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AVERTISSEMENT ET POSITION DE RECHERCHE.

B. Débat du 20 février 2008 : la « nouvelle génération » dans l’exercice du discours médiatique.

Le deuxième débat a pour thème principal la vision du monde de la nouvelle génération. Elle confronte l’avis de huit hommes et femmes âgés de 24 à 32 ans. La dynamique du débat s’oriente vers les priorités économiques et politiques à mettre en place pour l’avenir. Les participants sont : Saphia Azzedine (écrivain) ; Grégory Kapustin (journaliste essayiste) ; Pauline Salingue (étudiante, militante de la Ligue Communiste Révolutionnaire et documentariste) ; Omar Ba (écrivain) ; Jules de Gasperis (chanteur, étudiant HEC) ; Raphaël Glucksmann (documentariste, écrivain, fondateur d’ « Études sans frontière ») ; Jacques de Guillebon (journaliste, écrivain) et Grégoire Tirot (essayiste).

Les premiers d’entre eux à s’exprimer de façon marquée sont Grégory Kapustin et Raphaël Glucksmann. Le premier s’appuie sur son statut de jeune journaliste publié pour émettre un discours riche de notions économiques, politiques et sociales. Le second n’est autre que le fils du célèbre philosophe médiatique appartenant au courant dit des « nouveaux philosophes », André Glucksmann.

Cette filiation intellectuelle et médiatique, installe Raphaël Glucksmann dans une position de crédibilité presque naturelle. C’est d’ailleurs le sentiment qu’émet Grégory Kapustin, qui n’hésite pas, durant le débat, à s’adresser directement au fils du philosophe pour lui émettre un avis, tout en lui témoignant une adhésion de pensée. Cette reconnaissance amplifie à l’écran une certaine entente intellectuelle entre les deux invités et donc un certain épicentre relationnel que les téléspectateurs peuvent rapidement repérer.

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Figure 40 - Émission du 20.02.2008 : Grégory Kapustin (à gauche) et Raphaël Glucksmann (à droite) (Inathèque).

Mais la dynamique du débat ne va pas se focaliser sur cette seule entente. D’autres rôles discursifs vont se révéler. Tout d’abord l’étudiante militante Pauline Salingue ne tarde pas à affirmer un rôle de contestation propre aux valeurs de son parti politique d’extrême gauche. Son personnage est intéressant du fait qu’il exprime un discours idéologique raisonné et hermétique. Aussi, ses interventions ne font pas l’objet d’un échange et d’un partage d’idées, mais plutôt d’un discours de conviction ne visant pas l’adhésion des participants présents. Ce discours semble viser davantage l’opportunité d’une diffusion télévisée pour être perçu et assimilé par le plus grand nombre de téléspectateurs. C’est un discours qui existe pour lui-même et pour sa propre diffusion.

Figure 41 - Pauline Salingue exprimant son opinion sur les difficultés des jeunes français (Inathèque).

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Le jeune écrivain sénégalais Omar Ba incarne quand à lui le rôle du témoin et du commentateur. Témoin, parce que le contenu de son discours est avant tout le témoignage de son vécu en tant qu’étudiant immigré désireux de vivre en France. Commentateur du fait que, par son témoignage, il tient une position de recul sur les autres participants (Français) et participe au débat en s’excluant du cercle des autres invités. Ainsi, Omar Ba commente le caractère général des jeunes français en y incluant les invités présents. Il leur reproche notamment leur pessimisme et leurs « œillères. »

Enfin, il est intéressant d’évoquer la participation quasi inexistante de Saphia Azzedine et de Jule de Gasperis. Et ce pour deux raisons bien distinctes. Au moment d’intervenir l’écrivain franco-marocaine Saphia Azzedine manifeste sa gêne auprès de Frédéric Taddeï car le thème du débat ne convient pas à son discours.

Figure 42 - L'écrivain Saphia Azzedine (Inathèque).

Il est pour elle impossible de parler de la jeunesse française dans sa globalité, tant son propre discours dit-elle, « est construit sur l’individu et le particulier. » La justification de sa gêne demeure sa seule intervention au débat.

Enfin Jules de Gasperis a une intervention notable qu’à la toute fin du débat. Certainement gêné par le dispositif, ce jeune chanteur et étudiant de la prestigieuse école de commerce HEC va rester discret et observateur tout au long du débat. Son intervention sur les revendications et les actions des jeunes mouvements politiques étudiants va être court- circuitée et discréditée par les propos de Grégory Kapustin :

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Figure 43 - Grégory Kapustin s'adressant à Jules de Gasperis (Inathèque).

Grégory Kapustin (à gauche) disant à Jules de Gasperis (à droite) : « Oui mais bon, en même temps tu ne dois pas être trop concerné si tu as les moyens d’être à HEC… ».1

Cette remarque, que nous pourrions qualifier d’ « anti-bourgeoise », va définitivement écarter Jules de Gasperis du débat. La personnalité audiovisuelle de ce dernier ne sera pas assez forte pour contrer cette attaque.

Ce débat ne présente donc pas de confrontation marquée « dominants/dominés » mais il témoigne de deux aspects du débat : premièrement, nous observons, comme dans le débat précédent, la diversité des rôles discursifs possibles dans un débat. Enfin et surtout, ce débat fut essentiellement dominé par des invités manifestant un charisme médiatique ainsi qu’une conscience forte de leur rôle discursif : Grégory Kapustin, jeune journaliste, exprime un discours mêlant à la fois le commentaire, la connaissance du contexte et le vécu d’un jeune journaliste ayant écrit un livre sur le sujet ; Raphaël Glucksmann, fils du philosophe André Glucksmann témoigne également d’une aisance médiatique, de par ses activités professionnelles (écrivain et documentariste), ses activités associatives enclines à la prise de parole en public, mais aussi par sa filiation directe avec le célèbre philosophe.

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Propos approximatifs prononcés par Grégory Kapustin à l’égard de Jules de Gasperis lors de l’émission du 20 février 2008.

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Figure 44 - Schéma récapitulatif des stratégies et positionnements discursifs du débat.

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C. Débat du 31 mars 2008 : paroles de femmes, le jeu discursif des