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LESSYSTÈMESÉLECfORAUX ENGÉNÉRAL

2. Les systèmes majoritaires

2.1. En général

Les origines du système majoritaire remontent à l' Antiquité53Le principe de la majorité était en tout cas affirmé dans l'ancienne Grèce et dans la Rome antique; toutefois, il se rapportait alors plutôt aux votes qu'aux élections54

Il a été plus tard reconnu en matière électorale dans le cadre ecclé-siastique, en tout cas depuis l'an 49955Il est même probable qu'il a présidé déjà auparavant à l'élection du pape, en commençant par celle de Saint Lin, premier successeur de Saint Pierre, en 64 ou 6756De façon générale, on peut affirmer que «les systèmes majoritaires -majorité absolue, relative ou qualifiée - , ainsi que la plupart des tech-niques électorales en usage dans les sociétés civiles, trouvent leur ori-gine dans les institutions de l'Eglise et des ordres religieux» 57 Pour-tant, pendant longtemps, on tendit à imposer la règle de l'unanimité (souvent fictive)58, ou du moins à attribuer à l'exigence qualitative de

«saniorité» une valeur égale ou supérieure à celle (quantitative) de

53 A. KôLZ (1987), p. 35.

54 E. HüBNER (1972), pp. 13-14; D. NOHLEN (1978), pp. 50-51.

55 L. MouLIN (1958), p. 376; D. NoHLEN (1978), p. 51.

56 J. CADART, et autres (1983), p. 19. En tout cas, l'élection de Saint Corneille, en 251, a eu lieu à la majorité: L. MouLIN (1958), p. 375.

57 L. MOULIN (1958), p. 368, note 1.

58 Ibid., pp. 330 SS.

majorité59C'est le ive concile de Latran, en 1215, qui affirma le prin-cipe majoritaire pur; celui-ci s'imposa peu à peu de façon générale à toutes les élections ecclésiastiques60En ce qui concerne plus spécifi-quement l'élection pontificale, la majorité des deux tiers fut affirmée dès 1179, au 111e concile de Latran61Aujourd'hui encore, la majorité qualifiée des deux tiers plus un sert à désigner le pape62

C'est également à partir du x111e siècle que l'élection majoritaire s'est développée pour la désignation des organes politiques63 Elle s'est ainsi imposée, sous la forme de la majorité relative, pour la désignation de la Chambre des Communes anglaise dès 1429 - jusqu'alors, le principe de l'unanimité avait prévalu 64En France, la règle de la majorité absolue a été suivie pour la désignation des Etats généraux à partir de leur première réunion en 1302 65

Avant l'apparition de la démocratie moderne, le système majoritaire paraissait le seul possible66 et personne n'avait l'idée de lui adresser le reproche d'écraser les minorités. En effet, les assemblées élues n'étaient nullement censées représenter des tendances politiques et encore moins des électeurs. Elles devaient au contraire permettre aux divers corps organisés (corporations, bourgs ... ) de disposer d'une délé-gation compacte apte à défendre leurs intérêts. Une telle conception prévalait d'ailleurs aussi bien en Angleterre67 qu'en France68 et même les auteurs de la Constitution américaine ne l'exclurent pas lorsqu'ils déterminèrent le mode d'élection de la Chambre des Représentants69

Jusqu'à la Première Guerre mondiale, le système majoritaire était encore en vigueur presque partout pour l'élection des Parlements70

59 Ibid., pp. 376 SS.

60 Ibid., pp. 509 SS.

61 C. COMMEAUX (1985), p. 14.

62 C. COMMEAUX (1985), p. 262; G. Z1zoLA (1977), pp. 95, 328, 331. Pour plus de détails à propos de l'élection pontificale, voir infra p. 206.

63 Cf. D. NoHLEN (1978), pp. 51-52.

64 K. BRAUNIAS (1932), vol. 2, p. 179; J. RASCHKE (1968), pp. 51-52. Voir aussi N. SARIPO-LOS (1899), vol. 1, pp. 19-21.

65 J. CADART, et autres (1983), p. 19.

66 M. BATTELLI (1950), p. 107; J. CADART, et autres (1983), p. 18; E. ÜRUNER (1978), vol. 1, p. 523; J. RASCHKE (1968), p. 51.

67 N. SARIPOLOS (1899), vol. 1, pp. 13 SS.

68 Ibid., pp. 97 SS.

69 Ibid., pp. 61 SS.

70 K. BRAUNIAS (1932), vol. 1, p. V; vol. 2, p. 181; A. McL. CARSTAIRS (1980), pp. 9-10;

E. HüBNER (1972), p. 18.

Aujourd'hui, par contre, les pays démocratiques européens qui l'ont conservé sont peu nombreux: il s'agit avant tout du Royaume-Uni, resté fidèle à la majorité relative à travers les siècles71 ; la France est également revenue, après la brève parenthèse proportionnelle de 198672, à son mode de scrutin traditionnel, qui exige la majorité abso-lue au premier tour73

Les colonisateurs britanniques ont répandu le système à la majorité relative dans le monde entier. Il est ainsi en vigueur pour l'élection de la Chambre des Représentants et du Sénat des Etats-Unis, de la Chambre des Communes canadienne, des Parlements de la Nouvelle-Zélande aussi bien que de l'Afrique du Sud 74, ou encore de la Cham-bre du peuple de l'Inde 75 Par contre, l'Australie exige la majorité absolue pour la Chambre des Représentants76 Relevons encore que certains pays du Tiers Monde qui ne sont pas liés à la tradition juri-dique britannique, comme le Maroc 77 ou la Tunisie 78, se sont égale-ment ralliés à la majorité relative. Ce procédé est également employé pour l'élection des deux Chambres japonaises, mais sous une forme particulière 7980

71 Voir notamment J. CADART, et autres (1983), p. 19; J.-M. COTIERET/Cl. EMERI (1988), p. 49; D. NoHLEN, et autres (1969), pp. 605 ss.

72 Code électoral art. L. 123-124 (teneur selon loi N° 85-690 du 10 juillet 1985);

E. JouvE, et autres (1986), p. 32; D. NoHLEN (1986), pp. 150-151; UNION INTERPARLE-MENTAIRE (1986a), p. 39.

73 Code électoral art. L. 123-126; E. JouvE, et autres (1986), pp. 19, 25; Le Monde, 22 mai 1986, p. 8; cf. Le Monde, 7 juin 1988 et 14 juin 1988, passim (élections législa-tives des 5 et 12 juin 1988).

74 V. BoooANOR/D. BUTLER (1983), pp. 46 ss; J.-M. CorrERET/Cl. EMERI (1988), p. 49;

E. LAKEMAN (1974), pp. 274 ss; D. NoHLEN (1978), pp. 93 ss; (1986), pp. 108-109.

75 D. NoHLEN (1978), pp. 137 SS; UNION INTERPARLEMENTAIRE (1986a), p. 41.

76 V. BoooANOR/D. BUTLER (1983), p. 32; J.-M. CorrERET/Cl. EMERI (1988), pp. 47-48;

E. LAKEMAN (1974), p. 274; D. NOHLEN (1978), p. 170; D. W. RAB (1971), p. 24.

77 O. BENDOURou (1986), pp. 121, 124; D. NoHLEN (1978), pp. 332-333.

78 UNION INTERPARLEMENTAIRE (1987), p. 150; (1986a), p. 65.

79 V. BOGDANOR/D. BUTLER (1983), pp. 210-213; J.-M. COTIERET/Cl. EMERI (1988), p. 74; E. LAKEMAN (1974), pp. 86-87, 276; D. NOHLEN (1978), p. 178; (1986), p. 109;

UNION INTERPARLEMENTAIRE (1986a), p. 45; voir infra p. 188: de plus, certains sièges de la Chambre haute sont attribués au système proportionnel.

80 On trouvera encore d'autres exemples d'application du système majoritaire infra pp. 129-130. Pour plus de détails sur les systèmes à la majorité relative et à la majorité absolue, voir infra pp. 202 ss.

2.2. En Suisse

Venons-en maintenant à l'examen des différents cas d'application du système majoritaire en Suisse.

2.2.1. L'élection du législatif cantonal (exception)

Seuls quatre cantons possèdent encore un Parlement élu entière-ment au système majoritaire. Ce sont Uri81, les Grisons82, Appenzell-Rhodes-Extérieures et Appenzell-Rhodes-Intérieures83Dans tous ces cantons, le droit cantonal n'impose pas le vote secret84La conserva-tion du système majoritaire est donc largement liée à la Landsge-meinde85 qui l'implique presque nécessairement86 • Zoug applique ce mode de scrutin aux deux arrondissements à deux sièges 87, ainsi que, dans les autres arrondissements, lorsque tous les partis se mettent d'accord pour présenter une liste commune88Enfin, il va de soi que le système majoritaire s'impose lorsqu'il n'y a qu'un poste à pourvoir dans la circonscription. Un certain nombre de lois cantonales le pré-voient expressément89

81 Cst. art. 88 al. 1 ancienne teneur. En date du 24 septembre 1989, le peuple uranais a cependant adopté une révision de l'art. 88 al. l Cst., qui dispose que le système pro-portionnel s'appliquera à l'avenir dans toutes les communes déléguant plus de deux députés. Une disposition transitoire prévoit toutefois l'application du sytème majori-taire jusqu'à l'adoption d'une loi sur la question: Amtsblatt Kanton Uri 1989 p. 517;

Neue Zürcher Zeitung, 25 septembre 1989, p. 19.

82 Cst. art. 13 al. 2; GPR. art. 40 ss (l'expression «frei gewiihlt», «eletti liberamente»

figurant à l'art. 13 al. 2 Cst. implique, selon le Tribunal fédéral, le système majoritaire, cf. ATF 98 la 64 71-73 Ghezzi, du 2 février 1972; pour une critique de cet arrêt, voir infra pp. 107-108.).

83 AR: GPR. art. 39 pour les élections au scrutin secret, GPR. art. 31 al. 2 pour les élec-tions à main levée en assemblée; AI: Cst. art. 1 al. 3.

84 A Appenzell-Rhodes-Extérieures, la commune a le choix entre le vote secret ou non secret: Cst. art. 77 al. 2, GPR. art. 31 al. l; aujourd'hui, cependant, toutes les com-munes ont introduit le vote secret: C. MosER (1987), p. 33. Dans les trois autres can-tons, le vote n'est en principe pas secret, mais le droit de la commune, respectivement du district et du cercle, peut introduire le vote secret (UR: Cst. art. 23, 26, 30 al. 2;

AI: Cst. art. l al. 3, VPR. art. 23; GR: GPR. art. 7 al. 2, 27 al. 1 let. a et b); le vote secret est appliqué dans la majorité des circonscriptions uranaises et grisonnes, mais reste inconnu à Appenzell-Rhodes-Intérieures: C. MosER (1987), p. 33.

85 A. KôLZ (1987), p. 35.

86 Cf. ATF 98 la 64 71-72 Ghezzi, du 2 février 1972.

87 Cst. § 78 al. 2 a contrario, WG. § 43 al. 3.

88 WG. § 50 al. 2; dans ce cas, les candidats les mieux placés de cette liste unique sont élus, cf. WG. § 63.

89 GL: WG. art. 23 al. 2; BS: WG. § 66a; SH: PWV. § 2 al. 2; le canton de Schwytz comprend 14 circonscriptions uninominales (cf. Regierungsbeschluss über die Vertre-tung der Gemeinden im Kantonsrat; A. KôLZ (1987), pp. 26, 40; T. PoLEDNA (1988), Statistischer Anhang 8-9).

2.2.2. L'élection de l'exécutif cantonal

Si le système majoritaire est devenu aujourd'hui l'exception en matière d'élection des législatifs, il est resté la règle pour celle des Conseils d'Etat. Tous les cantons, à l'exception de Zoug 90 et du Tes-sin91, l'ont en effet conservé92 •

En ce qui concerne l'élection par le peuple du président et du vice-président du Conseil d'Etat parmi ses membres, qui est connue dans quelques cantons 93, le caractère uninominal du scrutin rend impossi-ble l'emploi d'un autre système.

Il en est de même lorsque chaque Conseiller d'Etat est élu à une fonction déterminée 94.

2.2.3. L'élection des Conseillers aux Etats

Les législations cantonales, qui ont maintenant toutes consacré l'élection directe des Conseillers aux Etats 95, ont adopté le système majoritaire96, sauf le Jura, qui, d'emblée, l'a écarté 97. Il faut relever que les demi-cantons, qui n'envoient qu'un seul représentant au Conseil des Etats 98, n'ont évidemment pas le choix.

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Cst. § 78 al. 2, WG. § 43 al. 2; est réservé le cas de la liste unique, où le système majo-ritaire s'applique (WG. § 50 al. 2: voir supra note 88).

91 Cst. art. 35 al. 1.

92 ZH: WG. §§ 63-64, §§ 73 ss a contrario; BE: Cst. art. 34 al. 3; LU: WG. §§ 93 ss;

UR: Cst. art. 95 al. 1, WA VG. art. 46 ss; SZ: Cst. § 46 al. 2, WG. § 40 al. 1; OW: Cst.

art. 59 al. 2, WG. art. 35; NW: Cst. art. 42; GL: WG. art. 46 al. !, Verordnung über die geheime Wahl der Regierungs- und Stiinderiite art. l; FR: Cst. art. 49 al. 2, LEDP.

art. 113; SO: Cst. art. 67 al. 1 a contrario; BS: WG. §§ 52 ss a contrario; BL: Cst.

§ 27 al. 2, GPR. § 27 let. a; SH: Cst. art. 36 al. 2 a contrario, WG. art. 24; AR: Lands-gemeindeverordnung art. 9 al. 3; AI: Cst. art. 1 al. 3; SG: Cst. art. 51 al. 4 et 83 al. 1 a contrario, WG. art. 33; GR: G PR. art. 40; AG: Cst. art. 61 al. 2, 88 al. 1; TG: Cst.

§ 20 al. 4, WG. § 34 al. 1; VD: LEDP. art. 68 al. 1; VS: Cst. art. 52 al. 4; NE: LDP.

art. 67; GE: Cst. art. 102 al. 1; JU: LDP. art. 53.

93 UR, OW, NW, GL, AR: voir supra p. 15.

94 A Appenzell-Rhodes-Intérieures: Cst. art. 20 al. 2 ch. 1, Landsgemeindeverordnung art. 11 al. 1.

95 A. AuER (1978), pp. 37-38; voir supra pp. 13-14.

96 ZH: WG. §§ 63-64, §§ 73 ss a contrario; BE: Cst. art. 9 al. 1; LU: WG. §§ 93 ss, § 100 a contrario; UR: WA VG. art. 46 ss; SZ: Cst. § 24, WG. § 40 al. 1; OW: WG. art. 35;

NW: Cst. art. 42; GL: WG. art. 52, Verordnung über die geheime Wahl der Regie-rungs- und Stiinderiite art. 1; ZG: WG. § 43 al. 3; FR: Cst. art. 29 al. 1 ch. 3, LEDP.

art. 71 ; SO: Cst. art. 27 ch. 1 let. b; BS: WG. §§ 52 ss a contrario; BL: Cst. § 27 al. 2, GPR. § 27 let. b; SH: WG. art. 36 al. 2 a contrario; AR: Cst. art. 23 al. 1; AI: Cst.

2.2.4. L'élection des Conseillers nationaux dans les circonscriptions uninominales (exception)

Le système proportionnel est la règle pour l'élection des Conseillers nationaux99Cependant, par la nature des choses, les cantons et demi-cantons qui n'ont droit qu'à un seul Conseiller national emploient le système majoritaire100Il s'agit aujourd'hui d'Uri, d'Obwald, de Nid-wald, de Glaris et d'Appenzell-Rhodes-Intérieures101