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Cadre contextuel général de la Guinée

1.1. Le cadre contextuel

1.1.3.3. Du syndicalisme politique en Guinée

Les luttes politiques et syndicales ont été d’une importance capitale pour l’accession de la Guinée à l’indépendance nationale. Le mouvement syndical en Guinée était, à son début, aussi divisé que les partis politiques constitués sur des bases régionales à caractère ethnique. Il faut attendre 1945 pour assister à la création des syndicats professionnels et à une meilleure organisation du code du travail. En effet, selon Diawara, « C’est au cours de cette même année 1945 que la vitalité du

monde ouvrier commença à provoquer la tension au sein du système colonial et dans les cercles du patronat en lançant un accord avec tous les agents des autres cadres locaux, son premier mouvement de grève qui ne dura pas d’un mois »

(1967 : 36).

Cette grève fut suivie dans les premiers jours par l’ensemble des travailleurs et des cadres locaux de l’ancienne Fédération des travailleurs d’Afrique Occidentale. Les mouvements de protestation et de grève se multiplièrent pendant les années 1952-1953. L’élection, le 2 Août 1953, d’un membre du PDG, comme conseiller général de Beyla marqua le début d’une intense activité à la fois sur le plan politique et social. Le nouveau conseiller (Sékou Touré) apporta un style

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nouveau dans les débats de l’Assemblée territoriale. Pour la première fois, les citoyens étaient informés dans les sections du parti de l’ordre du jour de chaque session de l’Assemblée et invités à contester et à proposer des solutions aux problèmes posés lorsque que cela s’avère nécessaire.

En 1952, Sékou Touré mena des activités politiques afin d’obtenir davantage de représentants africains dans le gouvernement local. Il anima les activités de militantisme au sein du « Parti Démocratique de Guinée » dont il fit une organisation populaire fortement structurée. L’année 1953 a été décisive pour la classe ouvrière en Guinée. « En déclenchant la grève du 21 Septembre, les syndicats réalisèrent le plus puissant mouvement social de l’histoire de la colonisation en Afrique noire » (Diawara, 1967). Une grève générale de 76 jours (le 21 Septembre- 25 Novembre 1953) fut déclenchée à laquelle participèrent sans exception tous les syndicats des travailleurs de la fonction publique et du secteur privé.

Ce mouvement syndical ne concernait pas seulement les employés, évalués, à l’époque à 3% de la population ; il s’agissait d’un soulèvement général du peuple. Durant ce temps, les travailleurs en grève tenaient régulièrement des meetings, bénéficiant dans la foulée de la solidarité de toutes les couches de la population. Cette grève a paralysé totalement l’appareil étatique de l’administration coloniale intimement liée au patronat. C’était la preuve que le syndicat et le parti (PDG) avaient la confiance du peuple. Tous les évènements ultérieurs se dérouleront conformément à l’autorité des deux organisations. Les manœuvres du pouvoir colonial après un tel mouvement de masse n’avaient guère la chance d’arrêter la marche du peuple. Et son choix historique 5 ans plus tard ne sera donc pas une surprise pour les acteurs politiques.

En remontant le passé politique de la Guinée, nous montrerons, dans les pages qui suivent, comment l’avènement de l’indépendance a favorisé le monolithisme politique. En effet, après la deuxième guerre mondiale, les mouvements de lutte pour l’indépendance nationale s’intensifièrent en Afrique. L’élite politique et syndicale africaine met à profit le contexte international favorable aux

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revendications sociales pour l’émancipation des colonies africaines. Le réveil des consciences africaines, l’attitude anticolonial des USA, la tendance communiste et révolutionnaire de l’URSS et la situation politique et économique dans les métropoles européennes activèrent la situation de changement.

A la suite de ce qui précède, nous notons que, le 28 Septembre 1958, c’est dans ce vaste élan d’effervescence révolutionnaire et anticolonial, que la Guinée vote non au Référendum gaulliste. Le pays accède ainsi le 2 Octobre 1958 à son indépendance vis-à-vis de l’ancienne métropole, la France. Ainsi de 1958 à 1984, la Guinée est dirigée par un régime révolutionnaire de type socialiste. L’organe dirigeant était le PDG, parti unique, fortement centralisateur.

La Guinée s’était engagée dans la construction d’une société socialiste dont l’idéologie était calquée sur le modèle Marxiste-léniniste avec une forte ressemblance avec le Maoïsme et l’idéologie révolutionnaire. Au cours de la Première République, (1958-1984), la Guinée a vécu sous un régime présidentiel dominé par un système de Parti unique. Tout au long des 26 ans du pouvoir de Sékou Touré, l’appareil du parti qui avait la mainmise sur l’Etat, embrassait dans tous les aspects de la vie économique, sociale, politique et culturelle.

Le régime « Révolutionnaire » tel qu’il s’autodésignait au cours de la Première République a marqué d’une emprunte très forte les mentalités et les comportements politiques et économiques du Guinéen. Plusieurs décennies après sa disparition, les survivances des mœurs politiques du PDG continuent toujours à exercer une influence notoire sur les conduites des acteurs politiques en Guinée. C’est ainsi que, après la mort de Sékou Touré le 26 Mars 1984, la nouvelle élite politico-militaire annonce le multipartisme en 1991. Toutefois de 1984 à 2007, le pouvoir en place marche sur trois béquilles pour se maintenir au pouvoir : une armée répressive, un parti politique (PUP) et l’ethno-stratégie comme style d’exercice du pouvoir. C’est ainsi que l’administration guinéenne était entièrement contrôlée par les membres de la famille voire du groupe ethnique du président, à l’image du pouvoir précédent.

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Toutefois, il est à rappeler que la Guinée a été dirigée de 1958 à 1984 par le Président Ahmed Sékou Touré et son parti, le PDG. A sa mort le 26 mars 1984, le peuple de Guinée était à la fois pétrifié et tourmenté. Surpris parce que personne n’avait appris la maladie du chef de l’Etat et anxieux car il se demandait ce que l’avenir lui réservait. Les querelles de succession entre ses proches et les membres de sa famille avaient été les motifs évoqués par les militaires pour faire un coup force en s’emparant du pouvoir le 3 avril 1984.

Le Colonel Lansana Conté prit ainsi le pouvoir à la tête d’un conseil militaire dénommé CMRN (Comité militaire de redressement national). Celui-ci instaure un régime d’exception tout en permettant rapidement le retour au pays de centaines de milliers d’exilés. Mais la nouvelle élite politique ne parle pas pour l’instant de régime concurrentiel intégral. Cependant l’euphorie que provoqua ce renversement de la dictature révolutionnaire fut grande. Partout en Guinée, les populations sont sorties dans la rue pour manifester leur joie. Un homme politique a déclaré lors des entretiens approfondis que nous avons eus avec ce qui suit :

« La facilité et la rapidité avec lesquelles le régime de Sékou Touré s’est effondré donnent la preuve qu’il ne répondait plus aux aspirations du peuple. C’est pour cette raison que la prise du pouvoir par les militaires a été saluée par toutes les composantes du peuple de Guinée ». Un syndicaliste a souligné « Nous étions tous portés à croire que le CMRN allait combler les attentes du peuple de Guinée, mais l’euphorie fut de courte durée car entre les promesses tenues et les comportements adoptés par l’équipe dirigeante, l’écart était grand ».

Dans les discours de la nouvelle élite, l’heure était au changement. C’est ainsi qu’au lendemain du 3 avril 1984, la Guinée sous l’auspice des autorités opta pour une économie libérale et la construction d’un Etat de droit. Le nouveau gouvernement s’engagea ainsi dans des réformes d’orientation visant à rétablir un environnement propice au développement. Cette approche sera donc définie par le Discours Programme du chef de l’Etat, le 22 décembre 1985.

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