• Aucun résultat trouvé

Partie 3 - Cadre conceptuel relatif à l’étude des pratiques évaluatives des enseignants . 81

7 Les tâches évaluatives sommatives : une question de design

Une littérature de référence pour nous sur l’alignement curriculaire traite de design pour parler du processus de construction des tâches évaluatives - designing Assessment Tasks : ATs (e. g., Biggs, 2003 ; Biggs & Tang, 2009)57 - ou parfois de « task-design processes » (Klenowski &

Wyatt-Smith, 2014, p. 50). Ce processus accorde une importance particulière à la cohérence qui devrait exister entre les objectifs d’apprentissage à évaluer et les tâches évaluatives.

Deux étapes y sont décrites comme importantes. La première, présentée comme la plus simple, consiste à sélectionner une tâche qui correspond à l’habileté cognitive exprimée au travers de l’objectif et au contenu sur lequel porte ce dernier. Un consensus émerge sur le fait que cette tâche doit être de complexité élevée, de manière à rendre compte de la qualité des apprentissages, et conjointement, permettre un traitement qualitatif des traces des élèves. Et c’est précisément ce traitement qualitatif qui constitue la deuxième étape de sa réalisation. Il est intéressant de noter que dans cette perspective, le design des tâches évaluatives comprend également la manière avec laquelle elles pourront être pondérées, puis notées. Nous traiterons ces deux points plus loin.

Dès lors, pour ces derniers auteurs, les tâches évaluatives assurent la cohérence d’alignement curriculaire quand elles rendent visibles les activités mentales - « cognitive engagement » (Biggs, 1999, p. 67) - que les élèves sont amenés à produire en référence aux habiletés des objectifs évalués. Biggs et Tang (2011) détaillent à ce niveau l’importance de produire des

57 Il ne faut pas confondre cette acception avec celle d’autres chercheurs, comme Wiggins et McTighe (2005), qui parlent du design comme le processus de construction de toute la démarche d’apprentissage.

tâches évaluatives également en rapport avec les contenus abordés et qui respectent la taxonomie : par exemple, si l’apprentissage s’est déroulé à des niveaux d’analyse de sources scientifiques, il n’est pas pertinent d’évaluer d’un point de vue sommatif leur description ou identification.

7.1 Des tâches authentiques

Ces auteurs parlent de tâches authentiques (authentic tasks). Mottier Lopez (2015), dans un article où elle problématise la différence entre tâches d’apprentissage et d’évaluation, montre que cette question de tâches authentiques n’est pas récente. Reprenant les travaux de Wiggins (1988), elle explicite les différences entre les évaluations traditionnelles (typical tests) et les tâches authentiques (authentic tasks). Nous reprenons ces éléments ici, car ils concordent en grande partie avec notre conceptualisation des tâches.

Tableau 1 : Differences between typical tests and authentic tasks (Wiggins, 1988) cité par Mottier Lopez (2015, p. 77)

Typical test Authentics tasks

Require correct responses only Require quality product and/or performance, and justification

Must be unknown in advance to ensure validity Are known as much as possible in advance ; involve excelling at predictable demanding and core tasks ; are note « gotcha !» experiences

Are disconnected from a realistic context and realistic constraints

Require real-world use of knowledge : the student must « do » history, science, etc. in realistic simulations or actual use

Contain isolated items requiring use or recognition of known answers or skills

Are integreted challenges in which knowledge and judgment must be innovatively used to fashion a quality product or performance

Are simplified so as to be easy to score reliably Involve complex and non-arbitrary tasks, criteria, and standards

Are one shore Are iterative ; contain recurring essential tasks, genres

and standards

Depend on highly technical correlations Provide direct evidence, involving tasks that have been validated against core adult roles and discipline-based challenges

Provide a score Provide usable, diagnostic (sometimes concurrent)

feedback : the student is able to confirm resultst and self-adjust as needed

Nous observons ici que les tâches authentiques devraient notamment : - Permettre une mise en évidence de la qualité de l’apprentissage ; - Se centrer sur les objets disciplinaires ;

- Viser le développement de la connaissance ; - Intégrer des défis d’apprentissage ;

- Evaluer des niveaux d’apprentissage de complexité élevée ; - Etre constituées de tâches emblématiques de la discipline ; - Offrir des possibilités de feedback.

Nous sommes conscient que la question de l’authenticité des tâches peut prêter didactiquement à controverse, dans le sens où l’on peut interroger la pertinence d’inscrire chacune d’entre elles dans des situations de la vie quotidienne58, des « key challenging situations » (Wiggins &

McTighe, 2005). Pour éviter de nous disperser, nous n’engagerons pas ici ce débat. Selon nous, cette caractéristique des tâches authentiques n’enlève toutefois en rien l’intérêt de la conceptualisation proposée par ces chercheurs, puisque nous y retrouvons certaines caractéristiques du modèle de l’alignement curriculaire élargi : centration sur les contenus, approche qualitative de l’apprentissage et de l’évaluation, cohérence avec les critères d’évaluation, cohérence taxonomique. Par ailleurs, d’autres éléments ouvrent des perspectives théoriques intéressantes : la question des tâches emblématiques des disciplines, qui renvoie au statut qu’elles donnent aux différents objets de savoir disciplinaires qui y circulent (par exemple, la production écrite en français, ou la résolution de problèmes en mathématiques) ; et la question des feedbacks inscrits dans une perspective sommative, qui met notamment en lumière la problématique de la nature du retour fait à l’élève (Harlen, 2005).

7.2 Quelles caractéristiques théoriques des tâches évaluatives ?

Dans cette perspective, deux constats peuvent être opérés. Tout d’abord, nous considérerons la tâche évaluative comme étant possiblement constituée de sous-tâches, mais amenant toutes le plus possible à des réponses ouvertes demandant un développement de la part de l’élève (Royce Sadler, 2009). Cela exclut l’acception d’une tâche évaluative sous forme de succession d’items.

En effet, l’item renvoie à une question de basse complexité et à un traitement de l’évaluation dans le modèle de la mesure (Anderson, 2002 ; Biggs, 2003) ou à des évaluations standardisées

58 Ceci d’autant plus que la forme scolaire, dans son essence même, se distancie des situations de la vie quotidienne en didactisant toute tâche d’apprentissage ou d’évaluation.

(Pellegrino, 2006 ; Martone & Sireci, 2009). Ensuite, à l’instar de notre modèle théorique, nous pensons que notre conceptualisation de la tâche marque le lien entre tâche d’apprentissage et tâche évaluative, puisque ce sont les mêmes préoccupations théoriques qui les définissent. En cela, nous abondons dans le sens de Mottier Lopez (2015) qui affirme : « l’apprentissage de l’élève ne peut s’appréhender – et donc s’évaluer – que dans la saisie de l’activité de l’élève en interaction avec la tâche, elle-même saisie dans des situations et réseaux de significations plus larges » (pp. 62-63). C’est ici bel et bien l’alignement curriculaire élargi qui guide et oriente le sens que prend la tâche évaluative.

En sus, et comme nous l’avons déjà évoqué, une des caractéristiques fondamentales de la tâche évaluative au cœur de notre modèle est qu’elle peut être traitée de manière qualitative. En d’autres termes, elle doit donner à voir des dimensions de l’apprentissage évalué, de manière à mettre ce dernier en évidence en lui assignant des systèmes de valeur eux aussi qualitatifs. Cela nous amène à traiter maintenant de la pondération.