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I.2. Modalités de communication : Caractéristiques et dimensions

I.2.2. L’interaction exolingue comme modalité de communication à caractère interculturel

I.2.2.1. Communication exolingue/endolingue et typologie des situations d’interactions

Toute communication se déroulant entre un Locuteur Natif (LN) et un Locuteur Non Natif (LNN) et caractérisée par l‘inégalité du répertoire linguistique et des compétences

59 langagières et communicationnelles des interlocuteurs est désignée par « communication exolingue ». Surgissant dans le sillage des études effectuées en ethnographie de la communication et en linguistique interactionniste, la communication exolingue est « celle qui s'établit par le langage par des moyens autres qu'une langue maternelle éventuellement commune aux participants (...) Elle est déterminée et construite par des paramètres situationnels parmi lesquels en premier lieu la situation exolingue» (Porquier, 1984: 18-19). De ce fait, une distinction s‘opère entre cette communication et les autres types d‘échanges verbaux selon des paramètres linguistiques liés à la diversité des langues maternelles des interlocuteurs et situationnels concernant le contexte de l‘interaction.

A partir de cette première définition, l‘accent a été mis particulièrement sur l‘aspect linguistique de ces interactions. En fait, les caractéristiques de cette communication précisées par Alber et Py (1985) signalent la différence entre communication exolingue et communication endolingue :

Par conversation exolingue (Porquier 1979 et 1984) nous désignerons très généralement toute interaction verbale en face à face caractérisée par des divergences particulièrement significatives entre les répertoires linguistiques respectifs des participants. Définie de cette manière, la conversation exolingue s‘oppose à la conversation endolingue, dans laquelle les divergences entre ces répertoires sont nulles » (Alber et Py, 1985 : 33)

Selon la typologie des situations de communication exolingue, la communication interalloglotte est perçue comme l‘échange verbal en situation d‘interaction entre interlocuteurs dont la langue de communication n‘est pas leurs langues maternelles mais une langue cible commune. Ce qui la différencie de la communication exolingue- qui l‘englobe aussi- est le fait que cette dernière réfère à l‘interaction dans laquelle la langue utilisée est maternelle pour un ou plusieurs locuteurs et seconde ou étrangère pour l‘autre ou les autres locuteurs. Ce sont donc la non-nativité et la divergence des langues maternelles des locuteurs qui sont constitutifs de la communication exolingue. La particularité de cette modalité de communication est celle des écarts linguistiques et culturels entre les participants. Cette exocommunication désigne :

Les échanges langagiers entre individus nés et socialisés dans des bassins linguistiques et culturels distincts, échanges dans lesquels la dissymétrie entre les participants concerne l‘ensemble de leur compétence communicative et se manifeste aussi bien dans leurs conduites voco-verbales que dans leurs conduites non-verbales, aussi bien dans la production-interprétation des énoncés que dans la gestion du discours et de l‘interaction. (Colletta, 1992 : 33).

60 Entre endolinguisme et exolinguisme, la frontière est représentée par l‘asymétrie ou la symétrie codique tant au niveau verbal qu‘au niveau non-verbal. Toutefois, cela n‘exclut pas les éléments communs aux deux codes mis en interaction. Pour Jeanneret (1999), la conversation exolingue est celle où les divergences linguistiques et extralinguistiques sont repérées dans la récurrence métalinguistique des interactants à résoudre les malentendus, à négocier le sens, à reformuler et à coénoncer.

Apparue dans les travaux de Porquier (1979, 1984), la communication exolingue désigne

«celle qui s'établit entre individus ne disposant pas d'une L1 commune» (1979 : 50).

Comme toute communication langagière, elle est soumise à des facteurs situationnels relatifs d‘abord au paramètre exolingue de la situation, cette dernière est caractérisée par plusieurs indicateurs qui sont selon Porquier (1984: 18-19)

 Les participants ne peuvent ou ne veulent communiquer dans une langue maternelle commune [...];

 les participants sont conscients de cet état de chose, de ce fait, cette situation est déterminée pragmatiquement et formellement par cet état de choses et donc par la conscience et les représentations qu'en ont les participants;

 les participants sont, à divers degrés, conscients de cette spécificité de la situation et y adaptent leur comportement et leurs conduites langagières. (Porquier, 1984, 18-19)

Ayant des caractéristiques particulières, la communication exolingue implique des stratégies de la part des locuteurs afin de résoudre les problèmes dus à l‘asymétrie linguistique (Alber et Py, 1985, 1986 ; Lüdi, 1989). Dans ce cas, la prise en compte de la divergence des répertoires langagiers des locuteurs qui est marginale dans la situation endolingue. Afin de rendre toute communication possible, sont mis en œuvre des processus dynamiques comme la négociation de sens, la collaboration et l‘ajustement réciproque des locuteurs. Ces aspects ne sont pas typiques à la communication exolingue car ils peuvent être présents dans la conversation endolingue où l‘absence de connaissances et références communes engendre des dysfonctionnements laissant paraitre des traits typiques de la conversation exolingue à savoir : la reformulation, la simplification, les interrogations, etc.

La typologie des situations de communication ébauchée par Porquier (1984) a été reprise par De Pietro (1988) et Lüdi (1989) qui explicitent les situations de contacts linguistiques

61 sous forme de deux axes déterminant la disponibilité des langues ainsi que leur degré de partage par les locuteurs :

Exolingue (2) (4)

endolingue (1) (3)

Unilingue bilingue (De Pietro, 1988 : 72)

La présence de deux langues dans le répertoire langagier des interlocuteurs caractérise l‘axe unilingue-bilingue, tandis que l‘axe endolingue-exolingue concerne le degré de partage de ces langues par les interactants.

La situation (1) renvoie à la présence d'une seule langue et une asymétrie linguistique minimum entre les locuteurs ou une asymétrie négligeable du fait que les interactants trouvent qu‘ils partagent le même code. Quant aux situations unilingues-exolingues (2) concernent la prise en compte, par les interlocuteurs eux-mêmes, des divergences codiques et par la mise en œuvre de diverses stratégies pour les réduire, en restant cependant à l'intérieur d'une seule langue. Autrement dit, les négociations de sens et la dimension métalangagière des échanges sont mises en relief par le volet exolingue. Les situations exolingues-bilingues (3) sont imprégnées par les différences dans les répertoires langagiers des locuteurs qui font recours à deux langues asymétriquement partagées. Les situations bilingues-endolingues (4) se caractérisent par ce que Grosjean (1984) nomme le parler bilingue où il y a au moins deux langues, auxquelles les interactants recourrent. Ces situations sont celles où apparaissent des problèmes spécifiques à la communication bilingue telle que l‘alternance codique.

Ces dimensions communicatives présupposent une coopération sous forme de procédés communicatifs et de négociations successives dans le but de poursuivre la conversation. En situation bilingue, le choix du code utilisé et l‘accord sur un code-switching peuvent être vus comme des formes de négociations. Quant à la situation exolingue, Alber et Py (1986),

62 Dausendschön-Gay et Krafft (1991), de Pietro (1988), Bange (1992), entre autres, soulignent que le bon déroulement de la communication et la compréhension dépendent d‘une coopération accrue se manifestant à travers des mécanismes communicatifs à savoir : la reformulation et la simplification, de Pietro (1988), Alber et Py (1986), l‘analyse Dausendschön-Gay et Krafft (1991), l‘achèvement interactif Gülich (1986) du côté du locuteur fort, la sollicitation d‘aide et d‘explication, les énoncés inachevés, le néocodage chez le locuteur faible

La disponibilité de deux langues chez les locuteurs, même si leur maitrise est asymétrique, leur permet de recourir à l‘autre langue pour pallier des lacunes du fait que les participants sont conscients d‘une équivalence approximative des répertoires, ce qui implique une compréhension de l‘autre langue par les participants.

A travers cette typologie, souligne Matthey (1996), diverses modalités d‘explications et d‘interprétations des situations de contact de langues deviennent possibles telles que :

La dimension systémique qui prend en compte, par le biais de l'analyse contrastive, la rencontre de deux systèmes; la dimension sociolinguistique qui souligne l'importance des appartenances sociales, politiques et culturelles des individus, appartenances qui préexistent à l'interaction et qui la déterminent en partie; la dimension purement interactionniste des observables, c'est-à-dire la mise en évidence des savoir-faire langagiers des acteurs pour mener à la dimension psycholinguistique prend en compte les aspects cognitifs et plus précisément acquisitionnels des observables dégagés.

La catégorisation des situations d‘interactions selon des relations symétriques et asymétriques permet d‘appréhender les structures de l‘interaction. Selon Bange (1987), l‘asymétrie caractérisant l‘interaction exolingue génère le phénomène de bifocalisation sur le code et sur le contenu :

Focalisation centrale sur l‘objet thématique de la communication, sur les buts, sur ce que les interactants veulent faire ensemble (comme dans toutes les formes de la communication), [et] focalisation périphérique sur les problèmes formels qui pourraient apparaître dans la production ou dans la compréhension : vigilance particulière dans la mise en alerte progressive de l‘attention pour assurer la structure prévue. (1987 :23).

Autrement dit, deux types de vigilance s‘imposent, une vigilance accrue liée à l‘objet de la communication, c'est-à-dire, sa thématique et une vigilance particulière axée sur les problèmes de la production et la communication ayant la forme de procédés de régulation de discours à caractère métalinguistique et métadiscursif qui conditionnent sa continuité et réussite.

63 Ce caractère asymétrique de la communication exolingue se définit aussi par rapport aux statuts et aux rôles des participants dans le sens que les rôles sont négociés au sein de l‘interaction et les statuts sont déterminés au préalable en étant natif ou alloglotte, etc. Ces traits caractérisant ce genre de communication mènent à réfléchir sur la transmission de savoirs et à la dimension acquisitionnelle des actes conversationnels. L‘intérêt pour cet aspect de l‘acquisition, ressort dans les travaux de Porquier (1984) qui évoque la nécessité de faire référence à d‘autres éléments théoriques ou à une recontextualisation de ce domaine de recherche en insistant sur le rôle de l'identité dans les échanges langagiers et en axant l‘étude sur les malentendus (Noyau et Porquier, 1984). La centration, dans ce domaine là, s‘orientera d‘une étude des interactions prenant appui sur le savoir linguistique de l‘apprenant dans la langue cible, vers une réflexion sur la dynamique des processus de gestion, de construction et de régulation du répertoire langagier dans la communication.