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LESSYSTÈMESÉLECfORAUX ENGÉNÉRAL

1. Les principaux types de systèmes électoraux

1.3. Les définitions

Même si chaque système connaît les deux principes 12, la doctrine a une tendance assez constante à approcher le système majoritaire par son principe de décision et le système proportionnel par son principe de représentation 13 Cependant, nous allons essayer de définir les modes de scrutin sous les angles du principe de décision, du principe de représentation et du mode de représentation.

1.3.1. Le système majoritaire 1.3.1.1. Le principe de décision

Le principe de décision majoritaire est le suivant: est élu tout candi-dat (ou toute liste) qui obtient la majorité des voix 14Reste à détermi-ner ce qu'on entend par la majorité des voix. En effet, trois exigences

10 Cf. E. JESSE (1985), p. 146; Y. MÉNY, et autres (1985), p. 32; D. NoHLEN (1986), p. 83.

11 Pour des exemples d'élections majoritaires correspondant à un mode de représenta-tion proporreprésenta-tionnel, voir infra pp. 299 ss.

12 E. JESSE (1985), p. 146; D. NoHLEN (1978), pp. 49-50.

13 Ce penchant est critiqué par E. JESSE (1985), p. 145 et D. NoHLEN (1978), pp. 48-49;

(1986), p. 78. Il se manifeste en particulier par l'emploi courant de l'expression

«représentation proportionnelle» ou «proportional representation»: voir notamment M. BATIELLI (1950), p. 106; V. BooDANoR/D. BUTLER (1983), pp. IX, 34 ss; J. CADART, et autres (1983), pp. 71 ss; A. McL. CARSTAIRS (1980), pp. 15 ss; J.-M. CorrERET/

Cl. EMERI (1983), pp. 55 ss; M. DuvERGER, et autres (1950), pp. 17 ss; E. LAKEMAN (1974), pp. 92 ss, 182 ss; D. W. RAE (1971), pp. 87 ss; RAPPORT (1972), p. 15.

14 K. BRAUN!AS (1932), vol. 2, pp. 178-179; P. F. MüLLER (1959), pp. 7, 46; D. NoHLEN (1978), p. 49; (1986), p. 83; J. RASCHKE (1968), p. 51.

bien différentes peuvent être posées aux candidats à une élection: par-venir à la majorité relative, à la majorité absolue, enfin à la majorité qualifiée 15 Les votations ont par contre toujours lieu à la majorité absolue, du moins lorsqu'un objet est soumis isolément au vote: en effet, l'électeur se trouve alors confronté à un choix binaire16

Est élu à la majorité relative (ou simple), lorsqu'un seul siège est à pourvoir, le candidat qui obtient plus de voix que chacun de ses concurrents pris séparément17Par conséquent, il peut être élu alors que ses adversaires réunis ont bien plus de voix que lui 18Dans une circonscription à plusieurs sièges, sont élues les personnes qui obtien-nent le plus de voix; il se peut que l'ensemble des élus recueillent alors moins de voix que l'ensemble des candidats non élus 19

La majorité absolue peut être définie comme la moitié plus un des suffrages exprimés, ou simplement un nombre plus élevé que la moitié des voix20 (dans la suite de cet ouvrage, l'expression «plus un» signi-fie «arrondi à l'entier immédiatement supérieur»). Le résultat final recherché est donc qu'un des candidats ait plus de voix que l'ensemble de ses concurrents réunis21Le calcul de la majorité absolue ne se com-prend que d'une seule manière dans un système uninominal: elle est égale à la moitié des suffrages (c'est-à-dire des bulletins) plus un; par contre, lorsque plusieurs sièges sont à pourvoir dans une

circonscrip-15 Voir notamment: M. BATTELLI (1950), p. 106; J. JAFFRÉ (1976), p. 1; D. NoHLEN, et autres (1969), p. 39; D. NoHLEN (1978), pp. 63, 76, 93 ss, 155 ss, 172; J. RASCHKE (1968), p. 51; E. 8CHILLINGER (1973), pp. 1-4.

16 Notre propos n'est pas d'entrer ici en matière sur le problème, aujourd'hui fameux, de la votation simultanée sur une initiative et un contre-projet: les différentes possibi-lités sont exposées par exemple par A. AUER (1978), pp. 148-149; C. HAAB (1984), passim; E. GRISEL (1987), pp. 220-223; C. MosER (1985), pp. 79-81; voir aussi l'art. 121 bis Cst. féd., entré en vigueur le 5 avril 1988.

17 Voir notamment M. BATTELLI (1950), p. 106; E. GRUNER (1978), vol. 1, p. 523;

P. F. MüLLER (1959), p. 7; D. NOHLEN (1978), p. 76; T. POLEDNA (1988), pp. 57-58, Anhang 37; J. RASCHKE (1968), p. 51; G. ScHEPIS (1955), p. 15; E. ScH!LLINGER (1973), p. 2. Le système à la majorité relative est dénommé en anglais «The First-Past-the-Post System»: E. LAKEMAN (1974), p. 29; D. W. RAE (1971), pp. 25-26; H. WEsTERATH (1955), p. 24.

18 L'élection d'un député à Portsmouth en 1922, qui n'obtint que 26,8% des suffrages exprimés, est un exemple particulièrement frappant: E. LAKEMAN (1974), p. 60.

19 Cf. V. BoGDANOR/D. BUTLER (1983), p. 4.

20 M. BATTELLI (1950), p. 106; J.-M. CoTTERET/CI. EMERI (1988), p. 47; M. DuTTWEILER (1907), p. 76; G. FEHR (1945), p. 40; E. GRUNER (1978), vol. 1, p. 523; P. F. MüLLER (1959), p. 7; D. NoHLEN (1978), p. 76; T. PoLEDNA (1988), Anhang 37; D. W. RAE (1971), p. 23; E. SCHILLINGER (1973), p. 1; H. STAUB (1918), p. 36; H. WESTERATH (1955), p. 24.

21 E. LAKEMAN (1974), p. 61.

tion, le total des suffrages peut correspondre soit au total des bulletins, soit au total des lignes valablement remplies (c'est-à-dire ni blanches ni nulles), divisé par le nombre de sièges à pourvoir22

Est enfin considérée comme majorité qualifiée une majorité supé-rieure à la moitié plus un des suffrages exprimés, par exemple la majo-rité des deux tiers23.

Même si nous laissons de côté les systèmes à la majorité qualifiée, qui jouent un rôle minime, du moins dans les élections populaires, nous devons constater qu'il n'existe pas un unique principe de déci-sion majoritaire, et nous rallier à l'opinion de D. NoHLEN24, qui distin-gue trois principes de décision: proportionnel, à la majorité absolue, à la majorité relative. Nous sommes donc également d'accord avec la termi-nologie anglaise, qui sépare le plus souvent les «majority systems», où le principe de la majorité absolue a une place prépondérante, des

«plurality systems», ou systèmes à la majorité relative25 (tout en les distinguant bien sûr nettement des systèmes proportionnels26). Les sys-tèmes à la majorité relative n'ont en effet pas pour but de déterminer qui a la majorité, mais qui est le plus fort: ils correspondraient à la tournure d'esprit insulaire et sportive des Britanniques, qui accordent les palmes de la victoire à celui qui a distancé ses adversaires27

1.3.1.2. Le principe de représentation

D. NoHLEN a établi une bonne définition du principe de représenta-tion majoritaire: selon lui, «l'idée de représentation du scrutin majori-taire est la formation d'une majorité, c'est-à-dire implicitement la dis-proportion entre les voix et les mandats» 28L'auteur vise «avant tout la finalité d'obtenir par l'élection une décision sur la direction politique

22 ATF 108 la 243 Hausherr, du 22 décembre 1982. Voir inji·a pp. 208 ss.

23 M. DUTIWEILER (1907), p. 77; G. FEHR (1945), p. 40; H. STAUB (1918), p. 36; H. WESTE-RATH (1955), p. 23.

24 D. NoHLEN, et autres (1969), p. 39; D. NoHLEN (1978), p. 64; voir aussi B. ÜROF-MAN/ A. LnPHART, et autres (1986), pp. 19-20.

25 V. BooDANoR/D. BuTLER (1983), pp. 1, 2-6, 17; D. W. RAE (1971), pp. 21-28; on notera cependant qu'E. LAKEMAN (1974) ne fait pas la distinction. Cf. aussi G. FEHR (1945), p. 40, qui indique que l'élu à la majorité relative obtient la plupart des voix, tandis que l'élu à la majorité absolue dispose vraiment de la majorité. A noter que le terme de «pluralité» était employé dans la littérature ancienne de langue française:

voir par exemple AssocIATION RÉFORMISTE (1867), p. 11; E. NAVILLE (1879), p. 23. En allemand, on se référera à H. WESTERATH (1955), p. 24, qui emploie le terme de «Plu-ralitlit».

26 Voir par exemple D. W. RAE (1971), pp. 28 ss.

27 D. W. RAE (1971), pp. 26-27.

28 D. NoHLEN (1978), p. 49; cf. D. NoHLEN (1986), p. 86.

et de permettre à un parti de disposer d'une majorité parlementaire et de former un Gouvernement» 29Si le deuxième aspect de la définition concerne avant tout les élections parlementaires dans un système par-lementaire, le premier élément est plus général et mérite donc d'être retenu, du moins en ce qui concerne le plan national. Au niveau de la circonscription, le principe de représentation majoritaire vise à ce que les élus d'un arrondissement représentent une seule tendance ou du moins que la tendance majoritaire soit affirmée. En d'autres termes, le principe de représentation majoritaire ne vise pas à représenter tous les courants politiques, mais uniquement le courant majoritaire de chaque circonscription: il tend à la représentation de la majorité.

1.3.1.3. Le mode de représentation

Le mode de représentation majoritaire se trouve par conséquent réa-lisé lorsque le résultat comporte une sérieuse disproportion entre les suffrages et les sièges.

1.3.2. Le système proportionnel 1.3.2.1. Le principe de représentation

Le système proportionnel - la représentation proportionnelle - est presque toujours défini d'après son principe de représentation.

D. NoHLEN affirme ainsi que «doivent être qualifiés de systèmes pro-portionnels ceux qui, en théorie, s'approchent de lafinalité d'une trans-position proportionnelle des voix en mandats» 30Selon d'autres auteurs,

«la définition de la représentation proportionnelle procède de l'objec-tif qu'elle poursuit: attribuer à chaque parti ou à chaque groupement d'opinion un nombre de mandats proportionnel à sa force numéri-que» 31, «un nombre de sièges proportionnel à son influence électo-rale» 32E. JESSE, qui se fonde sur la jurisprudence de la Cour constitu-tionnelle allemande, ne retient pas l'élément de finalité, mais insiste sur le fait qu'aucune voix ne doit être perdue, et que tout suffrage doit avoir le même poids dans l'attribution des sièges33: «dans une élection

29 D. NoHLEN (1978), p. 49. A ce propos, voir aussi ibid., pp. 93, 173. P. F. MOLLER (1959), p. 46, et E. ScHILLINGER (1973), p. 1, s'opposent à cette conception en écrivant que le scrutin majoritaire n'est pas l'élection d'une majorité; en effet, ils s'intéressent au principe de décision, qui ne coïncide pas forcément avec le principe de représenta-tion.

30 D. NoHLEN, et autres (1969), p. 33.

31 J.-M. CorrERET/Cl. EMERI (1988), p. 55.

32 J. JAFFRÉ (1976), p. J.

33 C'est ce qu'A. KôLz (1987), pp. 9-10, 50, appelle l'«Erfolgswertgleichheit».

proportionnelle, les mandats sont attribués aux partis selon la propor-tion de voix qu'ils ont obtenue et, en principe, toutes les voix sont mises en valeur, si bien que les quotes-parts de voix et de sièges concordent largement» 34La même idée est développée par P. F.

MüL-LER, pour qui une élection au système proportionnel est une «élection par report immédiat des proportions de voix sur les proportions de sièges, et ainsi une élection sur la base de toutes les voix ensemble» 35

Ce système a donc pour but d'assurer une reproduction de l'électorat sur une échelle réduite: l'organe élu doit refléter «aussi fidèlement que possible les divers courants d'opinion qui se manifestent dans le peu-ple» 36; «le vote à la proportionnelle signifie un rapport aussi propor-tionnel que possible entre les voix et les mandats pour parvenir ... à la copie approximative de l'électorat. Le pourcentage des voix et le pour-centage des mandats doivent à peu près concorder» 37

1.3.2.2. Le mode de représentation

Le mode de représentation proportionnel est réalisé lorsque la réparti-tion des sièges est réellement proporréparti-tionnelle à celle des suffrages.

1.3.2.3. Le principe de décision

La tâche la plus difficile est de déterminer le principe de décision pro-portionnel. En effet, il ne se distingue pas très nettement du principe de

représentation proportionnel. Le système proportionnel pris sous l'angle du principe de décision peut se définir comme un mode de scrutin qui attribue les sièges aux groupements ou aux candidats admis à la répartition selon un mode de calcul fondé sur la proportion de voix qu'ils ont obtenue, ou sur une fonction de ce nombre - par exemple son cube38C'est donc l'élément de calcul qui permet de dis-tinguer le principe de décision proportionnel du principe de représen-tation proportionnel, qui est déterminé par le résultat escompté39

Remarquons que nous avons dû élaborer notre propre définition car aucun auteur n'en donne de vraiment satisfaisante. Ainsi, D. NoHLEN

écrit: «Dans le vote à la proportionnelle en tant que règle de décision,

34 E. JESSE (1985), p. 145.

35 P. F. MüLLER (1959), p. 7. On trouvera des définitions équivalentes chez V. BoGDA-NOR/D. BUTLER (1983), p. 34; K. BRAUNIAS (1932), vol. 2, p. 191; D. NoHLEN (1978), p. 49; D. W. RAE (1971), p. 28; E. SCHILLINGER (1973), p. 5.

36 M. BATTELLI (1950), p. 107; cf. D. NoHLEN (1986), p. 86.

37 Y. MÉNY, et autres (1985), p. 32: définition de D. NoHLEN.

38 Sur le système cubique, voir infra p. 70.

39 Nous retrouvons donc ici la distinction fondamentale entre principe de décision et principe de représentation, voir supra p. 64.

l'attribution des sièges résulte en général du pourcentage des voix que différents candidats ou différents partis parviennent à obtenir. Sont élus les candidats ou les partis qui peuvent atteindre un certain quota.

Un parti se voit attribuer autant de mandats qu'il atteint de fois le nombre maximal (?), ou que le nombre des voix qu'il a obtenu contient de fois le quota. On tient compte, autant que faire se peut, des suffrages exprimés valables pour la répartition des sièges. On essaie de donner les mêmes chances de succès à toutes les voix»40 L'inven-teur de la distinction entre principes de décision et de représentation, qui avait déjà donné une définition proche des deux premières phrases du texte cité quelques années auparavant41, tend donc, dans la seconde partie de celui-ci, à confondre les deux notions!