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2. LES ZONES PILOTES D’ÉTUDE

2.1. Le choix des zones de haute et basse fréquences de reproduction

2.1.1. Justification du choix

La recherche et la localisation des régions qui différent les unes des autres par la fréquence des criquets grégarisants, en Mauritanie, nous donne l’opportunité de comparer les caractéristiques écologiques et biogéographiques qui peuvent affecter le niveau de développement et de grégarisation des populations. La réalisation, de telles études dans ces deux zones de haute et basse fréquence permettra d’aider à mieux connaître et cibler, dans le temps, les zones à haut risque acridien dans le pays et par conséquent améliorer la planification et la mise en application de la stratégie de lutte préventive dans l'espoir de réduire les coûts récurrents de la surveillance.

Les résultats de tel travail devraient permettre, de développer une méthodologie adaptée pour identifier et étudier d’autres zones similaires dans le pays et dans ceux de la région occidentale et dans l’ensemble de l’aire de distribution du Criquet pèlerin.

2.1.2. Le criquet dans les zones de haute et basse fréquences

Les informations collectées au cours des prospections de surveillance et de lutte du Centre de Lutte Antiacridienne en Mauritanie dans le cadre de sa stratégie préventive contre le Criquet pèlerin (Ould Babah 1997a) ont été regroupées sous forme d'une base de données (18 429 enregistrements de 253 descripteurs pour la période 1988-1999), qui a été partiellement exploitée (Ould Babah 2003). Cette analyse a démontré l'intérêt et le potentiel important de ces informations dans le diagnostic de la dynamique spatio-temporelle des principaux phénomènes acridiens (Phases, stades, zones de reproduction saisonnière et foyers de grégarisation, etc.). Elle a aussi, permis, d’identifier une zone particulière au centre-Ouest du pays à l’Ouest de l’Aoukar Lebkem. Cette zone est située un peu en dessous de l’aire d’habitat permanent du Criquet pèlerin solitaire, entre 18°30’N et 20°00’N en Mauritanie occidentale, et a été identifiée par Zolotarevsky & Murat (1938a). Cette zone au niveau de laquelle le Criquet pèlerin, est fréquent sous ses phases solitaires et transiens comparées à d’autres zones, se situe (entre 18°00’N-18°30’N et 12°30’W-13°00’W). On la voit, aussi, apparaître en présence relativement majoritaire des populations non grégarisantes dans cette région, comparée a d’autres zones du pays durant les périodes de récession de 1964-1987 (Popov 1992). Il est à rappeler que la phase transiens est un état phénotypique intermédiaire entre la phase solitaire de faible densité et la phase grégaire de forte densité. Les transiens se trouvant en cette zone de haute fréquence pouvaient être issus de la progéniture de criquets grégaires qui ont subi une transformation phasaire vers la solitarisation au cours de l’échantillonnage. Ceci est, néanmoins, peu probable, car les populations grégaires et essaims sont rares. L’explication la plus plausible est que la haute fréquence des criquets transiens dans cette région est l'indication d’une grégarisation locale fréquente. Ceci s'est largement confirmé durant la période 2002-2007 traitée dans le chapitre I. Cette zone se trouve en effet au cœur des acrido-régions de reproduction estivales et automnales des solitaires.

Pour ces différentes raisons, elle a été choisie pour être étudiée de façon plus approfondie. Une zone adjacente à basse fréquence acridienne située entre 18°30-19°00N et 13°00-13°30 W a également été choisie pour réaliser les mêmes types d’étude, à titre comparatif, compte tenu de la proximité géographique et de la grande disparité de comportement du Criquet pèlerin dans ces deux zones. Par la suite les investigations ont été étendues à toute la frange méridionale de la scène LANDSAT englobant ces deux quarts de degré carré de référence, ce qui conduit à une aire finale de 6 quarts de degré carré (figure 41).

Fig. 41 : Localisation de la zone d’étude englobant les 2 quarts de degré carré de référence, de

haute et de basse fréquences.

2.1.3. Description des zones

La zone d’étude est localisée dans l’Awkar Lebkem au Nord d’Agane, une des régions totalement désertiques du pays.

Les zones d’étude, sont globalement couvertes d'ensablements de divers types (dunes isolées, champs de barkhanes, cordons dunaires ergs plus ou moins puissants) avec par endroit des soubassements de regs caillouteux ou des affleurements du socle rocheux.

Les formes dunaires sont globalement différentes entre la partie Nord (Zone de basse fréquence et la partie Sud (Zone de haute fréquence).

Au Nord, elles sont en majorité sous forme d’ergs moyennement ondulés du Nord au Sud en alternance plus ou moins avec des fonds sablonneux noirs ou des regs caillouteux ou argileux alors qu’au Sud la forme des dunes est en majorité sous forme d’écailles de poissons. Deux petites montagnes (Temessoumit et Tourine) marquent le relief du centre de la zone Sud tandis que différents escarpements et montagnes sont localisés plus au Sud.

La végétation pérenne dominante est constituée en majorité de Stipagrostis pungens et de

Panicum turgidum.

La zone de haute fréquence se localise au sein des découpages de l’Atlas de Popov (1992) à l’est d’une zone de convergence de vent et à partir de 12°30’W comme une steppe désertique à végétation dans les interdunes d’un paysage dunaire et avec une pluviométrie globalement inférieure à 150 mm par an. Ce niveau semble avoir toutefois régressé si on fait référence à la moyenne 1965-2006 qui montre que cette zone passe actuellement à moins de 100 mm par an.

2.1.4. Les itinéraires

Les itinéraires physiques et géographiques suivis pour le travail de terrain et de collecte des données étaient obligatoirement déterminés en fonction des possibilités d’accès qu’offrent le terrain à travers les ensablements dunaires puissants et localement très mobiles.

Fig. 42 : Points de relevés sur la zone d’étude.

2.1.4.1. Accès aux stations

Avant d’arriver aux zones, seuls deux itinéraires sont possibles : venir du Nord ou venir du Sud.

– Pour venir du Nord ; la recherche des passages commence à partir de 60 km à l’Est de

Nouakchott en allant au Nord Est, via les ensablements qui conduisent à Aguilal Faye 17°54’15’’N-15°20’10’’W, Aguilal Faye (puits d'eau douce) 18°27’10’’N-14°44’26’’W. Ensuite on longe les regs en traversant les environs de Dhaît Allah (puits saumâtre) 18°41’30’’N-14°04’58’’W, Adhm El Maskra 18°53’29’’N-13°24’34’’W, la Sebkha de Souediyatt 18°57’51’’N-13°21’00’’W, Aragoum Bounaga 18°58’51’’N-13°18’24’’W, pour arriver à l’extrémité de la zone en côtoyant la partie Sud de l’Adrar et descendant la montagne de Tamkarkart. On longe ensuite Ras Lazrag 18°55’40’’N-12°58’36’’W pour rentrer dans la zone de basse fréquence située au Noed-Ouest de celle de haute fréquence.

– Pour venir du Sud, la recherche de passage commence à partir de

ç

angrava à 400 km

sur des regs et parfois des regs caillouteux, via Toueimirt El-Hachia 18°27’14’’N-12°44’25’’W, Arweiguije 17°54’50’’N-12°50’02’’W, Ain Chikidar Sud 17°58’55’’N-12°51’53’’W, Ain Chikidar 18°02’48’’N-12°52’37’’W, Ain Chikidar Nord 18°05’48’’N-12°53’35’’W pour enfin arriver dans la zone Sud après avoir traversé de nouvelles dunes.

2.1.4.2. Collecte des données

Les itinéraires de travail de terrain et de collecte des données étaient choisis en tenant compte des possibilités d’accès qu’offre le terrain essentiellement dunaire.

La zone de basse fréquence a un accès à partir du Nord mais deux à trois à partir du Sud. On peut y faire, des itinéraires et des relevés dans les différentes directions dans les parties centrales. Par contre, dans son extrémité Nord et Nord-Ouest les itinéraires sont difficiles à cause des grandes dunes Ils sont possibles sur seulement environ 10 à 20 % de la zone.

Dans la zone de haute fréquence, les itinéraires sont localement difficiles mais globalement possibles. Les accès immédiats, peuvent se faire du Sud, du Sud-Ouest, de l'est et du Nord. Les relevés floristiques, acridiens et géomorphologiques ont été effectués suivant les itinéraires possibles du Nord au Sud ou du Sud au Nord.

2.1.5. Les contraintes

2.1.5.1. Absence de données sur la zone

L’une des contraintes majeures dans cette zone d’étude, est qu’elle n’a jamais été atteinte par les itinéraires des grands auteurs qui ont traité le problème du Criquet pèlerin en Mauritanie (Abdallahi 1972, Monod 1938, Murat 1944, Murat 1939, Murat 1937, Skaf 1973, Zolotarevsky & Murat 1938a), Bruneau de Miré (Bruneau de Miré 1952) est le seul étant passé non loin de la limite est de cette zone : dans le Khatt. Le degré d’exploration de la flore d’Afrique Tropicale divisé par Hepper (1972) en trois classes (bien connue, moyennement connue et peu connue) localise les deux zones d’études dans la dernière classe : "peu connue".

Ghaout (Ghaout 1990), Louveau et al. (1990) ont étudié trois petites zones situées à son Ouest autour de Sbaya /Aftout Faye (250 km de Nouakchott) séparé les unes des autres de 30 à 100 km et dont la plus proche de nos zones d’étude est située à 18°50’N, 13°56’W soit environ une centaine de km. Le professeur Pasquier a dirigé des prospections conjointes algéro-mauritaniennes en 1970 (Anonyme (OCLALAV) 1970b) qui ont fait un itinéraire traversant la zone du Sud-Ouest (Adhm ) au Nord-Est (Temessoumit). La description a toutefois été sommaire. Elle n'a concerné que 2 stations.

La première : Adhm qui se trouve dans le Sud du degré carré situé entre les méridiens 13°W et 14°W et les parallèles 18°W et 19°N. Cette station est située dans un ensemble de plages sableuses surmontant un substratum rocheux végétalisé par Commiphora africana,

Combretum sp., Ziziphus mauritania, Cyperus sp., Colocynthis vulgaris, Morettia canescens,

Heliotropium bacciferum (=ramosissimum), Heliotropium strigosum, Enneapogon brachystachius, Tephrosia sp., Blepharis sp., Tragus racemosus, Chloris prieurii.

La seconde : Temessoumitt se situe à 18°34’N et 12°39’W, environnée d’ensablements vifs (Amourkrouz) recouvrant en partie les rochers de Temessoumit. La végétation inventoriée

comprend Accacia raddiana, Euphorbia balsamifera, Maerua crassifolia, Leptadenia pyrotechnica,

Panicum turgidum, Stipagrostis pungens, Cyperus conglomeratus, Chrozophora senegalensis. Ces descriptions végétales ne sont malheureusement plus d’actualité, ainsi l’Euphorbia et le

Leptadenia ont disparu de la zone tandis que le Commiphora est devenu extrêmement rare. Popov est, aussi brièvement passé, dans sa partie Sud en novembre 1992 pendant 2 jours de prospection que j’ai eu la chance d’effectuer avec lui. Il l’a décrit, très sommairement, comme un ensablement dunaire à caractère "d’écailles de poisson" et il y cite la présence du

Calligoum (Popov 1992).

Seule une carte hypsométrique au 1/200 000 (Ksar El Barka) éditée par l’IGN en 1962 couvre cette zone.

Il existe bien sûr les données acridiennes collectées par des équipes de prospection et celles partiellement transcrites dans l’Atlas de Popov (1992).

2.1.5.2. Absence de données météorologiques

Aucune donnée météorologique n’est disponible sur cette zone. La station la plus proche station se situe à 150 km de sa partie Nord-Ouest. Il s’agit de la station Akjoujt.

2.1.5.3. Accessibilité

Les deux zones d’étude, de haute et de basse fréquence, sont éloignées des villes (à 400 km environ de Nouakchott) et d’un accès extrêmement difficile, avec l’absence absolue de tracés routiers. Pour arriver dans ces zones, il faut un minimum de 17 heures de voyage par véhicule (4x4), soit un jour et demi de voyage avec en plus, un minimum de 6 à 7 heures pour traverser les deux zones. Il n’y existe aucune infrastructure d’accueil ou d’approvisionnement. Pour y aller, il faut être complètement autonome sur le plan logistique et alimentaire avec un minimum de deux véhicules en excellent état, car ces zones ne recèlent aucun point d’approvisionnement ou de dépannage et en particulier pas d'eau potable. ce qui explique l'absence de présence humaine permanente. Les nomades y séjournent ou transitent saisonnièrement à la recherche du bon pâturage en saison fraîche. Ils survivent avec le lait de leurs chamelles, la récupération de l’eau des rares pluies et font leur thé avec l’eau sur-salée de l’unique puits dans la zone. Ces rares nomades viennent soit de l’Adrar au Nord soit du Tagant ou du Brakna respectivement à l’Ouest et au Sud.

En été, les températures peuvent atteindre et dépasser 50°C, tandis que les températures nocturnes peuvent être relativement basses en hiver.

Les zones abritent, des serpents parmi les plus dangereux du désert dont la vipère à cornes. Ces vipères, sont attirées, d’ailleurs, en périodes de haute chaleur par l’usage de l’eau la nuit par les bivouacs des missions. On rencontre parfois des scorpions et des coléoptères qui brûlent la peau (Anthia sexmaculata, Coléoptéres, Carabidae) et des solifuges plus impressionnants que réellement dangereux.

2.1.5.4. Difficultés d’installation et de maintien du dispositif exploratoire

L’installation du dispositif n’a pas été la partie la plus facile du travail. D’abord, en été, par les températures élevées de juillet 2002, il a fallu profiter de la fraîcheur toute relative des nuits (38°C) avec une équipe de 5 personnes pour installer les stations météorologiques semi-automatiques. Stations météorologiques qu'il a fallu ensuite relever régulièrement chaque mois. Dans certains cas les distances théoriques inter-stations n’ont pas pu être respectées, à cause de l’inaccessibilité des zones d'implantation.

Le risque de vandalisme est une réalité compte tenu de l’impossibilité qui était la notre de pouvoir assurer le gardiennage et la protection de chacune des 8 stations. Ce qui fut malheureusement bien confirmé par la destruction d’une station météorologique principale, par un inconnu, impliquant la perte de 3 mois de données et un vide supplémentaire de 3 autres mois pour importer une nouvelle station à partir des Etats-Unis d'Amérique.

2.1.5.5. La recrudescence 2003-2005

Une autre contrainte, qui elle, a retardé le travail de thèse, fut le démarrage de la grande recrudescence en 2003 et son prolongement jusqu’en 2005 qui a nécessité des efforts exceptionnels pour mener et coordonner une lutte rude sur plus de 1 300 000 ha durant laquelle il a fallu pallier les nombreux retards dans l'obtention des moyens d'intervention, puis assurer le suivi de toutes les activités de restauration des capacités en post-invasion (2006-2008). De plus le service antiacridien a amplement participé aux opérations d'aide aux populations sinistrées ce nouveau fléau acridien. qui a touché plus de 700 000 personnes (Brader et al. 2006) dont 340 000 ont été directement secourues par le CNLA à travers le projet AELP.

Tout cela a amplement contribué à ralentir la rédaction de ce mémoire.