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La culture à partir de l’approche des « Cross-Cultural Studies »

Chapitre II. Le cadre conceptuel: Épistémologie bi-disciplinaire

II. Culture et identité : apport des « Cross-Cultural Studies »

II.1. La culture à partir de l’approche des « Cross-Cultural Studies »

des limites que nous venons de décrire. Nous proposons, plutôt, d’aborder la diversité culturelle, à partir d’un contexte international, comme échantillon d’un monde de plus en plus multiculturel. D’où l’apport des « Cross-Cultural Studies ».

II.1. La culture à partir de l’approche des « Cross-Cultural Studies »

Les théoriciens qui s’inscrivent dans le champ du « Cross-Cultural Studies », admettent l’importance d’intégrer la culture dans les études de management international (Yeganeh et Su, 2006: 364). Situons d’abord les Cross-Cultural

Studies dans le temps. Elles constituent une méthode pour comparer différentes

cultures dans le but de découvrir les caractéristiques qu’elles partagent ou qui les séparent (Schaffer et Riordan, 2003). Leurs origines remontent au 19ème siècle

dans le sillon des travaux qui ont étudié les cultures d’une perspective évolutionniste38 (Kinzer et Gillies, 2009) avant de faire leur apparition dans le

champ des études organisationnelles et particulièrement dans le domaine du management international (Søderberg et Holden, 2002). Récemment, la culture, à partir des « Cross-Cultural Studies » se positionne comme une alternative aux travaux positivistes qui ont abordé la culture comme uniforme et stable (Hofstede, 1980 cité par Yagenah et Su, 2006). L’approche « Cross-Cultural Studies » considère, plutôt, la culture en termes de relations et d’interactions afin de comprendre la « complexité culturelle » (Hannerz, 2010)39 qui caractérise le

38 Expliquant la perspective évolutionniste qui caractérise les premières approches en « Cross- Cultural Studies », Kinzer et Gillies (2009) soulignent : «The notion that all societies progress through an identical series of distinct evolutionary stages » , [en ligne],

http://anthropology.ua.edu/cultures/cultures.php?culture=Cross-Cultural%20Analysis (page consultée le 11 mai 2015).

39 Ulf Hannerz (2010), dans son analyse de « la complexité culturelle », a posé un regard anthropologique moderne sur la mondialisation et ses paradoxes. Pour cet auteur, la culture doit être conçue comme un « flux ». Son argumentation découle de l’observation du mouvement de la marchandisation des biens culturels à l’échelle internationale et de la mobilité humaine qui ne cessent de s’intensifier. Ces deux éléments cruciaux, font que la culture ne peut être analysée que dans une logique de sens et d’interprétation. C’est pour quoi, pour lui, « la culture est devenue avant tout une affaire de sens » (p. 29). Le sens tel qu’il apparaît avec Hannerz (2010) se renouvelle de l’aspect dynamique (flux), qui ne peut être saisi que dans l’interaction (croisement

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contexte organisationnel établit sur la diversité. Elle fonde son principe sur l’abolition de la catégorisation et prône le relativisme culturel.

Ainsi, Sackmann et Phillips (2004) considèrent l’émergence d’une « nouvelle

réalité » (p. 375) dans le contexte organisationnel engendrée, parmi d’autres

facteurs40, par la pluralité des identités. Pour les auteurs, la culture de

l’organisation est tributaire dans sa définition par les changements contextuels ainsi que la dynamique des interactions entre les diverses identités, à qui, cette approche, reconnait les diverses appartenances (exemple, sociales, nationales, religieuses). Ensemble, ces éléments vont octroyer à la culture organisationnelle une définition plurielle qui s’oppose à l’idée d’une culture unique. Ainsi, la culture, influencée par l’omniprésence des identités diverses dans l’organisation de même que par leurs interactions, est définie comme une activité dynamique, contingente et spécifique à une organisation car elle s’actualise avec le renouvellement des interactions des diverses identités culturelles. Cette vision de la culture comme dynamique relationnelle et plurielle est privilégiée par les auteurs des «Cross-Cultural Studies ». Ils suggèrent qu’il revient au management de considérer cette nouvelle conception plurielle de la culture de l’organisation dans ses pratiques de gestion :

Studies of the new multicultural work realities call for a conceptualization of culture that allows the surfacing and identification of the various facets of cultures that may impact on work life and individual identities at a given point in time while also being sensitive to cultural dynamics and resulting cultural complexities (Sackmann et Phillips, 2004: 378).

des cultures individuelles dans le déplacement humain et circulation culturelle par l’échange des biens économiques).

40 Sackmann et Phillips (2004) défendent l’idée de l’émergence d’une « nouvelle réalité » dans le milieu de travail influencée par plusieurs facteurs. En plus de la diversité culturelle qui dynamise le contexte organisationnel, les auteurs considèrent que les nouveaux moyens de communication (facilitent l’accès à l’information et instaurent la permanence du travail) ainsi que les changements politiques (les frontières sont désormais questionnées; renforcement des ethnies et intensification des luttes identitaires), économiques (développement du régionalisme et des alliances) ont un impact sur la vie organisationnelle et contribuent à l’émergence d’une réalité complexe (p. 375)

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Ainsi la culture est socialement construite. Édifiée par les interactions humaines, elle prend en considération des éléments comme le contexte et l’identité afin de penser la culture dans un monde plus interdépendant et plus complexe (Søderberg et Holden, 2002).

Yeganeh et Su (2006) nous rappellent que l’approche socio-constructiviste, favorisée par les « Cross-Cultural Studies » a émergé suite aux critiques adressées à des travaux considérés positivistes comme celui effectué par Hofstede (1980) dans son ouvrage Culture’s Consequences. Cette célèbre recherche, comme le décrivent les auteurs, a fait de la culture un élément fondamental dans l’étude d’une organisation (IBM). En effet, Hofstede (1980) a défini un style de management propre à l’organisation selon quatre dimensions « bipolaires » qui découlent de chacun des pays où l’organisation étudiée est établie. Toutefois, afin de mettre en exergue l’efficacité de l’approche socio-constructiviste dans les recherches organisationnelles « cross-culturelles », Yeganeh et Su (2006) ont expliqué que les résultats du travail de Hofstede demeurent limités parce qu’ils ont ignoré des éléments moins constants de la culture comme « la religion, la langue et l’histoire » (p. 365). Ces mêmes auteurs voient que si Hofstede (1980) a pris pour acquis les dimensions nationales, il a ignoré les paramètres culturels en constante mutation et leur renouvellement par les interactions quotidiennes. Ailon-Souday et Kunda (2003) indiquent à ce propos : « Merely the passive embodiment of a

predetermined cultural template » (p. 1074 dans Ybema and Byun, 2009 : 340).

Plus fondamentalement, il s’agit de souligner l’absence du contexte interculturel de la manière dont Hofstede a défini la culture nationale. Conséquemment, si des recherches négligent l’élément contextuel, le résultat peut mener à une étude incomplète. Dans cette perspective, la culture assume une perception homogène du contexte organisationnel, en fermant les yeux sur les éléments internes qui le caractérisent (Søderberg et Holden, 2002). Ainsi, cette définition de la culture, insuffisante pour répondre aux défis de la complexité de la diversité culturelle (Dietz, 2007 : 7), ne coïncide pas avec une nouvelle réalité organisationnelle plus

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diversifiée, établie sur l’interaction des membres ayant des identités différentes. Le contexte organisationnel est considéré par conséquent comme une place d’interactions et de négociations (Romani et al., 2011: 2) et non une donnée objective.

Il revient ainsi au « Cross-Cultural Studies », dans sa forme « récente » (Kinzer et Gillies, 2009) le bénéfice de s’approprier la culture comme établie sur l’interaction des sujets. À partir de ces considérations Søderberg et Holden (2002) soulignent le lien de la culture avec la communication. Cette dernière est l’objet de toute relation avec d’autres cultures et d’autres identités :

This relational approach to culture and the idea of cultural complexity suggest that every individual embodies a unique combination of personal, cultural and social experiences, and thus that ultimately any communication and negotiation is intercultural (Søderberg et Holden, 2002: 112)

Ainsi, cette perspective théorique sur l’approche « socio-constructiviste » de la culture, nous exhorte à ne pas partir de l’idée préconçue de la culture comme donnée positive ou négative (Dietz, 2007 : 22). Il faudrait plutôt la considérer comme pratique symbolique, qui s’érige dans un contexte spécifique de par les interactions établies dans l’organisation. Dans ce constat, Søderberg et Holden (2002) notent la manière dont les études en management voient que les relations dans l’organisation se heurtent à la culture de l’altérité qu’ils considèrent comme barrière à l’interaction. Les auteurs défendent l’idée que la culture doit être intégrée dans les relations et peut fournir un apport positif et même une richesse pour les relations intra-organisationnels (p. 105).

Finalement, tel qu’évoqué plus haut dans ce chapitre, Jack et al., (2008) invitent les chercheurs dont l’intérêt est l’organisation internationale, à repenser la culture d’une perspective plus critique « What if culture were diffuse and heterogeneous,

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Les auteurs s’éloignent d’une perspective innocente mais qui influence la manière dont l’autre est perçu.

La culture, d’une perspective des « Cross-Cultural Studies », étant érigée dans les interactions des différentes identités, nous exhorte à interroger la signification de l’identité culturelle. Nous procédons dans ce qui suit à sa définition.