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Les peuples autochtones, sous la dénomination de premières nations ou de minorités ethniques, revendiquent les attributs juridiques et les droits collectifs des peuples nationaux du constitutionnalisme classique. Ces demandes des premiers habitants s’inscrivent dans le cadre d’un Etat social de droit qui reconnaît l’égalité des droits et la diversité culturelle. Au début du XXIème siècle, les peuples autochtones rejettent toute diversité qui les infériorise en les plaçant sous la tutelle des sociétés majoritaires.

Les revendications des peuples autochtones se situent également dans le contexte d’une crise profonde des Etats nations due au dépassement des nations sur les plans politique et des sciences sociales, suite aux pressions provenant de l’intérieur, par la monté des régionalismes identitaires et amoindries aussi par la mise en place de structures supranationales. Pour les sciences sociales le peuple ne serait plus une nation unitaire et homogène, comme la croyait la doctrine des Etats-nation, mais plusieurs groupes multiformes dont l’unité fondamentale serait la culture20.

Il ne s’agit pas des peuples autochtones situés complètement à l’extérieur de la société majoritaire (en l’occurrence, la nation) mais des peuples reconnus comme une partie intégrante de la société majoritaire mais qui veulent garder leurs différences.

20 Bien que la culture ne configure nullement un espace juridiquement structuré.

§ 1

: l’exemple de l’Australie.

La constitution australienne du 9 juillet 190021 n’a rien dit sur les peuples autochtones. A partir du référendum de 1967 les individus autochtones ont acquis le statut citoyen sans constituer pour autant ni un peuple ni une nation autochtone. Depuis, l’arrêt Mabo, la Native Title Act et l’arrêt Peuple Wik ont marqué les progrès obtenus sur le plan juridique par les peuples autochtones en Australie. Mais ils n’ont encore pas réussi à obtenir des droits collectifs pour assurer leur autonomie, même si les autorités étatiques ne s’ingèrent actuellement pas dans les affaires internes des peuples autochtones.

La conception du peuple adoptée par l’arrêt Mabo est nettement celle de la monarchie ; le peuple auquel fait allusion cette jurisprudence, soit les colons anglais soit les autochtones, sont les sujets de Sa Majesté ; les colonies sont des colonies de Sa Majesté et non pas des colonies du peuple Anglais ni de colonies de l’Empire Britannique. Les peuples autochtones contemporains furent reconnus comme les descendants directes des aborigènes qui habitaient l’Australie avant l’arrivée des Européens ; mais le fait d’avoir établi une colonie de peuplement a conduit à que ces tribus nomades de chasseurs-cueilleurs soient considérés

« sans droit, ni souveraineté, et assez primitifs quant à leur organisation sociale »22, jusqu’à la reconnaissance des titres natifs du peuple Murray par l’arrêt Mabo.

Les titres natifs de l’arrêt Mabo en 1992 ont potentiellement mis en danger tout le système foncier de l’Australie, et les exploitant miniers et les éleveurs de bétail, se sentant menacés leurs droits, titres et intérêts légitimes sur la terre, ont bloqué l’application et le développement des titres natifs.

Les peuples autochtones, se considérant insuffisamment reconnus, ont choisi de se marginaliser volontairement du processus de nation building23 et d’adopter une position politique où le clivage social fondamental serait : les autochtones et les immigrants (anglais et asiatiques ensemble). Pour sa part, la société australienne ne sent pas concernée par le clivage autochtones-immigrants ; l’Australie ne se considère nullement mono-culturelle, ni opposé aux autochtones, bien au contraire son ouverture aux immigrants la fait un pays sensible à la diversité culturelle.

Quant à la nature spirituelle et religieuse des liens qui unissent les peuples autochtones avec le territoire, telle qu’elle est plaidée par les peuples autochtones, elle n’a pas été admise par la Haut Cour ni par le législateur australien. Pour les juristes occidentaux, la supériorité du spirituel sur le matériel n’est pas un enjeu inter-culturel mais un débat universel de la philosophie du droit, qui échappe à la compétence des juges et des législateurs. Par ailleurs, les fondements religieux du droit risquent de rouvrir de grands débats à l’intérieur de la culture occidentale. Voilà pourquoi les autorités étatiques séculaires résolvent des conflits politiques ou juridiques concrets mais elles ne tranchent pas un problème de la philosophie du droit, ni ne recherchent les fondements religieux du droit.

21 La Commonwealth of Australia Constitution Act a adopté le régime fédéral pour les Etats de Nouvelle Galles du Sud, Victoria, Australie du Sud, Queensland et Tasmania.

22 The indigenous people of a settled colony were thus taken to be without laws, without a sovereign and primitive in their social organization. Cfr. Arrêt Mabo et arrêt Avocat-General de Bengal contre Ranee Surnomoye Dossee

23 Grant 1997, pages 1 et 2

Les peuples autochtones des Îles du détroit Torres, ayant une capacité juridique pleine ont besoin, en même temps, de l’assistance de l’Etat pour exercer leurs droits, ce qui montre bien le double registre sur lequel ils se situent : Ils ont la pleine capacité juridique pour réclamer les titres natifs et les compensations, mais pour exercer leurs droits, ils avouent leur situation d’infériorité due à leur culture spécifique. L’arrêt Rose contre l’Etat d’Australie du Sud semble cantonner les peuples autochtones dans leur style de vie ancestrale24, ce qui apparemment serait une façon de respecter leurs cultures et qu’en même temps empêche le développement et l’exercice de leurs droits citoyens modernes.

§ 2

: l’exemple du Canada .

Depuis les années 1970, on observe d’importants changements juridiques et politiques en faveur des peuples autochtones, ce qui coïncide avec le renforcement identitaire au Québec et une campagne pour le « pan-canadisme », de type nationaliste.

La constitution du Canada de 1982 énonce les trois peuples autochtones reconnus : les Indiens, les Inuits et les Métis. L’article 25 de la constitution a reconnu comme légitimes les systèmes juridiques des peuples autochtones dont les individus jouissent d’une double appartenance25, au Canada et à leur peuple autochtone. L’effet en est une ambiguïté et une duplicité de régimes juridiques, qui se prête aux polysémies et aux jeux stratégiques caractéristiques du pluralisme juridique.

La constitution canadienne a précédé le droit à « l’égalité dans la différence » (Art.2)26, adopté par la Convention N°169 de 1989 de l’OIT, qui permet reconnaître juridiquement l’enchevêtrement des cultures par la biais d’un double régime en faveur des autochtones : celui de l’égalité juridique classique et celui des différences culturelles. De la sorte, les principes d’égalité et de différence entretiendront une dynamique et une tension constantes27.

Il y a, donc, une base d’égalité et de pleine citoyenneté pour les autochtones, et simultanément un statut constitutionnel en tant que peuples distincts de la société canadienne.

Or, la corrélation entre ces deux statuts se concrétise par les droits ancestraux sur le plan des droits collectifs, et par les garanties internes28 protégeant les individus autochtones face aux restrictions existantes à l’intérieur des peuples autochtones (contrôle social sur leurs membres, l’exercice de l’autorité, l’imposition des sanctions, etc.). Les garanties internes constituent des ingérences de l’ordonnancement libéral de l’Etat dans les peuples autochtones.

L’Etat providence est censé reconnaître au Canada tous les droits des peuples autochtones, les protéger ou compenser leur méconnaissance. Pour cela, la jurisprudence canadienne a créé une sorte de responsabilité de l’Etat vis-à-vis des peuples autochtones, l’obligation fiduciaire qui est une institution typiquement canadienne.

24 Arrêt du 1er novembre 2002

25 On peut faire aussi la distinction entre appartenance spécifique à chaque peuple, et une notion construite d’appartenance générique, commune à tous les peuples autochtones ; l’équivoque entre les deux notions est très fréquente.

26 Françoise MARTINAT, Les stratégies politiques et juridiques des leaders indigènes de la Colombie et du Venezuela, thèse soutenue à l’Université de Lille II le 12 septembre 2003, p. 103.

27 Ibidem, p. 109.

28 Will KYMLICKA, Multicultural citizenship, a liberal theory of minorities rights, Oxford University Press, 2001.

L’équation autonomie-culture constitue un autre particularisme canadien, qui relève de la doctrine et de la jurisprudence du pays, sensibles aux forces politiques internes lesquelles empruntent des argumentaires aux sciences sociales. Dans le droit public d’autres latitudes, la notion de culture ne semble pas suffisamment consistante29 pour prendre le relais de la nation.

De l’extérieur, certains universitaires ressemblent plus au militant indigéniste qu’à un juriste.

§ 3

: l’exemple de la Colombie.

La constitution de 1991 inclut dans le peuple et dans l’Etat colombien les peuples et communautés indigènes, et leur permet de participer activement dans les décisions collectives.

Les peuples indiens détiennent une large autonomie politique, législative, judiciaire et administrative, ainsi que des droits collectifs à l’intérieur de l’Etat. D’autre part, les peuples autochtones ont le statut de « minorité ethnique » reconnu par la constitution comme étant dans une situation d’infériorité sociale injuste que l’Etat doit remédier30.

Dans une logique de reconnaissance des appartenances multiples, aussi bien au niveau interne qu’international, l’article 96 octroie la nationalité colombienne aux membres des peuples indigènes qui partagent les territoires frontaliers, en conformité avec les traités internationaux. Un tel article constitutionnel pour les Indiens s’accorde bien avec le régime de double nationalité pour les colombiens qui acquièrent une autre nationalité31.

La population de l’Etat colombien est appelée peuple et non pas nation ; ce mot est réservé à la personne juridique Etat colombien et à l’ensemble de sa population. Les communautés indigènes font32 partie du peuple de l’Etat et, en même temps, elles y trouvent garanti leur droit à la différence culturelle, grâce à la mise en place d’un double statut juridique.

Reste à préciser si la sphère juridique particulière sera une pour chaque peuple indien, ou une pour chaque matrice culturelle regroupant les peuples indiens, ou une pour l’identité autochtone générique de tous les peuples indiens33. L’indigénisme colombien s’est consolidé comme un projet politique national alternatif, mis en place par la pratique institutionnelle et par les acteurs politiques à partir d’une ethnicité qui dépasse largement les peuples autochtones pour y inclure les métisses, d’autres minorités ethnique et des groupes exclus et mécontents.

Les peuples indiens ont trouvé avantageuse de capter et d’encadrer les sympathies d’autres secteurs sociaux ; comme contre-prestation le mouvement social indigéniste fait siennes les demandes sociales d’autres groupes. C’est ainsi que l’indigénisme colombien adopte certaines stratégies régionales, ou bien élargit son discours avec des éléments

29 La culture ne constitue pas un champ politiquement structuré, comme c’est bien le cas de la nation dans le droit public classique.

30 La Colombie s’est inspiré du régime international des minorités, lequel ne s’aplique pas aux petits groupes qui exercent le pouvoir. Cf. José BENGOA, Los Derechos de las minorias y los pueblos indigenas: debate internacional. Revue Diplomacia, N° 78, janvier-mars 1999, Santiago de Chile, p. 11.

31 Le régime de double nationalité est recommandé dans le rapport du PNUD 2004 sur « La liberté culturelle dans un monde diversifié »

32 Le verbe « font » décrit leur situation juridique. Les discours politiques préféreraient dire : acceptent / veulent / ont besoin / décident d’être

33 Une identité autochtone générique serait une fiction construite aussi bien pour faciliter le contrôle étatique des peuples autochtones que pour bâtir une résistance solidaire des peuples. Quelle serait l’identité partagée par les Wayous, les Guambianos et les Nukak-Maku ? Ou par les Inuits, les Navajos et les Maories ?

religieux, économiques ou de genre34. En synthèse, l’identité indienne et l’appartenance aux peuples autochtones n’ont pas été abandonnées mais élargies à l’immense réseau d’organisations associatives, écologistes, politiques et universitaires qui en Colombie et à l’étranger soutiennent l’indigénisme.

La territorialisation effective voulu par la constitution assurerait la cohésion de chacun des peuples autochtones à l’intérieur de son territoire, soit sous la forme de collectivités territoriales indigènes créées en 1991, soit sous la forme des resguardos héritée de la période coloniale et réaménagés par les lois de la république. En plus de cette réserve où l’ordonnancement et l’autorité indienne s’applique selon le critère territorial, les peuples indiens émigrés dans les villes essayent d’y construire des ordonnancements particuliers selon le critère des statuts personnels, ce qui leur permettrait de faire un usage stratégique des deux critères d’application des ordonnancements.

« Les groupes indigènes sont indéniablement privilégiés face aux autres groupes ethniques » 35, comme les afro-colombiens, les raïzales et le peuple gitan, qui entretiennent des rapports d’alliance et d’émulation avec les indigènes. Ces autres minorités ethniques construisent leur cohésion en utilisant les mêmes stratégies des peuples et communautés indigènes, comme les revendications sociales ; la territorialisation de leurs peuples ; les valeurs de l’authenticité ; la protection de l’environnement, et un récit des offenses partagées par tous36.

Les quatre-vingt-quatre peuples indigènes répertoriés par les anthropologues et par les autorités colombiennes37 ne sont pas homogènes. Malgré l’emploi inévitable dans les textes législatifs de mots génériques comme « indigènes » ou « peuples et communautés indigènes », la réalité montre une grande diversité. On peut classifier les peuples autochtones en trois typologies :

- les peuples isolés qui gardent intactes leurs coutumes et leurs traditions et qui vivent dans la marginalisation ;

- ceux qui ont réussi à re-fonder leurs bases de cohésion, grâce à des stratégies de résistance, d’appropriation d’éléments externes ou d’internalisation des représentations de l’autre favorables38.

- et les peuples désintégrés, métissés ou assimilés, actuellement en train de reconstruire leurs identités.

Les critères d’intégration et d’isolement culturel constituent des éléments pragmatiques dont la jurisprudence de la Cour constitutionnelle tient compte pour déterminer : l’applicabilité du droit étatique ou autochtone ; l’autonomie du peuple indien concret ; l’interprétation des normes, et les garanties des individus indiens. Selon la jurisprudence Torres contre Autorités Traditionnalles Arhouaques39, un peuple autochtone isolé aura une plus grande autonomie juridique par rapport à l’Etat, qu’un peuple autochtone en train de se reconstituer avec des métis.

34 Carlos Ariel RUIZ SANCHEZ,.Multiculturalismo, Etnicidad y Jurisdiccion Especial Indigena en Colombia., revue Pensamiento Juridico, Université Nationale de Colombie, N°12, 2000, p. 113.

35 MARTINA, op. cit., p. 205.

36 F. COLOM parle d’identités construites d’une manière narrative à partir des offenses partagées. Ruiz 2000, page 113.

37 Par le Departement National de Planification DNP.

38 Carlos Ariel RUIZ SANCHEZ, Multiculturalismo, Etnicidad y Jurisdiccion Especial Indigena en Colombia, article publié dans la revue Pensamiento Juridico, Université Nationale de Colombie, N°12, 2000, p. 117.

39 SU-510 du 18 septembre 1998 ; rapporteur : magistrat Eduardo Cifuentes

§ 4

: l’exemple de la France.

La France métropolitaine conserve son attachement à la nation, conçu comme le peuple

« un et indivisible ». La République soupçonne qu’un droit à la diversité détruirait la cohésion essentielle à l’Etat et que le pluralisme serait l’ennemie de l’unité de l’Etat, du peuple et du droit. Ayant disparu le concept de « peuples d’Outre-mer », issue de la période de la décolonisation, aujourd’hui la seule exception à l’unité du peuple français se trouve dans la loi constitutionnelle du 20 juillet 1998 qui a reconnu, au sein d’un peuple français l’identité propre des populations d’Outre-mer, dont les Kanaks.

De la sorte, le droit constitutionnel admet qu’en Nouvelle-Calédonie le peuple Kanak aie plusieurs identités culturelles dont les statuts sont reconnus comme légitimes et appliqués par les juges de la République assistés par les conseillers coutumiers ; ce qui, en fait, produit les phénomènes du pluralisme juridique : co-existence de plusieurs ordonnancements concernant les mêmes personnes ; un usage stratégique des statuts par les individus ; la mise en place d’une juridiction inter-culturelle, et l’application jurisprudentielle des critères pragmatiques pour trancher les affaires.

§ 5

: le traitement international des peuples autochtones.

Le droit international et la communauté internationale n’ont pas ignoré l’existence des peuples autochtones et des minorités nationales à l’intérieur des Etats. A l’époque du Ius Gentium, les Etats concluaient des accords avec ces minorités mais ce n’est plus le cas au XXème siècle depuis que la Société des Nations et l’ONU ont cantonné les minorités à l’intérieur des Etats.

On n’est plus à l’époque du Ius Gentium et dans le droit international contemporain, la condition de peuple autochtone implique aussi leur insertion dans un Etat. Le rapporteur MARTINEZ de l’ONU a eu besoin de signaler la distinction entre les peuples autochtones, les minorités nationales et les minorités ethniques, bien que tous les trois revendiquent des droits collectifs40, toujours à l’intérieur des Etats.

Le droit international contemporain circonscrit le concept de peuples autochtones aux cas de colonisation par les puissances européennes des peuples habitant dès temps immémoriaux sur d’autres continents41.

Par définition, aucun Etat ne reconnaît la souveraineté des peuples autochtones. Le rapport de l’ONU ne prétend pas que la Communauté Internationale reconnaisse les peuples autochtones au même niveau que les Etats, ni greffe les traités historiques au droit international contemporain.

Après l’« internalisation »42 des traités historiques, les peuples autochtones doivent se contenter d’une autodétermination interne et se gouverner eux-mêmes au sein de l’Etat.

L’ONU se borne à encourager une sortie négociée aux demandes des peuples autochtones de

40 Rapport Martinez, 1999, § 68. Minorités nationales est une dénomination très européenne. La constitution colombienne de 1991 établis la catégorie de minorités ethniques en faveur des indiens, les communautés noires et les raisales de l’archipel de Saint André et Providence.

41 Rapport Martinez, 1999, § 73

42 Explication proposée par Isabelle SCHULTE-TENCKHOFF , cf. Isabelle SCHULTE-TENCKHOFF, La question des peuples autochtones, Paris, Editions Bruylant - LGDJ, 1997.

la fin du XX siècle, ce qui conduit à une ré-élaboration du droit ancestral par les acteurs contemporains sous la forme d’accords de droit public interne. Selon la doctrine contenue dans l’avis de Cour Internationale de Justice de l’ONU sur le Sahara occidental, les Etats se trouvent obligés de passer des accords de droit public interne avec les tribus ou peuples autochtones.

§ 6

: l’appréhension par la théorie juridique des peuples multiculturels.

Les Etats étudiés sont des Etats nationaux dont la population autochtone n’a jamais été complètement intégrée à la nation ou bien celle-ci a vécu des processus de fragmentation et de recomposition identitaire. Pour Jean-Guy BELLEY le pluralisme juridique mets en relief la complexité croissante de la société qui multiplie les groupes et les enjeux sociaux43. On peut affirmer également que le pluralisme juridique serait une réponse à la complexité, la fragmentation et la recomposition identitaire des sociétés.

Les outils conceptuels qui permettent au droit de répondre aux complexités sociales sont : le fédéralisme, les régimes spéciaux, les fors personnel ou territorial, le recours aux principes généraux, les espaces d’autonomie et les droits collectifs. Pour gérer les tensions à caractère social, culturel, politique ou économique, aujourd’hui, on ajoute le pluralisme juridique, c’est à dire, la reconnaissance d’autres foyers de droit44. Ce qui augmentent énormément la souplesse du droit face aux dynamiques sociales.

Le régimes étatiques des peuples autochtones constituent des pluralismes juridiques de type multiculturel, à la base desquels se trouvent des faits socio-culturels objectifs et évidents, de plusieurs siècles d’ancienneté, compatibles avec les autres populations, majoritaires et minoritaires.

Jusqu’à présent la culture n’est qu’une nouvelle variable dont l’ordonnancement juridique tient compte sans en faire une unité juridico-sociale ; ce qui semble peu réalisable du fait de son manque de structuration politique. Un modèle novateur d’« Etat-culture » qui prendrai le relais de l’Etat-nation n’a pas été sérieusement envisagé, de même que les « Etat-ethnies » dont l’homogénéité suscite des craintes depuis les tragiques expériences nazi, rwandaise et serbe. La tendance générale pointe vers le multiculturalisme.

Les Etats-nation ont eu leur apogée entre 1918 et 195045 au niveau international. En France, Raymond CARRE DE MALBERG46 a marqué la théorie du droit public avec les

Les Etats-nation ont eu leur apogée entre 1918 et 195045 au niveau international. En France, Raymond CARRE DE MALBERG46 a marqué la théorie du droit public avec les