Autrement dit, seul son nom figurera sur les documents officiels et lui seul sera tenu juridiquement
pour responsable. Vu de l’extérieur, il semblera agir pour son propre compte ; toute tentative d’en
retracer l’instigateur est inutile. Toutefois, les droits attachés au prête-nom sont fictifs
932et
n’intègrent à aucun moment son patrimoine ; il n’est somme toute qu’un exécutant ; un pantin. Il
constitue, à l’instar du trust, une parfaite alternative à la disparition contemporaine du secret
bancaire dans la région.
127. L’inexpugnabilité de la fondation
933offshore ou fondation internationale. Elle est
traditionnellement assignée aux protection et gestion de patrimoine et la planification successorale.
A l’instar d’un trust, il s’agit d’une entité juridique dont la constitution implique également trois
personnes – physiques ou morales –, un ou plusieurs fondateur(s) qui par le biais d’un « Acte
fondateur » vont s’engager à faire don de biens et/ou d’actifs sans aucune limite de type ni de
quantité à la fondation. Ce don sera géré par un Conseil de fondation au profit de bénéficiaires
selon les instructions du ou des fondateurs. Une fois le ou les dons effectifs, la fondation devient
seule propriétaire des biens et actifs reçus en donation – elle diffère sur ce point du trust – ce qui
permet de faire écran aux procédures de recouvrement de créances ou autres poursuites à l’encontre
du fondateur. Les apports dont elle jouit sont en principe insaisissables et exonérés d’impôt – ainsi
que les gains qui pourront en résulter. L’identité des fondateurs est généralement protégée par la
garantie d’une certaine confidentialité et du respect de la vie privée. La tenue de registre ou les
déclarations fiscales ne sont pas requises. C’est l’exemple d’Anguilla, Saint-Christophe-et-Niévès
ou du Panama.
v. BLANLUET, G. Essai sur la notion de propriété économique en droit privé français. Recherches au confluent du droit fiscal et du droit
civil, Paris, L.G.D.J., Bibliothèque de droit privé t. 313, 1999, 822 p.
930 Art. 1984 du Code civil : « Le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de
faire quelque chose pour le mandant et en son nom. Le contrat ne se forme que par l'acceptation du mandataire ».
931 F.LEDUC, « Réflexions sur la convention de prête-nom », RTD civ., 1999, p. 283. « Le prête-nom se comporte en propriétaire, mais ce comportement est dépourvu de toute épaisseur économique. Sa propriété est apparente économiquement comme elle l’est juridiquement » BLANLUET, G. Essai sur la notion de propriété économique en droit privé
français. Recherches au confluent du droit fiscal et du droit civil, op. cit., p. 413, n° 686
932 « Un prête-nom ne saurait se faire reconnaître un droit de propriété sur ce qui ne lui appartient pas » obs. C. Champaud et D. Danet sous Cour d’appel de Paris, 25e A, 4 février 2000, Consorts Bridel c/Martini, RTD Com., 2000, p. 370.
933 Pour une étude d’ensemble sur la fondation de droit français, v. CHARHON,F. ET COMBES, I. Fondations –
Fonds de dotation, Paris, Juris Editions, 2016, 514 p. Sur la fondation de droit néerlandais, v. A. HEROGUEL,« Les
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128. L’extraterritorialité des fonds d’investissements spéculatifs dits « hedge funds ».
Il s’agit d’« (…) un pool de capital privé qui − combinant une grande variété de stratégies de
marché, une intense activité de trading et de forts effets de levier via les marchés dérivés − a pour
objectif de réaliser une performance absolue, le tout dans une remarquable opacité permise par la
localisation des fonds dans des centres offshore »
934. Il existe un détachement entre la domiciliation
d’un hedge fund et sa gestion effective. Ils sont en grande partie domiciliés dans les paradis fiscaux –
essentiellement les Îles Caïmans
935–, ils jouissent alors d’une fiscalité légère et d’une régulation
minimale. Cependant, leur gestion est extraterritoriale, majoritairement assurée par les Etats-Unis
– d’où l’intérêt géographique des paradis fiscaux caribéens
936. Ce mécanisme fait aujourd’hui l’objet
de défiance compte tenu du risque maximal dont il s’accompagne et de sa contribution, jugée
massive
937, à la crise financière de 2007 dite des « subprimes ».
§2. Une approche limitative
129. Coup de rabot : la désanonymisation des comptes bancaires. Jusqu’à leur adhésion
récente à la norme d’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers en
matière fiscale
938, la plupart des paradis fiscaux caribéens se caractérisait par un principe
d’inviolabilité du secret bancaire, même en cas d’escroquerie. Ce principe était absolu – opposable
à tous, y compris aux administrations fiscales et autorités judiciaires. Désormais, la quasi-totalité
des Etats et territoires caribéens considérés comme des centres financiers offshore se sont engagés
934 MOLE,A., Les paradis fiscaux dans la concurrence fiscale internationale, op. cit., p. 424.
935 « Selon l'Association des services financiers locale, 80% des fonds d'investissements mondiaux y sont enregistrés et la place attire de 45% à 65% des nouveaux fonds, gérant un montant supérieur à 1 000 milliards de dollars » C.CHAVAGNEUX, « Les paradis fiscaux, piliers du capitalisme », Alternatives économiques, art. cit. Confer dispositif de ce mécanisme figure dans la Mutual Funds Law (révisée le 2 juillet 2015) (URL :
http://www.cimoney.com.ky/WorkArea/DownloadAsset.aspx?id=2147484880).
936 J.-P.CHARDON, « Le Bassin Caraïbe et les paradis fiscaux », art. cit., p. 56 et s. Voir Annexe 3.
937 M.AGLIETTA ET S.RIGOT, « Le rôle spécifique des hedge funds dans la transmission du risque systémique : une contribution
au débat réglementaire », in Artus, P., Betbèze, J.-P., C. de Boissieu et G. Capelle-Blancard (Dir.), La crise des subprimes,
Rapport du conseil D‘analyse Economique, Paris, La documentation française, 2008 ; M.AGLIETTA ET S.RIGOT, « Hedges funds : la fin du laissez-faire », Développements récents de l‘analyse économique, Revue économique, Presses de Science Po, vol. 60, mars 2009, n° 1. Contra A.CARTAPANIS ET J.TEÏLETCHE, « Les hedge funds et la crise financière
internationale », Revue d’économie financière, Hors-série, Crise financière : analyses et propositions, vol. 7, n° 1, 2008,
185-193 pp. ; M.PRADA, « Le monde des hedge funds : préjugés et réalité », Revue de stabilité financière, n°10, Banque de France, Avril 2007, 141 p.
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dans sa mise en œuvre à compter de 2017 ou 2018 selon les cas ce qui condamne le secret bancaire
à l’évanescence. Parmi les Etats et territoires caribéens réfractaires figurent la Jamaïque, les Îles
Vierges des Etats-Unis, Bonaire, le Panama, le Nicaragua, Porto Rico. Pour autant, cela n’exclut
pas tout échange d’informations, lesquelles ne seront accessibles que sur demande expresse ou
émission spontanée. Si l’estampille « paradis bancaire » traditionnellement associée aux paradis
fiscaux caribéens a désormais vocation à disparaître, il subsiste de nombreux montages juridiques
entérinant et perpétuant la spécialité fiscale de ces territoires.
130. La souveraineté fiscale des pays. Si des efforts de transparence fiscale, auxquels
satisfont en masse de nombreux pays, sont engagés, il convient de rappeler l’intangibilité
substantielle du principe de souveraineté des pays, y compris en matière fiscale
939. Le recours à la
notion de pays n’est pas hasardeux. Nous détachons volontairement la souverainté politique de la
souveraineté fiscale
940puisqu’au regard de l’espace caribéen, nul besoin de souveraineté politique
pour disposer d’une souveraineté fiscale à l’image des Îles Vierges britanniques. Bien que cette
dernière ne soit matérielle qu’en raison du fait que l’Etat-mère consente à sa matérialisation. Ainsi,
la souveraineté fiscale des pays ne se limite pas au « (…) pouvoir d’imposer toutes les personnes et
tous les objets qui se situent sur son territoire ainsi que toutes les activités économiques qui s’y
déploient ; (…) (à la liberté) de déterminer les règles de rattachement des situations à son
territoire »
941. Elle s’étend aussi à la liberté absolue de mener la politique fiscale qu’ils entendent,
laquelle peut librement faire échec à la dynamique d’harmonisation fiscale globale engagée
942. En
pérennisant leur statut de centres financiers offshore, les Etats caribéens feraient le marché de leur
souveraineté
943et la demande est forte
944quoiqu’il en résulte une situation de dépendance
939 « La délimitation conventionnelle du droit d’imposer repose sur le consentement de chaque Etat : c’est en tant que souverain que l’Etat peut renoncer à l’exercice de sa compétence fiscale. Il est donc le seul à pouvoir décider des restrictions à son pouvoir d’imposer » PERIN-DUREAU,A., L’obligation fiscale à l’épreuve des droits et libertés fondamentaux, Paris, Dalloz, Coll. « Nouvelle Bibliothèque de thèses », 2014, p. 47.
940 « une entité territoriale déterminée, bénéficiant ou non d’une souveraineté politique, est réputée jouir de la souveraineté fiscale dès lors qu’elle dispose d’un système fiscal présentant deux caractéristiques essentielles, d’une part une autonomie technique, d’autre part une exclusivité d’application dans le territorie en question » GEST,G. ET TIXIER, G. Droit fiscal international, Paris, PUF, 1990, p. 15.
941 Id., p. 35.
942 « l’Etat politiquement et fiscalement souverain peut (…) exercer un pouvoir fiscal absolu à l’intérieur de son territoire (…). A l’inverse, l’Etat ne peut exercer aucun pouvoir fiscal à l’extérieur de son territoire. Tels sont les aspects positif et négatif de la notion de souveraineté fiscale » GEST,G. ET TIXIER,G. Droit fiscal international, ibid, §4.
943 RAFFENNE,C., La souveraineté marchandisée : l’Empire des paradis fiscaux et le pillage environnemental, Paris, Armand
Colin, 2012, 132 p.
944 Les paradis fiscaux caribéens jouissent de solides atouts : « le premier de ces atouts tient à une pérennité certaine de la puissance des Etats-Unis. Dans les décennies à venir, ce pays devrait rester une force économique mondiale majeure, dut-il partager avec la Chine et quelques autres (Inde, Brésil) ; leur capacité d’innovation, leurs ressources intellectuelles et matérielles, leur potentiel stratégique leur garantissant l’absence d’un déclin aussi marqué que devrait
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