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des langues et des cultures

III.2. Redéfinition du lien social avec les environnements virtuels

III.2.1. Les visées communautaires

III.2.1.1. La notion de communauté

La notion de communauté recouvre un aspect polyvalent de par les différentes disciplines qui en font usage. Son manque d‘unicité conceptuelle « omnibus word » (Hillary, 1963)

156 est dû au fait qu‘« en sociologie, la communauté se distingue donc avant tout par le caractère hétérogène, varié, ambigu, voire contradictoire, des sens qui lui sont attribués » (Guérin, 2004). Ce caractère polysémique de la notion de communauté est actuellement lié aux divers types de communautés qui se prolifèrent "communauté de pratique" (Brown et Duguid, 1991; Lave et Wenger, 1991) et de "communauté d'apprentissage" (Lewis, Schaps et Watson, 1995; Chaskin et Rauner, 1995), etc.

Bien qu‘elle soit souvent associée à des personnes qui se rencontrent dans un environnement virtuel, une communauté virtuelle, pour qu‘elle puisse exister, souligne Herring (2004 : 1), doit réunir certains critères en relation avec les rapports que ces membres entretiennent entre eux. Mais avant d‘expliciter ce qu‘est la communauté virtuelle, il s‘avère nécessaire de définir la notion de communauté et d‘aborder ses divers aspects qui font d‘elle un concept polysémique. Dans l‘une des acceptions données par le Trésor de la Langue Française Informatisé (dictionnaire en ligne), une communauté est un :

« [Concerne les pers.] Ensemble de personnes vivant en collectivité ou formant une association d'ordre politique, économique ou culturel. ». Quant à la communauté en ligne, elle est définie par Foorsyth (1990) cité par Heutte (2005), comme un groupe d'au moins deux personnes qui s'influencent l'une l'autre à travers des interactions sociales. La communauté est dite "virtuelle" dès que ses membres utilisent les réseaux informatiques (notamment Internet) pour se rencontrer et échanger.

En fait, la communauté, de par les rapports sociaux qu‘elle recèle et les identités et les intérêts communs qu‘elle fait intervenir, représente selon les propos de Tonnies (1946) le type idéal où une volonté collective régit les rapports sociaux entre les membres, fondés sur l'attachement émotif, le sentiment, et la reconnaissance. Quant à Hillary (1955), il a tenté d‘identifier les caractéristiques récurrentes de la communauté, selon l‘auteur, elle est marquée par « l'interaction sociale », implique « un secteur géographique » et fait participer des personnes qui ont « des relations communautaires particulières ».

Cependant, la seule présence des membres ne suffit pas pour qu‘une communauté puisse exister, Dillenbourg et al, mettent l‘accent sur une utilisation restrictive de cette notion en stipulant que : « Tout groupe d‘apprenants ne constitue pas une communauté d‘apprentissage. Pour co-construire une culture, les membres d‘une communauté doivent s‘engager dans des modes d‘interaction plus intenses que le simple échange d‘informations sur le web ». (2003 : 01)

157 La dynamique qui caractérise une communauté a fait en sorte que divers types de communauté sont nés mais qui ont des traits communs à savoir le fait qu‘elles réunissent des groupes dans des situations formelles ou informelles tout en ayant des tâches et problèmes communs. Ces communautés sont caractérisées par les diverses interactions entre les membres, la longévité et le partage d‘expériences. Toutefois, une communauté se distingue d‘autres structures sociales parce qu‘elle a ses propres mécanismes de fonctionnement qui s‘expliquent dans le modèle proposé par Tuckman (1965) :

Figure 04 : Modèle de Tuckman (1965)

La structure communautaire commence par se former en collection d‘individus qui ne sont pas encore considérés comme une équipe ce qui est désigné par l‘auteur par (Forming).

Chaque membre cherche à intégrer le groupe et se faire accepter par les autres membres sans entrer en conflit avec eux car le plus important c‘est de comprendre les objectifs et les tâches à réaliser. Vient par la suite la phase de (Storming) où les idées des membres entre en compétition, des conflits peuvent naitre et s‘influencer. Cette phase est d‘une importance cruciale car, elle permet au groupe de s‘émanciper et de maintenir des relations entre les membres. Quant à la phase (Norming), c‘est celle où les membres commencent à comprendre leurs tâches et à travailler dans un esprit collaboratif. La structure communautaire s‘organise peu à peu en fixant les responsabilités de chaque membre.

158 Arrivés à la phase (Norming), les membres agissent d‘une manière plus performante et autonome. Cette phase pourrait être liée à la phase de (Storming) dans le cas de changements de membres du groupe. Après cela, vient la dissolution (Adjourning), la séparation de l‘équipe peut avoir comme raison la fin du projet ou différents échecs que les membres n‘ont pas pu supporter.

Pour Dillenbourg et al (2003), la structure communautaire englobe des individus ayant les caractéristiques des groupements formels en ce que les membres ont des objectifs communs, et celles d‘un groupe de copains dont les visées, sont plutôt la distraction et le plaisir. Les auteurs situent le type « communauté » entre deux pôles d‘un continuum que constituent les structures groupales formelle et amicale, ce qu‘ils précisent dans la figure ci-dessous :

Groupe d’amis Communauté Groupe formel

Figure 05 : Définition d’une communauté par comparaison à d’autres formes d’organisation sociale (Dillenbourg et al, 2003)

Dillenbourg et al (2003) évoquent un rapprochement par rapport aux deux groupements formel et informel tout en signalant la différence qui s‘instaure sur divers plans. Ce qui détermine l‘équipe formelle se résume dans le cadre formel de la communication en partie prédéfinie par le responsable de l‘équipe. Celui-ci délimite le contenu et le déroulement des tâches et de la communication et surtout le profil des membres de l‘équipe selon les objectifs ciblés. De plus, à la différence de la communauté, le niveau de sympathie entre les membres de l‘équipe, bien qu‘il soit important, ne conditionne pas l‘existence de l‘équipe formelle.

Contrairement au groupe formel qui est soumis à des règles particulières en fonction d‘objectifs déterminés par les tuteurs, le groupe d‘amis agit dans un cadre informel où les membres le rejoignent volontairement sans avoir d‘objectifs clairement explicites. Se situant au centre du continuum, la communauté possède selon Dillenbourg et al (2003) une fonction utilitaire et se cristallise autour d‘un intérêt partagé et d‘un but commun.

159 Cependant, l‘évolution des équipes formelle ou informelle peut faire en sorte qu‘elles soient proches des communautés dans la mesure où les membres de l‘équipe formelle peuvent découvrir qu‘ils ont les mêmes centres d‘intérêt et qui ne sont pas forcément ceux de la collaboration initiale, et le groupe d‘amis peut acquérir les traits de la communauté si les membres s‘organisent dans le but de réaliser une tâche commune.