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CONTEXTE GENERAL ET SPECIFICITES DU ON LINE

Socialisation 48 Intégration, tout au long de sa vie, par un individu, de tous les éléments socio-culturels (lexique de Sociologie, 2010)

1. La dimension sociale de l’ambiance au point de vente

La présence des autres clients et des vendeurs au sein d’un point de vente est analysée comme un facteur d’ambiance, au même titre que la musique, la température ou l’éclairage (Daucé et Rieunier, 2002). L’ambiance « sociale » contribue à la popularité et à la profitabilité des centres commerciaux (Feinberg et al., 1989). Pour de nombreux consommateurs, c’est davantage le besoin d’être avec d’autres personnes qu’un achat précis qui guide leurs motivations de shopping (Bellenger, Robertson et Greenberg, 1977). Ainsi, les premiers centres commerciaux auraient été créés pour répondre aux besoins de sociabilité des personnes habitant dans les banlieues (Bombeck, 1985). Le centre commercial a remplacé le marché, l’église ou le bar (Feinberg et al., 1989). C’est

49 "Dans l'usage ancien du mot «sociabilité », on l'imputait tacitement à une sorte d'aptitude innée au contacts avec

autrui, dont pouvaient profiter tous les types de contact. Or, les historiens et les sociologues ont déchargé le mot de ses connotations psychologiques : il ne désigne plus une capacité à établir des contacts, mais simplement le fait de les établir. On a substitué au jugement de valeur un constat." (Héran, 1988, p.18)

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Nous n’étudions pas les contacts avec les vendeurs qui constituent pourtant le deuxième vecteur de relations en situation de consommation. Sur Internet, hormis dans le cas du commerce entre consommateurs (mais le vendeur est bel et bien un consommateur comme la terminologie l’indique), les narrateurs ont très rarement évoqué les relations avec les vendeurs (le site ou les moteurs de recommandations, ou le call center).

un important lieu de sociabilité notamment pour les seniors et les jeunes (Shields, 1992 in Aubert- Gamet et Cova, 1998). En France, c’est plutôt aux commerces de centre ville et aux marchés auxquels les consommateurs associent cette dimension relationnelle (Poupard, 2005), les centres commerciaux auraient détruits les liens sociaux et même généré de la ségrégation (Péron, 1993). Les consommateurs semblent être dans une quête de sociabilité perdue d’avance puisque ce sont des étrangers que l’on croise même s’il y a un point commun entre tous, l’achat des mêmes marques (Belk et Bryce, 1993).

Le premier contact entre clients qui s’établit en magasin est celui avec la foule. Nous présenterons donc, en premier lieu, la littérature sur la foule. Comme les situations de foule sont généralement perçues négativement par les consommateurs, nous essaierons de voir dans quelle mesure des contacts voire des relations peuvent s’établir dans les situations de consommation, entre clients.

1.1. Des contacts houleux entre clients : la foule

La foule a été étudiée à l’origine par des sociologues (Le Bon, 1895 ; Sighele, 1901 ; Tarde, 1901), puis par Freud (1920). Pour ces auteurs, la foule a essentiellement des aspects négatifs. L’homme, dans l’anonymat, va se déresponsabiliser : la personnalité consciente va céder le pas à la personnalité inconsciente. Il retrouve des instincts primaires, « un état de barbarie », selon le propre terme de Freud. La foule est impulsive, mobile, irritable, conduite par l’inconscient, suggestible, crédule, extrémiste. Elle ne s’embarrasse pas des incohérences des discours : des idées opposées peuvent y coexister. « La foule est soumise à la puissance magique des mots. La foule n’a pas soif de vérité » (Freud, 1920, p. xx).

Freud va créer une typologie des rassemblements humains. S’ils sont désorganisés, il nommera cela group ou crowd. S’ils sont organisés, Freud ne proposera pas de nom, mais il semble que le terme organisation désignant aussi bien les firmes, que les associations, les collectivités ou les institutions, semble approprié. Selon McDougall, l’élément le plus frappant est l’exaltation de l’affectivité : les sentiments ont tendance à se répandre comme une traînée de poudre. Plus les propositions seront simples plus elles auront de chances de se propager dans une foule. D’autres auteurs ont une vision plus positive de la foule : solidaire, altruiste (Moscovici, 1985).

Le marketing s’appuie sur ces fondement théoriques pour analyser la foule au point de vente (Dion, 2000 ; Dion, 2006 ; Dion et Bonnin, 2004 ; Eroglu et Harrell, 1986 ; Eroglu et Machleit, 1990) et permet aux chercheurs en marketing de dépasser l’analyse uniquement quantitative de la

densité. En effet, la foule peut s’appréhender au travers de deux prismes : tout d’abord, par son aspect physique, qui peut se mesurer par la densité au mètre carré, et, d’autre part, par l’état psychologique résultant de l’impression de foule (Dion, 2000 ; Machleit, Eroglu et Mantel, 2000). Pour Stokols (1972), l’impression de foule ou crowding est le stress psychologique qui résulte d’un besoin d’espace qui excède l’offre disponible (Eroglu et Machleit, 1990). La foule est donc avant toute chose une perception, une impression, et c’est en conséquence une dimension éminemment subjective, propre à chacun. En conséquence, la foule va avoir pour chacun un impact sur l’organisme humain différent (activité cardio-vasculaire, sudation). Elle va aussi influencer la réalisation des tâches et les relations sociales (Dion, 2000).

1.2. Une coprésence idéalisée

Très peu d’études ont à ce jour démontré les effets positifs de la foule, la majorité d’entre elles ont pour objectif de mesurer les sensations de mal-être, de stress ou d’insatisfaction qu’elle génère. Pourtant, on sait de façon empirique que « la foule attire la foule » car elle indique l’intérêt du lieu (Volle, 2000), que se soit en magasin ou au restaurant. En effet, la présence d’autres consommateurs signifie qu’il y a de l’ambiance, que les produits ou services délivrés sont appréciés (ils sont à la mode, il y a des soldes intéressantes…) ; beaucoup de monde peut même stimuler l’achat comme dans le cadre des ventes flash ; les applaudissements et les rires en voix off dans les programmes télévisés (séries, divertissements) soutiennent l’audience, retiennent l’attention ; les visites au musée ne sont pas du tout vécues pareil selon que l’on est accompagné ou non (Debenedetti, 2001).

Force est de constater que malgré la présence d’autres consommateurs, et parfois en grand nombre, la sociabilité et les relations interpersonnelles semblent réduites à leur plus simple expression dans le cas des courses. Il y a donc un paradoxe : alors que les centres commerciaux sont dits espaces de sociabilité, peu d’échanges y ont lieu en pratique. Les consommateurs fantasment-ils la sociabilité de la consommation ? Ainsi, préfèrent-ils se retrouver « entre-soi » dans des galeries marchandes ciblées (Chevalier, 2007). On rejoint la notion de ségrégation (Péron, 1993).

Pour remédier à ce défaut de sociabilité, les commerces organisent des ateliers, des cours, des concerts et autres animations (chez Truffaut, Kiria, Résonances, Décathlon, Intersport51). Les services doivent réinjecter des occasions de sociabilité (Aubert-Gamet et Cova, 1998), à l’instar du

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cas du tourisme. La sociabilité y est fondamentale, que se soit en amont de la préparation du voyage où l’on échange avec des proches (et des moins proches grâce au web 2.0), jusqu’au retour où, à nouveau, l’on présente ses photos et partage ses souvenirs (on ou off line). Pendant l’expérience même, on notera le cas des campings qui arrivent à fidéliser leurs clients au fil des années, sans politique marketing préconçue, simplement en recréant l’ambiance des villages d’antan, ou à l’autre extrême, le cas des rites d’accueil lors des activités de loisir (Arnould et Price, 1993), dans les clubs et villages de vacances : « Le « Nous », synonyme de rencontres, d’échange, d’ambiance festive et amicale, devient le véritable objet du voyage dans certaines formes de tourisme organisé » (Amirou, 2008, p. 36). Les touristes relèguent parfois aux arrières plans la visite du pays, au profit de la sociabilité.