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Analyse des occurrences des vocables en référence à l’ethnie en Guinée

5.3. La mise en discours de la violence dans les cooccurrences

Un autre prisme des figures de la violence intercommunautaire en Guinée apparaît à travers deux figures énonciatives des cooccurrences textuelles : « violences-communautaires » et « familles endeuillées », qu’on peut observer sur les graphes et histogrammes suivants.

Chap.5-Fig 9 : Graphe Double occurrence violence et communauté

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En effet, comme on peut l’observer sur le graphe précédent et sr les graphes et histogrammes suivants, le vocable « familles » entre en relation de cooccurrence avec le vocable « victimes ». Sur la page suivante, « familles » entre en cooccurrence avec « endeuillées ». Ces cooccurrences qui s’ancrent dans le discours sont décelables sur les concordances cotextuelles suivantes.

De la même manière que sur l’histogramme de la page précédente, sur celle qui suit, « familles » entre en cooccurrence avec « endeuillées » ; ce qui atteste

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l’importance des occurrences lexicales de ces couples dans l’axe de successivité de la linéarité des énoncés. Dans cette imbrication du tissu textuel et du contenu idéologique, en tant que systèmes de représentations, il apparaît que le discours occupe une place centrale dans l’univers social. Il ne doit donc pas être considéré comme une simple pratique sociale, mais il faut en revanche l’appréhender à la fois comme action et représentation.

Chap.5-Fig 11 : Occurrence du mot endeuillées Contexte des cooccurrences cotextuelles de familles endeuillées

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Chap.5-Fig 12 : Graphe de double occurrence des mots familles/endeuillées

Il apparaît de notre analyse, qu’à travers l’usage d’un vocabulaire, de formes cooccurrentes, se profile une appropriation symbolique qui permet de définir un état social donné, comme le contexte des violences électorales à caractère communautaire en Guinée. Les conditions d’émergence discursives dans certaines conjonctures, comme la crise qui sévit en Guinée, constituent un centre d’intérêt fécond. La notion de catégorie (topique) suppose la distinction entre l’horizon d’attente des citoyens dans une situation historique d’inscription du thème en position référentielle et l’événement discursif qui réalise une de ces possibilités. Car l’événement discursif est à saisir dans les configurations discursives qui font réseau à un moment donné. Elles renvoient à la prise de position argumentative du sujet qui se met en place dans l’espace énonciatif.

L’analyse des graphes et histogrammes précédents, résultats de l’exploration textuelle du corpus de Cellou Dalein montre que l’ancrage discursif des lieux communs se reconnait par la présence des occurrences et cooccurrences suivantes :

violences, ethnie, foutah, familles, endeuillées. Face à cette situation déplorable que

l’orateur aborde largement dans son discours, il lance l’adresse suivante à la jeunesse de Siguiri, épicentre des violences de la communauté mandingue perpétrée contre les membres de la communauté peule en ces termes :

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« Jeunes de Guinée, femmes de Guinée, vous m’élirez le 11 octobre 2015, je vais vous assurer que je serais digne de votre confiance. Je tiendrais la balance égale entre les régions, les ethnies et les citoyens. Je travaillerai à la promotion de la jeunesse, à la construction des infrastructures, l’administration sera dépolitisée au service du citoyen ».

L’appel lancé par Cellou Dalein Diallo, candidat à la présidentielle de 2015 à l’adresse de la jeunesse, rapporte le texte à la conjoncture historique qui légitime les émergences discursives dans une conjoncture sociale tendue entre les partis politiques dont l’orientation politique est idéologiquement marquée par l’appartenance du leader à une communauté donnée. Ce qui amène l’orateur en s’engager en faveur de l’équilibre social entre les ethnies guinéennes.

D’où l’importance, en termes de méthodologie de travail, de soutenir une approche socio-discursive qui s’appuie aussi bien sur le dispositif énonciatif à l’œuvre dans le texte, rendant possible l’argumentation rhétorique que sur la catégorisation des éléments du contenu émergeant de la profondeur de la texture.

Chap.5-Fig 13 : Oc du mot Peulh

La forte thématisation dans le discours de Cellou Dalein Diallo du vocable « peulh » est un indice de préoccupation de la part du leader de l’UFDG qui monte au créneau en vue de défendre sa communauté à la fois victime et menacée de

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représailles violentes de la part de la communauté mandingue. On retrouve dans le même discours la surreprésentation en termes de nombre d’occurrences le vocable « origine » qui entre dans un réseau de cooccurrence avec « ethnie » ou « région ».

Chap.5-Fig 14 : Oc du mot Origine

Malgré son échec consécutif à différents scrutins, Cellou Dalein Diallo se base sur sa popularité régionale pour demander à chaque fois à l’occasion des élections présidentielle, législatives et communales qu’on lui apporte du soutien. Lors des élections présidentielles de 2015, Cellou Dalein Diallo dresse du pouvoir en place et de son concurrent le bilan suivant :

« La Guinée est dirigée par un petit roi dangereux et malfaisant depuis 2010. La Guinée est dirigée par un clan, irresponsable et incompétent ».

Même si la charge peut paraître violente, mais Cellou Dalein Diallo, chef de file de l’opposition guinéenne et président de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), ne mâche pas ses mots en qualifiant son rival, Alpha Condé au pouvoir, de « petit roi, dangereux et malfaisant ». Cette charge critique s’amplifie sur l’exe syntagmatique, lorsque l’orateur fait référence à la dérive clanique du pouvoir présidentiel dont les nominations par cooptation font la promotion de membres incompétents de sa communauté mandingue. Ainsi se base-t-il sur la région, sur l’originalité des ethnies pour une démonstration de force contre son rival. D’où l’ancrage d’un discours du ressentiment qu’atteste les graphiques. Ce qui montre que Cellou Dalein Diallo s’est largement basé sur l’ethnie pour se faire

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entendre en public. On peut observer sur le graphe suivant que, Alpha Condé, représente un sujet favori des discours de Cellou Dalein Diallo.

Chap.5-Fig 15 : Oc du patronyme Condé

Sur les deux axes déficit d’une part et excédent d’autre part, selon les contextes de discours, il apparaît sans aucun doute que Condé constitue aussi la bête noire de CD Diallo. Dans presque tous ses discours le nom Condé apparaît en filigrane ; ce qui atteste Alpha Condé et Cellou Dalein Diallo issus de deux communautés - différentes l’un malinké et l’autre peulh - constituent les deux principaux adversaires politiques de 2010 à nos jours.

Lors d’un meeting à Kankan et à Siguiri dans la campagne électorale le 25 septembre 2015, Cellou Dalein Diallo est allé à la rencontre de son électorat de la savane guinéenne. A Kankan et à Siguiri, il a déroulé son projet de société pour la Guinée, tout en tirant bilan critique sur la Gouvernance du président Alpha Condé dont il demande un vote sanction.

« J'ai fait le calvaire de Sinko-Kerouané. Cette route n'a pas connu d’entretien sommaire depuis des années. Actuellement elle est complètement dégradée. Mais lorsqu’on connait que c’est des gens qui ont voté 80% pour Alpha Condé en 2010 qui continuent de vivre ça, c'est vraiment regrettable pour sa gouvernance ». Vous l'avez adopté, vous avez été très généreux. Vous avez voté pour lui. Mais maintenant vous vous rendez compte qu'il n'est pas à la hauteur de la fonction présidentielle, sanctionnez-le. Donnez-lui le carton rouge. La Haute-Guinée a tout donné á Alpha Condé. Mais il n'a pas été digne

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de votre confiance. La politique n'est pas la religion. Vous le choisissez, il n'est pas á la hauteur de vos attentes, sanctionnez-le ». (Discours du 25

septembre 2015 en Haute Guinée).

Se basant le constat de l’état des routes, le leader de l’opposition demande à la population de la Haute Guinée un vote sanction contre Alpha Condé au pouvoir. A défaut de voter pour lui, Cellou Dalein Diallo conseille au Bâté89 de voter alors pour autre candidat de la région, Lansana Kouyaté, mais pas pour Alpha Condé.

« Lansana Kouyaté, c'est mon adversaire bien sûr, je préfère que vous votiez pour moi bien entendu. Mais si vous ne voulez pas voter pour moi, vous pouvez voter Lansana Kouyaté pour sanctionner Alpha Condé ».

En suggérant aux citoyens de la Haute Guinée de voter pour quelqu’un du terroir, s’ils ne veulent de lui, atteste chez Cellou Dalein une prise de position nettement assumée avec un JE énonçant. Alpha Condé étant son principal adversaire politique, Cellou Diallo ne ménage aucun effort pour agir sur auditoire afin de créer chez eux un rejet systématique de son rival. Ainsi remet-il en cause la présidentialité de celui-ci qui n’est pas digne de confiance ; surtout quand il fait référence à la fraude électorale qui l’a porté au pouvoir. D’où l’introduction d’une expression forgée à cet appui : « le tripatouillage » dont la fréquence des occurrences en fait un des thèmes du discours de de Cellou Dalein. Nous allons donc nous attarder sur l’analyse de cette expression dont l’usage est contextualisé.

89 Le Bâté est une région de la Haute Guinée située près de la frontière du Mali, composée de la ville de Kankan et des villages environnants. La population de culture mandingue, parlent le malinké. C'est un grand centre d'échanges, de spiritualité, d'art et de musique, au cœur de l'ancien empire mandingue, riche d'histoire et de traditions. Pays des manguiers, c'est une terre de savane fertile.

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Chap.5-Fig 16 : Oc du mot Tripatouillage

Mesdames et messieurs,

« Les élections qui ont eu lieu ont été entachées d’irrégularités : tripatouillage du fichier électoral, cartographie des bureaux de votes défavorables à l’opposition, rétention des cartes d’électeurs dans les zones réputées acquises à l’opposition, bourrages d’urnes, falsification des PV, utilisation des moyens de l’Etat par le Parti au pouvoir, intervention des autorités administratives et des forces de défense et de sécurité, expulsion des délégués de l’opposition des bureaux de vote et des commissions de centralisation de résultats ».

En utilisant une expression familière signifiant dans son sens strict « manier quelque chose sans délicatesse, sans précaution », l’orateur politique se propose de faire passer l’idée que le pouvoir d’Alpha Condé n’a aucun respect pour les institutions qu’il foule aux pieds. Dans le but de conférer plus d’ampleur à son idée tout comme à son expression plus de gravité, Cellou Dalein procède par la figure de l’accroissement, moyen puissant d’amplification rhétorique, qui s’enchaîne avec le tissu du discours de telle manière que les mots et les propositions enchérissent les unes sur les autres.

C’est ainsi que l’orateur puise ses idées dans tous les lieux communs ; il utilise à cet effet la figure de l’énumération des mots et séquences nécessaires dans le but d’apporter plus d’amplifier bilan peu flatteur porté contre le pouvoir. On observe aussi que la seule accumulation de mots et de pensées autour d’un même objet est une autre figure rhétorique d’amplification. L’amplification apparaît alors dans le