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L'ÉLECTION EN GÉNÉRAL

1. L'élection populaire

DÉFINITIONS

Tout au long de ce travail, nous allons employer les termes d' « élec-tion populaire» et de «système électoral». Avant d'entrer dans le vif du sujet, il nous paraît donc important de définir ces notions cen-trales.

1. L'élection populaire

L'élection se· définit comme le choix, par un organe composé d'une collectivité, d'un ou de plusieurs membres d'un autre organe de cette col-lectivité, en nombre inférieur, destinés à représenter le premier organe.

L'élection dépend donc directement d'une volonté humaine1; en d'autres termes, elle présente un caractère subjectif2. Elle se distingue par là de toute une série de méthodes «objectives» d'attribution d'une fonction, qui résultent de l'application mécanique de la loi: par droit de naissance, par le sort, ex officio (selon ce dernier procédé, le titu-laire d'un poste est appelé automatiquement à exercer une autre fonc-tion)3. Parmi les procédés subjectifs d'allocation d'une fonction, il convient de mentionner, outre l'élection, la cooptation et la nomina-tion. La cooptation diffère de l'élection en ce sens qu'il s'agit d'un pro-cédé par lequel une autorité désigne ses propres membres4La nomi-nation est par contre plus éloignée de l'élection: tout d'abord, elle n'émane pas d'un organe nombreux comme le corps électoral, le Parle-ment ou l'assemblée générale d'une personne morale, mais d'une seule personne ou d'un petit collège (Gouvernement, tribunal, autorité

1 K. LAELY (1951), p. 75.

2 J.-F. AUBERT (1972), p. 19.

3 J.-F. AUBERT (1972), pp. 18 ss; D. NoHLEN, et autres (1969), p. 3; D. NoHLEN (1986), p. 15; cf. K. LAELY (1951), pp. 74-75.

4 J.-F. AUBERT (1972), p. 22.

administrative)5. Elle concerne toujours une personne unique, qui n'est le plus souvent membre d'aucun organe déterminé, alors que l'élection peut servir à désigner un organe collectif6Enfin, la nomina-tion exclut tout rapport de représentanomina-tion, mais implique le plus sou-vent un rapport hiérarchique entre l'autorité qui y procède et la per-sonne nommée 7

Nous avons opté pour une définition «ontologique» 8 de l'élection.

Dans ce sens, l' «élection signifie avant tout choix et liberté de vote.

Pouvoir élire implique une décision libre entre ... au moins deux propo-sitions» 9Il n'y a alors élection que lorsque les postulats de la démo-cratie libérale et pluraliste sont respectés 10Nous avons donc refusé de considérer l'élection comme une simple technique11

Nous verrons plus loin que le droit fédéral suisse impose le respect de toute une série de principes relevant de la liberté de vote12Par conséquent, dans notre pays, élection au sens ontologique et élection au sens technique doivent en principe coïncider.

Une attention particulière doit être accordée à une institution qui peut à première vue apparaître surprenante: l'élection tacite, qui consiste, lorsque le nombre de candidats n'excède pas celui des sièges à pourvoir, à proclamer élus ce(s) candidat(s) sans convoquer les élec-teurs 13Elle est largement répandue en Suisse 14

5 J.-F. AUBERT (1972), pp. 23-24. C'est donc à tort que Z. ÜIACOMEITI (1941), p. 282, K. LAELY (1951), p. 76, et H. WESTERATH (1955), p. 2, considèrent que la nomination émane forcément d'une personne unique.

6 Cf. J.-F. AUBERT (1972), p. 23: l'auteur considère cependant que l'élection ne revêt un caractère collectif qu'en présence de listes bloquées; sur les listes bloquées, voir infra pp. 164-165.

7 J.-F. AUBERT (1972), p. 23; K. BRAUNIAS (1932), vol. 2, p. 1.

8 Le terme «ontologisch» est employé par D. NoHLEN (1978), p. 18.

9 D. NoHLEN (1978), p. 18; cf. N. DIEDERICH (1965), p. 10; D. NoHLEN, et autres (1969), p. 5; H. WESTERATH (1955), p. 2.

10 D. NoHLEN (1978), pp. 18-19.

11 On relèvera un accent mis sur l'aspect technique de l'élection chez K. BRAUNIAS (1932), vol. 2, p. 1; D. NoHLEN, et autres (1969), pp. 1-2; D. NoHLEN (1978), p. 15.

Pour D. NoHLEN (et autres (1969), p. 3; (1978), p. 18), il y a ainsi élection dès que

«des votes sont exprimés individuellement par un électorat bien délimité ... (et que) les voix sont dénombrées et traduites en mandats au moyen d'une règle fixe de décision et, le cas échéant, à l'aide d'une procédure de compensation particulière». Cf. aussi la définition de K. LAELY (1951), p. 74, qui affirme que l'élection est «la désignation d'un membre d'un organe de l'Etat par la volonté d'un organe collectif exprimée au moyen d'un vote».

12 Voir infra pp. 43 ss.

13 Sur l'élection tacite, on se référera en particulier à K. LAELY (1951). Voir aussi G. FEHR (1945), pp. 118-120; T. PoLEDNA (1988), p. 287; A. RuooLF (1922), pp. 151 ss;

B. M. SCHNEWLIN (1946), pp. 124-125.

L'élection tacite a été largement critiquée par la doctrine. Certains auteurs ont été jusqu'à y voir une «capitulation de l'Etat devant le monopole politique des partis» 15, ou du moins une usurpation de la compétence de l'électorat par les partis qui présentent les candidats 16

K. LAEL Y a consacré de longs développements au caractère antidémo-cratique du procédé17

On ne peut en outre pas prétendre que ceux qui ont proposé la liste qui restera unique ont procédé à une élection ou à une nomi-nation, puisque, quand ils ont fait leur choix, ils ne pouvaient le con-sidérer comme définitif. Enfin, l'organe qui proclame le(s) candidat(s) élus(s) ne fait qu'appliquer la loi qui a prévu l'institution de l'élection tacite et qui ne laisse pas plus de choix à ce corps que s'il devait constater le respect de règles sur la succession à un trône.

L' «élection» tacite est donc un mode objectif d'attribution d'une fonction, si on l'observe du point de vue de l'autorité qui détermine les élus18

Toute élection n'est cependant pas une élection populaire. Pour défi-nir cette dernière, il nous convient donc de déterminer ce qu'est (deuxième tour des élections des Conseillers d'Etat et aux Etats); BS: WG. § 40 (élec-tions majoritaires, à l'exception du premier tour des élec(élec-tions des Conseillers d'Etat et aux Etats); SG: VVWG. art. 28 (élection du Grand Conseil), WG. art. 20bis-20ter (élections des autorités de district); AG: WG. §§ 11, 10 let. A (élections des jurés can-tonaux, des membres des tribunaux du travail, etc ... ), 31 al. 6 (deuxième tour de toutes les élections au système majoritaire); TI: LEDP. art. 40 (toutes les élections populaires); VD: LEDP. art. 33 (toutes les élections, sauf le premier tour des élec-tions générales majoritaires); NE: LDP. art. 63 (élection du Grand Conseil), 85 (élec-tion du Conseil d'Etat), 88 (élec(élec-tion des Conseillers aux Etats), 92 (élec(élec-tions commu-nales); GE: Cst. art. 50 al. 4-5 (élections majoritaires complémentaires, élections générales des magistrats du pouvoir judiciaire et des tribunaux de prud'hommes);

JU: LDP. art. 42 (élection du Parlement), 68 (élection du Gouvernement), 74

le «peuple» en tant qu'organe de l'Etat. Le peuple peut être défini comme le corps électoral. L'élection populaire est donc, comprise dans un sens large, le choix d'un ou de plusieurs membres d'un organe de l'Etat par le corps électoral. Au sens strict, on ne qualifiera cependant une élection de «populaire» que lorsque le corps électoral est composé selon le principe de l'universalité. La capacité civique peut être res-treinte à plusieurs égards dans un système de suffrage universel: tout d'abord, elle est réservée aux personnes ayant atteint l'âge de la majo-rité - qui ne doit pas être trop élevé. Ensuite, le plus souvent, seuls les ressortissants du pays ont le droit de vote. Il se peut en outre que, selon une conception traditionnelle du rôle des hommes et des femmes, seuls les premiers exercent les droits politiques. De plus, cer-tains citoyens peuvent être privés des droits civiques sans arbitraire.

Enfin, les exigences du domicile et de l'enregistrement sur un rôle spécial ne sauraient être considérées comme contraires au suffrage universel 19