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I.2. Modalités de communication : Caractéristiques et dimensions

I.2.2. L’interaction exolingue comme modalité de communication à caractère interculturel

I.2.2.6. Conscience langagière et Conscience (inter)culturelle

Les stratégies adaptatives dont les interactants font usage dans une situation de communication relèvent de ce que l‘on appelle « une conscience langagière ». Celle-ci correspond aux activités entrainant une veille permanente et une réflexion métalinguistique sur la conformité des énoncés produits et émis selon les objectifs communicatifs et la situation globale d‘interaction. Pour que les échanges se poursuivent et atteignent le but prédéfini par les interactants, ceux-ci doivent faire preuve d‘une conscience langagière, c'est-à-dire «chacun des interlocuteurs doit fournir une activité métalinguistique importante pour adapter de façon satisfaisante ses discours à l'autre, et pour tenter de reconstruire du sens à partir des discours » (Noyau, 1984: 34).

Cette conscience à repérer les indicateurs des difficultés de communication (hésitation, pauses, ruptures, questions, remarques, etc.) se manifeste par la mise en place de stratégies appropriées afin qu‘il y ait continuité mais surtout une réussite de l‘échange. Qu‘il s‘agisse de production ou d‘émission, le locuteur est censé être attentif aux actes communicatifs et aux paramètres contextuels et relationnels en particulier afin de réaliser d‘une manière réussie l‘activité langagière. De là, se met en jeu la compétence communicative de tout locuteur du fait qu‘il est appelé à mobiliser des compétences linguistiques, sociolinguistique, discursive, culturelle, etc., dans le but d‘atteindre un degré acceptable dans la compréhension de la communication, il faut donc manifester une conscience relative à chaque composante pour résoudre les éventuels problèmes communicatifs. C‘est ce qu‘Arditty explique en disant que « la conscience des phénomènes proprement

76 linguistiques au sens de système de la langue, est apparue limitée et subordonnée par rapport à une conscience plus large de phénomènes touchant à la relation à l‘autre et à l‘activité sociale » (Arditty, 2008 :48)

La communication est par définition compliquée de par les éléments qui lui donnent son cadre interactionnel. Mis à part la langue, d‘autres éléments comme les interactants, le contexte, les intentions et le but de l‘échange, etc., confèrent à l‘interaction une certaine orientation. Au cours de l‘échange, la conscience langagière qu‘a le locuteur du déroulement de l‘activité langagière génère des stratégies métalinguistiques menant à la finalité de la communication. Pareillement, afin de réussir la communication, une conscience englobant des phénomènes qui relèvent des représentations de soi et de l‘autre, de la thématique de la communication, du cadre situationnel de l‘interaction, etc., surgissant lors de l‘échange s‘avère indispensable pour une communication réussie. A ce sujet, Arditty affirme que « les aspects relationnels de l‘interaction et de la conscience qu‘on en a déterminent notre évaluation des possibilités de jeu avec la langue, et conjointement, de construction de l‘image de soi et de la relation aux autres » (Arditty, 2008 : 36)

Par ailleurs, la communication interculturelle conçue comme étant une interaction entre personnes d‘appartenances culturelles distinctes, sa réussite n‘est pas uniquement conditionnée par les compétences linguistiques des interactants mais aussi par leur capacités en termes d‘ouverture sur l‘autre, de perception d‘éventuels malentendus, de décodage de l‘implicite culturel, c‘est la raison pour laquelle tout locuteur doit avoir conscience de la grille de référence de son interlocuteur, de sa propre identité et particularités culturelles afin de savoir comment se comporter et se positionner par rapport à lui. Un locuteur ayant une conscience culturelle manifeste « sa capacité à « ajuster » sa façon de penser et de son degré de réceptivité à des systèmes culturels nouveaux. Cette souplesse dans la perception et les modes de pensée facilite l‘ouverture aux autres et l‘acceptation de leur culture. Elle est l‘une des conditions d‘une adaptation interculturelle réussie ». (A-G. Camillieri, 2002 : 55)

Ce qui mène à une communication satisfaisante est la capacité de voir au-delà des stéréotypes qui gênent la perception que les locuteurs ont d‘eux-mêmes et des autres, de prendre conscience de la diversité des milieux socialisateurs, et donc des modes de vie et des modes de pensée. Cette conscience (inter)culturelle est indispensable pour réussir une

77 communication interculturelle, car par définition, l‘interculturel traite de « l‘interaction entre deux identités qui se donnent mutuellement un sens » (Abdallah-Pretceille, 1986) Pour Ogay et al (2002 : 46) « une bonne communication interculturelle est avant tout une interaction sans conflit, dans laquelle chaque acteur s‘efforce d‘éviter tout désaccord et de laquelle chacun ressort satisfait ». L‘interaction entre porteurs de cultures différentes s‘avère parfois d‘une grande utilité car ces contacts leur permettent de s‘apercevoir de leurs caractéristiques culturelles, des points de convergence et des points de divergence qui passeraient inaperçus dans d'autres circonstances. De plus, les images faites des uns et des autres émergent dans les situations de contact en contribuant à l‘interprétation correcte ou pas des messages en communication.

Chaque locuteur interprète les messages conformément à ses connaissances et représentations qui peuvent coïncider, plus ou moins ou très peu, avec la réalité de son interlocuteur. La communication n'est pas seulement un échange de messages, c'est, surtout, une construction de sens qui se fait en possédant assez de connaissances des cultures d‘origines des interlocuteurs afin de faciliter l‘intercompréhension mais aussi en ayant une ouverture et une tolérance vis-à-vis des différences pour éviter ou résoudre d‘éventuels problèmes d‘ordre culturel. Cela nous guide directement vers la compétence interculturelle qui est une sorte de maillon reliant des composantes cognitive et émotionnelle qui se conjuguent et s‘interpénètrent, l‘une ne pourrait se dissocier de l‘autre pour réussir une communication interculturelle. Chen et Starosta (1996 : 366) soulignent que les personnes ont une compétence cognitive interculturelle plus grande quand «…elles ont un haut degré d'autoconscience et de conscience culturelles ».

Les rapports émotionnels sont une pièce maitresse dans tout contexte interculturel du fait qu‘ils peuvent perturber ou faciliter la communication en fonction de ce qu‘éprouvent les interlocuteurs l‘un à l‘égard de l‘autre. L‘empathie, l‘anxiété, la tolérance, l‘ouverture, la curiosité, sont des sentiments qui orientent la communication vers l‘échec ou la réussite, et pour qu‘elle réussisse, les interlocuteurs doivent, en plus d‘une compétence interculturelle cognitive, se doter d‘une compétence interculturelle émotive qui se produit « …quand les personnes sont capables de projeter et de recevoir des réponses émotionnelles positives avant, pendant et après les interactions interculturelles » (Chen et Starosta, 1996 :358-359).

Mises en corrélation, les deux aspects de la compétence interculturelle font en sorte qu‘une conscience culturelle atteigne un degré permettant aux interlocuteurs de prédire la situation

78 communicative en prévoyant et négociant les diverses lectures des messages émis et reçus.

Cette conscience se définit comme « l‘habilité à négocier les significations culturelles et à agir au niveau de la communication de forme efficace conformément aux multiples identités des participants » (Chen et Starosta, 1996 : 358-359).

Qu‘elle soit culturelle ou interculturelle, cette conscience touche à la personnalité de l‘individu en ce sens qu‘elle met en œuvre ses images, ses connaissances, son savoir-faire, ses habiletés à prévoir, à déduire, à comprendre, à négocier, etc. Pour conceptualiser la conscience interculturelle, le conseil de l‘Europe à travers les projets qu‘il a mis en œuvre, s‘est donné pour tâche l‘éveil aux langues et aux cultures ainsi que le développement d‘une conscience interculturelle. Celle-ci est expliquée sur le site du Centre Européen pour les Langues Vivantes (CELV) comme suit :

Il n'est pas possible d'accepter sans avoir une forte volonté de se connaître mutuellement, de se comprendre sans pour autant vouloir effacer à tout prix les différences qui existent entre nous. C'est à ce moment que nous parlons de la conscience interculturelle, cette conscience que les autres existent, qu'ils sont différents et que nous devons accepter leur différence pour communiquer réellement avec eux et pour pouvoir vivre avec ou même à côté d'eux. (…). Il n'y aura jamais de cohésion en Europe sans une forte motivation et volonté de communiquer avec les autres, sans cette conscience interculturelle qui nous pousse à accepter (et pas seulement à tolérer) les autres et nous implique dans l'acquisition de la compétence interculturelle. (…). La conscience interculturelle nous ouvre donc l'acquisition des compétences interculturelles qui, complétées de compétences langagières, rendent la communication possible.

La complexité des situations interculturelles appelle une réflexion sur les compétences à développer en plus des compétences langagières. Etant un phénomène qui met en interaction les volets linguistique et culturel, la communication implique une conscience langagière des interlocuteurs des enjeux linguistiques de l‘échange mais aussi une conscience interculturelle qui valorise la rencontre des identités, la confrontation des représentations, la construction du sens et l‘action commune.

Conclusion

Ce chapitre a été consacré à deux volets principaux : les visées et modalités communicatives et interculturelle en didactique des langues et les situations communicatives exolingues et interculturelles. Le point qui relie les deux perspectives est le fait qu‘actuellement, les didacticiens encouragent les approches actionnelles s‘appuyant sur des tâches communicatives authentiques. C‘est pourquoi nous avons montré dans la

79 première partie de ce chapitre la perpétuation de l‘objectif communicatif en corrélation avec l‘objectif interculturel en didactique - domaine dans lequel s‘ancre notre recherche - pour traiter dans une deuxième partie de la communication qui nous intéresse tout particulièrement par rapport à la visée que nous nous sommes donnée dans cette étude.

Dans une conception d‘interactions exolingues en ligne -qui est la nôtre- l‘étude des phénomènes interculturels est de première importance du fait qu‘ils sont directement liés à l‘échec ou la réussite de la communication d‘où la nécessité d‘explorer les situations exolingues tant sur le plan de l‘asymétrie linguistique qui, à la fois, à des retombées sur le déroulement de l‘échange mais aussi l‘avantage des potentialités acquisitionnelles dans le domaine de l‘apprentissage des langues, que sur le plan de l‘asymétrie culturelle, source de malentendus pouvant être palliés par le biais d‘une conscience interculturelle.

Pour explorer le domaine de la communication sous l‘angle du culturel et de l‘actionnel, nous avons eu recours au concept de « l‘éthos communicatif » en raison des styles culturels qui apparaissent dans les interactions ainsi qu‘à celui de « l‘agir communicationnel » qui invite à réfléchir à une projection à faire sur le modèle de l‘acteur social préconisé par l‘approche actionnelle.

S‘ils aspirent à poursuivre l‘échange et à atteindre l‘objectif qu‘ils se sont assignés, les porteurs de cultures distinctes, mis en situation de communication, recourent à des stratégies adaptatives car la rencontre interculturelle est une situation compliquée où se confrontent des représentations et des identités d‘où la prolifération des études interculturelles dans de nombreux domaines, et le foisonnement des notions liées à cette thématique. C‘est ce que nous présenterons dans le chapitre suivant, qui sera consacré au contact des langues et des cultures, au dialogue et compétence interculturels tout en visant les phénomènes identitaires et représentationnels émergeant en situation d‘interaction.

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Chapitre II : Croisement de langues et de cultures : l’interculturel entre

réalité sociale et transposition