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Il s’agira alors de déterminer dans quelle mesure l’organisation hétéronome de l’économie en France constitue un frein au tourisme des Antilles françaises dans un cadre concurrentiel régional

10. L’intentionnalité du droit français. Nous prendrons pour échantillon principal

l’entreprise

95

, organisation économique

96

titulaire de l’initiative économique ; l’épanouissement du

tourisme s’y rattache indéfectiblement

97

. Sujet de droit par nature, elle est, formellement, titulaire

de droits et d’obligations idéalement équivalents en nombre. Nous verrons qu’il en va, dans une

certaine mesure, autrement. L’exercice de ses droits par l’acteur économique s’accompagne d’un

magma d’obligations vécues comme disproportionnées – l’environnement et son

92 Exempli gratia : le contre-exemple du Golf des Trois-Ilets en Martinique (18 trous, Par 71) modestement (cycliquement) entretenu, pourtant connu pour son emplacement idéal et son cadre idyllique pour l’organisation de compétitions internationales et/ou attirer une clientèle américaine francophone aisée – québécoise – friande de golf. En 2011, sur environ 7,9 millions d’habitants, près de 1,1 millions étaient golfeurs (Rapport rédigé pour la Table de concertation des associations de Golf « Analyse du potentiel du marché du golf au Québec » par DAA Stratégies et

Ipsos Marketing, 2011, p. 6).

93 L’exemple du tourisme médical. v. W.MENVIELLE ET L.MENVIELLE, « Tourisme médical : un secteur stratégique

pour le développement des États », Revue internationale et stratégique, vol. 90, n° 2, 2013, pp. 153-162. Italiques ajoutés.

94 T.NICOLAS, « L’insularité aujourd’hui : entre mythes et réalités », Études caribéennes, n° 6, Avril 2007, (URL :

http://etudescaribeennes.revues.org/509). Parenthèses ajoutées.

95 i.e. les hôtels ou chaînes d’hôtels, les restaurants, les agences de voyages, les agences de location de véhicules, les entreprises du transport. « (...) la notion d’“entreprise” comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement, étant considérée comme activité économique toute activité qui consiste à offrir des biens ou des services sur un marché donné » concl. Avocat général Kokott sur CJCE 18 janvier 2007, Auroux c/ commune de Roanne, n° C-220/05, Rec., 2007, p. I-00385, pt. 50. V. également, CJCE, 23 novembre 1991, Höfner, Aff. n° C-41/90, Rec., 1991, p. I-1979, pt. 21. CJCE, 16 novembre 1995,

Fédération françaises des sociétés d’assurances e.a, Aff. n° C-244/94, Rec., 1995, p. I-4013, pt. 14) et une activité économique

présente un caractère industriel et commercial consistant à offrir des biens ou des services sur le marché (CJCE, 16

juin 1987, Commission/Italie, Aff. n° 118/85, Rec., 1987, p. 2599, pt. 7). V. G.BLANC, « Les frontières de l’entreprise en droit

commercial », D., 1999, chr., pp. 415-418 ; G.FRIEDEL, « A propos de la notion d’entreprise... », in Aspects actuels du droit commercial français. Etudes dédiées à René Roblot, L.G.D.J., 1984, pp. 97-114 ; L.IDOT, « La notion d’entreprise », in L’entreprise sous les influences réciproques du droit européen et des droits nationaux, Revue des sociétés, 2001, pp. 191-209 ; G.LAMBERT, « Introduction à l’examen de la notion juridique d’entreprise », in Mélanges P. Kayser, 1979, p. 77 ; B.

MERCADAL, « La notion d’entreprise », in Les activités et les biens de l’entreprise. Mélanges offerts à J. Derruppé, Litec et

GLN-Joly, 1991, pp. 9-16.

96 FARJAT,G., Pour un droit économique, op. cit., p. 19.

97 Sur les paradigmes de l’entreprenariat, v. A.JAQUEMIN,FJANSSEN ET P.LAMBRECHT, « Quel environnement

réglementaire pour une économie entrepreneuriale ? », in Autenne, A., Cassiers, V. et Stowel, A. (co), Droit, économie et valeurs,

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anthropomorphisme juridique, l’intangibilité de la propriété publique, la prophylaxie salariale

notamment. Or, le consentement légitime

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au poids de l’obligation est fonction de sa proportion :

« Toute sécurité se paie par des limites à (la) liberté individuelle. Tant que ce prix n’est pas prohibitif au regard des bénéfices que chacun en retire, la collectivité supporte ses sujétions. Ses membres s’en accommodent aussi longtemps que les avantages qu’ils tirent de la grégarité, leur paraissent proportionnés aux sujétions que le pouvoir en place leur impose »99.

Une disproportion – déséquilibre significatif entre les droits, flexibles en ce que leur expression fait

l’objet d’atténuation, et obligations, inflexibles en ce qu’elles ne sauraient que difficilement faire

l’objet de compromis – particulièrement observée par confrontation à l’international, plus

spécifiquement au régional. Le tourisme des Antilles françaises est placé au confluent de

l’insatisfaction d’un impératif économique et de l’intentionnalité juridique. L’intentionnalité, c’est

ce qui est recherché – qui va déterminer puis justifier l’importance de l’obstruction à

l’épanouissement du tourisme des Antilles françaises. Derrière l’organisation de l’économie, ce qui

est recherché c’est plus la protection des faibles et de l’intérêt collectif

100

moins la satisfaction d’un

intérêt économique. Ainsi, nous serions sans doute bien avisés de nous rallier avec prudence à

l’affirmation selon laquelle

« il n’est pas évident que les droits subjectifs de ceux qui n’interviennent pas dans l’organisation de l’économie, de ceux qui ne sont pas des « décideurs » mais des « sujets », soient suffisamment pris en compte dans les sociétés contemporaines. Qu’il s’agisse des droits de l’homme, de ceux des salariés, des pauvres… ou même des actionnaires ! »101.

En réalité, ces derniers sont, aujourd’hui, substantiellement, des décideurs. En droit civiliste

français, c’est désormais au nom des faibles (formels) et pour les faibles (formels) que s’organise

98 C.CHAMPAUD, « Les troisièmes voies sociétales, ou comment sauver la démocratie et l’économie de marché », in id., p. 599.

« le Droit a pour fonction de donner des ordres aux Hommes pour donner un Ordre aux choses » Barrès cité in C. Champaud, « Des droits nés avec nous. Discours sur la méthode réaliste et structuraliste de connaissance du droit », in Mélanges en l’honneur de Gérard Farjat « Philosophie du droit et droit économique. Quel Dialogue ? », Paris, Editions Frison-Roche, 1999, p. 75. Contra « l’économie de marché (...) apparaît, en théorie, comme le système économique le plus efficace pour la production des richesses, car il est supposé fournir les meilleures incitations aux individus et assurer spontanément le plein emploi des ressources. C’est donc, pour certains, un système d’équité dont la démocratie ne devrait pas chercher à corriger les effets », FITOUSSI,J.-P. La Démocratie et le Marché, Paris, Le Livre de Poche, 2004, p. 81 et s. v. notamment, M.GUIBAL, « La justification des atteintes à la liberté de commerce et de l’industrie », AJDA, 1972, p. 330.

99 C.CHAMPAUD, « Propriété, pouvoir et entreprise », in Balate, E., Drexl, J., Ménétrey, S. et Ullrich, H. (Dir.), Le droit

économique entre intérêts privés et intérêt général, Hommage à Laurence Boy, op. cit., p. 48. Parenthèses ajoutées.

100 Pour une approche historique et philosophique du dualisme d’intérêt, v. notamment, HANOUILLE,N. Intérêt

particulier et intérêt général à l’époque des Lumières, Thèse de doctorat, philosophie, Université Paul Valéry-Montpellier III,

2012 (tel-01147445).

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l’économie – quoiqu’il ne s’observe pas toujours comme adapté, prévisible ou cohérent

102

– au

moyen d’une intervention, rendue légitime

103

, de l’Etat dans l’économie

104

. Partant, cette tradition

de la pratique du droit explique, dans une certaine mesure, ce qui se présente comme un

enserrement programmé de l’économie du tourisme des Antilles françaises pourtant confronté à

un espace régional concurrentiel (Première partie).

11. La fongibilité du dirigisme étatique. Elle sourd d’une panoplie faiblement diversifiée

des instruments du désenserrement de l’économie du tourisme des Antilles françaises parmi

lesquels figure l’intégration régionale

105

. L’idée d’une intégration régionale s’appuie sur une réalité

102 « La question de l’Etat présente donc deux aspects, au demeurant liés. Comment valider l’intervention de l’Etat, l’extension de son pouvoir dans la société avec des limites assez claires pour qu’elle soit acceptable ; mais aussi comment maintenir l’autorité au sein de la société dès lors que s’effacent les partages de l’ancien ordre juridique, que la source de l’autorité apparaît partout et nulle part ? » DONZELOT, J. L’invention du social. Essai sur le déclin des passions

politiques, Paris, Seuil, 1994, p. 89.

103 La source de la légitimité de l’action de l’Etat et de ses démembrements est la préexistence d’un pouvoir public, autrement dénommé par la doctrine publiciste « puissance publique » G.PROTIERE, « Délocalisation et puissance publique », Les délocalisations, Novembre 2013, Lyon, p. 9 ⟨hal-00995745⟩. V. également, CARRE DE MALBERG,R., « Contribution

à la théorie générale de l’Etat, spécialement d’après les données fournies par le droit constitutionnel français », Paris, Dalloz, t. 1, 2003,

p. 8.

104 La notion d’interventionnisme économique désignerait « l’ensemble des actions accomplies par l’État dans l’économie. En premier lieu, l’État peut intervenir comme autorité publique et réglementer, influencer, orienter, diriger ou protéger le marché et ses opérateurs économiques. (…) En deuxième lieu, l’État est lui-même fournisseur de biens et de services sur le marché (…). En troisième lieu, l’État (…) (collabore) avec les opérateurs économiques pour satisfaire directement ses besoins ou plus indirectement un besoin d’intérêt général en faveur de sa population » NJEHI,A.

L’interventionnisme économique public. Étude de droit comparé franco-tunisien, Thèse de doctorat, Droit, Lyon 2, Tunis El-Manar,

2018, p. 15. Italiques ajoutés.

105 « (…) La région est un espace auto-proclamé, subjectif. Elle englobe sous un même terme des espaces territoriaux très disparates : tantôt plusieurs États différents, parfois contigus, parfois éloignés. Cette notion, si mouvante qu'elle a été traitée de “catégorie résiduelle”, est en requalification permanente » Badie et Smouts cités in F.

TAGLIONI, « La coopération régionale insulaire en question : une approche des mots et des choses », in Bernardie, N. et Taglioni, F.

(Dir.), Les dynamiques contemporaines des petits espaces insulaires. De L’île-relais aux réseaux insulaires, Paris, Karthala, 2005, p. 409.

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objective forte : le phénomène de mondialisation

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– « de façon paradoxale à première vue, la

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