Et, pour cause ! Les effets de la réglementation française ne sont pas identiques sur tout le territoire
de la République d’autant que l’Hexagone jouit d’un prestige séculaire irrésistiblement porteur
d’attractivité dont sont encore privées les Antilles françaises. La marge d’actions dont disposent les
titulaires de l’initiative économique privée apparaît faible. On parle d’une contrainte réglementaire.
Elle s’appréhende non seulement par la fréquence du droit mais aussi par les rareté et sporadicité
de son expression. Le droit applicable aux Antilles françaises, et par là même à leur tourisme, qui
ne saurait être appréhendé autrement que par ses pluridisciplinarité et transversalité, préoccupé par
des questions d’ordre, de sécurité, de protection notamment, apparaît, dans une certaine mesure,
inadapté à la concurrence intrarégionale. C’est au motif d’une tradition, substantiellement,
dirigiste
131tant au front – au regard de matières d’interface vectrices d’attractivité visant notamment
l’optimisation fiscale (Chapitre 2) – qu’à l’arrière – au regard de matières moins perceptibles mais
non moins fondamentales telles que l’encadrement du travail, de la consommation, de
l’environnement, l’allocation de l’espace symptomatiques d’une maîtrise juridique de l’économie du
tourisme des Antilles françaises (Chapitre 1).
131 « s’il faut diriger l’économie, les économistes auront sans doute à dire pourquoi et vers quel but, mais les juristes seuls pourront dire par quelles règles et par quelles sanctions » G.RIPERT,« Aspect juridique du capitalisme morderne », Revue économique, 1952, pp. 888-889.
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Chapitre 1. La pré-affectation juridique des choix
économiques du tourisme
14. La relativisation du pouvoir d’entreprise. Les actions économiques privées sont le
produit de l’expression, variablement complexe, de droits et libertés économiques, hiérarchisés.
Ces denriers n’emportent pas toujours la même valeur juridique comme en témoignent le droit de
propriété, constitutionnellement garanti
132, et le droit de la concurrence institué par voie
d’ordonnance
133. Ne pouvant demeurer à l’écart de tout contrôle, ces actions sont essentiellement
limitées par l’action du pouvoir public lequel intervient diversement sur le marché,
concomitamment aux nécessités et externalités d’économie, pour restreindre ou fluidifier les
rapports économiques. Moyennant un inventaire ordonné des principales manifestations de
l’interventionnisme économique dans des domaines à portée touristique, pluriels par la diversité
des objets juridiques, il ressort un encadrement unilatéral et vertical, préformé et pré-rédigé, des
comportements économiques envisagé, parfois, en cause des dysfonctionnements du marché du
tourisme des Antilles françaises. Il est, en France, un ensemble d’obligations inflexibles en ce
qu’elles sont insusceptibles de transaction auxquelles devront satisfaire les opérateurs économiques
privés s’ils souhaitent s’y épanouir. Selon l’objet sur lequel elles portent, elles concernent et influent
plus (Section 2) ou moins (Section 1) directement sur la vie économique de l’entreprise et font
obstacle, par là même, à la pleine saisissabilité de l’intérêt économique privé. Partant, elles peuvent
être à l’origine d’un conflit d’intérêts – public ou privé – où l’un courberait l’échine devant
l’indépassabilité de l’autre estimé supérieur.
132 Art. 2 et 17 de la DDHC. V. notamment, P. BON, « Le statut constitutionnel du droit de propriété », RFDA, 1989, p. 1009.
133Ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, JORF n° 0285
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Section 1. La virtualité de l’intérêt privé.
15. Un droit du sol. En France, ici, aux Antilles françaises, le sol, objet pluridimensionnel
du droit, condition fondamentale de l’épanouissement de l’appareil économique, nécessite
invariablement d’être protégé à plus forte raison à la lumière des externalités de l’acivité touristique.
Nous entendons le sol dans toutes ses dimensions : par nature – les fonds de terre et ce qui en résulte
directement – et par destination – les choses naturellement détachées du sol mais qui semblent s’y
rattacher pour des motifs économiques notamment à l’image du domaine public artificiel. Il est,
substantiellement, un sujet partiel de droit ; il n’a que des droits aux vertus protectrices et n’est
soumis à aucune obligation. Des droits de créance lui permettant d’exiger d’un débiteur potentiel
– l’acteur économique privé –, par l’intermédiaire du pouvoir public, l’exécution d’une obligation.
Nous l’aborderons dans sa forme passive : l’ « obligation de ne pas faire »
134. Il en va ainsi de
l’obligation de ne pas nuire à l’environnement (I), l’obligation de ne pas s’approprier le domaine
public (II) quoiqu’il existe un courant d’adaptation du régime domanial de plus en plus soumis à la
loi du marché
135.
I. L’objet environnemental au frontispice de l’économique
16. Un dumping environnemental dans la Caraïbe. Il n’est pas surprenant que le choix
économique traditionnel, dans le cadre d’un investissement à l’étranger notamment, lorsqu’il est
orienté à destination de la Caraïbe insulaire, se porte sur les autres îles réputées, sur cette question,
134 Nota bene : l’Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime
général et de la preuve des obligations a abandonné la distinction entre obligation de faire, de ne pas faire et de donner
codifiée à l’ancien article 1101 du Code civil : « Le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent,
envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose », JORF n° 0035 du 11 février 2016, texte n° 26.
135 « La valeur du domaine est celle que lui attribuent les personnes potentiellement intéressées à l’occuper. Il est donc nécessaire pour les faire venir de rendre cet espace attractif, au-delà de sa seule localisation, en leur accordant des garanties juridiques » C.LAVIALLE, « Regards sur trente ans d’évolution du droit domanial », in Hecquard-Théron, M. et Krynen, J. (Dir.), Regards critiques sur quelques (r)évolutions récentes du droit, t.1 : Bilan & t. 2 : Réformes-Révolutions,Toulouse, Presses de l’Université Toulouse 1 Capitole, 2005, pp. 253-267 (URL :
https://books.openedition.org/putc/1589?lang=fr#bodyftn30). V. notamment, BROUANT,J.-P. Le régime domanial à
l’épreuve de la valorisation économique, Thèse de doctorat, droit, Université Paris 1, 1995 ; CONSEIL D’ETAT, La valorisation
économique des propriétés des personnes publiques, Paris, La Documentation française, 2012 ; J.MORAND-DEVILLER, « La
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