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Du symbolique au politique et du politique au symbolique

Chapitre I. Contexte global des débats sur la diversité culturelle

I. Contexte global entourant les débats sur la diversité culturelle

I.3. Du symbolique au politique et du politique au symbolique

La relation entre le symbolique et le politique fait référence à l’exclusion de l’identité différente en s’appuyant sur des symboles culturels, aux noms desquels se confirme son statut d’« étranger » (Schϋtz, 2003).

L’habit est un véhicule de symbolique culturelle. Par ailleurs, la couleur de la peau ou l’aspect vestimentaire, peuvent constituer les termes de débats internes dans des sociétés multiculturelles, car ils représentent les dérives d’un type de discrimination subtilement présent dans les écoles et/ou le milieu professionnel. Le « ce qui paraît », constitue une manière simplifiée de définir une identité par opposition à une autre (Mor Barak, 2005). Il conduit vers des préjugés et des stéréotypes lorsqu’il ne correspond pas à l’image classique de la majorité (Wieviorka, 2004 : 290). Il constitue par conséquent les paramètres d’une identité prépondérante qui mènera à son tour vers le rejet de la différence et par la suite au conflit. Par exemple, dans son éditorial dans Manière de voir14 Ignacio Ramonet

(2006) souligne l’« humiliation du racisme et d’une répression ciblée » lorsqu’il évoque le traitement auquel fait face la minorité « banlieusarde » dans la périphérie des grandes villes françaises. Pour lui, la négation de la minorité dans les banlieues s’effectue au moyen d’une symbolique d’ordre visible.

Par ailleurs, Wieviorka (2004) reconnaît les tensions que vivent les individus qui veulent afficher leur identité, particulièrement sexuelle et religieuse. Elles les mènent à délaisser les symboles qui témoignent de leur appartenance culturelle au profit d’une meilleure acceptation sociale. Par conséquent, l’abandon du particularisme identitaire est encouragé par des actes symboliques, subtils qui illustrent le rejet d’une société de la différence. Mais les tensions ne disparaissent toujours pas pour autant. Car, pour Wieviorka (2004) l’individu demeure en proie

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à un dilemme interne. Il se trouve fragmenté entre son identité culturelle et les impératifs de la société en matière d’affichage des symboles culturels. Il souligne:

The characteristic of community identities in democratic societies at least is to be constantly under pressure from demands for total closure of the group and demands for it to be more open to the outside world. (p. 291).

Dans cette perspective, malgré la mise en place d’appareils juridiques qui protègent la différence, les actes discriminatoires sont toujours présents dans la société, mais sous une forme diffuse. Le différent reste perçu comme une « menace » dans une société qui, elle-même se sent en danger face à la prolifération des symboliques culturelles dans son contexte (Wieviorka, 2004). C’est dans ce sens que les auteurs multiculturalistes voient que, malgré l’avancée en matière de reconnaissance des spécificités et des droits culturels de la minorité dans certains pays multiculturels, cette reconnaissance demeure insuffisante si elle n’est pas accompagnée d’une légitimité sociale, comme le soulève Constant (2000) :

Le renforcement de l’arsenal juridique de lutte contre le racisme et la xénophobie ne suffira pas à lui seul à restaurer le lien social. Il doit être associé à une valorisation de la diversité culturelle et de l’identité culturelle (p. 70-71).

C’est en ce sens que les exigences de reconnaissance de l’identité culturelle peuvent prendre des formes violentes. En effet, les affrontements présents dans certaines régions du monde, sous-entendent une « conscience de son identité

culturelle » et une défense au nom d’une identité diluée dans des pratiques

superficielles ou « des manœuvres d’assimilation » (Constant, 2000 : 29). Aujourd’hui, la religion en est l’exemple le plus récurrent. La protection d’une identité culturelle, ancrée dans la religion, peut prendre des aspects meurtriers.

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I.4. Économique

Les débats politiques, sociologiques et culturels évoqués plus haut, seraient incomplets s’ils n’étaient pas associés à une problématique économique illustrée par « la culture marchande » née de la mondialisation (Warnier, 2003). Car si cette dernière est une affaire ancienne (Mattelart, 2002 ; Hall, 2008), elle s’est renouvelée par l’entremise d’une accélération économique, due à la « compression du temps et de l’espace »15 grâce aux nouvelles technologies. Ce « New World »

(Robins, 1997: 12), considéré à la fois comme phénomène culturel et économique, a laissé place à un processus complexe et incertain, tel que mentionné par Tardif et Farchy (2006) : « La mondialisation culturelle modifie les conditions dans

lesquelles se déroulent les interactions entre les sociétés et leurs cultures » (p. 19).

La culture, sous l’emprise de la mondialisation, constitue le cœur de la réflexion que portent Hervé Juvin et Gilles Lipovetsky (2010) dans leur ouvrage intitulé

L’Occident mondialisé: controverse sur la culture planétaire. Pour ces auteurs,

nous sommes au cœur d’une « culture-monde » dont le vecteur principal est le profit. Lipovetsky (2010 : 16) souligne à ce propos : «Quand l’économie devient

culture et quand la culture pénètre la marchandise, sonne l’heure de la culture- monde ». Tout ce qui touche à la culture semble se muer peu à peu en une

tendance économiste et consumériste. En effet, pour ces auteurs, la mondialisation a créé une uniformisation culturelle due à l’amplification des médias (films, livres, musique, bande-dessinée, publicité) et du web qui mettent en place des produits uniformes pour la consommation et qui portent de « la valeur culturelle » (p. 65). Même si le constat sur l’origine occidentale16 de la « culture–monde » est sans

15Lipovetsky (2010) souligne que cette formule reprise par plusieurs auteurs revient à David Harvey (1989) dans son livre : The Condition of Postmodernity. An Inquiry into the Origins of Cultural Change, Cambridge: Mass, Blackwell.

16 Nous précisons qu’il s’agit ici de « l’origine » occidentale de l’uniformisation culturelle et non pas ses caractéristiques mêmes, étant que le modèle culturel occidental se propage et s’imprègne, en même temps, d’autres modèles culturels venus d’ailleurs. Lipovetsky (2010) indique à ce propos : « Ce ne sont pas les contenus culturels de l’Occident que le reste du monde veut s’approprier. Ce sont les outils universels qu’il a réussi à mettre en place » (p. 331).