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2.4 La Visualisation d’information (VI), support à la navigation

2.4.2 Essence et culture des interfaces

Elément de médiation incontournable instaurant le dialogue entre le monde réel et le monde virtuel, l’interface est un amplificateur de perception et un support aux modalités d’interaction avec les espaces de données. Elle est objet d’expérimentation dont les variations formelles sont également porteuses d’identité communautaire forte comme dans l’univers des jeux vidéos.

2.4.2.1 Interactivité : mode opératoire de l’interface

Sans prétendre à l’exhaustivité, il paraît essentiel de remettre quelques précisions en lumière autour de cette notion majeure, vaste et fréquemment employée. En préambule54 : les définitions du terme "interactivité" sont rares dans les

dictionnaires courants55 à l’exception du TLF (Trésors de la Langue Française) qui mentionne à "système" : "Disposition de matériel, de logiciel, ou des deux à la fois, qui permet une intervention de l'usager dans une tâche en cours d'exécution".

C’est avec l’émergence des IHM au moyen d’interfaces de saisie et d’interfaces de perceptibilité qu’apparaît la notion d’interactivité en informatique selon quatre situations types :

1/ L’interaction homme-machine (IHM)

2/ La communication entre machines en réseaux

3/ La communication entre personnes par système interposé (mail, ftp, forum, Chat, wiki,…)

4/ La communication personnes-systèmes d’information

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Et tel que cela est mentionné sur Captain-doc, guide de la documentation électronique en ligne : http://www.captaindoc.com/dossiers/dossier22.html

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citons toutefois celle du petit Larousse 1996 :" Inform. Faculté d'échange entre l'utilisateur d'un système informatique et la machine, par l'intermédiaire d'un terminal doté d'un écran de visualisation. "

Ce dernier point marque un changement de paradigme de l’interactivité : nous sommes passés de l’interaction homme-machine et ses objets de sollicitation/réponse et de commande axés sur l’aspect instrumental de l’ordinateur et des systèmes informatiques à la communication entre personnes et systèmes informationnels où la focale est placée sur l’objet de l’activité. Ce qui soulève des interrogations pour entrevoir comment les usagers appréhendent l’information au moyen de l’interface et en retour quels en sont leurs usages ? [MIEGE 03].

La communication personnes-systèmes d’information, contrairement à l’interaction homme-machine, est une transaction consciente de sujets face à des représentations d’information dans les systèmes documentaires électroniques où ils se trouvent dans la nécessité prégnante de tirer sens et pertinence en correspondance avec leurs objectifs et face à l’abondance informationnelle : « comment ajuster au

mieux la représentation du sujet traité par les documents, de manière à proposer à l’utilisateur, éventuellement en les triant, les documents qui sont le plus au cœur de la question qui l’intéresse... Or de nombreux facteurs peuvent contribuer à rendre un ensemble de documents inexploitables par rapport à une tâche donnée, ou un type d’attente donné, et en particulier le volume de documents récupérés. Que faire si 500 documents sont potentiellement en rapport étroit avec le sujet de la question ? »

[LAINÉ-CRUZEL 99, p.60].

C’est essentiellement sur ce niveau d’interaction en relation avec la problématique du sens des informations relevées que nous concentrerons notre approche.

2.4.2.2 A propos d’intuition et d’acculturation

Peut-on envisager qu’une acculturation par les invariants de communication visuelle puissent faire émerger des interfaces relevant de modes métaphoriques moins basés sur le réel et plus en adéquation avec les principes de l’espace numérique d’informations ? De la même manière que le plein usage d’un dispositif de recherche nécessite des connaissances sur la façon dont il est constitué pour en

tirer le meilleur parti, peut-on entrevoir que les usagers finissent par développer une familiarisation avec les interfaces les plus complexes de par leurs expériences antérieures de manipulation ?

Ce qui amène à la notion d’intuition : il est question de navigation intuitive lorsque l’interface de par son apparence et ses modulations suggère à l’utilisateur certains modes de manipulation sans qu’il y ait nécessité à les transposer sous forme d’un mode d’emploi ou d’une initiation préalable. Cette qualification est souvent employée dans le contexte des IHM [WILLIGES 84] [RASKIN 94] dans un objectif d’interface efficace.

Il a été évoqué que les territoires issus des cartographies de connaissances qui émergent dans les Hypermédias ne correspondent à aucune réalité connue ou parcourue au préalable, comment dans ce cas peut-il y avoir de préfigurations rendant cela intuitif pour l’usager ? Car cette transaction entre homme et ordinateur demeure avant tout une situation artificielle, vouée aux artefacts que sont les machines, et passant par une phase d’appropriation plus ou moins conséquente selon l’efficience de l’interface et le niveau d’expertise des usagers aux outils technologiques [CHAUDIRON 02b]. Quant aux interfaces graphiques, elles sont la résultante de conventions graphiques communicationnelles et de codes sémiotiques de par leur niveau de connotation et comme tout ensemble codifié elles nécessitent un apprentissage [MEUNIER 93] [STOCKINGER 01].

"Un des buts visés par le développement d’interfaces interactives était de faire

en sorte que l’utilisateur puisse compter sur son sens commun et sa connaissance du monde lors de la navigation dans le domaine abstrait de l’information. Ce qui, au départ, est abstrait devient sensible et peut faire l’objet d’une expérience."

[ROKEBY 03, p.113]. En parallèle des invariants communicationnels permettant de réduire les incertitudes de la perception, l’adaptation à un contexte tel que le Web, ou par exemple celui des jeux vidéos et leurs modes de communication visuelle et d’interaction avec l’information dynamique place les usagers dans une situation active pour laquelle ils se doivent de développer des aptitudes et savoir-faire techniques se créant une forme de "culture numérique". Facteur avec lequel il sera

possible de composer pour communiquer et appréhender la variation des formes de l’information.

La familiarisation aux langages graphiques des interfaces amenée à se développer ne dispense pas de la nécessité à faire sens visuellement et de travailler sur l’adéquation d’une communication visuelle dont les règles et invariants seront transposés en relation avec le contenu représenté pour minimiser le phénomène "boîte noire" de la perception.

Ainsi ce qui est considéré comme "intuitif" dans la relation aux interfaces ne ferait-il pas plutôt référence à des réflexes cognitifs issus de la mémoire procédurale56 que l’usager aurait développé au cours de ses expériences interactives avec les Hypermédias ? La conception d’interface a pour objectif de réaliser cette transposition visuelle et visible de la complexité d’un espace relevant d’une abstraction tout en se basant sur des références et des invariants de sémiologie et de communication visuelle qui puissent servir d’articulation procédurale cognitive. Elle prévoit de décrire les propriétés d’une forme avant de la concevoir cependant les dites propriétés se révèlent ou s’infirment à l’usage et suite aux études et observations qui pourront être menées sur l’interaction des usagers avec ces dispositifs.