• Aucun résultat trouvé

Ethnie, ethnicité : une approche des concepts fondamentaux à l’image de la situation guinéenne

3.2. L'approche constructiviste des formations politiques

Nous remarquons que dans les pays africains en général et la Guinée en particulier, après les indépendances, le rôle de l'État a été d’exercer un contrôle sur la constitution des formations politiques dont le fondement repose sur des groupes ethniques. C’est ce qui a servi d’argument dans la suppression du multipartisme au

33 M. Martiniello, op. Cit. : 55

95

profit du Parti unique. En se référant aux travaux de J. Nagel et al. (1986), il apparaît que la reconnaissance et l'institutionnalisation de l'ethnicité dans la vie politique accroissent le niveau de mobilisation des groupes ethniques selon :

« Les quelles la mobilisation et le conflit ethnique vont se produire en fixant les règles régissant la participation politique et l'accès au pouvoir. Les mécanismes de construction politique de l'ethnicité peuvent être rangés en deux grandes catégories, la structure de l'adhésion et du pouvoir politique, d'une part et le contenu des politiques publiques, d'autre part. »34 .

Selon J. Nagel toujours, « la mobilisation ethnique dans un Etat est probable

lorsque les structures de la participation, de l'adhésion et du pouvoir politique sont organisées selon les clivages ethniques. La régionalisation et la reconnaissance institutionnelle de la participation ethnique notamment peuvent promouvoir la mobilisation ethnique » (2012 : 61).35

Cette approche constructiviste met en évidence des facteurs externes aux individus, notamment l'État, apportant ainsi une nuance entre le choix rationnel et les contraintes qui s’imposent. Elle est utile pour expliquer la situation politique dans certains pays où l’exercice du pouvoir repose essentiellement sur ce facteur ethnique. Nous pensons qu’en créant une passerelle entre cette théorie et celle instrumentaliste, nous serons mieux armés pour étudier l’ancrage de la dimension ethnique dans la vie politique en Guinée.

3.3. Approche théorique de l’ethnicité : quelques généralités 3.3.1. Qu’est-ce qu’une ethnie ou un groupe ethnique

Plus généralement, il s’agit d’un groupe d'êtres humains qui possède, d’une certaine manière, un héritage socioculturel commun, en particulier la langue qui est le support des connaissances encyclopédiques ou des savoirs partagés se transmettant de génération en génération. C’est pour cette raison que l'ethnie est perçue comme un groupement naturel qui se singularise par la langue et plus

34 (M. Martiniello, op. Cit. 61)

96

largement la culture se déclinant dans ce qu’on appelle communément les mœurs et les coutumes.

Le concept ethnicité, d'un usage plus récent, est lié à l'évolution du concept d'ethnie. Cette évolution résulte d'une nouvelle approche du concept d'ethnie qui jusque-là était appréhendé comme une réalité objective. En effet, les anthropologues et les historiens s’appuient sur des critères tels la langue, l'histoire commune, le lien d'ascendance et de descendance pour définir l’ethnie. Selon Paul Mercier (2013)36, en revanche, sociologues, politologues et psychologues, dans leurs analyses appréhendent le concept d'ethnie sous l'angle d'identité ou construction sociale, voire politique. C'est de cette approche subjective que le concept d’« ethnicité » est né, pour saisir les interactions sociales qui aboutissent au sentiment d'appartenance à un groupe.

Max Weber (1910), considère l’« ethnicité » non seulement comme une construction sociale, mais aussi comme un moyen d'instrumentaliser les luttes sociales et politiques. C’est cette approche de l'ethnie qui a permis l'émergence du concept d'« ethnicité » ; lequel a généré à son tour les notions d'« ethnocentrisme » (parfois synonyme de communautarisme), d'« ethnocide » et d'« ethnisme37 ». Par ailleurs, Le terme d'identité est "emprunté du latin identitas, « qualité de ce qui est le même », dérivé du latin classique idem, « le même »". Elle se définit comme le « caractère de ce qui demeure identique ou égal à soi-même dans le temps »38.

D'un point de vue anthropologique, « l'identité est un rapport et non pas une qualification individuelle comme l'entend le langage commun. Ainsi, la question de l’identité n’est non pas « Qui suis-je ?», mais « qui je suis par rapport aux autres, que sont les autres par rapport à moi ?». Le concept d'identité est inséparable de celui « d'altérité ». Aussi, en psychologie sociale, la formation de l'identité

36 Anthropologie et sociologie : croisements et bifurcations, Genèses 2013.

37 Max Weber, Les relations ethniques, du refus du biologisme racial à l'État multinational, suivi de Le débat sur « race et société » au premier congrès de la Société allemande de sociologie (1910), Laval, Les Presses de l'Université Laval, 2004, 214.

38 (J-C), L'identité : l'individu, le groupe, la société, Auxerre, Editions Sciences Humaines, 1998, p2.

97

personnelle, appelée « Soi » par G.H. Mead, s'inscrit dans un contexte d'interrelations, où l'image de soi se construit dans le regard d'autrui.

Ainsi, l'autre devient un miroir, mais aussi un modèle, auquel l'individu tente de s'identifier. Selon A. Mucchielli, « l'identification est un processus psychologique par lequel un individu assimile un aspect, une propriété, un attribut de l'autre et se transforme, totalement ou partiellement sur le modèle de celui-ci » (1999 : 60). Cet autre est une personne valorisée (parents, professeur, pairs, héros…), que Jacques André (2014), spécialisé en Science de l’éducation, appelle le « tiers privilégié » et qui orientera la vie de chacun. René L'Ecuyer (1978) reprend la notion de « Soi » en le définissant comme « un ensemble de caractéristiques (goûts, intérêts, qualités, défauts, etc.), de traits personnels (incluant les caractéristiques corporelles), de rôles et de valeurs, etc., que la personne s'attribue, évalue parfois positivement et reconnaît comme faisant partie d'elle-même »39.

Mais de façon générale, nous sommes d’avis avec A. Mucchielli que le processus identitaire est complexe. Il s'inscrit dans l'histoire du sujet et dans ses relations avec l'environnement social. Il commence dès le plus jeune âge de l'individu par l'apprentissage et l'intériorisation de modèles et de normes, et se poursuit tout au long de sa vie. Pierre TAP (1988) spécialiste en psychologie sociale, précise que dans la dynamique identitaire, l'individu recherche à la fois conformité et singularité c'est-à-dire qu'il veut ressembler aux modèles tout en gardant son caractère unique. C'est dans cette opposition que se construira l'identité individuelle40.

Selon toujours ce même auteur, l'identité renvoie à des référents identitaires multiples faisant appel au vécu, aux représentations, et aux conduites. Ces référents peuvent être matériels et physiques (nom, apparences physiques, vêtements), historiques (filiation, éducation, coutumes), psychoculturels (codes, valeurs),

39 MUCCHIELLI (A), L'identité, Paris, Editions PUF, 1999, p60.

40 RUANO-BORBALAN (J-C), L'identité : l'individu, le groupe, la société, Auxerre, Editions Sciences Humaines, 1998, p4.

98

psychosociaux (statut, âge, profession, compétences, qualité et défauts). Il précise que l'identité est définie par un sujet selon un ensemble de critères et un sentiment interne d'identité composé de différents sentiments : sentiment d'unité et de cohérence, d'appartenance, d'autonomie, de confiance, de différence, de continuité, de valeur et d'existence.

Selon le député Rom roumain, Nicolae Paun (2011), pour que l’identité "Rom" soit prise en compte, il faut avoir ou créer des difficultés sociales, car si on a un emploi, un domicile fixe et des diplômes, on n’est plus comptabilisé comme "rom" dans les statistiques, ce qui selon lui est une nouvelle façon “douce” de nier, de détruire un patrimoine et une identité. A l’inverse, selon Jean-Pierre Chrétien (1997), certaines “ethnies” tels les Hutus et les Tutsis, habitant la région des grands lacs africains, ont tout en commun et « ...ne se distinguent ni par la langue, ni par

la culture, ni par l’histoire, ni par l’espace géographique occupé41 ».

Selon lui, en Europe, on parlerait plutôt de classes sociales, anciens agriculteurs d'un côté, anciens éleveurs de l'autre. Jean-Loup Amselle (1999), quant à lui considère que si au XVIe et XVIIe siècles, le terme Nation équivalait en français à celui de tribu, en revanche dans leur usage moderne, les termes d'ethnie et de tribu font plus spécifiquement référence aux différentes communautés linguistiques et culturelles d'Afrique, d'Océanie ou encore aux peuples que les Occidentaux ont regroupés sous le terme générique d'« Indiens d'Amérique »42.

Si le mot ethnie (de même que celui de tribu) a acquis un usage massif en langue française depuis le XIXème siècle, aux dépens d'autres termes comme Nation, c'est sans doute qu'il s’agissait de classer ces sociétés à part, en leur déniant la cohésion d'une Nation. Durant la période coloniale, il convenait ainsi de définir les sociétés amérindiennes, africaines, océaniennes et certaines sociétés asiatiques, voire balkaniques, comme "autres" et "différentes", en les présentant comme des

41 Le défi de l'ethnisme : Rwanda et Burundi, 1990-1996, Paris, Karthala, 1997.

42 Elikia M'Bokolo (dir.), Au cœur de l’ethnie : ethnies, tribalisme et État en Afrique, Paris, La Découverte, 1985 ; rééd. 1999 coll.

99

sociétés situées hors de la civilisation, le mot civilisation ne désignant que l'aire culturelle de l'Occident chrétien.

Cependant, la notion d'ethnie a longtemps été le pendant sociologique de celle de race43 ; elle en est parfois encore la forme euphémique. Alfred Rosenberg (2013), idéologue du parti nazi définit, dans ses livres tels le Mythe du vingtième siècle, l'ethnicité (en allemand Volkstum ) comme un organisme quasi-biologique, produit par la sélection naturelle parmi les humains, ce qui ne correspond à aucune réalité génétique, biologique, historique, linguistique ou sociologique, mais a servi à définir, dans la doctrine nazie, des peuples supérieurs auxquels cette supériorité proclamée conférait le droit d'agrandir leur espace vital au détriment d'autres peuples et des peuples inférieurs dont le statut ainsi arbitrairement défini légitimait l'asservissement et/ou l'extermination.

Comme pour la race, l'utilisation de la notion d’ethnie pose problème, parce que toute classification d'une population selon des clivages ethniques relève de critères nécessairement arbitraires. Finalement quels critères faudrait-il retenir ? Que la langue ? Une histoire commune ? Des origines communes lesquelles ? La religion ? De simples traditions, coutumes ? Tout cela à la fois ? Doit-on se référer au droit du sang ou au droit du sol ? Selon les critères adoptés, l’ethnie n’aura sans doute pas le même contenu.

Plusieurs auteurs opposés à la théorie d’Amselle (2001 : 265) nient l'utilisation par les anthropologues modernes de la définition coloniale du terme ethnie44. Il en résulte que certains néologismes sont directement hérités ou inspirés de la signification que revêt ethnie dans le vocabulaire des sciences sociales. En voici quelques-uns parmi les plus fréquemment rencontrés : l’ethnogenèse est l’ensemble des faits et des idées qui concourent à la formation d'un peuple, en tant qu'ensemble d'individus partageant le sentiment d'une identité commune.

43 Marcel Kabanda, Rwanda, racisme et génocide. L'idéologie hamitique, Paris, Bélin, 2013. 44 Amselle, Jean-Loup. – Branchements. Anthropologie de l’universalité des cultures, Paris, Flammarion, 2001.

100

➢ L’ethnohistoire est l’histoire d'une ethnie, en tant qu'elle construit sa propre identité dans la longue durée. L'adjectif ethnique est parfois employé dans le sens de tout ce qui est relatif à des peuples ou cultures qualifiées d’exotiques ; c’est ainsi qu’il est considéré comme un mot porteur en marketing (marketing ethnique). Les campagnes de propagande y font donc volontiers référence de façon directe ou indirecte.

➢ Parlant des considérations précédentes, l’ethnisme est l’ensemble de liens qui réunissent des groupes d'individus ayant un patrimoine socioculturel commun, particulièrement la langue. Il a servi pour établir une catégorisation entre les humains, sur la base de particularités sociales et au prétexte de différences d'origines raciales ou géographiques. Ce terme a été utilisé dans cette acception à propos de la Côte d'Ivoire, l'ethnisme de l'ivoirité, expression utilisée à des fins politiques pour écarter certains acteurs politique du pays de la course à la présidence de la République. A propos du Rwanda et du Burundi l’ouvrage : Le Défi de l'ethnisme de Jean-Pierre Chrétien (1997) en dit long sur la situation politique dans ces deux pays.

➢ L'ethnolinguistique quant à elle, est une discipline des sciences humaines qui se penche sur la variabilité linguistique à travers les différentes sociétés humaines et qui voisine dès lors avec la sociolinguistique et la dialectologie. Les processus d'intégration inter-ethnique ont des dénominations différentes selon les pays, melting pot aux Etats-Unis au Canada, intégration des seuls immigrés juifs en Israël. Dans ce cas, aucune unanimité ne se dégage quant au qualificatif désignant la pluralité ethnique : pluriethnique, multiethnique, polyethnique, voire

multiculturel.

➢ L'ethnocentrisme, mot-valise formé par néologisme, est un ensemble de pratiques sociales qui créent les différences dans le but de marquer l'infériorité de certaines personnes par rapport aux membres de leur propre communauté45.

45 Guy Aundu Matsanza, État et Partis au Congo-Kinshasa, l'ethnicité pour légitimité, Paris, l'Harmattan, 2010.

101

Toutefois, dans son sens élargi, il désigne de nos jours, le fait que celui ou ceux qui exercent le pouvoir accordent un privilège à leur communauté dans la distribution de postes de responsabilité aux dépens des membres des autres communautés. Quant à l'ethnocide, c’est un ensemble de pratiques qui conduisent à commanditer un massacre en vue d’exterminer une ethnie. Elle s'apparente au génocide d'une communauté ethnique46.

Nous référant aussi aux travaux de Emile Durkheim ((1858-1917)), dans le but de mieux comprendre les sociétés, il apparaît que l’auteur aborde l'identité communautaire en considérant que l'individu est constitué d'un être collectif et d'un être individuel. L'être collectif regroupe tout ce qui est partagé avec les autres membres du groupe, telles que les règles, les valeurs et les normes. L'être individuel est composé de tout ce qui en nous est d'ordre de l'univers privé, nos traits de caractère, notre hérédité, les souvenirs et expériences liés à notre histoire personnelle.

Cette identité communautaire engendre le sentiment d'appartenance, notamment au travers des sentiments, de valeur et de confiance. Cette identité renvoie aux référents identitaires liés aux rites, aux codes, aux représentations, à ce que doivent être les choses et renvoie plus globalement à la question de sens. Ainsi, une personne qui se sent en sécurité dans un groupe a tendance à s'affirmer dans sa singularité. Inversement, en situation d'insécurité, elle accentue son besoin de ressembler aux autres, de se référer au groupe.

Quant à l'identité sociale, elle permet de situer l'individu dans la société. Elle se réfère à un rôle social, à un statut (âge, sexe, profession, parents, frère…). L'identité sociale est souvent une identité attribuée selon A. Mucchielli (1992), dans le sens où ses caractéristiques sont définies par la société. Ainsi, chaque individu, du fait qu'il possède plusieurs rôles sociaux, a plusieurs identités sociales. Là apparaît toute la complexité de passer de l'une à l'autre et de se conformer aux

46 Robert Jaulin,La Décivilisation : politique et pratique de l'ethnocide, Bruxelles, éditions Complexe,

102

valeurs et aux codes associés à cette identité, tout en restant soi. Une personne doit donc changer de "costume" pour jouer un rôle, selon le contexte dans lequel elle se trouve. De la sorte, l'identité individuelle se construit progressivement, se façonne et s’exprime tant au travers des ressemblances que par l'affirmation de ses différences. L'aptitude à intégrer des expériences nouvelles fait que l'identité évolue. La catégorisation ethnique n'est pas nécessairement une action politique à fin discriminative.

C’est ainsi que dans ce pays l’expression correspondant littéralement en français « partie de la nation », désigne un groupe selon le droit du sang, dont les membres possèdent en commun notamment une langue, ou un groupe de langues proches, des coutumes et un territoire. Tous sont citoyens indonésiens selon le droit du sol, mais leur appartenance est prise en compte dans les statistiques. Au Canada, par exemple, le terme « groupes ethniques » désigne les groupes sociaux issus de l'immigration qui ne font partie ni des deux « peuples fondateurs » (Anglais et Français), ni des « peuples autochtones » (Amérindiens, Inuits, Métis). Un autre terme a été introduit en 1995 dans la législation canadienne, celui de « minorité

visible ».

La constitution de la République populaire de Chine, dont tous les habitants ont, selon le droit du sol, la « citoyenneté chinoise », reconnaît en outre selon le droit du sang et selon le modèle soviétique, « ethnies » appelées « nationalités » "ethnie minoritaire", pouvant signifier "clan", "groupe", "peuple", "ethnie",

"région"), dont les Hans, qui représentent 92 % de la population, mais sont

eux-mêmes linguistiquement divisés, avec plusieurs dialectes, et plusieurs variantes régionales du chinois mandarin. Mentionnée, comme dans l'ex-URSS, sur la carte d'identité, l'identité ethnique permet, selon le gouvernement chinois, d'appliquer une « discrimination positive », afin de préserver la culture et la langue des peuples.

Quant aux Etats-Unis, ils ont adopté une politique officielle de catégorisation ethno-raciale depuis la fin du XVIIIème siècle lorsque la classification raciale est devenue « scientifique » plutôt que « religieuse ». L'historien David Hollinger (1997) a inventé l'expression « pentagone ethno-racial » pour désigner

103

cinq catégories principales qui comprennent les Afro-Américains, Amérindiens, Hispaniques, Asiatiques, Blancs (caucasiens) et une autre catégorie dite « multiraciale ». Ce consensus de catégorisation hérité de l'histoire résulte d'une congruence entre l'auto-désignation et l'hétéro-désignation par les Américains.

En principe, depuis la révolution française, il n'y a en France métropolitaine qu'un seul peuple et les statistiques ethniques n'y sont pas autorisées (sauf en Nouvelle-Calédonie). Dans l’état civil français, l’origine ethnique n’est pas indiquée et n’a pas d’existence juridique, ce qui n’empêche pas l’existence de dispositions réglementaires obligeant les français nés hors de France à faire la preuve de la nationalité française de leurs ascendants, chaque fois qu’ils doivent renouveler leurs documents d’identité.

Ces dispositions particulières sont ressenties par les citoyens concernés comme une suspicion administrative déguisée à l’égard de leurs origines, que leurs ancêtres aient été des étrangers, ou bien qu’ils aient été des « Français de souche » (concept statistique à connotation ethnique et sans fondement juridique, désignant en langage courant les citoyens dont les ascendants sont, géographiquement et culturellement, originaires de France métropolitaine). Cette ambiguïté a déterminé l’Africagora et deux députés de l’UMP membres de la CNIL, à proposer un amendement au projet de loi sur l’immigration, adopté jeudi 13 septembre 2007 par la commission des lois de l’Assemblée nationale, autorisant les statistiques ethniques.

De la même manière, il existe un débat entre sociologues et orientalistes spécialistes de l'Inde quant à l'applicabilité du concept de groupe ethnique aux castes. Certains ont développé la thèse d'une origine ethnique des diverses castes, qui auraient initialement été des groupes ethniques stratifiés par la domination politique d’une catégorie de personnes, qui se seraient érigées en castes supérieures, mais cette thèse est très controversée, tout comme la thèse inverse qui affirme qu'une caste peut se transformer en groupe ethnique en quittant le sous-continent indien (cas possible des Roms).

104

La nationalité ethnique selon le droit du sang (Juif, Arabe, Druze, Circassien, Arménien, entre autres.), diffère de la citoyenneté israélienne selon le droit du sol. L'Union soviétique, à l'instar d'autres pays d'Europe centrale et orientale, distinguait la citoyenneté selon le droit du sol, la nationalité selon le droit du sang, dans le sens de groupe ethnique : tous les Soviétiques avaient la même citoyenneté, celle de l'URSS, mais appartenaient à des groupes ethniques différents (et parfois fictifs) également mentionnés sur leurs cartes d'identité.

Aussi, comme on le voit, en employant des critères de définition arbitraires, l'ethnologie soviétique a tenté de manipuler les identités, soit pour diviser des groupes jugés trop importants (cas des Adyghés séparés des autres Circassiens, ou cas des Moldaves séparés des autres Roumains), soit pour rassembler artificiellement des groupes dont on voulait détruire l'identité (par exemple en comptant comme Coréens les colons japonais capturés en 1945 au Manchoukouo et déportés au Kazakhstan).

Les considérations générales ici présentées permettent de mieux appréhender la complexité des questions de société liées à l’ethnie et à la manière dont les différents Etats dans le monde gèrent à leur manière ces questions on ne plus sensibles et complexes. A l’image de ce qui vient d’être présenté, la Guinée aussi traverse constamment des crises sociales liées aux relations entre ses différentes communautés surtout en période électorales.