• Aucun résultat trouvé

LES ÉLECTIONS POPULAIRES DANS LA STRUCTURE FÉDÉRALE

2. Les principes constitutionnels fédéraux

2.3. La liberté de vote

L'étude du rôle unificateur des droits fondamentaux dans le domaine des élections ne saurait se limiter à l'examen des dispositions expresses de la Constitution fédérale.

Une place importante revient en effet au principe de la liberté de vote176, principe de droit fédéral dégagé par le Tribunal fédéral 177 Celui-ci signifie que «le droit de vote garanti par la Constitution fédé-rale donne au citoyen le droit d'exiger que le résultat d'un vote ne soit pas reconnu s'il n'est pas l'expression fidèle et sûre de la libre volonté des citoyens» 178

Cette liberté fondamentale «se compose de tout un faisceau de droits et de principes, de valeur constitutionnelle» 179 Nous allons exa-miner ceux qui s'appliquent plus spécifiquement en matière d'élec-tions.

175 A. BERENSTEIN (1989), pp. 164 SS.

176 Pour une étude approfondie du principe de la liberté de vote, voir de façon générale S. W!DMER (1989).

177 Sur le caractère fédéral du principe, voir infra pp. 52 ss.

178 Voir notamment JdT 1987 1 143 145 = ATF 111 la 196 198 Schweizerischer Kauf-miinnischer Verband, du 6 septembre 1985; ATF 114 la 427 432 Heinz Aebi, du 20 décembre 1988; 113 la 291 294 Dora Geissberger, du 3 juin 1987; 113 la 46 52 Landesring der Unabhiingigen des Kantons Zürich, du 18 février 1987; 112 la 208 211 Kritisches Forum Schwyz, du 17 septembre 1986; 112 la 129 130-131 Vetter, du 9 juil-let 1986; cf. A. AuER (1983), p. 221; W. !<ÂLIN (1984), pp. 125-126; B. KNAPP (1987), N° 62 ad art. 5 Cst. féd.; V. P1cENONI (1945), p. 221; T. PoLEDNA (1988), pp. 14, 234;

T. PoLEDNA/S. WmMER (1987), p. 281.

179 A. AUER (1983), p. 221; (1985), p. 187.

La liberté de vote impose de façon générale que les autorités ne cherchent pas à influencer illicitement le résultat du scrutin. Dans le domaine des élections, la doctrine considère que les autorités ont un devoir d'abstention général; tout au plus seraient-elles autorisées à rectifier certaines informations manifestement fausses 180Il va de soi que l'autorité ne peut limiter le droit de présenter des candidatures aux personnes qui lui conviennent, empêcher ou contraindre quelqu'un de se présenter, ou encore obliger un candidat à refuser son élection. La liberté de vote implique donc la liberté de choix 181De même, il est inadmissible que l'autorité pratique ou même permette la propagande électorale à l'intérieur ou à proximité immédiate des locaux de vote182

De telles violations grossières de la liberté de vote sont cependant rares et ne devraient plus guère faire l'objet de décisions jurispruden-tielles. Le Tribunal fédéral est par contre amené à se prononcer sur des atteintes plus subtiles, qui concernent le plus souvent la formation de la volonté de l'électeur: ainsi, il a récemment considéré l'intervention indirecte d'une collectivité publique dans l'élection de ses propres organes comme un motif de cassation d'une élection 183 Le cas d'espèce était le suivant: dans la commune zurichoise de Kleinandel-fingen, les élections pour le renouvellement des sept membres du Conseil communal (Gemeinderat) devaient avoir lieu le 16 mars 1986.

Les partis traditionnels présentèrent une liste de sept candidats, tandis que Dora Geissberger se proposa seule. Conformément à un arrêté du Conseil communal, et sur demande des partis, la liste commune fut portée à la connaissance des électeurs par publication dans les deux journaux locaux aux frais de la commune. Déboutée par les instances cantonales, Dora Geissberger s'adressa au Tribunal fédéral, qui releva que «tout citoyen qui remplit les conditions reconnues conformes à la Constitution doit pouvoir prendre part à une élection à égalité de chances, aussi bien en tant qu'électeur qu'en tant que candidat. En outre, il doit pouvoir prendre sa décision après avoir formé son opi-nion de la façon la plus libre et la plus approfondie possible» 184De façon à assurer la formation libre de l'opinion de l'électeur, l'interven-tion directe des autorités dans les campagnes précédant un scrutin n'est possible que si des motifs sérieux l'imposent, ce qui n'est presque jamais le cas en matière d'élections 185En l'espèce, on était toutefois

180 A. AUER ( 1983), p. 196; V. PICENO NI ( 1945), pp. 76-78; T. PO LED NA ( 1988), pp. 161-163, 241; W. STAUFFACHER (1967), pp. 370, 386-387.

181 T. PoLEDNA (1988), p. 236.

182 V. PICENONI (1945), pp. 69 SS; T. POLEDNA (1988), p. 162.

183 ATF 113 la 291 Dora Geissberger, du 3 juin 1987.

184 Ibid., p. 294.

185 Ibid., pp. 295-297.

en présence d'une intervention indirecte: celle-ci n'est licite que si la collectivité publique respecte strictement le principe de la neutralité, qui découle de celui de l'égalité des chances 186En publiant unique-ment la liste correspondant à sa propre composition partisane, le Conseil communal avait si gravement violé son devoir de neutralité que la cassation du scrutin se justifiait187

Cet arrêt montre de façon très claire le caractère interdépendant des libertés individuelles au sens classique du terme et des droits politi-ques 188D'une part189, il rappelle la jurisprudence créatrice, qui, à par-tir de l'exigence démocratique, a tout d'abord défini les libertés d'opi-nion et de réud'opi-nion comme des droits fondamentaux non écrits de nature fédérale190, puis en a étendu la portée tout en précisant qu'elles impliquent des prestations positives de l'Etat quand leur exercice est lié, même de façon indirecte, à celui des droits politiques 191D'autre part, lorsqu'il examine les limites à l'intervention des collectivités publiques dans le cadre d'une campagne électorale sous l'angle de la

«liberté de la formation de l'opinion» 192 de l'électeur, le Tribunal fédéral procède à une démarche inverse: il définit en fait le contenu des droits politiques sous l'angle de la liberté d'opinion.

La formation de la volonté du corps électoral ne peut être libre que si l'Etat adopte certaines mesures positives. Il doit ainsi fournir aux citoyens les informations nécessaires à leur participation au vote, voire à leur décision. Ainsi, il est tenu de porter à la connaissance du public les listes de candidats, du moins lorsque la loi oblige à voter pour des personnes qui ont présenté officiellement leur candidature 193; il doit

186 Sur l'égalité des chances, voir infra p. 46.

187 ATF 113 la 291 297 ss Dora Geissberger, du 3 juin 1987.

187 Sur les rapports entre libertés individuelles et droits politiques, on se référera à:

A. AUER (1978), pp. 101 ss; E. ÜRISEL (1987), pp. 63 ss; M. HusER (1983), p. 39;

J.-P. MüLLER/S. MüLLER (1985), p. 340; T. POLEDNA (1988), pp. 236-237.

189 ATF 113 la 295 Dora Geissberger, du 3 juin 1987.

190 ATF 96 I 219 224 Nothiger, du 24 juin 1970; 96 1 586 592 Aleinick, du 24 juin 1970;

E. GRISEL (1987), pp. 63-64; J.-P. MüLLER/S. MüLLER (1985), pp. 342-343; M. Ross1.

NELLI (1987), pp. 122-123, 153.

191 J.-P. MüLLER/S. MüLLER (1985), pp. 343-344; ATF 107 la 64 Progressive Organisatio-11e11 Base!, du 25 mars 1981; 107 la 304 Fuchs, du 8 décembre 1981.

192 ATF 113 la 295 Dora Geissberger, du 3 juin 1987. Cf., dans le même sens, ATF 112 la 332 335 Kritisches Forum Uri, du 12 novembre 1986. Voir aussi ATF 114 la 427 431 Heinz Aebi, du 20 décembre 1988, où le Tribunal fédéral a estimé que la liberté d'opinion garantie par l'art. 10 CEDH. n'allait pas plus loin que le principe de la liberté de vote dans le domaine de la libre formation de la volonté de l'électeur.

193 A. KôLz (1987), p. 13; T. PoLEDNA (1988), pp. 235-236, 238; T. PoLEDNA/S. WIDMER (1987), p. 282; ATF 98 la 602 610 Aschwa11de11, du 29 novembre 1972; 104 la 360 363 Parti socialiste lausa1111ois, du 13 décembre 1978; V. P1cENONI (1945), pp. 63 ss.

aussi indiquer quelles sont les listes apparentées 194. De façon générale, l'autorité doit respecter les règles de procédure posées par les lois can-tonales 195 : elle ne peut par exemple pas prendre en considération les candidatures de personnes qui n'ont pas respecté l'obligation de se présenter dans un délai déterminé 196. La violation de normes canto-nales est ainsi sanctionnée par le principe fédéral de la liberté de vote l L'ensemble des règles visant à ce que l'Etat assure la libre formation de la volonté de l'électeur relève du principe de l'égalité des chances, qui impose à l'Etat de permettre aux candidats de se trouver dans une position analogue face au corps électoral et de s'en tenir en particulier à une stricte neutralité 197. Cette exigence résulte non seulement de la liberté de vote, mais aussi du principe d'égalité (art. 4 al. 1 Cst.

féd.)198.

La liberté de la formation de l'opinion de l'électeur n'est pas mena-cée uniquement par l'Etat. Des particuliers peuvent en effet se livrer à des manœuvres illicites qui justifient parfois la cassation de l'élection.

L'atteinte la plus grave aux droits des citoyens est l'emploi de la vio-lence ou de la menace en vue de déterminer leur vote: on pense en par-ticulier à la menace de sanctions à caractère économique de la part d'un employeur 199. Vient ensuite la corruption électorale 200, ou achat de voix, dont l'étendue est controversée: comprend-elle par exemple tous les cadeaux, y compris les prestations gratuites en nature, telles que le transport des électeurs au local de vote 201? Enfin, la tromperie électorale 202, ou induction en erreur de l'électeur, est aujourd'hui l'irré-gularité la plus fréquente.

Longtemps s'est posée la question de savoir si la distribution par une personne de bulletins de vote qu'elle a remplis ou modifiés de la

194 ATF 104 la 360 363 ss Parti socialiste lausannois, du 13 décembre 1978; A. KôLZ (1987), p. 13; T. PoLEDNA (1988), p. 238; T. PoLEDNA/S. WmMER (1987), p. 282. Sur l'apparentement, voir infra pp. 233 ss, 247 ss.

195 M. HusER (1983), p. 50; V. PicENONI (1945), pp. 20 ss; T. PoLEDNA/S. WmMER (1987), p. 282.

196 ATF 113 la 43 45 K., du 11février1987.

197 T. PoLEDNA (1988), pp. 31-32, 147 ss. Voir aussi supra p. 34, note 154.

198 Ibid., pp. 148-149.

199 T. BüHLER (1966), p. 248; V. P1cENONI (1945), pp. 81 ss. Cf. aussi, pour une vision plus large des influences illicites liées à des rapports de force, T. PoLEDNA (1988), pp. 242-243.

200 En allemand, il est question de «Wahlbestechung»: T. BüHLER (1966), pp. 248-249;

V. PICENONI (1945), pp. 83 SS.

201 T. POLEDNA (1988), p. 244.

202 Nous traduisons le terme allemand de «Wahlbetrug», employé par T. BüHLER (1966), pp. 249-250; V. PICENONI (1945), pp. 85 SS.

même manière est contraire à la libre formation de la volonté de l'élec-teur203. Le Tribunal fédéral l'a tranchée dans un arrêt de 1977, en déclarant nuls 26 bulletins, objets d'une telle modification, relatifs à l'élection du Grand Conseil fribourgeois 204. Il est vrai qu'il a statué sur la base du droit cantonal; cependant, l'érection du comportement incriminé en infraction par le code pénal2°5 entraîne à notre sens qu'il porte atteinte à la liberté de vote définie par le droit fédéral 206.

Dans tous ces cas, la cassation n'est en principe possible que si l'irrégularité a exercé une influence importante, sinon décisive, sur le résultat 207. Une telle influence est spécialement difficile à démontrer en ce qui concerne la tromperie électorale. Ainsi, le Tribunal fédéral a déclaré que des publications privées trompeuses «ne peuvent justifier qu'exceptionnellement l'annulation d'une votation ... On ne peut parler d'influence illicite sur la formation de la volonté démocratique que si la presse intervient au dernier moment par l'indication de faits mani-festement inexacts et trompeurs, rendant impossible aux citoyens de se renseigner à d'autres sources et de se faire une image fidèle et sûre de la situation réelle, et qu'en outre il soit indubitable que la votation en ait été influencée de manière décisive ... Les considérations ci-dessus ...

s'appliquent également en cas d'élections» 208.

La cassation d'une élection pour cause de tromperie illicite entraîne une restriction - bien qu'indirecte - à la liberté d'expression, ce qui explique l'attitude extrêmement réservée du Tribunal fédéral2°9Il en résulte que la radio et la télévision, qui disposent d'un monopole, sont soumises «à des exigences plus sévères que la presse en ce qui concerne l'objectivité de l'information» 210.

203 Voir V. P1cENONI (1945), pp. 90-92, qui penche toutefois pour l'inadmissibilité de ce procédé.

204 ATF 103 la 564 Vonarburg, du 30 novembre 1977.

205 CP. art. 282bis.

206 Cf. déjà A TF 97 I 659 Müller, du 22 septembre 1971.

207 A. AUER (1978), p. 90; T. BüHLER (1966), pp. 248-249; V. PICENONI (1945), pp. 83, 85, 90; T. PoLEDNA (1988), pp. 239-240.

208 JdT 1978 I 313-314 = ATF 102 la 264 268-269 Klee, du 19 mai 1976; voir aussi A TF 98 la 73 Kellermtïller, du 2 février 1972; 98 la 615 621 Schumacher, du 20 septembre 1972; ZBl 83/1982 p. 205, non publié aux ATF. Pour une attitude plus sévère en matière d'élections qu'en matière de votations, voir T. PoLEDNA (1988), pp. 241-242.

209 Cf. ATF 98 la 73 79-80 Kellermüller, du 2 février 1972; J.-P. MüLLER/S. MüLLER (1985), pp. 352-353.

210 A. AUER (1978), p. 90; cf. T. BüHLER (1966), p. 250; J.-P. MüLLER/S. MüLLER (1985), pp. 353-354; M. UsTERI (1959), p. 423a; ATF 98 la 83 Kellermüller, du 2 février 1972.

Sur les exigences d'objectivité résultant du droit de la radio et de la télévision, voir T. Po LED NA ( 1988), pp. 176 ss.

En outre, dans l'arrêt Dora Geissberger211, le Tribunal fédéral a nuancé sa jurisprudence sur le caractère exceptionnel de la cassation.

Il a considéré que, lorsque le vice est grave (in casu: intervention d'une autorité dans la campagne en vue de sa propre élection), cette sanction doit intervenir dès lors qu'une influence sur le résultat apparaît possi-ble. Cette jurisprudence a été confirmée - en matière de votations -lorsque le Tribunal fédéral a cassé le plébiscite par lequel le district de Laufon avait décidé de rester bernois en date du 11 septembre 1983: la gravité de l'ingérence illicite des autorités bernoises dans la campagne référendaire justifiait une telle sanction 212.

Jusqu'à présent, nous nous sommes intéressé à la formation de la volonté de l'électeur. La liberté de vote comprend toutefois un autre aspect, encore plus fondamental: la libre expression de la volonté de l'électeur213

Celle-ci implique tout d'abord que l'Etat fournisse les locaux néces-saires aux opérations électorales, qu'il les pourvoie d'un bureau, qu'il fixe l'heure du scrutin, qu'il remette le matériel nécessaire à l'exer-cice du droit de vote, etc. 214. Le scrutin doit être organisé de telle manière que le plus grand nombre possible d'électeurs puisse y parti-ciper215: il ne saurait en particulier être fixé un jour ouvrable dans le but inavoué d'exclure toute une catégorie de la population rete-nue par ses activités professionnelles 216. L'Etat doit en outre assu-rer la composition correcte du corps électoral: celle-ci implique d'une part la tenue d'un registre des électeurs et d'autre part qu'un contrôle soit effectué afin que seules des personnes disposant de la capacité civique active exercent le droit de vote 217 ; cas échéant, l'auto-rité est tenue de délivrer une carte civique attestant la qualité d'élec-teur21s.

211 ATF 113 la 291 303, du 3 juin 1987.

212 ATF 114 la 427 447-448 Heinz Aebi, du 20 décembre 1988.

213 Sur la distinction entre formation et expression de la volonté de l'électeur, voir T. PoLEDNA (1988), pp. 237 ss, 249 ss. Voir aussi M. HusER (1983), pp. 40, 45 ss.

214 M. HusER (1983), p. 51; T. PoLEDNA (1988), p. 250.

215 M. HusER (1983), pp. 50, 52.

216 ATF 45 I 148 Maure1-, du 15 juillet 1919. Notons que cette affaire a été examinée sous l'angle du principe d'égalité (art. 4 Cst. féd.): cf. T. PoLEDNA (1988), p. 211.

217 M. HUSER (1983), pp. 13-14, 51; J.-P. MüLLER/S. MüLLER (1985), p. 349; V. P!CENONI (1945), pp. 13 ss; T. PoLEDNA (1988), p. 238; T. PoLEDNA/S. WmMER (1987), p. 282;

ATF 91 I 8 9 Walther, du 17 mars 1965.

218 M. HUSER (1983), p. 51.

De plus, une personne inéligible ou proposée contrairement aux règles sur la présentation des candidats ne saurait être proclamée élue219.

De façon générale, les autorités sont tenues, de par le droit fédéral, de respecter les règles de procédure relatives à l'expression de la volonté populaire220

Ainsi, lorsque la législation prévoit le secret du vote, l'Etat doit assu-rer le respect de celui-ci 221Il est ainsi tenu de ne pas admettre la vali-dité de bulletins rendus reconnaissables par une signature, une mar-que ou tout autre moyen, ou encore de bulletins autres mar-que les bulletins officiels222Le secret du vote est très généralement considéré comme un élément important, sinon essentiel, de la liberté de vote223 Cepen-dant, personne ne tire les conséquences ultimes de cette affirmation, à savoir que le scrutin secret s'imposerait pour toutes les élections et votations de par le droit fédéral 224La pratique des autorités fédérales va d'ailleurs en sens contraire. Le premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme prévoit, à son article 3, l'organisation d' «élections libres au scrutin secret». Le Conseil fédéral a déclaré que, si la Suisse voulait adhérer à ce Protocole, elle devrait formuler une réserve à la disposition précitée, pour «couvrir le fait que, dans certains cantons, les élections pour le choix du corps législa-tif ne se font pas au scrutin secret» 225.

L'admissibilité du vote ouvert (c'est-à-dire non secret) au sein de la Landsgemeinde ou de l'assemblée communale résulte, si l'on suit Z. G1ACOMErr1226, d'un «autre ancien principe démocratique, le prin-cipe du vote ouvert dans l'assemblée du peuple» 227 Il s'agit d'une

219 T. Po LED NA ( 1988), p. 14; A TF 113 la 43 45 K., du 11 février 1987; 91 1 260 262 Dieti-ker, du 15 septembre 1965.

220 A. AUER (1983), p. 221; M. HusER (1983), pp. 50 ss; J.-P. MüLLER/S. MüLLER (1985), p. 349; T. PoLEDNA (1988), p. 15; T. PoLEDNA/S. WIDMER (1987), p. 282. Cf., pour la formation de la volonté de l'électeur, supra p. 46.

221 A. AuER (1983), p. 221; T. PoLEDNA/S. WIDMER (1987), p. 282.

222 V. P1cENON1 (1945), p. 99; T. PoLEDNA (1988), pp. 250-251, 262.

223 F. ANTOGNINI (1988), p. 318; A. AUER (1983), p. 221; z. ÛIACOMETTI (1941), pp. 248-249; M. HusER (1983), pp. 21 ss, 41; V. P1cENONI (1945), p. 96; T. PoLEDNA (1988), pp. 234, 259-260; T. PoLEDNA/S. WmMER (1987), p. 282; M. UsTERI (1959), p. 424a; ATF 99 la 177 183 Müller, du 26 avril 1973; 98 la 602 610 Ascl11vande11, du 29 novembre 1972; 90 1 69 73 Couchepin, du 29 avril 1964.

224 Pour des exemples d'élections qui n'ont pas lieu au scrutin secret, voir infi'a p. 50.

225 FF 1968 II 1141; voir aussi FF 1972 1 995; cf. T. PoLEDNA (1988), p. 16.

226 (1941), pp. 252-255.

227 Ibid., p. 253; cf. C. W1NzELER (1983), p. 77.

exception au principe général de la liberté de vote, qui s'explique de la manière suivante: si l'on considère la liberté de vote comme un droit constitutionnel non écrit, le refus de dégager l'exigence du vote secret du droit fédéral peut se fonder sur l'absence du consensus nécessaire à la définition d'un tel droit; si, par contre, on confère à ce principe un caractère coutumier, on doit admettre l'existence d'une coutume contraire autorisant la Landsgemeinde228

En effet, aujourd'hui encore, un bon nombre d'élections n'ont pas lieu au scrutin secret. En ce qui concerne l'élection du Grand Conseil, le canton des Grisons accorde aux cercles la possibilité de la prévoir ouverte ou secrète 229, tandis qu'une faculté analogue est concédée aux communes de trois cantons 230. Le Conseil d'Etat est élu en Landsge-meinde dans quatre demi-cantons 231 , le député au Conseil des Etats dans trois 232. Ce sont cependant surtout les organes communaux qui peuvent, dans de nombreux cantons, être désignés à main levée 233.

Toutefois, les opérations électorales ne sauraient se dérouler sous la pression ou la menace. Dans la mesure où il serait prouvé que l'absence de secret a empêché certains électeurs de voter selon leur propre volonté, il serait légitime que le scrutin soit annulé et répété lors d'une votation à l'urne. Le droit cantonal, pour éviter une telle sanction, pourrait d'ailleurs prévoir une solution plus élégante, l'orga-nisation d'un scrutin secret à la demande d'un certain nombre d'élec-teurs234.

Enfin, la liberté de vote impose l'obligation, pour l'Etat, de consta-ter correctement le résultat du scrutin 235. Ce principe, afin de n'être pas uniquement formel, implique aussi que la volonté populaire,

228 Sur la nature juridique de la liberté de vote, voir infra pp. 52 ss.

229 GPR. art. 7 al. 2, 27 al. 1.

230 UR: Cst. art. 23, 26, 30 al. 2; AR: Cst. art. 75 ch. 3, 77 al. 2; AI: Cst. art. 1 al. 3: de plus, dans ce dernier demi-canton, les membres de la Standeskommission (exécutif cantonal), élus en Landsgemeinde (voir note suivante), font également partie du Grand Conseil: Cst. art. 22 al. 1.

231 OW: Cst. art. 60 al. 1 ch. 1-2 (y compris l'élection du président Landammann et du vice-président - Landesstatthalter - du Conseil d'Etat); NW: Cst. art. 51 al. 1 ch. 1-2 (id.); AR: Cst. art. 43 al. 1 ch. 1 (y compris l'élection du Landammann);

AI: Cst. art. 20 al. 2 ch. 1, 30 al. 1. A Glaris, le Conseil d'Etat est élu à l'urne (Cst.

art. 71 al. 1), mais son président et son vice-président sont désignés par la Landsge-meinde: Cst. art. 97 al. 1.

232 OW: Cst. art. 60 al. 1 ch. 3; NW: Cst. art. 51 al. 1 ch. 3; AI: Cst. art. 20bis.

233 Voir supra pp. 31-32.

234 Cf. M. UsTERI (1959), pp. 424a-426a.

235 A. AUER (1983), p. 221; M. HUSER (1983), p. 50; J.-P. MüLLERIS. MüLLER (1985), p. 354; V. PICENONI (1945), pp. 104 SS; T. POLEDNA (1988), p. 234.

exprimée conformément au droit, soit respectée236Il n'interdit par contre pas la détermination des voix par estimation en Landsge-meinde237.

La libre expression de la volonté du citoyen n'est, pas plus que la libre formation de celle-ci, menacée uniquement par des mesures étati-ques. Des particuliers peuvent faire usage de violence ou de contrainte à l'endroit des électeurs afin de les empêcher d'exprimer leur libre choix; ils peuvent aussi violer le secret du vote. De telles atteintes à la liberté de vote peuvent justifier la cassation d'un scrutin 238

Ainsi, l'ancienne législation zurichoise permettait aux électeurs âgés, invalides ou malades de faire apporter leur bulletin à l'urne par un autre électeur239Cette pratique donna lieu à une forme particulière de captation de suffrages, la modification des bulletins de vote par un intermédiaire. Le Tribunal fédéral estima ce procédé contraire à la libre expression de la volonté de l'électeur dans un arrêt de 1971: deux candidats socialistes au législatif de la ville de Zurich avaient recueilli dans une maison de personnes âgées les bulletins de vote des pension-naires et les avaient modifiés avant qu'ils soient déposés dans l'urne.

Le Tribunal fédéral annula le résultat du scrutin en ce qui concernait la désignation des candidats socialistes et ordonna une élection com-plémentaire permettant de départager les élus de ce parti 240

Il faut encore relever que le code pénal, à son titre XIVe, qui traite

Il faut encore relever que le code pénal, à son titre XIVe, qui traite