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Le rapport annuel d’éthique (2011)

Chapitre VI. La diversité culturelle à l’épreuve de l’universel

Niveau 2. Organisationnel

III. Les deux rapports annuels d’éthique

III.2. Le rapport annuel d’éthique (2011)

Nous allons effectuer, dans ce qui suit, une description de ce rapport, rédigé uniquement en anglais, en le comparant avec celui qui a précédé.

D’abord, soulignons que bien que le rapport poursuive l’usage de la notion de « diversité » à l’instar du rapport précédent (et non pas de diversité culturelle) cette notion est définie d’une manière distincte. En effet, si dans le rapport précédent, elle était définie en lien avec l’environnement interne de l’Organisation qu’elle mobilise d’une perspective « micro », dans ce dernier rapport de l’éthique, la diversité est énoncée d’une perspective macro dans laquelle elle est définie comme suit : « People from varied backgrounds, cultures and experiences » (p. 7). Malgré cette transition et, malgré l’introduction du terme « culture » qui laisse entendre que l’Organisation reconnaît la diversité culturelle de ses membres, cette

133 « Rapport annuel d’éthique 2011 », [en ligne],

http://www.unesco.org/new/fileadmin/MULTIMEDIA/HQ/ETHICS/images/Ethics%20Office%20 Annual%20Report%202011.pdf (Page consultée le 12 septembre 2012)

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nouvelle définition est dépouillée de l’interaction et de l’inclusion qui ont déterminé la diversité culturelle dans le discours externe de l’Organisation.

Qu’est-ce qui distingue ce rapport de celui précédent ?

D’abord, le nombre de demandes formulées par les femmes domine encore. Ensuite, les demandes qui concernent l’harcèlement moral et sexuel, de même que les relations interpersonnelles ont augmenté comparativement à l’année précédente.

Enfin, quantitativement, la notion de « diversité » a été citée trois fois dans le corps du rapport, d’une manière très secondaire.

Récapitulation et conclusion : Les trois paradoxes autour de la diversité culturelle

L’objectif de ce chapitre était d’examiner la manière dont s’exprime la relation de l’Organisation avec la diversité culturelle dans ses documents internes. Ce qui a retenu notre attention tout au long de cette analyse du contenu des documents organisationnels, est la présence d’un certain nombre de paradoxes. D’une part avec son discours officiel externe, que nous avons analysé précédemment et d’autre part avec ce qu’elle énonce à l’interne. Ces contradictions sont les suivantes :

• Paradoxe 1 : Organisation internationale, qui mise sur le national

Le grand paradoxe dans une Organisation dont le fonctionnement dépend de la diversité de ses fonctionnaires et qui œuvre pour la protection de la diversité culturelle dans son discours externe est qu’elle mise dans son discours interne, sur la diversité géographique/nationale dans la procédure de recrutement. Dans cette

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perspective, l’Organisation semble s’engager dans une voie éloignée de ce qu’elle a émis dans son discours officiel vu dans le chapitre précédent. Elle est prisonnière de ses propos.

Dans cette perspective, il nous semble que l’Organisation, à travers ses politiques, se conduit comme toute autre entreprise traditionnelle à qui les recherches critiques ont reproché le caractère objectif et essentialiste attribué à la culture et à l’identité. Les documents internes admettent les diverses dimensions (sexe, race, genre et l’appartenance) mais en les proscrivant. L’orientation des politiques internes en matière de diversité culturelle peut être expliquée dans les propos de Semprini (1997). Ce dernier, situe cette méconnaissance dans le débat épistémologique entre « la philosophie libérale » et « la théorie intersubjective de l’individu » (p.74). Il souligne à ce propos :

Tout ce qui représente un obstacle à la réalisation de cet être abstrait (Liens, contexte, affectivité) est considéré comme une entrave ou un résidu (p. 74).

• Paradoxe 2 : Diversité culturelle entre discours et réalité.

L’employé qui se présente à l’Organisation est doté d’une race, d’un sexe et d’une religion. Seulement, cette dernière choisit de faire abstraction de son identité culturelle au moment du recrutement.

Par ailleurs, le discours organisationnel interdit l’expression des valeurs, des expressions religieuses et des tendances politiques. Il favorise, par conséquent, une diversité a-politique et a-religieuse, en synchronisation avec son statut d’organisation internationale. Seulement, l’approche objective sur laquelle table le discours organisationnel est confrontée à une réalité organisationnelle différente de ce qu’elle énonce dans son discours interne. En effet, les rapports d’éthique évoquent clairement des enjeux sérieux issus de l’interaction avec la diversité, comme la « discrimination ». Ces documents appellent, par conséquent, à la

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« transparence », la « tolérance » et mentionnent que l’organisation doit mettre en place des pratiques de gestion nécessaires à la mise en place d’un « environnement

de travail favorable » (p.16). Cet énoncé confronte le refus persistant de

l’Organisation de reconnaître une identité culturelle à ses membres. Continuant à véhiculer des valeurs occidentales qui tablent sur l’indifférence de l’identité culturelle et le détachement de son contexte d’appartenance et de sa culture (Semprini, 1997 ; Søderberg et Holden, 2002 ; Sackmann et Phillips, 2004), une fois qu’elle se mêle concrètement à la réalité de ses employés comme elle l’a fait dans ses rapports d’éthique, elle se heurte à une réalité différente de ce qui se reflète dans ses politiques internes.

• Paradoxe 3 : la diversité culturelle appréciée au niveau du discours de

la Haute direction de l’organisation mère mais dissoute dans la pratique

Le manque d’attention accordé à la diversité culturelle semble quelque peu s’atténuer lorsque nous aboutissons aux Rapports d’éthique de l’Organisation. Seulement, le corps du texte de ces rapports est décevant lorsque nous le comparons au discours officiel valorisant la diversité, émis par la Directrice générale à l’introduction des rapports. En effet, si le discours de la directrice a évoqué la diversité des employés en termes d’appréciation et de richesse, le corps des textes des rapports a vu en cette diversité un problème qu’il propose de gérer. Il s’agit par conséquent d’un décalage, entre deux conceptions divergentes sur la diversité culturelle.

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