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des langues et des cultures

III.4. Echanges exolingues en ligne et perspectives interculturelles

III.4.2. Complexité des échanges exolingues en ligne

L‘asymétrie des compétences linguistiques et culturelles qui caractérise la communication exolingue rend les situations d‘interactions exolingues complexes (voir chapitre I). C‘est le cas des échanges exolingues en ligne de par les écueils, difficilement surmontables, auxquels se heurtent les participants. La complexité de ces situations a fait l‘objet de différentes études de chercheurs anglo-saxons (Belz, Kern, Kramsch, O‘Dowd, Thorne, Ware, etc.) qui se sont intéressés à la communication exolingue et interculturelle médiée par ordinateur. Ces chercheurs se sont attelés à dégager et déceler les obstacles, les pièges et les ratages communicationnels « missed ou failed communication » O‘Dowd et Ritter (2006). L‘objectif est de les identifier puis d‘aider les participants à les surmonter pour parvenir à une communication réussie.

Dans leurs recherches sur des obstacles relatifs à la communication exolingue en ligne, O‘Dowd et Ritter font référence au concept de ratage communicationnel :

In the course of this paper, the umbrella term "failed communication" will be used to refer to cases of telecollaborative interaction which end in low levels of participation, indifference, tension between participants, or negative evaluation of the partner group or their culture18. (O‘Dowd et Ritter, 2006: 624).

C‘est en effet autour de cette « communication ratée » qu‘ont tourné la plupart des recherches dans le domaine d‘ICEFLE d‘où l‘intérêt pour la gestion de la communication exolingue en ligne. Différentes manifestations d‘écarts de communication exolingue en groupe, dans un cadre institutionnel, peuvent être listés selon deux principales causes, celles liées à l‘outil ou au contraintes institutionnelles et celles relatives à la situation exolingue. Mangenot et Tanaka (2007) en se référant à nombreuses études sur cette question, présentent la liste suivante :

18 Traduction «Dans le cadre de ce document, le terme générique " communication ratée" sera utilisé pour se référer à des cas d'interaction de télécollaboration qui se terminent par de faibles niveaux de participation, de l'indifférence, de la tension entre les participants, ou de l'évaluation négative du groupe partenaire ou de leur culture ».

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 Décalage entre les calendriers universitaires, exigences différentes des deux institutions en termes d‘évaluation (O‘Dowd, 2005).

 Accès aux technologies (Belz, 2001, O‘Dowd, 2005).

 Représentations différentes quant à l‘importance de la langue étudiée : les Allemands accordent ainsi plus d‘importance à l‘anglais que les Américains à l‘allemand, ce qui mène à un décalage dans la maîtrise de la langue étrangère et dans la motivation à l‘utiliser (Belz, 2001; Ware, 2005).

 Décalage concernant la motivation des participants quant aux échanges en ligne par rapport au cursus suivi, différentes représentations de l‘évaluation chez les deux groupes impliqués dans les échanges (un groupe travaille plus pour la note, un autre possède une motivation plus intrinsèque) (Ware, 2005).

 Représentations et usages différents d‘Internet ("cultures-of-use of the internet", Thorne, 2005) pouvant amener à l‘usage de genres de discours différents et à des malentendus, une gestion temporelle différente des échanges, à un rejet de certains outils ressentis comme inappropriés à la situation de communication. Plus largement, Ware parle de facteurs sociaux et culturels déterminant le comportement en ligne (Ware, 2005). Kramsch et Thorne rejettent l‘idée selon laquelle Internet serait un environnement culturellement neutre, insensible aux différences historiques, géographiques et aux identités nationales ou institutionnelles (Kramsch et Thorne, 2002).

 Tâches insuffisamment négociées entre les coordonnateurs et jugées inintéressantes par certains étudiants impliquant une baisse de l‘engagement (O‘Dowd et Ritter, 2006). Ou au contraire, tâches suscitant de nombreux échanges, mais sans la moindre dimension interculturelle (Mangenot et Zourou, 2007).

 Stéréotypes négatifs sur la culture de l‘autre groupe entrainant une moindre motivation à communiquer (O‘Dowd, 2005).

Il en ressort que plusieurs paramètres peuvent intervenir lors des échanges exolingues et entretenir des écueils qu‘ils soient d‘ordre organisationnel relatifs à la coordination entre les équipes impliquées et à l‘accès aux outils technologiques, ou d‘ordre pédagogique ou psychologique en ce qui concerne l‘existence de tâches et l‘engagement des participants ou encore d‘ordre institutionnel (Belz, 2002 ; O‘Dowd et Ritter, 2006). De leur côté, Kramsch et Thorne (2002) lient ces écueils aux représentations culturelles et aux genres

192 discursifs jugés appropriés à la situation de communication (formel/informel, oral/littéraire, personnel/distancié, etc.) en ajoutant que ces actions discursives des interactants sont guidées par le cadre socioculturel général dans lequel ils s‘inscrivent et que le caractère virtuel des échanges ne fait que multiplier les malentendus et les ratages de communication.

Les visées interculturelles des scénarios pédagogiques basés sur les échanges exolingues en ligne se traduisent, comme nous l‘avons mentionné précédemment, dans la recherche de

« Rich points», une notion d‘Agar que Belz et Müller-Hartmann expliquent comme suit : Lack of understanding is not based on deficient lexical knowledge (…) but rather on a lack of knowledge surrounding the particular network of culturally specific associations and meanings in which a rich point makes sense to an expert speaker.

In short, a rich point is a reflection in language, gesture or communicative pattern of culture-specific ideas, beliefs or constructs19 (Belz et Müller-Hartmann, 2003:

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Bien qu‘ils soient considérés comme des lieux propices à la rencontre interculturelle (Degache et al, 2007), les échanges exolingues en ligne demeurent très complexes vu l‘apparition, dès qu‘il y a contact ou interaction, de points critiques qui révèlent un problème de compréhension culturelle. A cet égard, Mangenot et Zourou (2007) pensent que la seule mise en contact d‘apprenants de différents horizons culturels ne garantit pas cette rencontre interculturelle et admettent ne pas avoir décelé, dans leur recherche, de

« Rich points » susceptibles d‘amener à une réflexion sur la dimension interculturelle. Ces auteurs ne sont pas les seuls à reconnaître les limites de ces dispositifs en ligne, des chercheurs tels que Degache et al (2007) ; Dolci et Spinelli (2007), pour leur part, affirment la difficulté à assurer cette compréhension de l’autre dans le cadre de ces échanges et s’interrogent sur ce qui peut l’entraver.

Deux contraintes majeures, soulignent Furstenberg et English (2006), peuvent se rapporter à la dimension interculturelle des échanges exolingues en ligne. Elles sont soit d‘ordre logistique par rapport aux horaires, au calendrier des institutions, à l‘accès des participants aux ordinateurs et à la connexion, des problèmes qui ont déjà été soulevés par différents auteurs et que nous avons cités plus haut, soit de l‘ordre méthodologique relevant du rôle des enseignants et des tuteurs à proposer les tâches appropriées à ce genre de visées.

19 Traduction : « Le Manque de compréhension n'est pas fondé sur une connaissance lexicale déficiente (...) mais plutôt sur un manque de connaissances entourant le réseau particulier des associations culturelles et des significations dans lequel un incident critique fait sens pour un locuteur expert. En bref, un incident critique est le reflet dans le modèle de langue, du geste ou de la communication des idées des spécificités culturelles, de croyances ou de constructions ».

193 Face à la complexité de ces perspectives, différents chercheurs incitent à creuser encore dans ce domaine afin de proposer des pistes intéressantes qui pourraient conduire à une réflexion sur l‘interculturalité dans les échanges exolingues en ligne et de rendre compte des visions réelles des participants à travers leurs écrits car, comme le soulignent Furstenberg et English 2006, il y a le risque que ce que les interactants écrivent dans le cadre de ces échanges en ligne ne soit qu‘une version publique de par le caractère public des outils de communication en ligne, et ne correspondant pas, de la sorte, à la réalité.

III.4.3. Les manifestations de l’altérité dans les échanges