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2.2. LE PROCESSUS DE CONCEPTION : DE l’IDÉE AU PRODUIT

2.2.2. LES MODÈLES DE CONCEPTION EN DESIGN

2.2.4.3. SYNTHÈSE SUR LES NOUVELLES APPROCHES

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2.2.4.3. SYNTHÈSE SUR LES NOUVELLES APPROCHES

La démarche d’expérience utilisateur propose d’élargir la notion d’utilisabilité ou de facilité d’usage du produit au-delà de ses dimensions pragmatiques (Hassenzahl, 2003) (Barcellina & Bastien, 2009), l’expérience sous-entend alors un impact émotionnel cumulé à un bénéfice rationnel. En lien avec la conception centrée utilisateur, l’expérience utilisateur caractérise l’expérience vécue par une personne lorsqu’elle interagit avec un produit. L’approche accorde ainsi une place centrale aux affects en prenant en compte le ressenti des personnes. L’accent est mis sur l’importance du point de vue des personnes et sur des dimensions telles que l’utilité et l’utilisabilité (Nielsen J. , 1999 ; (ISO 9241-210, 2010), la signification (Norman, 2013), l’amusement (Monk, & al., 2002 ; (Hassenzhal, 2004), le plaisir (Jordan, 2000), les émotions (Norman, 2013), que doit procurer l’usage du produit. L’expérience est façonnée, selon Desmet et Hekkert (2007) et selon Mahlke (2007), par les caractéristiques de la personne (en particulier sa personnalité, ses compétences, ses valeurs culturelles, ses motivations, etc.), celles du produit (sa forme, sa texture, sa couleur, etc.) et est influencée par le contexte (physique, social, économique) dans lequel l'interaction a lieu. Pour Mahlke (2007) la perception des qualités instrumentales, telles que l’utilité et utilisabilité associées à la perception des qualités non-instrumentales telles que les aspects esthétiques, symboliques et motivationnels, influencent directement les réactions émotionnelles de l’utilisateur, ses sentiments subjectifs, ses expressions motrices, ses tendances comportementales, ses réactions physiologiques ou encore ses jugements cognitifs.

Les personnes recherchent du sens et des émotions à travers les produits qu’elles utilisent, elles cherchent, entre autres, à satisfaire des besoins souvent affectifs (Jordan, 2000; Norman, 2005 ; 2013). En s’intéressant aux plaisirs et aux émotions procurés par les produits dans leurs usages, la conception centrée utilisateur évolue vers une conception pour l’expérience, centrée sur les besoins affectifs des personnes. Nous passons aujourd’hui, d’un intérêt pour les produits et leurs fonctions, à un intérêt pour l’expérience (Sanders & Stappers, 2008; Vial, 2015), si bien qu’une expérience positive et de qualité semble devenir un objectif à atteindre dans toute situation d’usage. Pour atteindre cet objectif, Sanders, par exemple, décrit trois catégories d’exigences attendues pour le produit : utile, utilisable et désirable (Sanders, 1992). Dans la lignée des travaux de Sanders, de nombreux autres auteurs ont proposés différents éléments clés de l’expérience utilisateur, nous les avons répertoriés dans le tableau ci-dessous (Tableau 1). Pour faciliter la compréhension de ces différentes approches, nous avons regroupé ces éléments clés de l’expérience utilisateur selon les exigences attendues du produit, les facteurs d’influence de l’expérience, les composantes de l’expérience et le niveau de traitement de l’expérience.

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Exigences attendues du produit

(Sanders, 1992) Désirable

Attirant

Utilisable

Capacité à être compris, appris, utilisé

Utile

Capacité à accomplir ce pourquoi il a été conçu

Facteurs d’influence de l’expérience (Mahlke, 2007)

(Desmet & Hekkert, 2007)

Caractéristiques du produit

Caractéristiques de

l’utilisateur Contexte

(Arhippainen & Tähti, 2003) Caractéristiques du produit fonctions, sens, symbole, etc. Caractéristiques de l’utilisateur physiques, motrices, âge, personnalité, etc. Facteurs Sociaux pression temporelle, pression de réussite, échec, etc.

Facteurs Culturels mode, langage, normes, etc. Contexte d’Usage temps, lieu, température, etc.

Les composantes de l’expérience

(Hassenzahl, 2003)

Perception des caractéristiques hédoniques

Stimulation, Identification, Evocation

Perception des caractéristiques pragmatiques Manipulation Réactions comportementales et émotionnelles (Mahlke, 2007)

Perception des qualités Non instrumentales

Esthétiques, Sensoriels, Symboliques, Motivationnels

Perception des qualités instrumentales

Utilité, Utilisabilité

Réactions émotionnelles

(Desmet & Hekkert, 2007)

Expérience esthétique

Degré auquel tous les sens sont satisfaits

Expérience de sens

Significations que les personnes attachent au produit

Expérience émotionnelle

Sentiments et émotions provoqués

Niveau de traitement de l’expérience Bienfaits du plaisir pour l’utilisateur (Jordan, 2000, p. 12) Hédoniques Sensoriels et esthétiques Pratiques Utilisation du produit Emotionnels

Façon dont le produit affecte l'humeur de la

personne

Typologies de plaisir (Jordan, 2000, pp. 13-57)

Physio-plaisir

Plaisir en lien avec les organes sensoriels

Socio-plaisir

Plaisir issue des relations avec les

autres

Psycho-plaisir

Plaisir issue des réactions cognitives

et émotionnelles

Idéo-plaisir

Plaisir issue des valeurs transmises Norman, 2005; 2013 Visceral Apparence (esthétique sensoriel) Comportemental

Efficacité et facilité d’usage

Réflexif

Image de soi, satisfaction personnelle, souvenirs

Tableau 1 : Éléments clés de l’expérience utilisateur adapté de Van Gorp & Adams (2012), d’après Sanders (1992) ; Jordan (2000) ; Arhippainen & Tähti (2003) ; Desmet & Hekkert (2007) ; Mahlke (2007) et Norman (2005).

Ce tableau révèle la diversité des connaissances et expertises nécessaires aux acteurs-métier pour concevoir des philosophies d’usages, des produits utiles, utilisables et désirables (Sanders, 1992) qui feront vivre une expérience positive et de qualité aux futurs utilisateurs. Il montre également l’importance, dans notre contexte de recherche en prospective des usages, d’impliquer d’avantage les personnes (au sens utilisateurs, usagers, opérateurs, consommateurs, etc.) dans le processus de conception de produits en particulier pour évaluer les bienfaits hédoniques, pratiques et émotionnels de l’expérience vécue (Jordan, 2000). Agir sur l’expérience utilisateur semble nécessiter une approche impliquant des acteurs-métier sensibles aux personnes dans toutes leurs dimensions, pour imaginer les aspects liés au plaisir d’usage, en prenant en compte l’utilisabilité et ainsi concevoir les caractéristiques esthétiques, sensorielles, fonctionnelles, etc., des produits en

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adéquation avec les besoins pragmatiques et affectifs des personnes. Ainsi, nous nous sommes tout particulièrement intérressé à l’ergonomie et au design.

L’expérience utilisateur est la conséquence de l’interaction de nombreux facteurs. Si bien qu’il n’y a pas de consensus sur une définition unique de « l’expérience utilisateur ».

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Figure 16 : L’expérience utilisateur est la perception et le ressenti de la personne, « Je suis bien », qui résultent des usages, s’asseoir en tailleur, se détendre et discuter entre amis (activité réelle et pratique habituelle)

Pour façonner l’expérience vécue par la personne, les acteurs-métier peuvent influencer les futurs usages. Notons que, l’ergonome s’intéresse plus particulièrement à la dimension de l’usage en lien avec les tâches et activités des personnes. L’approche traditionnelle en ergonomie s’intéresse principalement aux aspects physiques et cognitifs des personnes surtout à travers l’utilisabilité et l’accessibilité des produits et des environnements (ISO 9241-210, 2010), (Brangier & Barcenilla, 2003). De son côté le designer s’intéresse plus particulièrement à la dimension de l’usage en lien avec les pratiques, us, coutumes et modes de vie (Quarante, 1994). En design, l’attention se porte plus particulièrement sur les styles de vie et les souhaits des personnes (éthiques, idéologiques, socioculturels) à travers les aspects hédoniques (sensoriels et esthétiques), émotionnels des produits et de leurs environnements (Quarante, 1994 ; Macdonald, 1998 ; Jordan, 2000 ; Hassenzahl, 2003 ; Levy & Guénand, 2003 ; Norman, 2005 ; 2013). Dans le cadre de nos travaux de recherche en contexte interdisciplinaire, imaginer les futurs usages est une démarche prospective qui demande une connaissance globale des usages, des activités réelles aussi bien que des pratiques habituelles, sociales et culturelles, mais également une connaissance globale du contexte de ces usages. Dans cette perspective Maguire (Methods to support human-centred design, 2001) définit ainsi le « contexte d’utilisation » comme la résultante de cinq éléments : les objectifs et les caractéristiques des utilisateurs, leurs tâches et activités, l’environnement technique et matériel,

17 Brangier et Barcenilla définissent l’usage comme « la mise en activité effective d’un objet dans un contexte social, permettant à l’utilisateur de satisfaire un objectif » (Brangier & Barcenilla, 2003, p. 23 et 36). L’usage sous-entend une double nuance, une activité réelle ainsi qu’une pratique sociale et culturelle (us, coutume, habitude, mode, mœurs). Définition abordée § 2.2.3.

Nous retiendrons cependant que l’expérience utilisateur est la perception et le ressenti d’une personne, qui résultent, des usages17(Figure 16).

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l’environnement physique, l’environnement sociale et organisationnel. Pour Valentin et ses collègues (2010), la « situation d’usage » est la résultante de différentes composantes que sont les personnes, les tâches, les outils, les contextes et les événements. Valentin (2010) souligne la diversité des composantes à étudier et la nécessité de prendre en compte le caractère situé de l’action, son contexte et sa variabilité. En conséquence, dans le cadre de nos travaux de recherche, nous préférerons le terme de « situations de vie » pour évoquer la nécessité d’une approche pluridisciplinaire des « contextes d’utilisation » ou « situations d’usage », étudiés par les acteurs-métier de l’ergonomie et du design (Figure 17).

Figure 17 : Dans notre exemple, les déterminants de la situation de vie regroupent la personne (qui) assise en tailleur pour se détendre et discuter (comment), sur une chaise (quoi), dans un jardin (où), en couple (avec qui), le dimanche

après-midi (quand). La situation de vie, étudiée ou modifiée, entraine une expérience vécue par la personne « Je suis

bien » (perception et ressenti de la personne).

Les déterminants des situations de vie, étudiés par les acteurs-métier, renvoient aux personnes (leurs besoins, souhaits et caractéristiques) ; aux contextes temporels et environnementaux (physiques et sociaux) ; aux produits (ou objets utilisés) et aux usages (les activités réelles et les pratiques habituelles).

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Ainsi, pour façonner l’expérience vécue par la personne, les acteurs-métier de l’ergonomie et du design doivent concevoir la « situation de vie » en agissant sur le produit, le contexte (environnemental et temporel) et les usages, tout en prenant en compte les personnes (leurs besoins, souhaits et caractéristiques). La situation de vie imaginée par les acteurs-métier entraine une expérience, positive et de qualité, vécue par la personne (Figure 17).

Les composantes de la situation de vie sont illustrées sur la Figure 17 ci-dessus. Cette représentation schématique de la situation de vie illustrée à travers l’exemple de l’utilisation d’une chaise, sera amenée à évoluer plus loin dans notre manuscrit, afin d’illustrer les différentes étapes de notre démarche.