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Chapitre II. Le cadre conceptuel: Épistémologie bi-disciplinaire

I. 4.1.1.2 Linguistique/Symbolique

I.4.2. Moral Case for Diversity

Nichée dans les études portant sur la « diversity management », la diversité d’une perspective morale est considérée par Özbilgin (2009) comme un champ à part entière. Les profondes iniquités qui régissent le milieu de travail forment le problème central qui anime les théoriciens qui appartiennent à cette approche. Leur pari est d’améliorer le sort de la diversité dans l’organisation, souvent considérée comme synonyme de minorité ou de marginalité (Jonsen et al., 2011). Ainsi, Jones et Stablein (2006) estiment que:

Much of the literature on workplace diversity invites the reader to engage with an activist or change-oriented stance that is not simply managerialist, but which is linked to social justice movements and their agendas (p. 157).

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La perspective critique fonde son approche en mettant en exergue les procédés de pouvoir alimentés par des intérêts d’un groupe dominant. Cette approche témoigne donc de son engagement social ou politique. C’est dans cet élan que certaines critiques se sont élevées contre les formes de célébrations d’aspects (multi) culturels qui représentent un « Showcase» (Prasad et Mills, 1997). Dans cette veine, Herring et Henderson (2011) dénoncent les agendas des journées (multi) culturelles que célèbrent certaines organisations. Si leur but est d’afficher leur empathie à l’égard des communautés culturelles, elles échouent à rendre compte de la réalité sociale que vivent ces groupes. Car elles ne prennent pas en charge la dimension « subjective » à travers laquelle ces dernières se reconnaissent. Par ailleurs, ces mêmes auteurs ont exprimé leur intérêt pour les procédures sélectives de recrutement de la diversité. Pour eux, ces pratiques demeurent discriminatoires car elles représentent une restriction imposée à la minorité dans son accès à l’emploi.

There must be the notion that everyone deserves a chance especially those who are routinely denied such opportunities. Without linking it to concerns about access, equity, parity, and opportunity, the usage of the term diversity is hollow (p. 636)

Les nouvelles critiques soulevées par l’approche morale à l’égard de la diversité, situent cette dernière sur la base de la reconnaissance de l’histoire individuelle comme élément qui façonne la signification de la diversité.

I.4.2.1. Le facteur histoire pour définir la diversité

En évoquant l’histoire pour traiter de la diversité, on met l’emphase sur les individus qui ont expérimenté l’oppression par le passé et dont la voix a été noyée dans les pratiques de gestion. Les études qui ont défendu cette approche abordent la diversité en termes de « historically disadvantaged groups » (Prasad et al.,

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2006) ou « historically excluded groups » (Konrad, 2003). Leur but est de mettre en exergue les relations de pouvoir dans l’organisation.

Ainsi, des auteures comme Litvin (1997) ou Mor Barak (2005) se sont attelées à l’élément historique dans le construit de la diversité. Leurs travaux confèrent une place centrale à l’histoire dans l’approche d’une réalité établie sur l’iniquité. En effet, l’histoire a été moins clémente envers certains individus, rendus vulnérables à cause de la domination politique qui les a touchés à un certain moment de leur vécu. C’est dans cette perspective que Nkomo (1996) déclare que si on dissocie l’histoire de l’identité, la diversité devient superflue. Ainsi, les auteures appellent à étudier l’aspect historique qui divise et qui privilégie certaines identités par rapport à d’autres, si on veut comprendre réellement la diversité.

Pour les tenants de cette approche, l’organisation poursuit, à l’interne, le même processus historique (Mor Barak, 2005), d’une manière différente, mais qui persiste. Konrad (2003) par exemple, affirme que la mémoire de cette division historique, se poursuit jusqu’à l’intérieur de l’organisation, par l’entremise des clivages sociaux. Elle affirme à ce propos:

When African Americans predominate in lower-level

organizational positions whereas managers and professionals are almost exclusively Anglo, Organizational boundaries underscore the historical disparity between these ethnic groups (Konrad, 2003:

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La diversité est ici associée aux groupes « systématiquement » marginalisés qui expérimentent une iniquité de traitement dans l’organisation (Prasad, 2009). Cette injustice, plusieurs auteurs critiques l’expliquent par le procédé de la discrimination. Mor Barak (2005) clarifie ainsi que le concept de discrimination n’a acquis sa connotation négative que lorsqu’il fut introduit dans le milieu de travail avec l’arrivée des femmes (p. 141). Ce concept, de discrimination, est associé au pouvoir. Il indique la tendance des membres appartenant à un même groupe ethnique à se privilégier par rapport à d’autres groupes. Ils octroient moins

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de privilèges à ces derniers, en se basant uniquement sur leurs aspects culturels, par exemple la langue. Ce qui explique que les « groupes historiquement exclus » occupent la base de l’organisation, comme l’indique Konrad (2003)

La production « classique » de l’histoire constitue la principale critique que Prasad (2009) adresse aux recherches qui se sont concentrées sur le sujet. Pour lui, il s’agirait d’une histoire écrite par une « élite », qui transmet son point de vue et dans laquelle la voix de l’autre n’est pas suffisamment prise en compte.

Those [les oubliés de l’histoire] whose voice consciousness has been systematically marginalized within the hegemonic writing of history by bourgeois elites (Prasad, 2009: 360. Parenthèses rajoutées).

Cette façon de faire reste, selon lui, axée sur la dyade dominant-dominé ; opprimant/opprimé et par la suite, employeur/employé. On y retrouve le modèle occidental/universel concentré sur la pratique de catégorisation dans laquelle nous retombons. C’est pourquoi cet auteur considère que l’important n’est pas l’histoire elle-même, mais la façon dont elle est vue et interprétée. Car cette façon fait abstraction de l’aspect évolutif et changeant de l’histoire.

Les auteurs qui défendent l’expérience historique dans la définition de la diversité souhaitent que l’organisation soit capable d’émettre un discours plus sensible au rôle de l’histoire pour une meilleure pratique de gestion.

Au-delà de la critique de l’approche précédente, les auteurs qui s’inscrivent dans ce sous-champ perçoivent la diversité comme étant contrôlée par les détenteurs du pouvoir. L’exposition de la diversité aux situations de domination (Ögbor, 2006), ouvre en même temps une porte à son affranchissement et offre une vision alternative au contrôle comme obstruction grâce à la « micro-émancipation » (Alvesson et Willmott, 2011).

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Ainsi, la perspective économique, dans cette tendance morale, est totalement omise. Les chercheurs se situant dans ce courant, préfèrent se concentrer sur le pouvoir et l’exclusion d’une manière qui reprend le programme social et politique vu précédemment dans le multiculturalisme. Ils oublient que l’enjeu principal de l’organisation est le bénéfice économique34 (Mor Barak, 2005). L’appel que font

certains auteurs à l’instar de Prasad et al., (2006) est celui de gérer la diversité pour améliorer le bénéfice de l’organisation, mais aussi en adoptant une approche morale qui reflète une véritable considération des besoins et des enjeux de la