée. Bien qu’issue d’une chaîne hertzienne historique – France 3, l’émission « Ce soir (ou jamais !) » doit être assimilée à cette deuxième tendance qui renouvelle et diversifie le genre du talkshow culturel et/ou sociétal dans le paysage audiovisuel public.

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CHAPITRE 3 :