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des langues et des cultures

III.2. Redéfinition du lien social avec les environnements virtuels

III.2.2. Didactique des langues et environnements virtuels : actions sociales et objectifs interculturels

III.2.2.1. Les tâches en ligne et l’articulation avec le social

Le concept de tâche désigne comme nous l‘avons abordé précédemment un processus devant mener à un résultat déterminé à l‘aide d‘outils, d‘une planification et éventuellement de la coopération. Ce concept dont fait écho l‘ouvrage de Nunan (1989) est depuis des années ancrée dans le domaine de la didactique des langues et se définit comme « une unité de travail centrée sur le sens (meaning-focused work) impliquant les apprenants dans la compréhension, la production et/ou l'interaction en langue cible », cette définition met l‘accent sur le dispositif sur lequel reposent les actions ainsi que sur les rôles de l'enseignant et des apprenants. De plus, la tâche a été reconsidérée dans la didactique des langues dernièrement (CECR, 2001, Puren, 2002, etc.) de par la conception de projets dans l‘apprentissage et la valorisation des tâches communicatives à visée sociales. Parallèlement, l‘émergence du web 2.0 (Downes, 2005), aussi nommé web social ou web participatif, a contribué à une métamorphose des paramètres de l‘apprentissage en offrant diverses possibilités d‘échange, de collaboration et d‘interactivité entre apprenants de langue.

Le recours aux dispositifs d‘apprentissage en ligne s‘est accompagné de la conception de tâches en ligne qui permettent aux apprenants de devenir des usagers de la langue et des acteurs sociaux loin des simulations d‘activités réelles sur lesquels se fondaient les approches didactiques antérieures. Ces tâches en ligne s‘intègrent dans l‘approche actionnelle mise en place par le CECR (2001) en ce qu‘elles tiennent compte des interactions sociales dans la vie réelle. A ce sujet Oliver et Herrington (2001: 25) affirment que : « Les tâches d'apprentissage constituent l'élément charnière dans le processus de conception de dispositifs constructivistes d'apprentissage en ligne » (Mangenot, 2003 : 110). Cependant, de nombreuses tâches en ligne sont crées dans le cadre de ce que (Jeanneau et Ollivier, 2009) appellent la « didactique invisible », celle–ci consiste en la conception de sites autour d‘objectifs didactiques clairement définis sans leur conférer d‘aspect didactique clair pour les usagers, ce qui garantit un aspect authentique aux productions des apprenants et un intérêt pour les locuteurs natifs qui souhaiteraient y participer. Ces auteurs la définissent comme suit :

La « didactique invisible » sur la Toile consiste à créer des sites à visée didactique sans leur donner le moindre aspect didactique afin que l‘apprenant ne ressente pas sa participation à ce site comme une action visant exclusivement l‘apprentissage des langues, mais qu‘il s‘engage dans une tâche authentique inscrite dans des réelles interactions sociales avec les autres usagers du site. L‘apprenant doit avoir

170 l‘impression de se trouver sur un site « normal » tel qu‘il en existe des centaines sur Internet. (Jeanneau et Ollivier, 2009 : 14).

Cette didactique invisible redéfinit de ce fait le parcours de l‘apprentissage en attribuant d‘autres rôles aux enseignants et aux apprenants.

La formation à distance s‘est orientée ces dernières années vers le concept de tâches en mettant en exergue l‘utilité des technologies de l‘information et de la communication en général et du web en particulier. A ce sujet, Mangenot (2003) considère que « la tâche ou le scénario pédagogique incluent une ou des activités faisant sens pour les apprenants, s'appuient sur des ressources et prennent en compte le dispositif spatio-temporel et humain, à la fois en termes de communication et d'accompagnement pédagogique ». (Mangenot, 2003).

Le terme de « scénario pédagogique » est désormais très utilisé dans le domaine de l‘apprentissage ou la formation à distance (FOAD) en faisant consensus parmi plusieurs spécialistes qui s‘accordent sur le principe que ces tâches d‘apprentissage ou scénarios pédagogiques s‘articulent autour d‘une consigne donnée aux apprenants, un objectif ciblé pouvant être une production attendue et d‘instruments permettant sa réalisation. Cela implique aussi l‘importance que ces tâches peuvent signifier pour les apprenants et les ressources et dispositif spatio-temporel qui les cadrent comme le soulignent De Lièvre et al

« une organisation temporelle d'activités pédagogiques agencées en vue d'atteindre le plus efficacement possible les objectifs fixés » (De Lièvre et al : 2000). Ces scénarios et tâches d‘apprentissage sont de plus en plus axés sur la collaboration et la coopération qui comme le précisent Oliver et Herrington « déterminent la manière dont les apprenants se confrontent aux matériaux de cours et les formes de construction des savoirs qui doivent avoir lieu. (…) Elles doivent engendrer des activités coopératives et collaboratives parmi les groupes d'étudiants ». (Mangenot, 2003 : 110)

Dès lors, un nouveau concept mérite d‘être évoqué ici, celui de « scénario de communication » (Tricot et Plégat-Soutjis, 2003) qui renvoie à une prévision des interactions en ligne qui peuvent se produire (Dejean et Mangenot, 2006b). Ces deux auteurs reviennent sur les concepts de tâche et de scénario pédagogique pour en proposer la définition suivante :

Nous proposons alors, pour le domaine de la formation en ligne, de définir la tâche comme un agencement d‘activités d‘apprentissage (appelées par certains « micro-tâches » ou « sous-micro-tâches »), appuyé sur des ressources et prévoyant une production, et le scénario pédagogique (ou didactique) comme une tâche combinée

171 avec un scénario de communication et prévoyant une chronologie des échanges.

(2006b : 313)

Pour clarifier leur idée, ces auteurs schématisent les différents concepts :

Scénario pédagogique

Tâche (production attendue) Scénario de communication (avec outils) Chronologie

Ressources Sous-tâches Interactions étudiants/tuteur Interactions entre pairs

A l‘essor des environnements virtuels de communication et d‘apprentissage, les tâches dans les contextes pédagogiques font partie de la typologie proposée par Henri et Lundgren-Cayrol (1997) et Mangenot (2003) : la fouille collective, l'analyse critique, le débat, la prise de décision, la résolution de problèmes, la conception de ressources pédagogiques, l'étude de cas. S‘ajoute à cette classification le "projet pédagogique" que Mangenot (2005) définit comme : « un ensemble de tâches amenant des apprenants distants à communiquer entre eux. Généralement les projets pédagogiques se font entre classes ou groupes d'étudiants de pays différents afin de favoriser les échanges linguistiques et culturels ».

Au sujet des tâches en ligne, Demaizière et Narcy-Combes (2005 : 50) proposent une définition d'une « macro-tâche », qui consiste selon les auteurs en un ensemble d'actions réalistes (conformément aux précisions du CECR), amenant à une production finale pouvant s‘étendre au contexte extra scolaire et être génératrice d‘un certain nombre de micro-tâches de type communicatif utiles dans la réalisation de la tâche générale. Quant à Mangenot (2003 : 234), il trouve que :

Concevoir une tâche implique la prise en compte de six paramètres : les objectifs, le support, les activités, les rôles respectifs de l‘enseignant et des apprenants, le dispositif. Willis ajoute un paramètre au cadre tracé par Nunan, celui du résultat de la tâche. Selon lui, une tâche communicative consiste à échanger des significations pour parvenir à un résultat.

Dans la publication du CECR (2001), les auteurs insistent sur le caractère des tâches à proposer aux apprenants et sur leur aspect réel afin d‘allier tâche scolaire et activité sociale : «Les tâches ou activités sont l‘un des faits courants de la vie quotidienne dans les domaines personnel, public, éducationnel et professionnel. » (2001 : 121). Dans ce même

172 contexte, George (2001 : 61) souligne que ces tâches doivent relever de la vie réelle et impliquer les usagers en pair ou en groupe dans un travail collectif car : « Certes, l'apprentissage de l'individu nous préoccupe en premier lieu, mais cet individu vit en interaction avec ses pairs et cet ensemble d'individus est inscrit dans une institution, une culture ». Claire Belisle (citée dans Mangenot, 1998) souligne : « Encore faut-il que l‘ensemble de ces opérations [naviguer, dialoguer avec un programme intelligent, etc.] soit piloté par un sujet en quête d‘informations afin de réaliser un but d‘apprentissage, lequel s‘insère dans un projet social ».

Plusieurs tâches peuvent être mises en marche dans les environnements virtuels d‘apprentissage à travers des scénarios pédagogiques à visée collaborative. Il peut s‘agir de rédiger un journal de presse, débattre des sujets d‘actualité, organiser un événement, etc.

Généralement, ces scénarios se définissent par l‘authenticité de la situation, le contact avec les natifs, des activités ayant un sens pour les apprenants. Pour Springer et Aimard

« … ce qui détermine un EAN collaboratif, (...), réside dans le fait que cet environnement permet d'inscrire les actions d'utilisateurs dans un véritable processus de socialisation » (Springer et Aimard, 2004 : 161)

Par ailleurs, plusieurs recherches ont démontré l‘intérêt des tâches interculturelles en termes de motivation pour les apprenants et de potentialités interculturelles à savoir l‘enrichissement culturel et le développement d‘attitudes de relativisme, nous citons (Degache, 2006, Degache et Masperi, 2007). Les enquêtes menées par ces chercheurs confirment le fait que la motivation initiale de ces apprenants à s‘impliquer dans ces tâches était liée à la possibilité de faire « un apprentissage sans frontières ». Les réponses obtenues varient entre le questionnement et l‘évolution des différentes représentations, la découverte de l‘Autre, etc. Degache (2006) souligne que le désir d‘interculturalité a été décelé chez les apprenants dans leurs échanges à travers la proposition de thématiques d‘ordre culturel et la prise en compte de la situation de la rencontre interculturelle. Cette vision rejoint celle de Lipiansky (1999). Cet auteur considère que l‘objectif de ces tâches n‘est pas prioritairement leur réalisation mais surtout d‘aider à la rencontre et à l‘échange.

Elles ne doivent pas être « une contrainte qui finirait par gêner la communication plus qu‘elle ne la favoriserait. Or, il y a toujours le risque que le cadre formel mis en place devienne sa propre fin et se retourne contre les objectifs qu‘il est censé poursuivre. » (Lipiansky, 1999 : 283)

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III.2.2.2. Apprentissage collaboratif-coopératif en ligne et collaboration