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réalité sociale et transposition didactique

II.2. Conscience interculturelle : Finalité éducative et humaine

II.2.3. La communication interculturelle : Entre décentration et ancrage

II.2.3.2. La compétence interculturelle

Les études sur la communication interculturelle ont favorisé le développement d‘un courant traitant de la problématique de la compétence interculturelle, les partisans de ce courant8 ont tenté de définir les traits de personnalité et les aptitudes nécessaires pour une communication interculturelle efficace d‘où la focalisation non sur les conséquences psychologiques du contact avec un contexte culturel inconnu, mais surtout sur les compétences requises pour être efficace en situation de communication interculturelle.

L‘accent est mis particulièrement sur deux compétences : l'empathie (concept que Redmond, 1989 ; Bennett, 1979, 1994 rapprochent à celui de la décentration) ainsi que la tolérance de l'ambiguïté (que Berger et Gudykunst, 1991 ; Ruben, 1976 appellent tolérance de l'incertitude). Malgré une conceptualisation maigre de la notion, la communication est de plus en plus conçue non pas comme un simple échange de messages mais comme négociation d'identités car :

Aujourd'hui, le problème central est l'identité. Or on se méfie de l'identité en l'assimilant à l'identité haineuse d'hier, alors qu'elle est tout simplement la condition culturelle à l'acceptation d'une communication omniprésente. Il y a un changement de problématique de l'identité. Mais avec la communication, de toute façon, ce sont les problèmes culturels qui seront les plus importants (Dortier, 1997: 17).

Par ailleurs, du fait de l‘accroissement et la rapidité des échanges culturels et linguistiques entre les communautés, Des mutations épistémologiques et méthodologiques ont marqué la didactique des langues et des cultures qui se trouve continuellement innervée de nouvelles notions comme celle de la compétence interculturelle considérée comme :

Un ensemble complexe de savoirs, savoir-faire, savoir-être qui, par le contrôle et la mise en œuvre de moyens langagiers permet de s‘informer, de créer, d‘apprendre, de se distraire, de faire et de faire faire, en bref d‘agir et d‘interagir avec d‘autres dans un environnement culturel déterminé.(Coste, 1998 : 08)

Cette compétence se diffère de la compétence culturelle en ce sens que celle-ci relève du structurel alors que la compétence interculturelle relève du conjoncturel où est considérée la culture actualisée sous sa forme de création, manipulations et de « mise en scène » Le concept de compétence interculturelle a attiré l‘attention de plusieurs chercheurs tels que (Adler, 1994 ; Barmeyer, 2007 ; Bennett, 1993 ; Byram 1997 ; Demorgon et Lipiansky, 1999; Dervin, 2004 ; Dupriez et Simons, 2000 entre autres ). En nous y référant, nous pouvons avancer que cette compétence peut être appréhendée en tant qu‘ensemble

8 Voir notamment Chen et Starosta, 1996 ; Imahori et Lanigan, 1989 ; Kealey, 1989 ; Koester et Olebe, 1988 ; Martin, 1989 ; Ruben et Kealey, 1979 ; Spitzberg, 1994

127 d‘aptitudes qui étendent le champ d‘interprétations et d‘orientations dans un contexte culturel distinct de celui auquel il réfère ; elles requièrent des connaissances sur la culture de l‘Autre et une compréhension de la diversité influençant les attitudes premières de l‘individu à l‘égard des autres.

Les chercheurs dans le domaine de l‘interculturel s‘accordent sur le fait que la compétence interculturelle recèle des attitudes affectives liées aux traits de la personnalité ; elle nécessite toutefois un savoir relatif à la culture de l‘Autre et facilitant les actions individuelles en situation d‘interaction de cultures. Perçue comme concept insaisissable malgré le nombre de tentatives de définition qu‘il a suscitées, la compétence interculturelle se fonde sur une aisance à comprendre l‘Alter-égo en reconnaissant l‘identité à l‘épreuve d‘une altérité respectée. Kristeva décrit cette relation comme suit :

Etrangement, l‘étranger nous habite : il est la face cachée de notre identité, l‘espace qui ruine notre demeure, le temps où s‘abime l‘entente et la sympathie. De le reconnaître en nous, nous nous épargnons de le détester en lui-même. Symptôme qui rend précisément le « nous » problématique, peut-être impossible, l‘étranger commence lorsque surgit la conscience de ma différence et s‘achève lorsque nous nous reconnaissons tous étrangers, rebelles aux liens et aux communautés.

(Kristeva, 1996 : 09)

II.2.3.2.1. Composantes de la compétence interculturelle

Des chercheurs comme (Byram, 1997 ; Byram et Zarate, 1995 ; Byram et Zarate, 1997) se sont particulièrement attelés à déterminer les contours de la compétence interculturelle et à préciser ses constituants. Il s‘agit précisément des savoir-être (attitude) qui se résument dans l‘attitude d'ouverture aux différences culturelles et au désir d‘aller vers l‘Autre, des Savoirs (knowledge) ou la connaissance des particularités culturelles des deux cultures nécessaires à une communication efficace entre les individus appartenant à des cultures différentes. Deux autres composantes de la compétence interculturelle consistent en le savoir-comprendre et le savoir-apprendre-et-faire relatif la capacité de concevoir et comprendre les nuances culturelles, de prévoir les malentendus et à agir de façon adéquate en situation de communication exolingue, et finalement le savoir-s'engager (critical cultural awareness) qui est la volonté de s‘engager dans la communication afin de résoudre les problèmes culturels et à y trouver un compromis.

Les composantes de la compétence interculturelle ont été l‘objet d‘études de Lussier et al (2007) qui les présentent comme suit :

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 Les savoirs englobent des connaissances sur le monde liées à la mémoire collective.

Il s‘agit de l‘assimilation des faits et événements en relation avec la société et la vie courante, l‘histoire, la géographie ainsi que de tous les traits de la culture à savoir les normes, les us et coutumes et les stéréotypes. Le sujet doit être en mesure d‘identifier et d‘expliciter, de comparer et d‘évaluer ces traits culturels.

 Les savoir-faire s‘articulent autour de la capacité de fonctionner linguistiquement dans la langue de l‘Autre en faisant appel aux savoirs de cette langue. L‘acquisition de ce savoir-faire doit se manifester par le fait de s‘ajuster au contexte culturel et d‘interagir en ayant conscience des différences impliquées dans la situation de communication. Une fusion efficace des compétences langagière et culturelle s‘avère nécessaire pour pouvoir négocier et mieux interpréter les situations conflictuelles.

 Le savoir-être est lié aux dimensions de sensibilisation ou conscientisation culturelle permettant d‘entretenir des relations individuelle et collective se basant sur la compétence transculturelle, l‘esprit critique, la tolérance, l‘empathie, l‘acception des différences la valorisation de l‘Autre et la médiation culturelle.

Pour Robert et Kohls cité par Barmeyer (2007 :224), la compétence interculturelle peut s‘apprendre jusqu‘à un certain degré ; cela peut être expliqué par le fait que les caractères individuels sont peu malléables, au même temps, diverses attitudes et habiletés peuvent être acquises par l‘individu. Une formation à l‘interculturel est, de ce fait, d‘une importance inéluctable parce qu‘elle est susceptible de favoriser une synergie culturelle voire identitaire et une « compétence d‘action interculturelle » Barmeyer (2007).

L‘objectif d‘une formation interculturelle est de développer une prise de conscience interculturelle doublée d‘aptitudes qui permettent d‘agir avec souplesse, compréhension et prescience dans des contextes où se chevauchent culture maternelle et culture étrangère.

Faisant l‘objet d‘une panoplie de recherches et dans différents domaines, la question de la compétence interculturelle a été étudiée par Hofstede (2005) qui explique les phases de son acquisition en les liant à trois notions : Prise de conscience, connaissance et aptitudes.

Dans la première phase, la conscience de la diversité des modes de socialisation est à la base d‘une ouverture à la culture de l‘Autre. Dès que l‘individu s‘aperçoit que deux groupes culturels distincts sont socialisés différemment, se développe l‘aptitude à comprendre l‘Autre, ce qui est désignée par « la phase de connaissance ». Selon l‘auteur, il s‘agit d‘une volonté d‘apprendre des éléments culturels étrangers- constitutifs des

129 divergences- qui permettraient d‘interpréter les comportements et de résoudre des conflits.

Dans la phase finale, celle des aptitudes, l‘accent mis sur la nécessité de vivre des expériences interculturelles en commençant par la résolution de simples conflits pour passer à des problèmes plus complexes.

Il en ressort que la compétence interculturelle relève de l‘affectif quant l‘individu relativise son point de vue et accepte les différences en remettant en question ses repères culturels, du cognitif car il s‘agit d‘assimiler des connaissances, d‘apprendre plus de choses sur l‘Autre, du comportemental dans la mesure où l‘individu est censé agir efficacement dans des situations interculturelles et à mettre ses connaissances et ses nouvelles attitude en pratique (voire figue 01). A ce sujet, toute formation à l‘interculturel est à envisager comme un apprentissage devant avoir comme finalité non seulement un savoir relatif à la culture cible mais surtout une expérience vécue avec l‘Autre comme le précisent Ladmiral et Lipiansky :

C‘est sur cette base d‘une expérience concrète et aussi spontanée que possible de la relation que s‘éprouve, d‘abord, la réalité de la communication interculturelle. Sans cette expérience, il ne peut pas y avoir de compréhension à la fois profonde et vécue des processus, des mécanismes psychologiques, des enjeux existentiels qu‘elle implique. Cela ne va pas sans une mise en situation. (…) Surtout, elle favorise une verbalisation du vécu immédiat de la communication interculturelle ; il faut en quelque sorte faire parler son expérience, la comparer à celle des autres, pour la comprendre. (1989 : 308)

FORMATION

INTERCULTURELLE

Figure 01 : Acquisition de la compétence interculturelle. Hofstede (2005) Affectif

130 II.2.3.2.2. Fils directeurs pour évaluer la compétence interculturelle

En cette ère d‘éclatement de frontières, les cultures et les identités s‘influencent les unes les autres. Conséquemment, les perturbations et les conflits s‘intensifient d‘où la nécessité de promouvoir des valeurs et des attitudes favorisant l‘expérience de l‘Altérité. De plus en plus, une conscientisation des individus des cultures en interaction s‘avère primordiale pour repenser le rapport à l‘Autre et transcender les différences. Des chercheurs tels que (Byram, Zàrate et Neuner, 1997 ; Conseil de l‘Europe, 1996 et 2000, Bennett, 1993;

Nostrand, Grundstrom et Singerman, 1996 entre autres) ont tenté de baliser le champ de la compétence interculturelle et d‘en préciser les critères d‘évaluation.

Etant une constellation de savoirs d‘ordre cognitif, comportemental et affectif, la compétence interculturelle ne sert en rien d‘imiter un natif ou d‘en créer un double mais elle sert plutôt à dialoguer avec en manifestant respect et relativisme. Cette compétence est en perpétuelle construction, elle n‘est jamais achevée. Malgré sa complexité, des stratégies peuvent être mises en œuvre pour développer d‘une manière autonome cette compétence car : « L‘autonomie dans l‘apprentissage constitue à la fois un moyen et une fin.

L‘apprenant, en prenant en charge ses responsabilités dans son propre apprentissage, apprend à apprendre ouvertement, cognitivement et explicitement » (Barbot, 2000: 21).

Les recherches dans ce domaine évoluent timidement en raison de la complexité de l‘interculturel et du fait qu‘il n‘est pas « mesurable » et que ses éléments ne sont pas toujours quantifiables (Gripps , 2004). Les lignes directrices proposées pour l‘évaluation de la compétence interculturelle au cours des années 80 et 90, ont été généralement axées sur les contrôles et les tests de connaissances qui se limitaient aux savoirs et aux connaissances culturelles sans accorder de l‘importance aux modalités d‘évaluation des savoir-faire et des savoir-être. Récemment, l‘accent est particulièrement mis sur ces deux pivots de la compétence interculturelle, Lussier et al (2007) suggèrent en liaison avec cette problématique, d‘autres alternatives aux tests et contrôles consistant en le recours par l‘enseignant à des sources de données à travers : « Dossiers, fiches et grilles d‘observation, documentation des comportements fonctionnels, inventaire des attitudes, enquêtes, portfolios, journaux de bord, rapport d‘auto-évaluation, productions écrites, inventaires des centres d‘intérêt, carnet de route, etc. » (Lussier et al, 2007 : 31)

Dans le but d‘explorer le domaine de l‘évaluation de la compétence interculturelle, des profils et des indicateurs de compétence ont été proposés par Lussier et al (2007) tout en

131 les répartissant sur trois niveaux : minimum, medium et élevé, comme l‘explicite le tableau suivant :

Des habiletés à négocier des situations conflictuelles caractérisées par la comportements et les interventions en jouant le rôle comme médiateur culturel des autres (valeurs, tradition, attitudes, etc). Le sujet manifeste plus d‘empathie et d‘ouverture aux différences. Il agit en tant que médiateur culturel dans des situations interculturelles conflictuelles en observant, analysant et interprétant des malentendus et les événements interculturels tout en défendant sa vision des choses.

Niveaux et indicateurs de la compétence interculturelle. Lussier et al (2007)