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T ROISIEME PARTIE

Section 3. Karine : Parisienne grâce au web

2- Synthèse littérale

Traits de caractère

Le seul trait de caractère que j’arrive à déduire de l’entretien est que Karine est économe : elle utilise les tickets restaurant pour faire ses courses, elle fréquente les sites d’achats groupés assidument. Ce n’est toutefois pas par avarice mais par contrainte budgettaire.

Délaisser le monde physique pour le web

Karine a emmenagé à Paris récemment et Internet s’est offert comme un mode de sociabilisation. C’est également pour faire des économies.

Relation interpersonnelle avec le web

Internet est une sorte de cordon ombilical qui la maintient en relation avec les personnes qu’elle apprécie sur les forums de discussion. Elle vit assez mal le fait d’être déconnectée. « Heureusement que j’ai un travail où je peux me connecter n’importe quand… Je peux le faire

parce que c'est vrai que je ne pourrais pas où je n’aurais pas de connexion, ce serait difficile ! »

« une semaine, c’est un peu long sans être connectée […] une semaine c’est trop ! »

S’il y a Internet à l’endroit où elle va « Je suis… je suis sauvée ! (rires) ». « Ne pas pouvoir se

connecter ce serait… c’est, ouais, c’est vrai que c’est… c'est vrai que l’ordinateur j’en ai besoin, quoi » « C’est plus effectivement, par l’ordinateur que j’ai besoin d’être connectée » que par

téléphone (pour les mails et le blog –celui de Fonelle ou elle retrouve des copines « virtuelles » regroupées au sein de La Horde)

Expérience de consommation en ligne

Le lèche-vitrine en ligne se passe « en sautant d’un blog, vers un site, vers un blog », « j’ouvre le truc « défiler », là, je prends la page des favoris et puis je vais en voir un, un, un

autre ». Le surf est fait de sessions marchandes et non marchandes : blog, mail, forums, sites

marchands.

Pour un produit impliquant mais utilitaire de type ordinateur ou télé :

Karine part de ses besoins. Elle se rend sur un site d’une enseigne connue et achète le produit qui répond à ses besoins, en utilisant le moteur de comparaison interne.

Pour un produit à dimension hédonique par exemple un objet de déco ou mode :

Le produit est généralement vu sur un site éditorial puis recherché avec un moteur de recherche. Il peut être acheté même si le site qui le vend est inconnu. Karine a parfois des états de relative frénésie (le débit de parole s’accélère, l’informante devient enjouée) mais elle « décroche » « des fois » (souvent ?) pour des raisons de budget (c’est ce que l’on décrypte au travers des périphrases).

Faire ses courses en ligne est un véritable plaisir mais sanctionné par les contraintes matérielles. Au bilan, il revêt un caractère à dominante utilitaire : rapidité, gain de temps « je

sessions avec éventuellement son époux à côté ou alors il est consulté, mais elle est plutôt seule généralement.

Lien social, présence sociale

Des relations commerciales, amicales et internationales !

Karine découvre des produits artisanaux dans le monde entier et s’en réjouit comme une petite fille : elle saute de sites en blogs et trouve cela très drôle. Des liens avec les artisans se tissent sur base d’un goût commun et, qui plus est, à l’international ce qui la satisfait beaucoup : « je

voyage ». Elle relaie l’information sur son propre blog, elle organise des troc party : par

l’intermédiaire des produits, elle crée des liens, réels ou en ligne. « J’ai trouvé une fille en Afrique

du Sud qui révove des fauteuils », « on peut discuter avec quelqu’un qui est à l’autre bout de la planète »

De l’amitié à l’intimité

Les relations qui se tissent sur les forums ont une intensité particulière puisque les personnes construisent le lien sur la base d’un centre d’intérêt fort en commun (ici le shopping et la puériculture). De plus, l’anonymat ou la distance favorisent les confidences. Enfin, lancer une conversation est moins intrusif qu’ « en vrai », avec les vraies copines. On tombe toujours au bon moment quand le message est posté sur un forum. Le forum a une existence physique (métaphores de lieux) « Chez nous », « on a déménagé » et les protagonistes sont incarnés « On peut les

recroiser ». On retrouve cette propension de Karine à voir le web comme un espace et à incarner les

actants dans chaque séquence.

Le lien qui unit Karine aux filles des forums et des blogs est très fort ce sont des amies, même si elle ne les as jamais vues. Les confidences sont plus faciles que dans le réel sous couvert d’un certain anonymat. L’intimité est forte. « On a fait un petit groupe de cinq filles, ça fait trois

ans qu’on se suit, et donc on se connaît depuis trois ans, chacune est à l’autre bout de la France, mais c’est vrai que maintenant on est des amies » « On ne s’est pas vues en vrai » « Ca fait partie de mes amies » « c’est vrai que ça fait partie des vraies amies parce que ça fait trois ans qu’on se suit ». Elles ont créé un petit espace à elles au sein du forum « un petit post à l’intérieur du forum où on est nous cinq et c’est vrai qu’on se suit » « On s’envoie un petit message au moins un jour sur deux ». C’est un petit espace protégé, enclavé au sens du marketing expérientiel : « on ne veut pas

qu’une personne extérieure à notre groupe qui pourrait venir sur notre … notre post » (difficulté à

nommer ce lieu qui a pris corps, dans son esprit, mais qui reste intangible. On retrouve la même difficulté à sortir de la téléprésence lorsqu’elle dit maison au lieu de dire mail : « on l’a reçu

chacune à la mais… euh dans notre boîte mail »).

Des inimitiés aussi

Karine peut recroiser des personnes avec qui elle a eu un différent sur un autre site : « Alors

ce qui est marrant, c’est qu’après, on peut les recroiser sur d’autres blogs », « Quand j’ai vu son pseudo, j’ai dit : tiens, ah, elle n’est pas gênée, elle vient… elle a critiqué et finalement, elle vient voir ici, elle m’a critiquée ailleurs et puis elle vient voir ici »

La présence sociale sur les sites marchands

Sur les sites marchands des grandes enseignes : « franchement, on est seul » « il n’y a pas de

contact ». Elle raconte qu’elle aimerait entrer en communication avec Groupon : « j’ai envie de leur écrire » et elle fait mine de héler au travers de l’écran, comme si elle dialoguait avec le site « Oh ! Il me faudrait une séance d’épilation ! ».

Par contre, sur les sites d’artisans notamment un site de vente de pierres et de perles, Karine ressent de la présence : « on peut se renvoyer un message en disant je suis contente de ce que j’ai

acheté », « j’en ai fait tel truc », « c’est un peu comme si on avait acheté dans le magasin, sauf qu’il est loin » « c’est moins impersonnel que quand on a acheté sur les gros sites où, là, il n’y a qu’un numéro ».

Immersion

Karine a une propension à l’immersion : « Je suis rentrée dans l’ordinateur ! », « Je suis

dedans, quoi », « Je ne trouve pas qu’il y ait une distance, je suis vraiment… je suis dans la chose ». « Si je ne me connecte pas […] je me dis : mince, je rate quelque chose, je n’y suis pas. Je n’y suis pas, parce que je n’y suis pas psychologiquement. Le physique, ça n’est pas gênant ».

Elle visualise Internet comme un lieu. Elle se sent comme téléportée : « on se retrouve au

Canada, en Afrique du Sud… », « je m’en sers pour aller partout », « je voyage aussi par là », « je trouve ça sympa… d’aller partout », « je fais un tour sur un blog ».

l’impression d’être dans un magasin » « je suis aussi contente de voir les choses que si je les voyais en vrai »

Identité

En terme d’identité virtuelle, Karine utilise toujours le même pseudo. Ça n’est qu’un pseudo, mais il est quand même « représentatif », « C’est toujours nous ». Par contre, concernant les photos, « ce n’est pas toujours notre photo qu’on met, si on met une photo. Il ne faut pas non

plus croire que les gens qui mettent des photos, c’est la vraie photo ».

La stratégie identitaire déployée par Karine lors de sa consommation en ligne vise à l’assimiler aux parisiennes. Sur les blogs de mode, elle reçoit des leçons de style, mais aussi s’intègre à une communauté de blogueuses parisiennes, dont certaines sont connues. Elle sort ainsi de son isolement de nouvelle venue à Paris, tout en gagnant l’étiquette de Parisienne.