d’échange d’informations fiscales
918. L’unité de mesure consiste ici en la signature d’au moins douze
accords
919dont l’effectivité est déterminée par le « Forum mondial sur la transparence et l’échange
de renseignements à des fins fiscales ».
S’il est constant que le paradis fiscal dispose de ses propres méthodes
920(§1), son domaine
semble, aujourd’hui, être condamné à devoir se contracter (§2).
916 C.CHAVAGNEUX, « Les paradis fiscaux, piliers du capitalisme », Alternatives économiques, 2006/11, n° 252. V.
également, ASSOCIATION D’ECONOMIE FINANCIERE, Rapport moral sur l’argent dans le monde, 2015-2016 : Progrès et tensions :
nouveaux modèles d’entreprise, don - partage, investissement à impact social, terrorisme, Paris, Association d’économie financière,
2016 (http://www.citizencapital.fr/wp-content/uploads/2016/04/Rapport-moral-sur-largent-dans-le-monde.pdf) ;
BOCQUET,E., « Rapport sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales », Paris, Sénat, n° 673, 2012 ;
CARTIER-BRESSON,J.,JOSSELIN,C. ET MANACORDA,S., « Définir, mesurer et évaluer les délinquances économiques et financières
transnationales », Etudes et recherches de l’IHESI, 2002 ; GODEFROY,T. ET LASCOUMES,P., Le capitalisme clandestin.
L’illusoire régulation des places offshore, Paris, La Découverte, 2004, 232 p. ; KOUTOUZIS,M. ET THONY,J.-F., Le blanchiment, Paris, Presses universitaires de France, 2005, spéc. pp. 27-66. Sur la lutte contre le blanchiment v. notamment, Paradis
fiscaux et opérations internationales, Levallois-Perret, Editions Francis Lefebvre, 2002, § 1800 à 1925.
917 « Le point de départ pour identifier un paradis fiscal est nécessairement de se demander : (a) si une juridiction n’applique pas d’impôts ou prélève uniquement des impôts minimes (…) et se présente, ou est perçue comme se présentant, comme un lieu utilisé par des non-résidents pour échapper à l’impôt dans leur pays de résidence. (…) (b) l’existence de dispositions législatives ou de pratiques administratives empêchant un véritable échange de renseignements avec d’autres pays sur les contribuables bénéficiant de l’absence ou de la faiblesse de l’imposition dans cette juridiction ; (c) le manque de transparence ; et (d) l’absence d’obligation d’exercer une activité substantielle (…) » OCDE, « Concurrence fiscale dommageable : un problème mondial », Paris, Editions de l'OCDE, 1998, p. 25, §52
918 Une liste blanche qui comprend les Etats ou territoires qui répondent aux standards internationaux parmi lesquels la France, l’Allemagne, l’Italie ; une liste grise qui comprend les Etats ou territoires qui se sont engagés aux respects des standards internationaux mais qui ont signés moins de douze accords dont un nombre important sont des îles caribéennes ; et une liste noire qui comprend les Etats ou territoires qui ne se sont pas engagés à respecter les standards internationaux ; désormais seule Trinidad-et-Tobago y figure
(URL :
https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/030415672163-paradis-fiscaux-il-ne-reste-plus-quun-seul-pays-sur-la-liste-noire-de-locde-2098252.php).
919Art. 238-0 A, 1, al. 1erdu Code général des impôts.
920 v. Paradis fiscaux et opérations internationales, Levallois-Perret, Editions Francis Lefebvre, 2002, § 2200 à 2399. Dans la plupart des listes concernant les territoires prétendument opaques, la Caraïbe insulaire et continentale y tient une place systématiquement prépondérante (l’Annexe 3 présente une cartographie des Etats et territoires étant globalement considérés comme des centres financiers offshore. V. également, M.DESSE,T.HARTOG, « Zones franches,
offshore et paradis fiscaux », Mappemonde, n°72, 2003/4, pp. 21-24). Dans de nombreuses listes disponibles, Anguille,
Antigua-et-Barbuda, les « Antilles néerlandaises » – Aruba, Bonaire, Curaçao, Saba, Saint-Eustache, Sint Maarten (l’expression « Antilles néerlandaises » ne revêt ici qu’un simple caractère englobant car privée de sa portée juridique. Le 10 octobre 2010, la fédération des Antilles néerlandaises a cessé d’exister) –, les Bahamas, la Barbade, Belize, les Bermudes, le Costa Rica, la Dominique, Grenade, le Guatemala, le Honduras, les îles Vierges britanniques, les îles Caïmans, les îles Turques-et-Caïques, la Jamaïque, Montserrat, le Panama, Saint-Christophe-et-Niévès, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Trinité-et-Tobago sont alternativement considérés comme des territoires non coopératifs (ETNC) (Art. 238-0 A, 1, al. 1er du Code général des impôts : « Sont considérés comme non coopératifs, à la date
du 1er janvier 2010, les Etats et territoires non membres de la Communauté européenne dont la situation au regard de la transparence et de l'échange d'informations en matière fiscale a fait l'objet d'un examen par l'Organisation de coopération et de développement économiques et qui, à cette date, n'ont pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative permettant l'échange de tout renseignement
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§1. Les méthodes du paradis fiscal caribéen
124. L’exemption fiscale des sociétés « offshore ». D’une unité territoriale à l’autre, on
les nomme notamment International business companies (IBC), International finance companies (IFC),
International mutual funds (IMF)
921. Ce sont des sociétés d’affaires internationales caractérisées par
l’extraterritorialité de leurs activités exonérées d’impôts. Elles sont utilisées à des fins
multiples telles que l’émission de titres financiers et la détention de comptes bancaires, la
constitution de joint ventures, de trusts, la planification successorale notamment. Généralement
instrumentalisées, elles peuvent revêtir la forme de sociétés « écrans » dites « fictives » dépourvues
de tout affectio societatis. Elles sont assorties de privilèges étendus tels que l’absence de contrôle des
changes et de règles de confidentialité strictes. Dans le cas des Îles Vierges britanniques
922, on
compte parmi leurs nombreux avantages : la facilité de création de la société qui peut être effective
par le concours de seulement trois personnes physiques ou morales – un administrateur, un
actionnaire et un gérant qui peuvent être une seule et même personne – ce, quelle que soit leur
nationalité ; leur présence physique n’est pas exigée. De plus, les titres financiers peuvent être émis
sous diverses formes, y compris au porteur
923transférables par simple remise et, enfin, aucun bilan
financier ni tenue de registres comptables ne sont requis.
nécessaire à l'application de la législation fiscale des parties, ni signé avec au moins douze Etats ou territoires une telle convention »). Il est
à noter l’importante hétérogénéité des listes disponibles – selon qu’elles proviennent de l’OCDE, du Fonds monétaire international (FMI), de la Commission européenne, d’entités étatiques elles-mêmes notamment – lesquelles n’adoptent pas toujours les mêmes unités de mesure, ce qui a vocation à altérer la cartographie des paradis fiscaux.
921 V. T.A.CARMICHAEL,« International Business Vehicles : Some Caribbean Challenges », in Belle Antoine, R.-M. (ed),
Legal Issues in Offshore Financial Services, op. cit., pp. 11-20.
922 Le dispositif des IBC figure dans l’International Business Companies Act (1984).
923 Le titre au porteur est un titre de propriété financier qui prouve la participation au capital de son détenteur. Il comporte l’avantage de ne pas mentionner nominativement son porteur dans les comptes tenus par la société émettrice contrairement aux titres nominatifs. Ce qui permet d’échapper à l’impôt. En France, ce dispositif a été particulièrement réduit par l’introduction du concept de « titres au porteur identifiables » (TPI). Art. L. 228-2, I, al. 1erdu Code de
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125. La garantie de l’anonymat par la constitution d’un trust
924. En pratique, d’une
extrême souplesse – révocable ou irrévocable
925, discrétionnaire ou non –
926, il vise à dissimuler
l’identité de son constituant à l’administration fiscale et aux autorités judiciaires de son pays
d’origine notamment lorsque bénéficiaire et constituant sont confondus. Une personne
propriétaire juridique va administrer raisonnablement le bien au profit d’une autre personne
bénéficiaire des avantages économiques attachés au bien. Il résulte notamment d’une volonté
clairement exprimée du constituant (settlor) de le créer et de l’acceptation du trustee désormais
propriétaire, personne physique ou morale, d’une détermination précise des biens sur lesquels il
porte ainsi que de l’identification de son bénéficiaire
927. Cette opération rappelle sans grand
étonnement le mécanisme de la fiducie en France
928à ceci près que non seulement elle apparaît
réduite – le statut de fiduciaire est limité à certaines personnes morales et certains professionnels –
mais aussi que dans un trust le concept de propriété n’est pas unitaire. La propriété juridique (legal
ownership) appartenant au trustee – le fiduciaire – se distingue de la propriété économique (beneficial
ownership) appartenant au cestui que trust
–le bénéficiaire. Si une telle fragmentation de la propriété
n’existe pas en droit positif, elle fait l’objet d’une théorisation en droit économique notamment
929.
924 L’article 792-0 bis du Code général des impôts dispose : « (…) on entend par trust l'ensemble des relations juridiques
créées dans le droit d'un Etat autre que la France par une personne qui a la qualité de constituant, par acte entre vifs ou à cause de mort, en vue d'y placer des biens ou droits, sous le contrôle d'un administrateur, dans l'intérêt d'un ou de plusieurs bénéficiaires ou pour la réalisation d'un objectif déterminé ». MOLE, A., Les paradis fiscaux dans la concurrence fiscale internationale, op. cit., p. 348 ;
BOCQUET,E., Rapport sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales, op. cit., p. 143 et s. Pour aller
plus loin, v. notamment, R.-M.BELLE ANTOINE, “Challenges to the Offshore Trust Fraudulent Conveyances and Conflict of
Laws”, in Belle Antoine, R.-M. (ed), Legal Issues in Offshore Financial Services, op. cit., pp. 102-141 ; KODILINYE,G.
ET CARMICHAEL,T.A., Commonwealth Caribbean law of trusts, 3rd ed., London, New York, Routledge, 2012, 566 p.
925 L’aspect irrévocable du trust rappelle la défaisance (defeasance) qui « consiste, pour une entreprise, à transférer
(irrévocablement) des éléments d’actif à un tiers à charge pour lui de se substituer à elle dans le service d’une dette. Le
montant des actifs transférés, augmenté des produits que génère leur placement, permet d’assurer les engagements de l’entreprise, laquelle peut « effacer » de son bilan la dette initialement contractée » CASTAGNEDE,B., Précis de fiscalité
internationale, op. cit., p. 161.
926 BOCQUET,E., Rapport sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales, op. cit., p. 144.
927 D.BROWNBILL, “The Proper Constitution of a Trust : Sham Trusts and Other Problems”, in Belle Antoine, R.-M. (ed),
Legal Issues in Offshore Financial Services, op. cit., pp. 142-147.
928Art. 2011 à 2030 du Code civil. « La fiducie est l'opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens,
des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d'un ou plusieurs bénéficiaires » (Art. 2011). CORNU G.,
Vocabulaire juridique, op. cit., p. 458. Pour aller plus loin, v. ASSOCIATION HENRI CAPITANT, La fiducie dans tous ses états :
Journées nationales, tome XV, Paris-Est Créteil, le 15 avril 2010, Paris, Dalloz, 2011 (URL :
http://henricapitant.thomas-plessis.com/storage/app/media/pdfs/publications/La%20fiducie.pdf) ; F.BARRIERE, « La Loi instituant la fiducie : entre
équilibre et incohérence », JCP E, 6 septembre 2007, n° 36, p. 2053 ; Trusts & fiducies : concurrents ou compléments ?, Actes du
colloque tenu à Paris les 13 et 14 juin 2007, Editions Academy & Finance, Genève, 2008, 474 p. ; C.WITZ, « La fiducie
française face aux expériences étrangères et à la convention de La Haye relative au trust », D. 2007. Chron. 1369.
929 DEL CONT, C., Propriété économique, dépendance et responsabilité, Paris, L’Harmattan, 1997, 400 p. ; FARJAT G., Pour
un droit économique, op. cit., pp. 47-51 ; J.-B.RACINE ET F.SIIRIAINEN, « Retour sur l’analyse substantielle en droit économique »,
art. cit. ; A.SAKHO, « Analyse substantielle et relation de pouvoir », art. cit., pp. 545-555 ; A.SAKHO ET I.PARACHKEVOVA, « Propriété formelle et propriété substantielle », art. cit., pp. 125-130. Pour une vision alternative de la propriété économique,
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