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paysage audiovisuel français (PAF).

CHAPITRE 5: Un dispositif issu d’un mélange des genres.

C. La rédaction : une équipe journalistique hybride, propre au mélange des genres.

1. Une liberté éditoriale liée à l’absence d’un producteur.

L’équipe s’organise depuis le début autour de Frédéric Taddeï, à la fois présentateur de l’émission et directeur de la rédaction. Excepté l’équipe de production missionnée pour le bon déroulement de la fabrication de l’émission, « Ce soir (ou jamais !) » est un programme sans producteur attitré. L’animateur n’a pas de directives imposées, c’est lui et lui seul qui décide et tranche sur tout ce qui concerne les sujets de débat et les invités. Cette structure est donc à l’opposé des émissions ou le producteur est le « patron » sur tous les choix relatifs au contenu de l’émission tel Thierry Ardisson, animateur et producteur de « Tout le monde en parle » qui devait également composer avec sa coproductrice Catherine Barma. Laurent Ruquier est actuellement dans ce même cas de figure dans le talkshow « On est pas couché », également produit par Catherine Barma.

Cette liberté éditoriale impliqua dès le départ une nouvelle approche du contenu culturel. Rappelons qu’il était question d’une émission allant à l’encontre des contenus culturels traditionnels. Aussi, dès septembre 2006, Frédéric Taddeï travaille avec un rédacteur en chef qui s’adapte difficilement aux objectifs du présentateur :

« Dans les premières émissions, vous avez le problème suivant : les gens avec qui je fais cette émission et que je n’ai pas choisi, ont du mal à la faire. Ils ont été recrutés pour faire une émission culturelle très classique avec des « réflexes » culturels. […] Ils avaient un peu des profils stéréotypés. Ils ont eu énormément de mal à comprendre ce que je voulais. […] Le rédacteur en chef est d’ailleurs parti au bout de

3 semaines/1 mois… »2

1

Cf. Interview de Maryse Marascia en annexe n°9, p.37 du cahier d’annexes. 2 Cf. interview de Frédéric Taddeï en annexe n°6, p. 12 du cahier d’annexes.

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La rédaction évolue ensuite autour de deux personnes : Anne-Laure Sugier, rédactrice en chef et son adjoint Lionel Boisseau. L’équipe se compose alors de cinq journalistes : Victor Dekyvere ; François Perrin ; Marie-Aldine Girard ; Sébastien Petitot et Anne-France Renaud. Deux documentalistes les assistent : Florence de Bonnaventure et Marie-Pierre Chazeau.1

Devenue rédactrice en chef en septembre 2012 avec son collègue Sébastien Petitot, la journaliste Marie-Aldine Girard travaille pour l’émission depuis son lancement en 2006. Son regard révèle l’existence d’autres acteurs ayant participé ou participant toujours à la fabrication du contenu :

« […] il y avait 3 programmateurs, un programmateur live […] plus une aide de chef d'édition, [qui] gérait le contenu des images. D'autres gens se rajoutaient aussi. Par exemple au tout début on pensait à faire des sujets « images ». Il y en a eu deux qui ont été faits et ensuite on a arrêté. Mais ces gens là sont restés un petit peu pour proposer des idées. J'vous le dis c'était un joyeux bordel même dans la rédac'. On était environ 25 au total mais nous avions parfois des personnes qui venaient une fois par semaine, qui passaient... Il y a eu plusieurs saisons où l'on a eu des conseillers artistiques par exemple. Et puis […] au bout de la 4è ou 5è saison on a dit "on arrête, Frédéric n'en a pas besoin pour le moment".2

Son regard rétrospectif sur l’équipe de rédaction rend également compte d’une multitude de parcours propices à la curiosité culturelle et politique. Elle cite par exemple son parcours : diplômée en sciences politiques, elle poursuit ses études en faisant un master en « sociologie des médias ». Elle poursuit en citant le parcours d’un des journalistes de l’équipe : Viktor. Missionné pour le contenu culturel de l’émission, ce dernier est issu de l’évènementiel culturel :

« Il était implanté dans le milieu culturel à Avignon et dans le milieu culturel parisien. Bien qu'il ne maîtrisait pas le débat télévisé, c'était bien pour nous d'avoir ce regard là. Comme on fait une télé différente, il est logique d'avoir des gens différents. Et ça l'a toujours été depuis le début. C'était une volonté de Frédéric et de Rachel Kahn : apporter des gens qui viennent d'horizons tout à fait différents. »3

1 Pour plus de détails sur cette période de la rédaction se reporter à l’interview de Lionel Boisseau en annexe n°15, p. 76 du cahier d’annexes.

2

Cf. Interview de Marie-Aldine Girard en annexe n°10, p. 41 du cahier d’annexes. 3 Cf. Interview de Marie-Aldine Girard en annexe n°10, ibid.

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2. Une collaboration familiale : le rôle évolutif de Sandrine Taddeï.

Dans le courant de la deuxième saison, Sandrine Taddeï, la sœur de Frédéric Taddeï, rejoint l’équipe de rédaction et occupe progressivement la fonction de programmatrice artistique. Ce lien familial devenu lien professionnel contribua dans un premier temps à une communication plus perméable entre Frédéric Taddeï et l’équipe de rédaction. L’animateur animait également l’émission de radio « Regarde les hommes changer » sur Europe 1. Cette double « affectation » le rendait moins accessible aux multiples questions quotidiennes de l’équipe de rédaction. Sandrine Taddeï constitua ce lien entre les deux :

« Au début j'étais une sorte d'intermédiaire entre Frédéric et l'équipe […] surtout dans les premiers temps de l'émission où [il] les voyait très peu. Il était très pris avec son émission d'Europe 1, du coup lors du tournage des émissions il arrivait souvent directement dans sa loge et l'équipe lui passait le dossier de préparation à ce moment-là. Je faisais donc le tampon entre eux ce qui facilitait les échanges.»1

Or, cette collaboration professionnelle est plus ancienne. Au cours des recherches effectuées sur les différents acteurs de l’émission, nous constatons ce lien familial déjà bien installé entre Frédéric Taddeï et ses deux sœurs cadettes, Marie-Isabelle et Sandrine. Cette dernière inaugure sa relation professionnelle avec son frère en succédant à sa sœur, devenant documentaliste pour l’émission « Paris dernière » présentée de 1997 à 2006 par Frédéric Taddeï sur la chaîne privée Paris Dernière. Cette première collaboration se poursuit ensuite à Europe 1. Sandrine Taddeï épaule de nouveau son frère et devient programmatrice de l’émission « Regarde les hommes changer ».

Pour l’émission « Ce soir (ou jamais !) », sa fonction d’ « assistante-coordinatrice » d’émission évolue ensuite vers la programmation des invités artistiques :

« […] je dois trouver des invités. Pour "Ce soir (ou jamais !)" c'est spécifiquement des invités artistiques car pour les autres, ce sont les journalistes qui sont en charge de les trouver. Je sollicite des artistes essentiellement en vue d'un tête-à-tête pour l'émission ou d'une thématique autour du métier de l'artiste concerné(e). Je peux aussi solliciter un(e) artiste pour la revue de presse, histoire d'avoir quelqu'un de moins "spécialiste". »2

1

Cf. interview de Sandrine Taddeï en annexe n°11, p. 55 du cahier d’annexes. 2 Cf. Interview de Sandrine Taddeï en annexe n°11, p. 55 du cahier d’annexes.

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Ce lien familial et professionnel est effectif dans plusieurs émissions télévisées et radiophoniques : après « Paris dernière » (Paris Première), « Regarde les hommes changer » (Europe 1) et « Ce soir (ou jamais !) », Sandrine Taddeï devient programmatrice de « la grande soirée cinéma » (France 3) et depuis septembre 2012, elle participe à la programmation des invités pour l’émission « Tête-à-tête » également animée par son frère sur France culture. À la question « comment ça se passe de travailler avec son frère ? », Sandrine Taddeï répond que cela rend les choses plus simples et la communication plus fluide. Elle ajoute :

« Quand on regarde bien, c'est très fréquent dans le cinéma de travailler avec son frère ou sa sœur. Un peu moins à la télévision, ça surprend et ça a un côté charmant. Cela fait un peu "histoire de famille". Frédéric est d'ailleurs l'aîné des trois donc il y a cet aspect "cocon protecteur" qui est une chance. »1

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PARTIE 2

De 2006 à 2012 « commenter l'actualité sous le prisme de la