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2.1 Introduction

2.2.3 Préceptes et invariants

Les facteurs essentiels de la perception visuelle préalablement introduits en tant qu’invariants incontournables et premiers se doivent d’être articulés aux principes de communication graphique pour tenter d’établir une base solide à cette ergonomie et écologie informationnelle de nos écrans.

Partant du modèle cognitif de la perception visuelle décrit plus haut, observons les trois premières étapes perceptives théoriques que sont l’étape sensorielle, figurative et cognitive qui loin d’être systématiquement séquentielles opèrent simultanément, en parallèle, et parfois même en interactions réciproques. [JIMENEZ 97]

• Niveau sensoriel :

Perception des caractéristiques élémentaires de : - Formes

- Couleurs

- Contrastes lumineux (ombres, brillance, reflet, transparence..)

- Textures

- Localisation par rapport aux axes horizontaux et verticaux du plan visuel

Advient un traitement de classement des informations visuelles par groupes ou surfaces qui s’applique selon les lois de regroupement énumérées dans l’approche de la Gestalt psychologie [MATLIN 88] :

- La loi de proximité (ou l’éloignement latéral ou perspectif), qui induit la notion d’ensemble, d’unité, de perception de la structure et permet de catégoriser (cf. figure 2.5 ).

A titre d’exemple, citons NeuroNav22 logiciel de Text Mining, restituant sur une carte la structure d’un ensemble inorganisé de textes par la représentation des thèmes en correspondance, incarnés par des cercles dont le diamètre varie en fonction du nombre de documents contenus et dont la proximité traduit les relations sémantiques entre les thèmes (cf. figure 2.6 ).

Figure 2.5 :Exemple de proximité de formes Figure 2.6 :Carte de thèmes générés par NeuroNav

- La loi de similarité qui inclut les facteurs tailles, formes, couleurs, textures. Elle produit les inférences utiles pour identifier, grouper et d’appréhender les informations (cf. figure 2.7 ).

Pour exemple, Miner 3D23, système de représentation graphique de résultats issus d’une sélection de moteurs de recherche, dont la proximité des thèmes d’informations représentés se manifeste par la similitude de forme, de taille et de couleur (cf. figure 2.8 ). 22 http://www.diatopie.com/ProdNeuroNav.htm 23 http://miner3d.com/

Figure 2.7:Exemple de similarité de formes Figure 2.8 : Interface de Miner3D où le principe de similitude de forme, de taille et de couleur se reporte sur chacune des représentations complémentaires juxtaposées.

La loi de continuation avec l’orientation des lignes (droites, courbes, incurvées..) et éventuellement le mouvement (cf. figure 2.9 ).

Pour illustration, nous mentionnerons le moteur de recherche KwMap24, dont la carte des mots clés issus d’une recherche, propose deux fragments que l’on suppose courbes, ponctuées des mots clés en relation, s’entrecroisant en leur centre et dont le sens du mouvement reste indéterminé (cf. figure 2.10 ).

Figure 2.9 : Illustration de loi de continuation

Figure 2.10 : Carte des mots clés de KwMap. Cette forme proposée pour naviguer dans les thématiques de résultats n’est pas sans rappeler celle de la fig.1.9. N’informant pas sur sa structure qui peut être un V supérieur joint à un V inférieur inversé voire deux arcs de cercles assemblés, elle ne livre de fait aucun sens de lecture précis.

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Il apparaît alors essentiel de vérifier dans la mise en forme graphique d’une ressource numérique que la répartition de tout ou partie de ces composantes soit équilibrée (rapport de symétrie ou de dissymétrie), reste visible (pas d’interférences optiquement perturbatrices entre formes et textures, ou dans les contrastes colorés…)

• Niveau figuratif ou perceptif :

Ici intervient la capacité à appréhender les contours visibles et le fond d’arrière plan de la scène observée :

- L’ambivalence très exploitée des illusions optiques où le phénomène de réversibilité opère lorsque le fond et la forme ont des valeurs proportionnées en répartition de surface et de contrastes. L’illustration la plus connue à mentionner étant le célèbre vase de Rubin (1915) à partir duquel et selon la diversité des approches perceptives ce sera le vase ou les deux visages qui s’imposeront en premier lieu à la vision. Ce principe peut-être intéressant à exploiter pour faire ressortir alternativement des binômes thématiques d’informations corollaires. (cf. figures 2.11 et 2.12)

Figure 2.11 : mosaïque antique dans laquelle il est possible de

voir alternativement des flèches blanches orientées vers la droite et des flèches noires orientées vers la gauche.

Figure 2.12 : La chandelle, variante

du vase d’Edgar Rubin.

La ségrégation figure/fond offre une équiprobabilité des deux perceptions possibles.

- La perception réelle ou illusoire de la tridimensionalité : reliefs, ombrages, perspectives axonométriques (cf. figure 2.13) concourent25 à la perception tridimensionnelle suivant les "indices picturaux" de profondeur énoncés par Léonard de Vinci dont les règles serviront plus tard à l’élaboration des trompe-l’œil. [DELORME 03]

Figure 2.13:Propriétés naturelles de l'image graphique, les trois dimensions de l'image instantanée

La simulation de la profondeur repose sur les caractéristiques suivantes :

- La hauteur relative des formes situées dans le cadre visuel induit une perception artificielle de leur distance. (cf. figure 2.14)

- La taille relative où la variation de tailles de formes et d’objets simulent la distance, ce qui équivaut à un invariant mis en évidence par J.J.Gibson en tant que "perspective de taille". (cf. figure 2.14)

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Tout en gardant conscience que "la scène visuelle est projetée sur un plan bidimensionnel rendant

inopérants certains indices binoculaires de profondeur comme la disparité et la parallaxe binoculaire

(Cutting & Vishton, 1988 ; Reinhardt-Rutland, 1996)" selon la thèse de doctorat d’Yves Rybarczyk "Etude de l’appropriation d’un système de téléopération dans l’optique d’une Coopération Homme-Machine", Spécialité : Robotique & Neurosciences, Université d’Evry, mars 2004.

Figure 2.14 :Exemples de hauteur relative (à gauche) puis de taille relative (à droite)

- Le gradient de texture (cf. figure 2.15) : définit également par J.J.Gibson, correspond à une projection optique d’une surface vue en perspective. Les éléments répartis sur une perspective de plan de sol sont en partie haute plus denses et petits et se repartissent plus amplement tout en augmentant de taille en se rapprochant de la partie basse de la représentation, ce qui révèle la profondeur tout comme dans la variation de pente ou de niveau de la surface. [DELORME 03]

Figure 2.15 :Les gradients de texture

• Niveau cognitif :

Les objets du plan visuel sont pleinement identifiés dans toutes leurs caractéristiques rassemblées de contours, luminosités, contrastes colorés, tailles, textures et volumétries en association avec le répertoire de représentations mentales

en mémoire. La "culture visuelle"26 acquise nous permet d’accompagner nos perceptions par des discernements et des inférences suivant les approches constructivistes et cognitives27 considérant la perception comme résultat d’une construction de l’individu, de ses attentes et de ses motivations en relation avec les données issues de l’observation [BAGOT 96].

Ce niveau cognitif comporte également la prise en compte de l’espace et du temps. Concernant les limites perceptives, [WILLIGES 84][HUBBOLD 86] ont démontré dans la communication d’items nombreux que l’esprit humain a de grandes difficultés à se concentrer sur plus de cinq à sept éléments simultanément.

La nécessité de plus en plus prégnante de rendre plus explicite le sens des espaces de données de nos réseaux d’informations oriente certaines recherches sur la création d’alphabets graphiques d’interaction tel le langage visuel du système d’interfaces graphiques Visual Elements Workspace (VIEW) [SELKER 99]. Cette élaboration a pour vocation d’intensifier et d’optimiser la perception et la manipulation des éléments actifs et signifiants de l’interface au moyen de boîtes à outils dont les classes d’objets sont ici considérées comme la syntaxe et les phrases d’un langage graphique à agencer suivant un lexique d’interactions et de comportements. Elle est issue d’une tentative de théorisation des représentations graphiques pour la conception des interfaces utilisateurs. Il s’agit de regroupements relationnels des informations à partir de bibliothèques de formes et de symboles paramétrables en fonction de variables et de niveaux organisationnels. Ce qui n’est pas sans rappeler quelques principes de base de la Sémiologie graphique, une des sources fondatrices de la cartographie.[MACKINLAY 88].

Cette tentative théorique s’appliquant à un domaine d’activité plutôt novice du point de vue théorique comporte cependant ses limites. En effet, le design d’interface est trop dépendant de la nature de l’information mise en écran28, du ou des contextes

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L’Art en est le vecteur majeur développant perception visuelle et réflexion, éveillant notre regard sur le monde et les choses dans une distanciation critique.

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A ce sujet, [TARDIF 92] soulève dans la perspective constructiviste l'importance des connaissances antérieures dans le processus d'acquisition et d'intégration de nouvelles connaissances et de quelles façons elles déterminent comment ces nouvelles connaissances seront appréhendées et intégrées par l’apprenant.

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d’où provient cette information et dans lequel elle est amenée à se positionner : moteurs de recherche généralistes, SIG (Systèmes d’Information Géographique), portails, plate-forme d’enseignement,... Fondamentalement, les propositions de tels modèles d’interfaces ne peuvent répondre de façon exhaustive à la variabilité des situations d’interactions et de manipulations dans le cas de systèmes à caractéristiques fortement interactives sur des contenus ou des contextes très diversifiés. Il est à noter que l’angle d’approche était ici davantage normatif c’est à dire plus spécifiquement issu du traitement informatique des applications. L’apport culturel et communicationnel du design d’informations était encore assez restreint pour des questions qui n’étaient pas seulement liées au potentiel de calcul et d’infographie des machines à l’époque du développement des IHM, aspect qui sera davantage détaillé en abordant les objectifs de la Visualisation d’information.