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: la récupération des traités historiques

En 1924 le chef Deskaheh s’est rendu à Genève auprès de la Société des Nations et de la Cour Permanente de Justice internationale, assisté d’un avocat suisse, pour demander l’exécution d’un traité signé en 1750 entre la Fédération Iroquoise des Six Nations et le représentant de Sa Majesté le roi d’Angleterre. La requête a été déclarée irrecevable et le Chef Deskaheh mourut deux ans plus tard. D’après Norbert Rouland, à partir de cette date, les Iroquois n’ont plus continué à se manifester auprès de la Société des Nations comme Etat ou nation mais comme minorités, ou groupes ethniques ou autochtone165. Quelques décennies plus tard les peuples autochtones ont repris l’interprétation des traités de la période coloniale, sur le plan interne, comme source d’obligations pour l’Etat canadien. La Constitution de 1982 a incorporé au droit public canadien les accords, historiques et contemporains, puis la jurisprudence et les négociations ont précisé la portée des traités historiques signés avec la France et l’Angleterre.

Ces traités historiques contiennent des énoncés juridiques166 dont l’interprétation choisie peut produire des effets décisifs sur l’intégrité de l’Etat canadien et modifier complètement le statut des peuples autochtones. Les traités historiques ont-ils le caractère de traités internationaux dans le sens contemporain ? Ou bien, ces traités historiques auraient-ils perdu leur force juridique ? Les traités historiques auront-ils besoin d’une renégociation ou suffira-t-il de les réinterpréter pour les mettre à jour ?

Les traités historiques des peuples autochtones n’ont pas été formellement abrogés ; pourtant une transformation profonde semble certaine du fait de l’« internalisation » des traités historiques par un transfert graduel des relations entre les Etats et les peuples autochtones du domaine du droit international à celui du droit interne167. Le régime de l’ONU présuppose que les Etats détiennent la suprématie politique et juridique du droit international.

La Convention de Vienne sur le droit des traités a confirmé cette suprématie des Etats. Elle ne s’applique pas aux traités autochtones non pas parce que les traités autochtones ne relèveraient pas per se du droit international, mais du fait que la Convention ne s’applique pas rétroactivement et qu’elle n’engage que les Etats qui y ont adhéré.

Dans ce contexte, les traités historiques peuvent avoir diverses significations comme l’adhésion des peuples autochtones à l’univers juridique des Etats, comme des peuples équivalant aux Etats ou l’incorporation des peuples autochtones à l’Etat signataire en gardant une certaine autonomie interne pour conserver leur ordonnancement juridique.

164 Selon certains auteurs, la souveraineté étatique traverse un processus de redéfinition ; cf. les travaux du canadien Michael KEATING qui parle d’une période post-souverainiste, dont l’Union Européenne serait l’avant-garde.

165 Norbert ROULAND et alii, Droit des Minorités et des Peuples Autochtones, Paris, PUF, 1996, p. 482.

166 Michel TROPER fait la différence entre énoncés juridiques et normes juridiques ; les relations entre les deux dépendent de l’interprétation ; cf. La Philosophie du droit, Paris, PUF, 2001. Norbert ROULAND parle d’une manière plus littéraire de la magie de l’interprétation, op. cit. ,. p. 29

167 Isabelle SCHULTE-TENCKHOFF, La question des peuples autochtones, Editions Bruylant - LGDJ, 1997, Paris, p. 169.

Dans le premier cas le pluralisme juridique aurait le caractère de droit international public alors que, dans le second cas, le pluralisme juridique se situe dans le domaine du droit public interne.

L’équivoque a été toujours maintenue vis-à vis des peuples autochtones sous le régime de l’indirect rule coloniale. Les traités historiques furent des actes de reconnaissance mutuelle et de fixation des termes d’entente, comme les limites territoriales, la validation des actes juridiques de l’autre société, le commerce, la chasse, la pêche, etc. C’est la preuve du fait qu’aux XVIIème et XVIIIème siècles les peuples autochtones sont entrés dans l’univers juridique moderne, tout en faisant valoir leurs droits, individuels et collectifs, préexistants : Ubi societas, ibi ius.

A partir des traités historiques faisant partie du processus colonisateur, le pluralisme politique et juridique s’est instauré. Les peuples autochtones aussi bien que l’Etat colonial ont renoncé à l’exclusivité de leur légitimité pour admettre la légitimité de l’autre. Puis la complexité de la pratique du droit, le dynamisme des sociétés168 et l’évolution des concepts ont fait que, sur le plan sociologique, les peuples autochtones et l’Etat ont entamé des processus d’hybridation de longue haleine et que, d’autre part, les notions juridique se sont nuancées et finissent par perdre leur rigueur originaire.

Suite aux mouvements de l’histoire, il arrive que celui qui était perçu comme un envahisseur abusif au début, acquière progressivement une légitimité et que la société primitive, juridiquement infériorisée, devienne une culture ancestrale respectable de laquelle tous se réclament. Nombreux sont les cas d’invasions où les autochtones et les occupants se sont mélangés au bout de quelques siècles : l’Empire Romain, les vagues d’immigration musulmane en Indonésie, le métissage hispano-afro-indien en Amérique Latine, entre autres.

Les traités historiques ont suivi les contingences du système de Ius Gentium et du processus de colonisation dans lesquels ils s’insèrent. Leur validité ne doit pas être surestimée comme préceptes traversant les siècles sans modification de leur portée juridique169. L’apparition du droit international contemporain empêche de transposer dans notre époque les traités historiques dans les mêmes conditions qu’au XVIIème et XVIIIème siècles.

D’autre part, dans le droit public contemporain, les changements politiques et l’évolution des mentalités produisent d’importantes transformations que les énoncés abstraits et la rigueur d’une logique formelle n’arrivent pas à saisir. Ainsi, la disparition du Ius Gentium et la consolidation de l’Etat ont laissé sans effet les traités historiques. Mais sur ces points, les choses ne sont pas si claires puisque la constitutionnalisation des traités historiques au Canada et la re-sémantisation de l’indirect rule afin de lui ôter son sens colonial ont fait revivre en 1982 un certain sens d’égalité entre les peuples autochtones et l’Etat.

Il convient de remarquer les axiomes théoriques sous-jacents au raisonnement foncièrement historiciste des défenseurs des traités historiques conclus par les peuples autochtones canadiens :

168 Les phénomènes d’hybridation sociale les plus importants pour l’anthropologie sont : les mariages, l’éducation et les rites funéraires communs aux diverses cultures.

169 En Europe les juristes considèrent que les traités historiques ne peuvent pas être revendiqués au-delà de leur époque.

- la priorité de l’histoire sur l’Etat entraîne que l’Etat ne serait plus la source du droit, et que l'histoire de l'humanité prendrait sa place. Cela implique que le droit est antérieur aux Etats, qui ne sont qu’un phénomène récent sinon temporaire dans l'histoire de l'humanité170 ;

- L’histoire donnerait la priorité au droit autochtone, dont la continuité n’est pas mise en doute ; on applique par analogie la maxime romaine prius in tempore potior in iure ; les invasions des peuples autochtones guerriers sont ignorées ;

- implicitement chaque ordonnancement juridique reconnaît la légitimité de l’autre, ainsi que la compatibilité et la nécessité réciproques ; voilà le fondement pour une entente de principe, souvent non explicité pendant longtemps par les acteurs livrés aux polémiques ;

- la Constitution de 1982 est le support juridique positif du droit autochtone ; l’Etat reconnaît sa pré-existence, et les peuples autochtones, à leur tour, reconnaissent l’existence de l’Etat.

Mais il y a deux effets souvent non explicités par les défenseurs des traités historiques : invoquer les traités historiques entraînerait la reconnaissance par les autochtones du fait et de la légitimité de la présence coloniale, et par conséquence d’un type particulier de relations entre autochtones et colons. Qui plus est, le fait d’accorder un grand poids à l’histoire dans l’interprétation du droit peut conduire soit à une tentative de rétablir l’ordre aboli, soit à une ouverture aux nouveaux enjeux.

L’histoire montre que les sociétés humaines apparaissent et se transforment en permanence et il en va de même pour les institutions politiques et pour les ordonnancements juridiques. En revanche, leurs axiomes théoriques171 et leurs mythes fondateurs se situent toujours dans une continuité temporelle pour conforter les intérêts qu’ils sont censés protéger.

Emprunter ces vérités à l’histoire et à la politique, deux sciences auxiliaires du droit172, donne du réalisme aux Etats de droit contemporains et permet de saisir leurs limites.

Les peuples dominateurs les plus puissants tels que les Perses, les Romains et les Aztèques ont trouvé leur fin. Les guerres et les révoltes peuvent faire disparaître un système juridique. Parfois, la disparition des systèmes juridiques se produit graduellement et discrètement, dans le « malentendu opératoire de la politique »173. On ne peut pas écarter la possibilité que les Etats actuels disparaissent un jour de même que les tribus, soit violemment soit politiquement, par exemple, sous la pression des structures mondiales ou par la fragmentation de leurs populations ou par un effondrement démographique174 ou par un processus de colonisation, vecteurs entre autres de profonds changements175.

Les traités historiques ne sont pas immuables. Le principe du réexamen périodique des traités ou des éléments des traités, rend possible l'extinction des droits des autochtones selon une tradition qui, en Nouvelle-France, remonte à l’époque de Champlain. Actuellement le

170 Andrée LAJOIE, Intervention lors de la 36e législature, Débats de la Commission des institutions, 2e session, le 23 mars 2001. Sur le site internet : ttp://www.assnat.qc.ca/fra/Publications/debats/epreuve/ci/030123/1600.htm

171 La théorie du droit et la dogmatique, que Michel TROPER définit comme le discours sur les discours juridiques, souvent n’utilisent que le temps grammatical du présent.

172 Jean GAUDEMET décrivait l’histoire comme la servante des disciplines juridiques, économiques et sociales, dans le sens du champ d’expérience des sciences sociales. Brochure du Colloque de Strasbourg, 1952, pp. 122-135, publié dans l’ouvrage Sociologie historique du droit, Paris, PUF, 2000, p. 11.

173 Jacques CHEVALIER, Institutions Politiques, PUF, 1996.

174 Norbert ROULAND et alii, Droit des minorités et des peuples autochtones, PUF, 1996, p.365.

175 « Nous autres, civilisations, savons que nous sommes mortelles » a écrit Paul Valéry.

gouvernement fédéral veut négocier avec les peuples autochtones selon une formule d’«extinction supplétive», beaucoup plus respectueuse à l’égard des peuples autochtones que les termes utilisés vers 1613176 par Champlain avec les Algonquins et les Hurons pour faire la guerre aux Iroquois. Tous les ans ils renouvelaient les ententes et les traités d'alliance qu'ils avaient conclus en faisant des modifications.

Or, le non-usage des droits reconnus par un traité n’entraîne pas leur extinction. La Cour Suprême du Canada a estimé en 1990 dans l’arrêt Sioux que l’extinction d’un traité demanderait le consentement des Indiens qui y sont parties et, d’autre part, l’intention claire et expresse du gouvernement fédéral de mettre fin à ce traité.

Lorsque la jurisprudence se livre dans certaines paragraphes de ses décision à des considérations historiques, c’est pour affirmer le caractère de nations souveraines que les peuples autochtones ont eu dans le passé : “Les documents historiques nous permettent plutôt de conclure que tant la Grande-Bretagne que la France considéraient que les nations indiennes jouissaient d’une indépendance suffisante et détenaient un rôle assez important en Amérique du Nord pour qu’il s’avère de bonne politique d’entretenir avec eux des relations très proches de celles qui étaient maintenues entre nations souveraines (...). Cela indique clairement que les nations indiennes étaient considérées, dans leur relations avec les nations européennes qui occupaient l’Amérique du Nord, comme des nations indépendantes ”177.

Mais aujourd’hui, la jurisprudence canadienne considère que les traités historiques font partie de l’ordonnancement juridique interne de l’Etat, en vertu de l’article 35 de la Constitution de 1982. D’autre part, la souveraineté des peuples autochtones n’a pas été traitée comme un droit par la jurisprudence de la Cour Suprême. Pour l’Etat de droit, la souveraineté n’est pas un droit ni de la nation ni des peuples autochtones mais un attribut essentiel de l’Etat que la Cour Suprême du Canada n’a mis en doute en aucun moment.

Le temps historique178 ainsi que la territorialité179 sont des éléments constitutifs aussi bien des Etats que des peuples autochtones. Si la continuité historique est interrompue ou si le territoire est perdu, des efforts seront nécessaires pour reconstruire la structure de pouvoir en déplaçant les nouvelles formes d’organisation ayant pris le relais. Bien entendu, l’Etat qui a incorporé des populations diverses, met en place de manière légitime des stratégies pour ne pas perdre son pouvoir politique ni laisser périmer son droit, comme dans le cas de la stratégie de captation juridique des autochtones180 dont parle Norbert ROULAND.

§ 1

: les enjeux coloniaux.

L’arrivée des colons européens antérieure à la création de l’Etat s’est faite graduellement².

Du XVIIème et XVIIIème siècle, les colons européens n’exercent qu’un faible contrôle sur le territoire canadien d’ailleurs tellement immense qu’il a permis la cohabitation des autochtones et des non-autochtones. Les guerres, certes à moindre échelle, n’ont pas manqué entre les autochtones et les colons ou entre les divers peuples autochtones. Or, au début, les colons ont

176 N’est pas évident l’argument du Professeur LAJOIE d’appliquer aux peuples autochtones pacifiques de nos jours les critères des rapports guerriers entre les peuples autochtones du début du XVIIIème siècle.

177 Cf. l’arrêt chef Dickson, Recueil des arrêts de la Cour suprême du Canada, Arrêt Sioui, Juge en chef Brian Dickson, le 24 mai 1990, page 1025.

178 Non pas sur une temporalité abstraite ou mythique.

179 On dirait la dimension historico-géographique, anciennement appelée géographie humaine et sociale.

180 Captation juridique sur la scène interne et au niveau des organisations internationales.

dû compter sur l’aide précieuse des autochtones pour survivre et pour exploiter la pêche, les forêts et les fourrures. Puis la création des établissements permanents a permis des relations prolongées entre les amérindiens et les colons ainsi des liens de coopération et de collaboration se sont tissés.

Cette période est caractérisée également par la conclusion de traités et d’alliances qui montrent à l’évidence que la souveraineté des peuples autochtones n’était pas encore éteinte.

On trouve divers types de traités et d’accords, comme :

- des cessions territoriales dont le but a été d’assurer l’indépendance résultant des équilibres de pouvoir entre les colons et les peuples autochtones ;

- des démarcation des frontières, susceptibles de révisions et d’actualisation comme toutes les questions frontalières entre les Etats ou entre les collectivités territoriales ; - des alliances militaires face aux menaces d’autres puissances coloniales ou d’autres

Indiens ; tant que les besoins de sécurité existaient, ces accords ont eu une validité ; - des traités de paix définissant le statut des vaincus et rétablissent un ordonnancement

juridique, soit unifié soit pluraliste. L’arrêt Francis v. The Queen de 1885 a refusé de reconnaître aux traités de paix et d’alliance un caractère international ;

- des opérations commerciales qui auraient revêtu quelques traits des accords entre sujets de droit international.

En Nouvelle-France, c’est Champlain181, qui accepte de se joindre à des Algonquins de la vallée de l’Outaouais et à des Hurons pour aller faire la guerre aux Iroquois. Cette alliance fut importante car elle apporta aux autochtones un appui militaire et technologique et un rôle d’intermédiaire et d’interlocuteur pour la traite des fourrures. Pour les Français, cette alliance leur a permis de constituer des établissements pour le commerce des fourrures et favorisa l’accès aux territoires de leurs nouveaux alliés.

En Amérique du Nord, la colonisation fut caractérisée par une occupation progressive des territoires, par moment ambiguë ou simplement symbolique. Le flou juridique et conceptuel provient du fait qu’il n’y a pas eu de victoire militaire décisive pour soumettre les peuples autochtones ni un document officiel explicite consacrant l’extinction de l’autonomie des peuples autochtones mais un processus de captation juridique et politique mené en douceur et ayant pour effet de produit d’une manière progressive et presque insensible l’extinction de l’autonomie autochtone. L’article 25 de la Constitution du Canada situe un premier moment fort de l’incorporation à la souveraineté territoriale de l’Angleterre le 7 octobre 1763 lors de la Déclaration Royale.

Une lecture de l’ensemble du processus de colonisation du Canada permet d’affirmer que les Européens sont arrivés en tant que colons et conquérants malgré les modestes ressources dont ils disposaient182. Le résultat en termes d’expansion de leurs Etats d’origine a été l’annexion des territoires et des populations autochtones, au terme d’une histoire collective antérieure à la Constitution de 1982. Le récit de l’histoire collective sert comme axiome du droit constitutionnel et comme principe d’interprétation de la Constitution. Mais si le remaniement de l’histoire collective est trop profond, pourrait-on aller jusqu’à délégitimer l’ordre juridique en place ?

181 Le grand architecte des alliances Franco-autochtones a conclut des traités même avant même d’avoir le mandat de le faire en 1613 lorsqu’il a été nommé lieutenant du vice-roi de la Nouvelle-France.

182 Pour marquer le contraste, les Espagnols sont arrivés en Amérique Latine d’abord en conquérants puis en colonisateurs. Une fois réussi la domination, ils n’ont eu besoin de conclure aucun traité avec les indiens.

Il semble que cela serait le cas de certaines régions du Canada où l’histoire détaillée de la colonisation montre des vides importants et où les équivoques sur certains alliances militaires suggèrent que quelques communautés indiennes auraient réussi à garder leur autonomie jusqu’à la Déclaration Royale du 7 octobre 1763. D’autres l’auraient gardée jusqu’à l’application de la Loi sur les Indiens de 1876 et quelques unes jusqu’à la Constitution de 1982. Tels sont les trois moments majeurs de l’insertion des autochtones dans l’Etat mais même de nos jours, certains peuples autochtones continuent de rejeter leur appartenance à l’Etat canadien.

Le système juridique de la période coloniale anglaise de l’indirect rule joue sur l’équivoque quant à l’autonomie des peuples colonisés. La formule n’est pas linéaire et simple ; l’indirect rule établit assez astucieusement une co-relation entre plusieurs éléments : domination politique, autonomie interne et reconnaissance du droit autochtone. Une formule intermédiaire serait-elle meilleure pour dire que les peuples autochtones n’ont été que semi-colonisés ? Cela ressemble au débat infini entre ceux qui voient le verre d’eau à moitié rempli et leurs opposant qui affirment que le verre d’eau est à moitié vide ; débat dont personne n’a jamais réussi à fournir le critère à même de le trancher définitivement.

La problématique autochtone comporte un aspect étique typiquement postmoderne que les analyses historiques conventionnels et les normes positives ne saisissent pas. Bien que les choses ne peuvent pas être ramenées à un moment historique déjà clos, cela n’enlève rien à l’impératif éthique de compenser autrement les torts causés aux peuples autochtones sur le plan spirituel et matériel183. Les droits citoyens, les régimes spéciaux et les mesures de discrimination positive en faveur des autochtones que l’Etat canadien et les provinces ont adoptés, s’inscrivent dans ces logiques de reconstruction et de compensation.

Certes, les Etats coloniaux puis l’Etat canadien ont accordé aux peuples autochtones diverses modalités d’autonomie, soit juridique soit de fait. Puis la Loi sur les Indiens de 1876, la Constitution de 1982, d’autres normes juridiques et les traités contemporains, ont accordé des droits citoyens et des prestations aux autochtones en vue de légitimer l’autorité et la normativité de l’Etat après la méconnaissance des traités historiques.

L’histoire politique montre bien comment ont changé les axiomes politiques sous lesquels

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