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Partie 3 - Cadre conceptuel relatif à l’étude des pratiques évaluatives des enseignants . 81

9 La nécessité de conceptualiser différemment la notation

9.3 Une notation, de fait, holistique

Biggs et Tang (2009) expliquent les raisons pour lesquelles seule une notation holistique peut s’inscrire dans une cohérence d’alignement curriculaire élargi : « curricular alignment requires a change from a quantitative and analytic mindset, that does atomise knowledge into marks, to one that uses and grades assessment tasks qualitatively and holistically wherever possible » (p.

2). Le principe fondamental ici est de donner à voir la qualité de l’apprentissage dans la notation. Le processus de notation doit dès lors être en cohérence avec un système de pondération s’appuyant sur des critères également holistiques. L’enjeu est notamment ici de faciliter la pratique évaluative de l’enseignant, et de donner davantage d’informations à l’élève.

Conceptuellement, il s’agit donc de mieux décrire le processus de notation (Tierney, 2015), afin de mieux en comprendre les caractéristiques et sources d’altération, surtout quand ces dernières sont évoquées par les enseignants (Brookhart, 2011).

La notation holistique implique de considérer le travail de l’élève dans l’évaluation sommative comme relevant de l’intégration de divers éléments complexes (Royce Sadler, 2009). Dans ce sens, elle est le fruit d’un jugement global, s’appuyant sur des critères qui rendent compte de la complexité des contenus et des apprentissages. Certains chercheurs, comme Isenhour et Kramlich (2008), ont mené des travaux en mathématiques dans lesquels la note holistique était produite suite au jugement global de l’enseignant sur des critères pondérés au travers de trois positions (+, √, -). D’autres, à l’instar de Klein et al. (1998), ont mis en oeuvre des processus de notation prenant appui sur des échelles holistiques (absolute holistic scale : les points sont assignés aux critères sur une échelle allant de 0 à 100, où 65 détermine l’échec, 70 le seuil marginal, 75 le seuil de suffisance, etc.), ou encore des échelles holistiques relatives (relative holistic scale : par exemple, une échelle par critère de 1 à 5, où 1 signifie très en deça du seuil

de suffisance, et 5 très au-delà du seuil de suffisance). Mais ces travaux ont surtout analysé la fiabilité des processus de pondération en vue de construire une note holistique, et moins les enjeux de construction de la note elle-même saisie dans un tel processus. C’est peut-être une des raisons pour lesquelles, selon nous, ces approches ressemblent davantage à des processus de notation analytiques, puisque l’évaluation de l’apprentissage suit une perspective visant à quantifier chaque critère, puis à produire la note en référence à cette quantité (Brookhart, 2005).

9.3.1 Une notation holistique sans points, est-ce possible ?

D’un côté donc, la contrainte de « transformer » des critères, même holistiques élargis, en une seule et unique note est encore et toujours conceptuellement délicate. De l’autre, notre modèle d’alignement curriculaire élargi ne peut être cohérent qu’au travers d’une notation éminemment qualitative. Il s’agit donc pour nous de tendre vers une conceptualisation de la notation sans points, basée uniquement sur des critères qualitatifs. C’est ce que proposent nombre de chercheurs comme Biggs (1999, 2003), Biggs et Tang (2009, 2011) ou plus récemment Brookhart (2017), en exemplifiant plusieurs manières de procéder. L’une d’entre elles consiste à croiser les objectifs évalués avec les tâches évaluatives, de manière à repérer quels apprentissages sont évalués dans quelles tâches. La procédure la plus simple correspond à un appariement une tâche-un objectif. Mais la situation peut se complexifier lorsqu’un objectif est évalué au travers de plusieurs tâches.

Tableau 2: Le processus de notation holistique selon Biggs et Tang (2011, p. 7)

Objectifs Tâche 1 Tâche 2 Tâche 3 Tâche 4

- relate

- applique

- identifie

- explique

- communique

Attribution des notes

A 1 et 2 « A », autres objectifs B B Tous les objectifs B/C et un « A » C Si 3, 4 et 5 atteints

D Si seulement 2 objectifs sont atteints

Conceptuellement, cette avancée est pour nous significative, car elle met au centre la cohérence qui existe entre les objectifs évalués, les tâches évaluatives et le processus de notation, dans une

recherche de mise en évidence de la qualité des apprentissages. Elle met également en suspens la question de l’attribution des points, dont nous avons déjà soulevé les limites.

Toutefois, en suivant les propositions des auteurs cités, des interrogations théoriques demeurent. Nous citerons notamment l’action d’évaluer au sein de la même épreuve des objectifs de complexité variable, la tendance à valider chaque objectif dans une première phase avant d’arriver à la note finale, le fait de ne pas référer les objectifs à des contenus en vue de formuler des critères, ou, dès lors, l’aspect aléatoire qui peut se dégager au travers des caractéristiques des notes (Royce Sadler, 2009). Un autre aspect questionne et représente selon nous une limite importante de leur raisonnement : le nombre d’échelons à disposition pour valider l’épreuve. Il est donc important de rester vigilant.

9.3.2 Une notation à conceptualiser encore davantage

Ces limites relèvent trois incomplétudes que nous traiterons plus loin pour asseoir encore mieux nos choix théoriques.

- La première est relative à l’aménagement de telles démarches dans des contextes où des échelles amples sont prescrites. En effet, comment conceptualiser une notation holistique au travers d’un nombre important d’échelons devant chacun idéalement rendre compte des différentes dimensions de la qualité de l’apprentissage évalué ? A partir de combien d’échelons cette progression, cette description, deviennent-elles irréalisables ?

- La deuxième incomplétude concerne le rôle que jouent les caractéristiques des disciplines dans ces processus de notation, dans la mesure où elles impactent fortement la construction des critères référés aux contenus disciplinaires et aux objectifs. Y a-t-il des disciplines, voire des objets de savoir disciplinaires qui sont plus aisément notables que d’autres dans une perspective de notation holistique ?

- La troisième aborde la question du jugement professionnel mis en oeuvre dans l’élaboration des outils et des décisions évaluatives, et plus particulièrement des éléments qui participent à sa construction. Quels en sont les références ? Notre modèle nous oblige à théoriser ces trois points.