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: La suprématie de la constitution

Les phénomènes politiques qui ont accompagné le réveil des peuples autochtones et la poussé des approches identitaires dans les sciences sociales ont obligé à réaménager les notions de suprématie de l’Etat et de constitution sur les plans politique et juridique. La définition de l’Etat comme le détenteur du monopole légitime de la force et, par la suite, de la culture et de l’ordonnancement juridique a dû être nuancée. La crise de la suprématie de l’Etat et de la constitution obéit aussi aux processus d’intégration supra-étatique, où la souveraineté semble devenue obsolète, non essentielle, partagée entre plusieurs titulaires, voire « limitée dans les conditions essentielles de son exercice »5.

Si la souveraineté est par définition la puissance au-dessus de tous, cette suprématie réclame l’exclusivité ; autres choses sont les conditions d’exercice de la souveraineté : par le pouvoir constituante, par le législateur ou par les tribunaux suprêmes d’une juridiction. Au sens propre, le pouvoir de l’Etat est souverain, et par extension, les organes titulaires du pouvoir suprême de l’Etat et les actes par lesquels s’exercent ces attributions suprêmes sont dits aussi souverains. Ainsi, le peuple est souverain et un référendum, étant souverain, peut échapper au contrôle de constitutionnalité.

Les Etats ont le réflexe instinctif de sauvegarder globalement la suprématie de leur ordre juridique et de leur légitimité. Pour cela ils n’hésitent pas à adopter des stratégies pragmatiques, à faire de concessions, à tolérer des disfonctionnements, à promulguer des statuts spéciaux ou à adopter des formules fédératives. De la sorte, l’ordonnancement juridique des Etats devient moins rigoureux et conduit ainsi à modifier les constructions théoriques des juristes. On ne peut pas faire l’économie des « scandales juridiques» que de telles nouveautés soulèvent.

Quant aux peuples autochtones étudiés, ils ont préféré entretenir des rapports ambigus avec les Etats et leurs constitutions puisque d’une part, les autochtones acceptent de renforcer les systèmes constitutionnels à condition que leurs ordonnancements autochtones y trouvent une place légitime mais, d’autre part, les peuples autochtones ont réussi à obtenir une véritable autonomie politique, laquelle n’est pas absolu mais elle inclue la reconnaissance et l’application effective des ordonnancements juridiques autochtones.

Les peuples autochtones, soucieux de leur autonomie, ont paradoxalement tendance à se rapprocher du modèle étatique. Leur revendication des droits fondamentaux, des droits sociaux et culturels et la formulation par écrit des traditions juridiques orales sont autant de preuves de leur rapprochement du modèle étatique6.

Dans les pays ayant reconnu les peuples autochtones, l’Etat détient toujours la maîtrise de l’espace politique structuré et la constitution garde son unité, matériel et formel, juridique et politique. Les nations s’effacent un peu au fur et à mesure que les cultures gagnent en visibilité comme nouvelle unité politique et sociale. De ce fait, la théorie constitutionnelle classique se trouve éclaté. La reconnaissance de la diversité culturelle relâche, certes, la rigueur des théories juridiques, remet en question les méthodes du rationalisme juridique et montre l’illusion d’une recherche de pureté absolue du droit. Les pluralismes juridiques mis en place pour les peuples autochtones commencent à élaborer une théorie juridique propre, plus pragmatique mais pas encore mûre.

5 Conseil constitutionnel français, décision du 9 avril 1992 n°92-308 DC sur le Traité de l’Union Européenne.

6 Jon LANDABOUROU a participé dans la formulation par écrit des traditions juridiques indigènes.

Lorsque l’Etat admet explicitement les peuples autochtones et leurs conceptions particulières du droit, on commence à lire différemment la constitution et les lois et à reconnaître la spécificité des ordonnancements autochtones à l’intérieur de l’Etat. Ces types de pluralisme juridique n’impliquent pas le refus de l’unité du droit. La constitution garde sa suprématie, bien que son unité et sa cohérence accusent l’impacte de la reconnaissance des ordonnancements juridiques autochtones. Les critères d’efficacité et de plénitude du système juridique se trouvent également modifiés.

En revanche, si face à la diversité culturelle et au multiculturalisme déjà mis en place par les ordonnancements constitutionnels, on présuppose que la théorie constitutionnelle se situe au sommet de la hiérarchie des sources du droit, sorte de grundnorm théorique, on doit en déduire que les constitutions, les lois et la jurisprudence ne sont que des sources d’absurdités et de contradictions inacceptables. Or, la théorie constitutionnelle se construit à partir de la constitution sans pour autant devenir constitution. Pareillement, une théorie de l’art n’est pas de l’art.

Les forces politiques et les acteurs institutionnels donnent un contenu concret aux énoncés constitutionnels, qui servent à développer, plus tard, une théorie juridique propre à chaque constitution. Ainsi, le Canada et la Colombie se sont mises à construire leur propre version du pluralisme juridique ; l’Australie tente de cantonner les peuples autochtones dans leurs revendications territoriales et en France métropolitaine, la jurisprudence reste fidèle au monisme juridique, si cher à tradition républicaine, en admettant la diversité culturelle et le pluralisme juridique pour le peuple Kanak dans la lointaine Nouvelle-Calédonie.

La jurisprudence et la doctrine juridique, ces puissants vecteurs d’unification du droit7, se sont attachés à concilier l’unité juridique avec la diversité culturelle, en s’inspirant des concepts déjà connus de pluralisme politique et de diversité idéologique. Pourtant la diversité culturelle joue sur un registre plus profond, celui de la cosmovision, de l’anthropologie, des valeurs juridiques et des principes de légitimation. La culture n’équivaut pas à la philosophie, ni n’a la portée universelle de la philosophie mais elle comporte une série de postulats implicites que les communautés humaines acceptent comme objectifs et évidents.

L’ethnocentrisme peut parfois amener à percevoir sa propre culture comme supérieure aux autres cultures, voire qu’elle est universalisable.

Auparavant, les choses se passaient autrement : les différences culturelles étaient refoulées ou ignorées ; la tolérance trouvait des issus pratiques dans les zones de non droit situées à la périphérie de l’Etat et de la société ; la jurisprudence s’occupait de résoudre, d’une manière pragmatique et ponctuelle, les conflits culturels traduits en justice ; les administrations coloniales traitaient les cultures des peuples autochtones comme arriérées et les indigènes n’avaient pas la capacité juridique civile ni la force politique nécessaire pour revendiquer la prise en compte de leur droit autochtone.

A partir de l’année 1969 s’est produit un réveil des peuples autochtones qui ont emprunté le langage des opprimés puis adopté la logique identitaire. Le premier discours a donné lieu à des revendications sociales tandis que la reconnaissance de leurs identités s’est concrétisée en institutions de participation politique, statuts personnels, régimes d’autonomie politique et nouvelles territorialités dont le but est de sauvegarder l’identité culturelle des peuples

7 Jacques CHAVALIER, L’Etat post-moderne, Paris, L.G.D.J., 2004.

autochtones. Dans les décennies 1980 et 19908 les constitutions et les juridictions des Etats ont commencé à reconnaître les ordonnancements juridiques autochtones,et aujourd’hui les autochtones jouissent de la pleine citoyenneté, de capacité juridique civil, de certains droits collectifs et d’un présence politique relativement importante sur les scènes politiques nationales et internationales.

Dans son article What is legal pluralism ?, John GRIFFITHS avait signalé en 1986 que le pluralisme juridique adopté par un Etat possède trois caractéristiques9, qui reconduiraient le droit vers le centralisme juridique :

- le système juridique étatique est politiquement supérieur ;

- en cas de conflit entre différentes normes, le système juridique étatique prévaut et établi les critères, les compétences et les formalités pour résoudre le conflit ;

- les classifications, les descriptions et les analyses des différents systèmes seront fixées par le système juridique étatique.

GRIFFITHS a tout à fait raison : les Etats qui ont adopté le pluralisme juridique n’ont pas renoncé au principe centralisateur bien qu’ils aient accepté de le nuancer, ce qui a entraîné des recompositions non négligeables de l’Etat et, surtout, de la théorie constitutionnelle.

Le pluralisme juridique issu de la diversité culturelle peut emprunter plusieurs formes, plusieurs voies pour faire cohabiter l’unité et la diversité juridiques :

- réduire la constitution à un cadre minimal d’institutions, de préceptes et de droits communs aux différentes cultures ;

- établir une hiérarchie interne des préceptes constitutionnels ;

- signaler, explicitement ou implicitement la portée mono-culturelle ou multiculturelle de certains préceptes constitutionnels ;

- admettre diverses lectures d’un même texte constitutionnel, d’après les différents présupposés culturels ;

- mettre en relief les valeurs et les principes juridiques qui sont derrière les normes ; - dédoubler l’Etat pour construire des ordres politiques et sociaux sous-étatiques, en

parallèle pour les peuples autochtones, lesquels seraient en même temps différents et ressemblants à l’Etat ; ce qui a été le cas des colonisations.

Un pluralisme juridique modéré est possible à l’intérieur d’un système constitutionnel, sans faire appel à aucune supra-constitutionnalité, qui à la fin se révélerait dangereuse pour l’ordre démocratique comme le prévenait le doyen Georges VEDEL. Il y aura à résoudre les inévitables tensions entre les normes constitutionnelles. Les particularismes culturels peuvent opérer comme exception d’inconstitutionnalité (et non pas comme chef d’accusation d’inconstitutionnalité).

§ 1

: le droit devenu identitaire .

La culture dans le sens de l’identité de l’individu10, par définition, n’est pas légiférée et réclame son antériorité par rapport à tout ordonnancement collectif (culturel, social ou juridique). L’identité de l’individu est et agit, se construit et évolue dans son milieu social.

8 Cf. annexe N° 2 : chronologie de la reconnaissance des peuples autochtones dans les constitutions.

9 John GRIFFITHS, What is legal Pluralism ?, article publié dans la revue Journal of Legal Pluralism and Unofficial Law, N° 24, 1986, pp. 1à 55.

10 L’auto-compréhension de l’individu et les conséquences et comportements qui en découlent.

C’est dans un sens dérivé que l’appartenance collective, le contrôle social et les règles de comportement d’une société humaine s’appellent aussi identitaires et culturels mais – remarquons- en ayant effectué le passage au collectif, ce qui marque une différence importante avec l’identité individuelle.

Lorsque les règles de comportement culturel se trouvent juridiquement formalisées (comme normes, jurisprudence, précédents coutumiers, mythes collectifs, etc.), l’autorité publique peut exiger son accomplissement, on a franchi le seuil juridique11: désormais ces règles de comportement relèvent du droit. On pourrait affirmer que le droit rend fermes les mêmes règles de comportement que la culture traite avec souplesse ; autrement dit, que les rapports d’altérité culturelle sont plus libres de coercition que les rapports d’altérité juridique.

De la sorte, l’ordonnancement juridique est le prolongement de l’ordonnancement culturel.

Mais ces réflexions correspondent à la philosophie du droit et de la culture.

Un droit identitaire se situerait au bout d’une ligne de continuité entre l’identité individuelle, l’appartenance collective à une culture et la formalisation des règles de comportement pour protéger aussi bien l’identité individuelle que l’appartenance collective. A partir du seuil juridique, les autorités publiques exigent toute une série de comportements donnés, par exemple, au patron et au employé, selon la maxime romaine Ius sui unicuique tribuere secundum ordinem civitatis.

Graduellement et imperceptiblement, le droit constitutionnel semble adopter les critères identitaires. Les sciences sociales ne conçoivent plus des sociétés homogènes, comme l’affirmait la théorie classique de l’Etat nation, mais comme un ensemble de majorités et de minorités qui cohabitent, s’organisent et se recomposent en permanence ; ce qui revient aux corps sociaux sous-nationaux (voire intermédiaires) et aux phénomènes d’intégration supra-nationale dont l’avenir est encore inconnu. Philipe REYNAUD12 prévient qu’on aurait tort de trop vite conclure à l’émergence d’un monde post-national et cosmopolite. Pour l’instant, les Etats deviennent multiculturels et doivent s’occuper de protéger les identités et de gérer la diversité culturelle, comme le constate le rapport de l’ONU sur « La liberté culturelle dans un monde diversifié »13.

Pour l’anthropologie et la sociologie contemporaines, l’homme abstrait et universel du libéralisme individualiste se révélé aujourd’hui vide d’identité. A partir des années 1970, suite aux approches identitaires et culturalistes des sciences sociales, le droit est sensé de procurer un cadre juridique approprié pour l’« homme situé »14 dans les communautés de proximité. Les Etats libéraux puis les Etats sociaux ont répondu à cette demande en reconnaissant des droits collectifs et des droits fondamentaux dans un contexte multiculturel, ce qui permet d’échapper aux communautarismes fermés tout en assurant une nouvelle version des libertés individuelles qui tienne compte de l’identité des personnes concrètes et de leur insertion social.

Avant le réveil identitaire des années 1970, l’identité culturelle et l’insertion sociale des personnes allaient de soi. Actuellement, les Etats sont sensés assurer une protection juridique

11 Le seuil marque la frontière à plusieurs niveaux : entre l’autonomie et l’intégration à l’ordre étatique, entre les droits individuels et les droits collectifs, ou bien entre la diversité et l’homogénéité culturelle. Les seuils ont besoin d’un critère recteur et d’un principe de proportionnalité, pour être appliqués.

12 Philippe REYNAUD, L’Etat, les pouvoirs et la liberté, in Pluralism and Law, ouvrage publié sous la direction d’Arend SOETEMAN, Kluwer Academic Publishers, Dordrecht (Pays Bas), 2001, page 82.

13 2004

14 Selon l’expression utilisée par Pierre BURDEAU.

des identités culturelles, aussi bien minoritaires que majoritaires. C’est aux individus de se procurer un nouvel espace de liberté entre leurs appartenances multiples ; d’autre part, c’est aux Etats de droit de garantir les conditions pour les recompositions identitaires.

Un tel changement de paradigme est un processus coûteux et difficile. Les juristes d’un Etat de droit se méfient instinctivement des nouveautés et ont le réflexe de mépriser le pluralisme juridique fondé sur la diversité culturelle qu’ils associent au droit coutumier, aux enjeux coloniaux et aux peuples aborigènes.

Pourtant le pluralisme juridique fondé sur la diversité culturelle n’a pas apparu du jour au lendemain. Les peuples autochtones ont hybridé leurs ordonnancements aux éléments normatifs et théoriques offerts par le droit constitutionnel des Etats. Ainsi la catégorie des droits collectifs développée pour les consommateurs, un autre groupe en situation d’infériorité, se retrouve aujourd’hui ré-élaborée au centre d’un droit identitaire. D’autres concepts de l’Etat libéral comme les droits de l’Homme, la discrimination positive et la participation démocratique, adaptés aux enjeux identitaires, sont fréquemment invoqués par les peuples autochtones.

Les sociétés homogènes et culturellement unifiées n’ont pas besoin d’un droit identitaire qui, d’ailleurs, n’agit pas dans les situations d’harmonie culturelle mais lorsque les tensions culturelles ont atteint une certaine importance. L’approche identitaire élargie le principe juridique de la dignité humaine, des droits fondamentaux en tant qu’êtres humains, à la reconnaissance et protection des besoins spécifiques des personnes membres des groupes culturels.15

D’autre part, les ordonnancements qui ont adopté le pluralisme juridique, ont également élargi leur système des sources du droit16 dans un double sens : premièrement, pour reconnaître les modalités juridiques des peuples autochtones, comme les jugements par consensus, les récits mythiques et la magie et, deuxièmement, pour devenir plus réceptifs aux sciences sociales qui permettent d’expliquer la complexité des faits sociaux.

Le droit identitaire en formation prend les éléments du droit moderne, particulièrement les statuts territorial et personnel, pour en permettre un usage stratégique (politique) qui facilite les recompositions identitaires et la mobilité sociale. Les sciences auxiliaires du droit inspirent les législateurs dans cette démarche et apportent au droit identitaire leurs observations et analyses à travers la jurisprudence.

§2

: les types de normes.

La constitution se trouve toujours au sommet d’un ordonnancement juridique devenu espace juridique multiculturel et inter-culturel, où l’on trouve des préceptes multiculturels à côté des préceptes mono-culturels.

Un pluralisme juridique fondé sur la diversité culturelle des peuples autochtones donnerait lieu à de divers types de préceptes constitutionnels, exclusifs pour l’Etat national dont la société est majoritaire et pour les peuples autochtones (ces deux premiers types sont des normes mono-culturelles) et, enfin, des préceptes partagés issus d’énoncés normatifs partagés entre les différentes cultures, selon deux modalités sémantiques :

15 Charles TAYLOR, Multiculturalisme, différence et démocratie, Champs – Flammarion, 1992, p. 19

16 Le système de sources du droit appartient matériellement à la constitution

- une signification unique pour les diverses cultures, c’est à dire, des domaines d’intersection ou polysémiques, voire susceptibles de diverses lectures d’après chaque culture. Entre ces deux modalités sémantiques se jouent les processus de construction et de déconstruction de l’unité et de diversité juridique ;

- une articulation technique entre les divers ordonnancements, comme la création d’une juridiction inter-culturelle pour harmoniser les décisions d’origine diverse.

Entre les préceptes mono-culturelles et les préceptes multiculturels existerait une tension comparable17 à celle qui existe entre les normes générales et les normes spécifiques : si l’on adopte une hiérarchisation, la norme spécifique devrait se subordonner à la norme générale ; en revanche, si l’on choisi de privilégier le régime d’exception, la norme spécifique prévaudra sur la norme générale et si l’on décide de les hybrider, on trouvera des solutions ad-hoc pour chaque situation. Les normes multiculturelles pourraient prévaloir sur les normes mono-culturelles ou bien le contraire ou encore on choisira d’hybrider le droit des diverses cultures.

§3

: les modèles de constitutions multiculturelles.

Les préceptes mono-culturels et multiculturels se situent dans le texte de la constitution selon trois modèles assez schématiques : confusion des normes dans un seul niveau ou texte constitutionnel, des articles ou des chapitres spécifiques pour les peuples autochtones et une constitution à plusieurs niveaux, voire intégrée par divers textes comme les traités historiques intégrés dans la constitution canadienne de 1982.

Les trois modèles proposés ne se limitent pas simplement à l’emplacement des énoncés constitutionnelles dans le texte de la constitution ; ils concernent plutôt les rapports que chaque précepte entretien avec l’ensemble du système juridique. Il reviendra au régime des sources du droit, aux acteurs institutionnels, nationaux et autochtones ou à la jurisprudence de préciser le sens et la portée des normes constitutionnelles18 en identifiant un noyau commun aux différentes cultures et un autre niveau exclusif pour la culture nationale de référence.

Le premier modèle, fait de confusion des normes mono-culturelles et multiculturelles dans un même texte mais ayant divers rang juridique, est illustré par la constitution colombienne de 1991, que la jurisprudence de la Cour constitutionnelle de Colombie s’est permis de distinguer et de hiérarchiser dans l’arrêt Torres contre Autorités Traditionnelles Arhouaques19 de 1998. La Cour a précisé que la forme unitaire de l’Etat et les notions juridiques de dignité humaine et de noyau des droits fondamentaux étaient supérieures aux préceptes constitutionnelles de la diversité et de l’autonomie des peuples indigènes. En même temps, l’unité de l’Etat, la dignité humaine et le noyau des droits fondamentaux fonctionnent comme des vecteurs d’articulation, voire d’unification inter-culturelle du droit constitutionnel colombien.

Le deuxième modèle, fait d’articles spécifiques pour les autochtones, est représenté par la constitution de la V République Française qui reconnaît le “statut de droit local” à Mayotte.

Ce statut comprend des règles à la fois coutumière et des règles résultant du rite Chaféite (l’un des quatre rites sunnites). Il s’agit d’une norme qui constitutionnalise le particularisme juridique de Mayotte, sans dépasser son cadre territorial et culturel spécifique. La révision

17 Il s’agit d’une analogie, où l’on ne peut pas prévoir toutes les différences et les ressemblances.

18 Pierre AVRIL, Les Conventions constitutionnelles, PUF, 1997

19 Arrêt SU-510 du 18 septembre 1998. Rapporteur : Magistrat Eduardo Cifuentes. Le conflit s’est présenté entre l’ Eglise Pentecôtiste Unie de Colombie IPUC et les autorités traditionnelles du peuple Arhuaco, qui ont interdit les actes de culte aux indiens convertis à la dite Eglise.

constitutionnelle de 1998 concernant la Nouvelle-Calédonie constitue un autre exemple de préceptes spécifiques créant la spécificité juridique à base culturelle

constitutionnelle de 1998 concernant la Nouvelle-Calédonie constitue un autre exemple de préceptes spécifiques créant la spécificité juridique à base culturelle