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1. LE CRIQUET PÈLERIN ET SON ENVIRONNEMENT

1.1. Le Criquet pèlerin

1.1.3. Données acridiennes récentes du CNLA (1988-2007)

1.1.3.5. Analyses comparatives

1.1.3.6.5. Synthèse nationale : les acrido-régions

L’analyse et la cartographie des occurrences acridiennes observées, par phase et par stade phénologique, durant les 20 dernières années d’archives historiques du Criquet pèlerin en Mauritanie apporte des connaissances et précisions nouvelles sur les tendances saisonnières, les des trajectoires empruntées et des zones de reproduction des populations autochtones et allochtones. Ces connaissances complétées par l'expérience du terrain acquise pendant plus de 24 ans conduisent à mette en évidence des territoires homogènes quant au comportement saisonnier du Criquet pèlerin, ce qui conduit à délimiter des régions cohérentes d’un point de vue acridien, que nous nommerons "acrido-régions". C’est essentiellement la réparition des larves solitaires qui é été l’élement discrimant pour tracer les frontières de ces acrido-régions (voir la figure 24).

Ces acrido-régions ont été conçues en prenant en compte les principales composantes biogéographiques du Criquet pèlerin en territoire mauritanien. Ainsi les 7 éléments suivants ont été retenus :

1. Une aire de reproduction estivale des solitaires (juillet à septembre).

2. Une aire mixte de reproduction des solitaires d’été-automne (juillet à septembre et/ou octobre à décembre).

3. Une aire de reproduction automnale des solitaires (octobre à décembre).

4. Une aire mixte de reproduction des solitaires d’automne-hiver (octobre à décembre/janvier à mars).

6. Une aire de reproduction et/ou de dispersion des grégaires (toute l’année). 7. La Majabât El-Koubra (zone hostile et de transit).

Fig. 24 : Localisation des foyers de grégarisation par une co-occurrence de

solitaires et de transiens (population solitaro-transiens) en période de rémission ou de résurgence.

Le Criquet pèlerin en phase solitaire va se déplacer des zones de developpement estival au Sud, vers les zones hivernales au Nord et à l’Ouest. Globalement sur une année il va coloniser successivement la zone 1, 2, 3, 4 puis enfin la zone 5. Chaque zone a son fonctionnement et ses caractéristiques particulières.

1.1.3.6.5.1. L'aire de reproduction estivale des solitaires

Cette aire couvre globalement d’est en Ouest, le Sud du 17éme parallèle N c’est à dire le Sud du Hodh Charghui, la partie orientale du Sud du Hodh El Gharbi, la partie centrale de l’Assaba à l’exception du Sud de Kankossa, la zone Sud-Est du Gorgol à l’exception de Mbout et de Maghama Elle exclue la Wilaya du Guidimaka.

Cette aire de reproduction estivale est située dans la zone saharo-sahélienne qui reçoit entre 200 et 260 mm par an dont la majorité durant l'été boréal. Elle sert de lieu de reproduction et

de dispersion pour les populations solitaires, en particulier durant la période de rémission, profitant des pluies de mousson, de l’humidité du sol et d'une végétation plus ou moins dense.

Fig. 25 : Les acrido-régions.

L'espèce végétale saillante est Cenchrus biflorus qui couvre, en fonction de l’importance, des pluies, la majeure partie de cette région. Son cycle de vie active dure 2 à trois mois, dépassant rarement le mois de septembre. Les sols sont sablonneux, limoneux, parfois localement argileux. Les températures dans cette période de (juillet- août -septembre) sont en moyenne autour de 30-32°C ce qui permet à ces populations, de faire, au moins une génération et parfois deux en en cas de pluies précoces (dès le mois de mai ou de juin).

Les acrido-régions 2, 3 et 4 constituent trois variantes d'une même fonctionnalité mais avec des probabilités de fréquence saisonnière différentes. Il s'agit d'une zone intermédiaire servant

de trait d'union entre les reproductions estivales (méridionales) et les reproductions hivernales (septentrionales). Chaque année l'ampleur, la période et la durée des phénomènes sont régies par la distribution spatio-temporelle des pluies et par les effectifs acridiens disponibles pour exploiter les conditions éco-météorologiques.

1.1.3.6.5.2. Aire mixte de reproduction des solitaires d’été-automne

Cette aire couvre la zone située d’une part entre 9°30’W et 16°30’W au niveau du littoral, à partir de 18°N et d’autre part, entre 12°W et le littoral, à partir de 18°30’N. Cette zone couvre le Nord-Ouest du Hodh Elgharbi (les Aoukers d’Aïoun) le Nord-Est de l’Assaba (Boumdeid-Tasksat) le Sud-Ouest du Tagant (Baten de la falaise du Tagant) et le centre et le Nord du Brakna et du Trarza ainsi que la région de Nouakchott.

Cette aire est située dans une zone qui reçoit entre 100 et 200 mm par an. Elle sert, là aussi en fonction des pluies, de relais pour les solitaires, entre la zone estivale et l'automnale. C’est une zone plus saharienne que sahélienne avec une diversité de végétation dont une partie est appréciée par le criquet solitaire. Il s’agit entre autres de Tribulus allatus, Schouwia thebaica par endroit en particulier dans l’Ouest de cette zone (Nord de Boutilimitt-Aguilal Faye) Farsetia stylosa, Boheraavia repens, Cyperus conglomeratus, etc.

Les sols y sont en majorité sablonneux ou sablo-limoneux et offrent, des conditions idéales de ponte et d'incubation quand ils sont humides.

Les températures moyennes durant la saison estivale (juillet à septembre) sont de l'ordre de 30° à 32°C à l’exception de Nouakchott et Rosso où elles oscillent entre 25° et 29°C. En automne (octobre-novembre) la baisse de température est limitée : 2° à 3°C de moins en novembre.

La présence des solitaires, dans cette zone est moins importante au niveau distribution que dans la zone estivale mais les effectifs par endroit peuvent être plus importants en particulier à partir d’octobre date à laquelle les arrivées en provenance de la zone de reproduction estivale souvent plus méridionale commencent à se faire sentir sous l'effet du dessèchement de la végétation et l'attrait des pluies d’octobre, réputées par les nomades sous leur nom d’« octobrie » en hassanya.

Certaines années, lorsque la mousson est puissante et que le FIT remonte au delà de 20°N, cette zone peut abriter une reproduction estivale exceptionnelle.

1.1.3.6.5.3. Aire de reproduction automnale des solitaires

Cette aire couvre une zone située entre 18°30’N et 19°30’N d’une part et 11°30’W et 15°30’W d’autre aprt, abritant le Nord-Ouest du Tagant, l’extrême Nord du Brakna et du Trarza, le Sud de l’Inchiri et de l’Adrar.

Les sols sont diversifiés ; ils sont sablonneux, sablo-limoneux, limoneux ou même localement argileux chargés de graviers et de cailloutis mais les sols à texture sableuse sont les mieux representés. Les températures sont presque identiques à celles de la région précédente. Cette zone reçoit mais de façon plus intense les arrivages des solitaires issus de la zone estivale car les pluies automnales y sont plus régulières. De ce fait, elle abrite les foyers de plus hautes fréquences de solitaires enregistrées dans le pays, ce qui génère des regroupements et des

pullulations locales entraînant fréquemment des phénomènes de transformation phasaire (haute fréquence de transiens primitifs).

Sur le plan de la géomorphologie, elle est assez particulière avec ses modelés dunaires qui vont d’écailles de poisson à l’Ouest à des dunes ondulées séparées par des cuvettes intra dunaires de formes et de structures variables. Au Nord les interdunes sont étroites tandis que vers l’Ouest elles peuvent avoir une largeur de quelques kilomètres. A l’Ouest le fond des interdunes est formé d’affleurements rocheux couverts de cailloutis (reg) comme par exemple à Aguilal Faye. On observe parfois dans ces interdunes des buttes de grés ferrugineux ou des buttes plus basses de diatomites.

Les sols sont en majorité sablonneux à limoneux. La végétation annuelle se développe surtout sur les versants des dunes mais elle est également présente au sommet de ces mêmes dunes.

Cette zone est caractérisée dans sa grande majorité par le Stipagrostis pungens mais aussi du Tribulus alatus, Heliotropium ramosissimum, Boerhavia repens, Schouwia thebaica, Cyperus conglomeratus, l'écodiversité induite par les divers substrats se retrouve dans la phytodiversité.

1.1.3.6.5.4. Aire mixte de reproduction des solitaires d’automne-hiver

Cette aire est une zone de chevauchement, de transition entre les zones automnales et hivernales de reproduction. Exceptionnellement, elle peut recevoir des pluies estivales significatives mais la saison d'activité est essentiellement automnale, certaines années elle peut abriter une reproduction hivernale.

Elle couvre le Sud-Ouest de l’Adrar et le centre de l’Inchiri.

Le substrat dominant est constitué de regs caillouteux sub-plans dans le centre de l’Inchiri. La plaine de l’Inchiri hérissée de petits inselbergs (eglab) est prise en charge par deux ergs étroits NE-SW : le Draa Malichigdane et l’Amatlich. Au Sud de l’Adrar se trouvent deux graras cultivables, celles de Yaghref et Graret Levrass colonisées certaines années par Schouwia thebaica.

Les pluies estivales de mousson sont généralement déficientes et les pluies automnales sont dominantes, localement renforcées par les effets de relief en particulier celui de l'Adrar. L'incidence directe des pluies est donc complétée par les effets du ruissellement et les zones d'épandage qui revêtent une importance non négligeable dans la dynamique des populations acridiennes.

Tout ceci permet de générer des reproductions solitaires dans cette région où la végétation est assez diversifiée mais aussi de plus en plus contractée.

1.1.3.6.5.5. Aire de reproduction hivernale des solitaires

Cette aire s’étire de Nouakchott à Bir Moghrein. Elle couvre la Wilaya de Dakhlett Nouadhibou, de l’Ouest de l’Inchiri, du Nord-Ouest de l’Adrar et l'Ouest du Tiris-Zemmour.

Cette zone est caractérisée par des grands cordons dunaires (Azefal et Lehmami) séparés par des depressions à modelés variables, ainsi que par des regs dans la partie Nord et quelques sebkhas sans compter la montagne d’Idjil la plus haute du pays et les eglabs (inselberg) du Tiriss ou ceux de la région de BirMoghrein. L’un de ces eglabs situés entre Zouerate est Bir Moghrein a pour nom la montagne du criquet « Galb Ejrad ». La partie centre-Est de cette région est limitée par le "mur" de l’Adrar.

La végétation bien que rare en dehors des saisons pluvieuses est dominée, sur les ensablements dunaires par des Stipagrostis, sur les aluvions des oueds par du Panicum turgidum et du Schouwia thebaica, ainsi que du Nuccularia perrini. Bien que souvent légèrement salé, le sol se prête globalement aux pontes surtout sur les ensablements et dans les alluvions des oueds.

Les moyennes des températures minimales durant la période hivernale vont de 12° à 22°C tandis que les maximales vont de 26° à 41°C.

Ce qui a bien sûr un effet sur la durée de cycle de ces insectes dans cette région mais aussi sur l'accessibilité des biotopes car en deçà de 18°C en fin de journée les déplacements du Criquet pèlerin solitaire sont considérablement restreints (barrière thermique).

1.1.3.6.5.6. Aire de reproduction et/ou de dispersion des grégaires

L’ensemble du pays peut être concerné par les populations grégaires du Criquet pèlerin en fonction de la pluviosité, en particulier les régions les plus pluvieuses du pays (Guidimaka) dont la pluviosité annuelle (estivale) peut varier de 500 à 900 mm. L'extrême Nord-Est du pays est également concerné par des reproductions de grégaires mais elles ont alors lieu en période hiverno-printanière comme cela a été particulièrement flagrant en 1993-1994.

Écologiquement plus tolérants et aussi plus mobiles, les grégaires peuvent exploiter les pourtours de la Majabât Al Koubra, lorsque les conditions éco-météorologiques n'y sont pas trop défavorables.

Les grégaires, en effet n’ont pas de limites de régions et par conséquent ils exploitent l’ensemble des régions déjà définies. Ils peuvent pondre dans des sols très variés, même si parfois le développement embryonnaire échoue.

1.1.3.6.5.7. La Majabât Al Koubra

La zone de la Majabatt Al koubra n=est connue, ni par l=auteur, ni par les équipes anti-acridiennes. Les principales informations sur cette zone de plus de 250 000 km5, jugée comme l'une des plus inhospitalières du désert saharien proviennent des écrits d=Ibn Battouta (1352), des résultats d=expédition faites par le Commandant Sevenet 1948 et surtout par Monod qui l=a parcouru plusieurs fois à dos de chameaux (1954-1955 et 1964).

La Majabatt Alkoubra est considérée par Monod (1980, 1958) « comme une seule énorme nappe de sable à la surface de laquelle le rôle respectif très variable des deux systèmes dunaires longitudinal et transversal va tendre à individualiser des régions : Taçarat et Lemreye voient prédominer l=ondulation transversale sans que l=élément longitudinal encore très discret et * amorti + en soit tout à fait absent tandis que Waran, Ijafoûn et Tamokraret voient le longitudinal l=emporter sur un transversal qui, ici, ne disparaîtra, jamais complètement ».

Monod signale également une végétation dans les différentes zones de la Majabatt Alkoubra, à dominance d=Aristida pungens (Stipagrostis sp.), Aristida acutiflora ainsi que par endroit

Cornulaca monacantha et Cyperus conglomeratus.

Il signale avoir rencontré des populations grégaires de Criquet pèlerin de part leurs couleurs roses et jaunes sous forme d=individus et de groupes dans ces mêmes régions en décembre 1954 (on était alors en période d'invasion) sous des formes vivantes ou mortes. Cette mortalité, observée en plusieurs endroits indique-t-elle la difficulté de la traversée pour ces insectes ? Feu Ould Biya racontait que l=OCLALAV en 1968 avait tenté une prospection terrestre et avait dû se résigner très tôt à renoncer, en abandonnant deux véhicules. Une femelle a été trouvée morte, en oviposition dans des sables grossiers ; elle n'avait pu extraire son abdomen du sol.

Au cours, des derniers vingt ans de prospection terrestres, les pourtours de Majabât Al Koubra ont pu progressivement être surveillés sur des profondeurs allant jusqu’à deux degré carré du coté du Sud-Est (Nord Oualata) du côté du Centre (est Tidjikja à travers l’Adafer et Tichitt à travers le Dhar, Est Adrar, A traversAin Safra) et du côte Nord à travers Ouarane et El Hank). Les endroits prospectés ont très rarement été occupés par les criquets à l’exception du Nord de Oualata dans le Sud-Est du pays, les environs d’Aïn Savra (Est Chinguetti) au Centre du pays et un peu du côté d’El Hank au Nord.

Ceci tend à confirmer le statut de cette région qui nécessiterait toutefois d’étre prospectée en profondeur dés que les moyens terrestres le permettront. En attendant, les prospections aériennes doivent continuer de même que l’exploitation des images satellites accessibles.