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2.4 La Visualisation d’information (VI), support à la navigation

2.4.1 Historique et objectifs de la VI

Les prémices de la visualisation en tant que support à la cognition apparaissent en 1786 avec les travaux de transposition graphique de statistiques de William Playfair [TUFTE 83].L’illustration qui suit (cf. figure 2.20) donne à voir, puisqu’une image vaut mille mots, comment la visualisation d’information est à même de faire ressortir ce que des lignes de texte ne suffisent pas à faire percevoir, suivant la définition qu’en donne [AUBERTIN et al. 03, p.3] « Le but de la visualisation est

l’amplification cognitive en termes d’acquisition et d’utilisation de l’information (baisse des efforts dans la recherche d’information, utilisation des représentations visuelles pour augmenter la détection des formes, autorisation d’association d’idées, emploi de mécanismes d’aide à la compréhension) (Polanco 2002) ».

Figure 2.20 : Schéma extrait du dossier "La rupture" de Michel Cartier. La capacité de synthèse de la

représentation graphique fait ressortir, mieux que le texte seul ne le pourrait, la fulgurance en un laps de temps très court avec laquelle les outils d’information et de communication se sont développés à l’échelle de l’évolution humaine.

Discipline récente et parallèle à la visualisation scientifique, la visualisation interactive d’informations a pour objectif de faciliter à la fois la perception et la manipulation des données informatiques. Son émergence est liée au développement des IHM (Interaction Homme-Machine) pour représenter les données affichées sur l’ordinateur.

En regard des objectifs initiaux de la visualisation d’information qui a pour but l’utilisation de représentations informatisées, interactives, visuelles de données

abstraites pour amplifier la connaissance [CARD 99], la première génération de

dispositifs d’interfaces graphiques interactives aura avant tout apporté des contributions pour résoudre :

-La perception et le repérage de grands ensembles de documents dans l’espace limité de l’écran de visualisation.

-L’interaction avec la quantité informationnelle de grands volumes de données de type résultats de systèmes de SRI.

La VI comporte trois disciplines satellites qui collaborent étroitement dans l’élaboration d’interfaces graphiques :

- L’informatique (Algorithmes, structures de données…)

- La Psychologie (Ergonomie, Perception, Cognition…)

- Le Design et l’architecture d’informations ( Communication infographique, nouvelles formes de représentations, scénarisation interactive)44 (cf. figure 2.21).

44

Figure 2.21 :Schéma des composantes de Visualisation de connaissances

A partir des ressources visuelles du système, la visualisation d’information amplifie la cognition sur six points [CARD 99] :

1/ en facilitant les processus de la mémoire des usagers, ce qui libère des ressources pour aborder d’autres tâches.

2/ en facilitant la recherche par la visibilité des informations

3/ en induisant de meilleurs modèles mentaux à partir de représentations visuelles adéquates.

4/ en permettant des inférences perceptuelles

5/ en développant les mécanismes de l’attention

6/ en rendant manipulable la nature binaire de l'information

En évoquant succinctement les réalisations premières de la VI classées en cinq approches [HASCOËT 01], apparaît plus nettement l’orientation informatique prise pour rendre perceptible la volumétrie des données par le biais de systèmes interactifs:

- Approche diagramme : constituée de représentations d’arborescences horizontales, verticales, et concentriques pour mieux tirer parti de l’espace disponible (diagramme d’arbres de Walker et graphe de Kamada) (cf. figure 2.22)

- Approche « surfacique » : cartes d’arbres (Treemaps) (cf. figure 4.8) ; arbres circulaires (cf : The cone tree de Xerox Parc45)

- Approche géométrie non-euclidienne : les arbres hyperboliques ( Hyperbolic Browser d’Inxight46) (cf. figure 4.6)

- Approche Cartographique : d’après les recherches en SIG ( Webmap, Map.net 47) (cf. figure 2.23)

- Approche 3D : Le Web forager, les perspective walls, les 3D-rooms (exemples d’espaces d’information en trois dimensions présentés sur le site "Cybergeography" de Martin Dodge 48) (cf. figure 4.19)

Figure 2.22 : Diagramme d'arbres algorithme de

Walker (gauche ht), binaire (gauche bas), algorithme general de placement graphe de Kamada (droite ht), radial (droite bas) [HASCOËT 01, p.6]

Figure 2.23 : Maps.net carte topographique de

représentation de résultats issus de l’Open Directory Project.

Les réalisations issues de cette taxonomie sont des tentatives répondant aux deux problématiques imbriquées de visualisation et de repérage et illustrées par le principe de VI du focus (vue locale) sur contexte (vue globale) issu de la Gestalt théorie qui démontre que la perception humaine d’une scène est d’abord globale avant de porter son attention aux détails. [HASCOËT 01] [POOK 00]

45 http://www2.parc.com/istl/projects/uir/projects/ii.html 46 http://www.inxight.com/ 47 http://maps.map.net/cat?ap=0;ms=10 48 http://www.cybergeography.org/atlas/info_spaces.html

Ces systèmes de VI fonctionnent en dépit de leurs limitations et sont articulés au couple action/perception de filtrage dynamique, aux transformations de type

fisheye structurel et déformant d’un graphe simple ou de documents (Document

Lens), et aux zooms spécifiques. Ils répondent à des enjeux prégnants de perception de la globalité d’une scène avant de s’attacher aux détails contenus par celle-ci sous forme de vues locales tout en conservant à tout moment la possibilité de visualiser à nouveau l’ensemble des informations figurées.

Les premiers jalons de la VI en Communication Homme-Machine soulignent une orientation qui, sans développer son modèle conceptuel du point de vue des usagers face à l’information et aux usages qu’ils sont amenés à en faire, est partie des dispositifs et de leurs contraintes à solutionner vers les usages qui en découlent. Etat de fait qu’illustre bien le Visual Information-seeking mantra de Ben Schneiderman à l’intention des concepteurs d’interfaces utilisateurs : “Overview first, zoom and filter,

then details on demand…”49.

Les GUI "Graphical User Interface" ayant bénéficié dans le prolongement des avancées en Visualisation notamment des recherches menées en Visualisation scientifique et sur les Systèmes d’Information Géographique (SIG), ne partaient pas des usagers contrairement à leur intitulé mais étaient davantage orientés sur le plan informatique vers un usage "plus convivial"50 de dispositifs composés d’objets fonctionnels et manipulables censés permettre aux néophytes de ne pas avoir à se confronter aux langages de développement dédiés aux informaticiens pour dialoguer avec un ordinateur [JOHNSON 97].

Observations qui trouvent un écho dans l’analyse critique de [CUBITT 98] faisant remarquer que le principe du WIMP (Windows Icons Mouse Pointer), qui par la force des choses, est devenu familier et commun à tous utilisateurs lors de leurs transactions avec les systèmes informatiques représente une norme interculturelle

49

La vue d’ensemble permet d’obtenir une idée d’ensemble de la collection de données Le zoom permet de naviguer vers les points d’intérêt

Le filtre cache les éléments non intéressants

Détaille à la demande donne le choix d’un élément ou un groupe pour en connaître les détails. Schneiderman B., Designing the User Interface 3rd Ed., 1997 p.523

50

selon la formule employée "User-friendly", ce qui réfère à la problématique des représentations des concepteurs.

ayant formaté les usages de l’interaction homme-ordinateur. Il en déduit qu’au lieu de considérer la relation entre hommes et machines comme instrumentale et

prothèsique, subordonnant et conformant les ordinateurs aux besoins

d’instrumentalisation des hommes, nous avons refusé aux ordinateurs les changements qui peuvent transformer leur servitude en partenariat.

Quelles que soient les critiques et reconsidérations pouvant être apportées sur les paradigmes de l’interfaçage des systèmes et de leurs arborescences à l’intention des usagers, les fondations fonctionnelles étant ainsi posées d’autres impératifs apparaissent à présent incontournables. Face aux enjeux de quantités de données51 à communiquer, manipuler, extraire, agréger, et organiser52, la visualisation d’informations est tenue de s’engager plus avant vers une visualisation de connaissances à part entière où vient s’ajouter, dernier degré de complexité, la nécessité impérieuse de donner sens53 par l’organisation des données selon des thèmes, des classifications de savoirs passant par la visiblité accrue de cette organisation. Détenue par l’informé l’information devient alors un ensemble de connaissances selon l’assertion suivante "…le savoir c’est de l’information

accumulée " [DURAND 81, p.81].

Appréhender le processus de sens à l’œuvre dans cette matière numérique qu’est l’information communiquée d’un émetteur-auteur vers un récepteur-lecteur par un interfaçage est un processus infiniment complexe qui implique dans la conception de dispositifs de visualisation de connaissance de considérer plus attentivement les usagers dans leurs usages de recherche et de prélèvement d’information.

51

L’étude 2003 de la School of Information Management and Systems of the University of California,

Berkeley estime le volume d’informations du web à 167 terabytes alors qu’en 2000 l’estimation portait

sur un volume de 20 à 50 terabytes d’informations : soit une quantité d’informations ayant triplé en trois années et portant sur une population de 600 millions de personnes accédant au web. En parallèle, les emails produits par jour sont estimés à 31 billions d’emails, chiffre dont il est attendu qu’il double en 2006 (source: International Data Corporation (IDC).

How much information 2003 : http://www.sims.berkeley.edu/research/projects/how-much-info-2003/ 52

enjeux fortement accentués par l’émergence de la FOAD (Formation Ouverte a Distance), du E-Learning et des plates-formes d’enseignement à distance.

53

Cette interrogation autour du sens dans les Hypermedias fût la thématique directrice de réflexion de la conférence H2ptm’03 "créer du sens à l’ère numérique".