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5.2 La bibliothèque : un macro-système d'informations, de connaissances et de

5.2.4 Un système de communications issues de relations entre les

La bibliothèque est un espace social [POLITY 01] de collaboration, d'échanges, de rencontres et de confrontations. Elle met en relation deux grandes communautés : les professionnels d'un côté, les usagers de l'autre qui introduisent de nombreuses variations.

"L'ancrage institutionnel définit les communautés qui travaillent dans les bibliothèques par un double processus d'inclusion et d'exclusion. La nature des collections, les choix intellectuels et ergonomiques qui président à leur constitution et à leur organisation, peuvent induire les usages et les usagers, sans que ce déterminisme soit strict ou contraignant. Le terme de « communauté » est essentiel, et j'y inclus les lecteurs, dans la diversité de leurs statuts, de leurs pratiques et de leurs attentes, comme l'ensemble des personnels, conservateurs, bibliothécaires et techniciens, qui travaillent, et parfois vivent dans les bibliothèques." [JACOB 04,

p. 32]

Plus restreintes dans la communauté des bibliothécaires, les variations renvoient à des qualifications, responsabilités, profils, spécialités et compétences différentes qui dépassent le cadre des catégories professionnelles A, B et C.

Chez les usagers, la multiplicité des profils est plus importante encore car elle ne peut se limiter à la seule qualité réglementaire des personnes les plus couramment autorisées à accéder à cet espace situé dans l'enceinte universitaire : étudiants, stagiaires de la formation permanente, personnels administratifs et techniques, enseignants et chargés de cours, chercheurs et enseignants-chercheurs180. Ainsi, la figure de l'usager ne peut être dissociée de sa démarche informationnelle. De l'étudiant en première année de 1er cycle à celui en dernière année de doctorat, le tout factorisé par le nombre de formations diplômantes et de secteurs disciplinaires, il est aisé, sans rajouter les profils des membres du corps enseignant et de la recherche, de comprendre que la communauté des usagers est difficile à saisir et à circonscrire en terme d'identité [CABIN 93]. Cette difficulté se manifeste chez les bibliothécaires qui se créent un profil stéréotypique de l'usager "Le lecteur est celui qui introduit du

désordre dans la bibliothèque et représente le point focal de l'attention de l'ensemble

180 cette liste de personnes autorisées peut s'étendre en fonction des accords et conventions que l'université et la bibliothèque passent avec la municipalité, le département, la région, ou d'autres institutions.

du personnel qui se définit comme étant à son service (…) Cette contradiction renvoie à la construction d'une représentation du lecteur comme personne ayant des besoins (…) Les besoins des usagers sont loin de correspondre à l'idéal du lecteur tel que le rêvent les bibliothécaires." [LE MAREC 03, p. 252]

L'activité importante de communication au sein de la communauté des bibliothèques, impulsée autant par les missions institutionnelles de l'établissement que par la réalité et les exigences de la profession contraste avec l'absence de communications organisées entre des usagers qui se trouvent appartenir, malgré eux à une communauté dont ils ignorent tout : les règles, les membres et l'identité. Chez les premiers, cette communication induite par le fait de faire partie d'un tout engendre une forme d'intelligence collective comme la définit P. Lévy, résolument tournée vers les missions du lieu d'exercice professionnel :

"Qu'est ce que l'intelligence collective ? C'est une intelligence partout distribuée, sans cesse valorisée, coordonnée en temps réel, qui aboutit à une mobilisation effective des compétences" [LÉVY 97, p. 29]

A l'opposé, l'usager se révèle simultanément unique et pluriel. Chacun, avec sa quête informationnelle spécifique va incarner face aux bibliothécaires qu'il va solliciter, la communauté de l'usager. De cette dernière, et à son insu, l'usager se trouvera affecté de la représentation que le bibliothécaire et la communauté des professionnels se font de lui. D'une certaine façon, alors que la communauté des professionnels de la bibliothèque existe de facto, il apparaît que la "communauté" des usagers est davantage une facilité pour les bibliothécaires d'identifier l'Autre, celui qui, sans cesse, met en désordre cycliquement ce lieu ordonné et organisé. La communauté des usagers représente davantage une vue de l'esprit, une commodité, que les bibliothécaires s'accordent pour mettre de l'ordre et nommer par métonymie, la multitude des démarches informationnelles, des attentes, des besoins et des interrogations de la figure de l'usager. Cependant, cette commodité n'a pas pour seule vocation de répondre faussement à une difficulté majeure. Elle répond, au contraire, à une volonté de proposer des solutions à ces demandes d'information multiples, en suivant une démarche méthodique qui prend, pour point de départ, la reconnaissance d'un usager-type, représentant modélisé qui se verra attribuer caractéristiques et besoins en matière de recherches d'information.

L'organisation des sites Web des bibliothèques, la signalétique en salles de lecture, les notices d'information, les formations aux usagers, l'information mobile, le service au public, etc. sont autant de manifestations de stratégies et de moyens que la bibliothèque développe pour assister non pas les usagers, mais cette représentation modélisée de l'usager dont va hériter chaque personne sollicitant le service de documentation. Les évaluations des services par rapport aux demandes des usagers fait partie du cahier des charges habituel des bibliothèques. Le rapport annuel d'activités que chacune d'elles rédige en fin d'année comprend entre autres181, un bilan des opérations d'évaluation de la qualité perçue par les usagers.

De cette réalité de l'inventivité que la bibliothèque déploie année après année pour répondre aux demandes d'information [DARGAUD 03] [HOLZEM et al 95] et aux recherches documentaires des usagers, quelques constats s'imposent.

La bibliothèque se présente comme un lieu privilégié pour y mener des recherches documentaires. La capacité à rendre les connaissances disponibles et accessibles se présente comme le corollaire indissociable de sa mission institutionnelle de diffusion des connaissances. De ce fait, une part importante de son activité en dehors de l'acquisition de documents, est investie dans le service aux usagers.

Cependant et malgré les innovations perpétuelles que les bibliothèques proposent aux usagers (périodiques, revues spécialisées, cédéroms, documentations électroniques, bases de données en ligne, services divers sur site, Internet, bureautiques, …) d'une part, et l'extraordinaire expérience cumulée par les services communs de documentation des universités françaises en matière d'assistance et de services aux usagers, d'autre part, force est de constater que cet espace de recherche se montre toujours aussi ardu à comprendre et à apprivoiser pour les usagers.

181 Affectation du personnel, formations, politique documentataire, enquêtes, bilan financier, sont quelques uns des points abordés dans le rapport annuel d'activité, qui d'année en année, garde grosso

modo la même structuration. Le site Web de la bibliothèque de l'Université Paris 8 propose en libre

accès, la consultation de ses rapports d'activités.

On peut oser l'hypothèse que le problème vient moins du manque d'effort des bibliothèques pour comprendre leur public (position qu'il est difficile de tenir ici) que de l'incessante dynamicité de sources d'informations et de connaissances que la bibliothèque arrive structurellement à agréger et à rendre accessible. Cette dynamicité introduit un décalage perpétuel entre les nécessités d'une démarche méthodologique dans la recherche d'informations et les propositions continuelles de solutions logicielles pour mener les recherches, de bases de données nouvellement acquises, de nouveaux services proposés, etc.

En cette période de surcharge informationnelle et cognitive, l'effort de formation fondamental qu'il faudrait apporter aux usagers devrait porter sur l'identification et l'utilisation de la bibliothèque en tant qu'objet plurivoque, porteur d'une cohérence globale. Or on assiste au développement de formations trop rapidement spécialisées fréquemment liées à l'outil informatique, qui cède le pas à l'anecdotique de la maîtrise technique, souvent peu généralisable.

Comme l'exprime [ANTONI 01,p. 29] "Nous ne sommes plus à l'époque de la

rareté ou de l'accès difficile à l'information mais bien en un temps d'abondance. On confond souvent information disponible et information utile ! « Comment transformer des données textuelles disponibles en information utile ? (...) L'information susceptible d'être diffusée, d'être « utile » passe par toutes sortes de représentations, de structurations. Aucun de ces traitements ne peut prétendre exprimer l'information « objective ». Toute information est « construite »." A cette

abondance d'informations et de connaissances, que la bibliothèque sait fort bien rendre disponible et accessible, vient s'ajouter l'abondance des mécanismes, principes et subtilités techniques qu'il est indispensable d'acquérir pour que ces connaissances soient réellement accédées et construites par l'usager.

Cet espace complexe182, faussement statique, offre des parcours d'accès à la connaissance d'une rare richesse et en constante évolution. Ceux-ci représentent autant de raccourcis, de voies secondaires, et d'itinéraires de découvertes qui mettront

182 Certains travaux de recherches offrent des exemples d’intégration, de modélisations et de représentations de l’espace réel dans un outil de fouille et de visibilité sur les données structurées [CUBAUD 98], [LECOLINET 01]

en relation un usager, porteur de SA demande d'informations dans SON environnement intellectuel, à une ou plusieurs ressources documentaires correspondantes, par l'entremise de nombreux autres moyens qu'ils soient humains, techniques ou organisationnels.