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Élargir la définition : « Diversité culturelle/Cultural diversity »

Chapitre II. Le cadre conceptuel: Épistémologie bi-disciplinaire

III. Élargir la définition : « Diversité culturelle/Cultural diversity »

Avant de passer à l’analyse du terrain de la recherche, il nous paraît essentiel de préciser la diversité culturelle sur laquelle reposera notre recherche. L’adoption de la terminologie « diversité culturelle » reflète notre position par rapport à la littérature et décide, en même temps, de la manière dont nous allons la saisir le long de notre propos.

Plusieurs terminologies comme interculturalité, multiculturel ou multiculturalisme sont voisins de celle de la diversité culturelle. Considérons au début que ces terminologies s’intéressent communément à la manière dont une société interagit

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avec les cultures et les identités qui cohabitent en elle et dont les échanges adoptent diverses modalités.

Il serait pertinent de spécifier le sens des termes utilisés dans notre propos, même si la littérature organisationnelle favorise davantage l’usage de diversité ou diversité culturelle (Ely et Thomas, 2001; Jonsen et al., 2011). Ainsi, le multiculturel ou l’interculturel par exemple, sont évoqués à l’échelle sociale et en lien avec la question de la minorité issue de l’immigration et en rapport avec les enjeux qui dérivent de sa présence (Stoiciu et Hsab, 2011). En outre, le traitement de la question de la minorité et des communautés culturelles étant contingent (Prasad et al., 2006), il convient, également, de préciser que ces terminologies coïncident avec l’agenda politique de la société dans laquelle se présentent les différentes communautés.

Ainsi, trois importantes terminologies sillonnent la thèse et nous requièrent un effort de clarification.

D’abord, interculturel. Dans leur article « Communication internationale et communication interculturelle : des champs croisés, des frontières ambulantes », Stoiciu et Hsab (2011) définissent l’interculturel comme suit: « L’interculturel

désigne souvent, une rencontre, une relation de coprésence culturelle entre individus ou groupes, acteurs de la communication » (p. 11). L’interculturel

suggère ainsi, selon les auteurs, l’idée de partage de l’expérience culturelle et l’interaction entre des individus de cultures différentes. C’est pourquoi, l’interculturel renvoie aussi aux « phénomènes de communication dans une

situation de pluralisme ethnique et culturel » (p. 12). Compte tenu de la situation

d’interaction, les auteurs précisent qu’il existe des enjeux reliés à l’interculturel. Ils nomment la gestion de la diversité comme élément de ces enjeux.

Ensuite multiculturel. Cet adjectif indique la présence de plusieurs cultures distinctes. Contrairement à l’interculturel, elles n’entrent pas en contact. Plutôt, elles demeurent rivées à leurs singularités culturelles dans une perspective dans laquelle la coexistence domine. Dans l’avant-propos de son livre le

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multiculturalisme, Fred Constant (2000) indique que ce terme est traversé de

« métaphores anglo-saxonnes » (p. 7) à l’exemple de « Melting pot » ou « Kaleidoscop » ou encore « Mosaic » (ibid). Ce registre, selon le même auteur, dénote le passage d’une société monoculturaliste vers une autre dans laquelle se présente une visibilité des communautés culturelles. Stuart Hall (2008 : 374) les qualifient de sociétés « culturellement hétérogènes ».

Pour sa part, le substantif multiculturalisme, se présente comme un sujet de débat étant un mouvement qui cherche à conjuguer les lois sociales communes avec les spécificités culturelles des communautés (Constant, 2000). Cet auteur indique que plusieurs acceptions peuvent découler du terme, ce qui indique la pluralité des voies qu’il peut emprunter. Ainsi, il peut indiquer une réalité sociodémographique pluraliste, ce qui lui octroie une dimension « descriptive ». Il peut également s’inscrire dans un registre politique étant traversé par un discours de contestation. En effet, le multiculturalisme renvoie aux revendications qui visent la reconnaissance des spécificités culturelles des communautés et une « place » dans les lois (Semprini, 1997, Constant, 2000). Ce qui lui attribue une valeur « prescriptive ». Il peut aussi référer aux mesures politiques concrètes qui s’inscrivent dans le cadre des demandes exprimés par les multi-culturalistes à l’instar de l’« action affirmative » ou le « politiquement correct ». Ce qui lui accorde une portée « programmatique » (Constant, 2000 : 19-22).

Enfin la diversité culturelle. La « Déclaration universelle de l’Unesco sur la diversité culturelle » (2001) la définit comme suit :

La diversité culturelle, patrimoine commun de l’humanité. La culture prend des formes diverses à travers le temps et l’espace. Cette diversité s’incarne dans l’originalité et la pluralité des identités qui caractérisent les groupes et les sociétés composant l’humanité. Source d’échanges, d’innovation et de créativité, la diversité culturelle est, pour le genre humain, aussi nécessaire qu’est la biodiversité dans l’ordre du vivant (article 1).

La diversité culturelle fait, d’abord, référence à la reconnaissance des cultures et des identités et se prononce à l’encontre d’une valeur universelle qui ignore les

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spécificités culturelles (Unesco, 2001, 2005). Ensuite, certains auteurs (exemple, Dietz, 2007; Herring et Henderson, 2011) expliquent que la diversité culturelle est une évolution du discours sur la différence culturelle. Si au début, ce discours a méconnu des individus à cause de leur appartenance culturelle, langue, religion, race, orientation sexuelle, etc, la diversité culturelle, en revanche, appuie ces différences culturelles et cherche à les impliquer dans la société ou l’organisation. C’est pourquoi, pour ces mêmes auteurs, elle vise la valorisation (« promotion ») de la diversité à travers une action normative dont l’objectif ultime est l’inclusion. Finalement, soulignons que la diversité culturelle outrepasse une conception basée sur la différence culturelle et relève de « la pluralité des identités qui caractérisent

les groupes et les sociétés » (Unesco, 2001). Par conséquent, elle n’est pas

uniquement rattachée à un aspect de la différence culturelle. Comme le souligne Dietz (2007), la diversité culturelle, étant à l’encontre de la sanctuarisation des culturelles, elle appelle, plutôt à l’inclusion de toutes les cultures : « A situation

that includes representation of multiple (ideally all) groups within a prescribed environment, such as university or workplace» (Diversity Dictionary cité par

Dietz, 2007: 8).

Cette brève présentation terminologique nous permet de situer notre propos. En effet, nous plaidons pour l’utilité de la reconnaissance de la diversité culturelle à travers sa gestion. L’enjeu fondamental, pour nous, ne se restreint pas à la définition terminologique. Cette dernière peut se référer à une multitude de définitions, toujours possibles de critiques. Nous concevons plutôt, que le vrai défi se présente dans le traitement adéquat des acteurs de la diversité culturelle. C’est pourquoi nous pensons qu’il serait pertinent de proposer des suggestions d’ordres pratiques issues de la revue de la littérature, en prenant en considération les critiques avancées par les auteurs que nous avons présentés précédemment. Ce point de vue se consolide lorsque l’on se rappelle que la diversité culturelle se pose dans l’articulation des valeurs universelles avec des cultures et identités spécifiques (Mattelart, 2002). Ceci constitue pour nous le cadre le plus significatif.

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Ainsi, l’engagement pratique de l’organisation en égard avec la diversité de ses membres implique, à nos yeux, les consignes suivantes :

- Multiple : La diversité culturelle dépasse les repères visibles traditionnellement considérés pour définir l’identité culturelle. Elle ne concerne pas une seule dimension de la diversité culturelle et ne se restreint pas à une seule catégorie. Il s’agit, plutôt, d’inclure l’ensemble des identités qui se présentent dans l’organisation. La diversité culturelle implique également la multiplicité des politiques et des pratiques. Sa définition, étant celle qui va à l’encontre d’une approche unique.

- « Responsable » (Barth, 2007) : Dans la lignée du « Moral Case for

diversity», la diversité culturelle engage une pratique qui atteste de

l’expérience singulière de l’identité culturelle. Elle reconnait les nuances qui sous-tendent les différences et plaide pour une pratique qui va dans l’intérêt de la diversité culturelle même et non pas uniquement dans celui de la productivité de l’organisation.

- Variable : Ouverte aux changements dans le temps. Les pratiques devraient être suffisamment flexibles pour se réajuster selon des événements (macro) sociaux qui modèlent son usage.

- Directive : Implique une réaction légale à la présence de la diversité culturelle. En effet, on ne peut reconnaitre la diversité culturelle si elle n’est pas accompagnée d’une ligne directrice claire à propos de son rôle et de sa place dans l’organisation. Mais aussi d’une manière qui favorise l’inclusion de tous les membres de la diversité culturelle. Dans le cas contraire, comme l’indiquent les multiculturalistes, le sentiment d’être « mis de côté » alimentera l’esprit de certains membres de l’organisation.

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La définition de la diversité culturelle d’un angle pratique ici proposée, est portée par nos attentes par rapport au contexte idéal de l’Organisation, sujet de cette recherche. Par conséquent, c’est cette terminologie que nous allons adopter dans l’examen du volet pratique de la recherche.

Récapitulation et conclusion

Partant du concept central de notre problématique et de notre interrogation sur sa portée pratique dans une organisation internationale, nous avons défendu l’idée d’une approche bi-disciplinaire. Cette considération se place dans la ligne de la « réflexion épistémologique » émise par Jack et al., (2008 : 870) sur la nécessité d’instaurer un dialogue entre les théories critiques de gestion de la diversité et celles internationales qui considèrent la culture à travers les « Cross-Cultural

Studies ». Il ne s’agit pas de séparer les deux approches, mais de les considérer

dans une perspective complémentaire.

D’importants travaux sur la diversité culturelle ont été menés ces dernières années. Les dernières recherches sont toujours à l’affût des meilleurs moyens pour réussir son inclusion dans l’organisation. Par ailleurs comprendre et gérer la diversité culturelle, devrait être effectué sur la base de l’interaction et non pas sur celle de la catégorisation.

C’est cette relation que nous allons maintenant scruter dans une organisation internationale, affiliée à l’Unesco.

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