• Aucun résultat trouvé

CONTEXTE GENERAL ET SPECIFICITES DU ON LINE

Section 2. Principes de marketing expérientiel

Synthèse de la section 2

Le marketing expérientiel s’offre comme une réponse aux besoins des consommateurs en recherche de sens dans leurs actes de consommation. Il vise à réenchanter la consommation et à générer à nouveau du plaisir face à une offre qui est, paradoxalement, à la fois trop standardisée et trop riche. Il s’inscrit dans le contexte de la société de consommation où les biens sont moins consommés pour leur nécessité que pour la valeur et le sens qu’ils véhiculent. Le marketing expérientiel nécessite à la fois des compétences des consommateurs (propension à vivre des expériences) mais aussi une mise en scène de la part des marques. Les chercheurs de cette discipline étudient les expériences de consommation et essayent de comprendre comment les consommateurs y attribuent du sens, et lequel.

Dans la société de consommation, les biens sont moins consommés par nécessité que pour y trouver de la valeur et du sens. Les consommateurs disposent d’un budget important pour les courses non alimentaires (le budget alimentaire représente environ 10% du budget des ménages aujourd’hui contre 70% au début du vingtième siècle28). De plus, nous sommes dans une société de

l’hyperchoix où les produits existent à profusion et dans une multitude de déclinaisons, de subtilités, de nuances. Face à cette offre pléthorique, le consommateur est blasé. Enfin, l’achat ne réserve plus vraiment de surprise, le consommateur sait à quoi s’attendre quand il achète un produit tant la production est normée et calibrée, contrairement aux produits qui étaient issus de l’artisanat (Badot et Heilbrunn, 2006). Les attentes émotionnelles et hédoniques des consommateurs deviennent majeures : c’est dans ce contexte qu’apparaît le marketing expérientiel.

Le marketing expérientiel apparaît dans les années 80 aux Etats-Unis (Hirschman et Holbrook, 1982) et les années 90 en France (Badot et Cova, 1992 ; Bourgeon et Filser, 1995 ; Cova, 1995), mais il est institué seulement dix ans plus tard (Hetzel, 2002). Il a pour objectif de réintégrer la dimension plaisir liée à l’objet même (son achat, son utilisation) (Bourgeon et Filser, 1995), de ré-enchanter la consommation (Firat et Venkatesh, 1995 ; Ritzer, 1999) : c’est-à-dire de générer « un vif plaisir quasi magique » (Badot et Heilbrunn, 2006, p. 441) lors de l’acte de consommation,

que se soit au travers du produit ou du point de vente. C’est un retour à la stimulation des émotions et du corps, au travers de la sensorialité et de la gestualité (Badot et Heilbrunn, 2006), plus que de l’esprit, que va employer le marketing pour séduire à nouveau les consommateurs blasés. Le consommateur passe progressivement d’un processus de décision d’achat rationnel à une prise de décision plus expérientielle (Schmitt, 1999 in Carù et Cova, 2006c ; Pine et Gilmore, 1999), bien que les deux modes de décision coexistent et puissent s’articuler entre eux (Cova et Cova, 2002).

Le marketing expérientiel concerne les produits culturels et de loisir au premier chef (Bourgeon, 2005 ; Bourgeon et Filser, 1995 ; Carù et Cova, 2003), puis la distribution et son réenchantement (Bouchet, 2004). Mais la sphère expérientielle s’élargit aux produits dont l’expérience de consommation est singulière, mémorable voire addictive et co-construite (Bénavent et Evrard, 2002).

1. Les expériences de consommation

Qui crée les expériences de consommation ? Le consommateur ou le marketeur ? Force est de constater que le consommateur crée sa propre expérience de consommation, avant même que le marketing ait mis un nom dessus (Marion, 2003) : il est conjointement sujet agissant et objet de la transformation (Hetzel, 2002, p. 34). L’expérience de consommation est une construction sociale subjective et objective, née d’une interaction réciproque entre un ou plusieurs individus, un lieu et une pratique de consommation (Bouchet, 2004). En effet, l’expérience met en jeu les dimensions cognitives, utilitaires et sociales (Bénavent et Evrard, 2002). Le consommateur et la marque en tirent des bénéfices. Pour le consommateur, c’est « un moment permettant à l’individu de développer du sens et de donner plus de consistance à sa vie » (Carù et Cova, 2006, p. 43). Huit types de bénéfices peuvent être retirés par le consommateur d’une expérience d’achat (Holbrook, 1999) selon que l’expérience est appréciée en tant que telle ou seulement comme moyen d’accès au produit ; si le contact avec le produit ou le service est actif ou seulement réactif, ou encore si le produit est consommé seul ou a une dimension plus collective (de partage ou ostentatoire) (tableau 1.2).

Tableau 1.2 - Typologie de la valeur expérientielle de Holbrook (1999)

Extrinsèque Intrinsèque

Actif Efficience Jeu Orienté vers soi

Réactif Excellence Esthétique Actif Statut Éthique Orienté vers les autres

Réactif Estime Spiritualité

En ce qui concerne la marque, le marketing expérientiel apporte des réponses à la satisfaction et à la fidélisation des consommateurs, et en conséquences, des profits. Le marketing expérientiel constitue le chainon manquant entre le marketing transactionnel (l’achat) et le marketing relationnel (le post-achat) (Bénavent et Evrard, 2002).

2. Une compétence individuelle déployée dans contexte

Dans la définition de Bouchet (2004), l’expérience de consommation est vue à la fois comme subjective et objective. En effet, elle est subjective car il faut des compétences individuelles particulières pour y accéder, et objective car elle a lieu dans un contexte particulier créé par l’entreprise, dans lequel se déroule une pratique d’achat et, éventuellement, une interaction sociale. Ainsi, les entreprises doivent construire un contexte expérientiel qui permet de vivre une expérience subjective favorable. Le contexte expérientiel est « un assemblage de stimulus (produits) et de stimuli (environnement, activités) propre à faire advenir l’expérience » (Carù et Cova, 2006, p. 44). En outre, le consommateur doit aussi avoir des compétences pour accéder à l’expérience (Carù, Cova et Pace, 2006). L’accès à l’expérience « n’est ni évident, ni systématique et requiert des compétences ou des aptitudes dont le consommateur ne dispose pas nécessairement » (Ladwein, 2002, p. 61). Ces compétences sont notamment liées à la capacité à éprouver des sensations ou des émotions dans le contexte expérientiel.

2.1. Le marketing expérientiel et la sensorialité

Le marketing expérientiel ne doit pas être confondu avec le marketing sensoriel qui n’en est qu’une composante. Le marketing sensoriel est défini comme « un ensemble de variable d’action contrôlées par le producteur et/ou le distributeur pour créer autour du produit ou du service une atmosphère multisensorielle spécifique, soit à travers les caractéristiques du produit lui-même, soit à travers la communication en sa faveur, soit à travers l’environnement du produit au point de vente » (Filser, 2003, p. 6).

La dimension sensorielle n’est qu’une dimension en jeu lors de l’expérience parmi le rôle des composantes affectives, cognitives, comportementales et sociales. Toutefois, la composante sensorielle joue un rôle important : selon le sens stimulé par la mise en scène, la proximité avec la marque, les vendeurs et les autres clients peut être renforcée (Trottier, 2000). Ainsi, les chercheurs démontrent le rôle des facteurs d’atmosphère sur les comportements d’achat (Kotler, 1973), au rang desquels les senteurs d’ambiance (Daucé, 2000 in Hetzel, 2002 ; Maille, 2001), ou la musique (Chebat et al., 2001 ; Rieunier, 2002).

2.2. Le marketing expérientiel et les émotions

Les premières recherches sur l’implication émotionnelle dans l’acte de consommer remontent à Mehrabian et Russel (1974) qui sont à l’origine de la première modélisation du comportement du consommateur en tant que réaction émotionnelle à des stimuli environnementaux. Donovan et Rossiter (1982) à leur suite, ont démontré le lien entre les éléments physiques d’un point de vente, les états émotionnels et les intentions d’achat. Mais c’est surtout l’article séminal d’Hirschman et Holbrook (1982), qui décrit l’expérience de consommation comme émotionnelle. L’expérience de consommation est décrite comme une expérience personnelle, subjective et singulière qui ne peut exister que pour un consommateur qui s’engage émotionnellement, physiquement et intellectuellement (Fornerino, Helme-Guizon et Gotteland, 2008). Au-delà des attitudes et des préférences, traditionnellement étudiées en marketing, Hirschman et Holbrook (1982, p. 137) invitent à prendre en compte l’amour, la haine, la peur, la joie, l’ennui, l'anxiété, la fierté, la colère, le dégoût, la tristesse, la sympathie, le désir, l'extase, la cupidité, la culpabilité, l'exaltation, la honte et la crainte. En conséquence, l’objectif des chercheurs en marketing expérientiel va être de comprendre les mécanismes à l’œuvre dans le vécu d’expérience de consommation, notamment au travers du processus d’immersion (voir section 4).