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: le principe général en métropole

La France métropolitaine n’a pas de peuples autochtones. Elle est un paradigme d’Etat-nation : de nombreuses migrations et une longue série de guerres ont effacé la trace des premiers peuples. La diversité culturelle et les droits des peuples autochtones furent reconnus dans les possessions coloniales, lesquelles après la décolonisation furent transformées en territoires d’outre-mer (TOM) et les départements d’outre-mer (DOM)1.

Les principes républicaines de l’unité et l’égalité des droits constituent le régime général, qui a subi d’importantes exceptions établies par le législateur et par la jurisprudence, en vue d’assurer les libertés politiques, de pensée et d’expression, et d’autre part, de procurer une égalité sociale aux populations exclues ou vulnérables.

§1

: l’unité républicaine.

Quant au pluralisme juridique, la devise républicaine « Liberté, égalité, fraternité » a inspiré un système de droit public unitaire, rationalisé et hiérarchisé2 qui, depuis deux siècles, nie le multiculturalisme3. La France se considère comme l’exemple achevé d’un Etat de droit moderne, où l’Etat est l’unique source du droit4. Un tel monisme juridique correspond parfaitement à l’unité de la nation française et à l’exigence du monolinguisme. Le pluralisme

1 Les Départements d’Outre-Mer sont : la Guadeloupe, la Martinique, la Réunion et la Guyane. Les Territoires d’Outre-Mer, devenus après la réforme constitutionnelle de 2003 les collectivités d’outre-mer (COM) sont: la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie, les Îles Wallis et Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon. Les Terres australes et antarctiques françaises restent à ce jour le seul territoire d’outre-mer.

2 Jacques CHEVALIER, L’Etat post-moderne, Paris, LGDJ, 2003, p. 91.

3 Dominique TURPIN, Rapport de Synthèse, Colloque L’Etat pluri-culturel et les droits aux différences, Nouméa, du 3 au 5 juillet 2002, Bruxelles, Bruylant, 2003, p. 525.

4 L’Etat de droit n’est pas simplement le régime où l’exercice des pouvoirs publics est soumis aux normes juridiques pré-établies mais aussi le régime où l’Etat détient le monopole, voire la suprématie des sources du droit.

politique est, certes, reconnu comme participant de l’essence de la démocratie mais la France soupçonne la diversité culturelle de mener à la destruction de la cohésion nationale du modèle républicain. Les juristes français reviennent volontiers aux valeurs universelles de la Déclaration de Droits de l’Homme et du Citoyen, proclamés pendant la Révolution et incorporés à la Constitution de la Vème République.

Le pluralisme juridique récuserait l’unité nationale, l’universalisme d’un droit rationnel, l’égalité républicaine, le libéralisme individualiste et la distinction entre l’espace public et l’espace privé5, soit autant d’axiomes sur lesquels s’appuie le droit public interne dans l’hexagone. Les droits collectifs feraient revivre les corps sociaux intermédiaires6 abolis par la Révolution Française. Même si cette abolition a subie deux inflexions importantes avec la reconnaissance des syndicats en 1884 et celle des associations en 1901, ces institutions sont intégrées comme des auxiliaires fonctionnels de l'Etat mais sans constituer en aucune manière des sources de droits collectifs. Pourtant le cas tout particulier d’une colonie devenu Territoire d’Outre-Mer, la Nouvelle-Calédonie, montre que la République a su reconnaître en 1998 la diversité culturelle et mettre en place des institutions inspirées par le pluralisme juridique, à l’encontre des traditions françaises.

L’uniformité des lois est un concept lié à l’égalité des citoyens et à l’unité du peuple français. Le choix de l’homogénéité culturelle du peuple français est cohérent avec un Etat soucieux de renforcer l’identité nationale et avec l’universalisme de la théorie juridique française. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une uniformisation absolue de la population française, l’adhésion au modèle unitaire et égalitaire a été constante. Au moins, la jurisprudence s’autorise des exceptions pour reconnaître des faits culturels divers, à l’aide de la sociologie et de l’anthropologie juridiques. L’égalité formelle des citoyens devant la loi empêche l’existence de tout statut pénal dérogatoire, même chez les peuples autochtones dont le statut coutumier est reconnu en matière civile7.

La France n’admet pas le pluralisme juridique au niveau de la théorie de l’Etat ni du droit positif mais la société civile française a toujours été largement tolérante comme si la tolérance et la diversité culturelle appartenaient à l’espace privé. Bien évidemment, la tolérance n’est pas une notion juridique, en conséquence on ne peut pas la confondre avec le pluralisme juridique mais la tolérance sert à marquer le seuil de diversité socialement acceptable. Les critères de tolérance adoucissent l’homogénéisation sociale proposée par le droit positif ; c’est à la sociologie juridique8 de véhiculer les différences culturelles au moment de l’application du droit. Les juges adaptent les normes aux particularismes culturels tout en respectant formellement l’unité, l’égalité9, la rigueur du droit positif et la suprématie du législateur.

La France reste attachée à la distinction entre espace public et espace privé, le marqueur de sa modernité politique. Dans l’espace public tous sont libres, égaux et partagent l’identité national ; y participer au nom d’une autre identité, conduirait à ériger la différenciation

5 Le clivage espace public/espace privé, typiquement Français, relègue dans l’espace privé toutes les différences afin que l’égalité règne dans l’espace public

6 La reconnaissance du droit canon et de la loi musulmane comme des foyers de droit autonomes semble particulièrement difficile à accepter par l’Etat Français.

7 Régis LAFARGUE, La coutume judiciaire en Nouvelle-Calédonie, Mission de recherche droit et justice, 2001, Paris, résumé.

8 Dont le statut de science auxiliaire du droit a été nettement formulé par le doyen Jean Carbonnier

9 L’égalité est confrontée à l’hétérogénéité des êtres humains et à la diversité des variables qui agissent dans un espace social multidimensionnel. Ainsi, la définition de l’égalité dans l’une de ses dimensions implique l’acceptation d’inégalités en d’autres dimensions. Cf. Jean-Paul FITOUSSI, Egalité, équité, discriminations, in Le Monde, le 3 décembre 2003, Paris, p. 1

culturelle en objet politique10. Tandis que les différences culturelles appartiennent à la sphère privée et doivent être tenues à un certain écart de l’espace public ; autrement on porterait atteinte contre la liberté et l’égalité citoyennes. C’est sur ce fond que les pouvoirs publics évoquent périodiquement les dangers du communautarisme : l’affirmation d’une identité sub-nationale, d’une autre langue ou des droits collectifs, briserait l’harmonie entre liberté-égalité-identité nationale, considérée comme essentielle pour l’ordre républicain.

L’image de la nation française est fortement associée aux valeurs civiques, républicaines et universelles ; tandis que les groupes sub-nationaux ont une image ethnique, autoritaire et fermée. Un tel choix politique collectif pour renforcer l’appartenance nationale aux dépenses des groupes sous-nationaux constitue une particularité française11. Comme on l’a vu dans d’autres pays, l’appartenance simultanée à deux groups, l’un national et l’autre sous-national, ne conduit pas forcément à une bipolarisation12, ni au communautarisme autoritaire.

La France craint que la destruction de cet ordre républicain n’enferme les individus dans des structures autoritaires, pourtant d’autres Etats ont érigé les différences culturelles en objet politique en plein espace public, sans pour autant tomber dans le communautarisme autoritaire. Le type d’un Etat unitaire et mono-culturel ne constitue plus un modèle universalisable. Le multiculturalisme s’impose par la force des faits sociaux

L’universalisme juridique13 a servi à affirmer l’identité républicaine dans l’espace public français tout en permettant un seuil de diversité, acceptable au cas par cas selon la prudence des juges. La tradition républicaine française exige que toutes les expressions légitimes dans l’espace public gardent harmonie avec les Droits de l’Homme, l’égalité des citoyens, l’unité de la Nation, l’individualisme juridique et la solidarité sociale. Hors les principes républicains, point d’identité nationale française.

Quant aux droits collectifs, les mots du comte de Clermont Tonnerre devant la Constituante en septembre 1791 restent en vigueur mutatis mutandis : " Il faut tout refuser aux Juifs comme nation et tout accorder aux Juifs comme individus, il faut refuser la protection légale au maintien de prétendues lois de leur corporation judaïque ; il faut qu'ils ne fassent plus dans l'Etat ni corps politique, ni ordre ; il faut qu'ils soient individuellement citoyens". La politique unitaire, voire intégrationniste, de la France continue de nos jours face au faible réveil identitaire des corses, des bretons ou des basques. Seule l'Alsace-Moselle a un statut particulier. A l’égard des immigrants musulmans, hindous, africains ou chinois, il n’est pas question de leur reconnaître des formes d’organisations propres ni des droits collectifs, « il faut qu’ils soient individuellement citoyens ».

Liberté et égalité sont des valeurs universelles mais la négation des corps sociaux intermédiaires, de la diversité culturelle et des droits collectifs, n’était que les modalités historiques choisies au XVIII siècle pour mettre fin au régime monarchique et aristocratique.

Depuis lors les modalités historiques de la liberté et de l’égalité des révolutionnaires sont considérées comme des concepts immuables ; de sorte que revendiquer des corps sociaux

10 Jean-Paul FITOUSSI, op. cit. .

11 Jean BAUBEROT affirme que la diversité culturelle n’est pas forcément synonyme de communautarisme. Cf.

L’enjeu de la commémoration de la loi de 1905 est la diversité culturelle, Le Monde, 5 janvier 2005, section Perspectives 2005, page V.

12 Jaak BILLIET, Bart MADDENS et Roeland BEERTEN : National identity and Attitude toward Foreigners in a Multinational State: a Replication, revue Political Psychology, Vol. 24, N° 2, juin 2003, p. 242.

13 Universalisme juridique veut dire en France l’égalité de tous devant la loi, qui n’a voir avec la mondialisation du droit.

intermédiaires, la diversité culturelle ou des droits collectifs serait nier la identité culturelle de la nation.

Nombre de démocraties libérales reconnaissent des minorités nationales, la diversité culturelle et des droits collectifs. De nos jours, les sciences sociales ont une perception positive des corps sociaux intermédiaires, en tant qu’espaces pour la reconnaissance de l’individu et moyen pour sa participation dans l’Etat. Will Kymlicka affirme que les revendications des identités culturelles dans l’espace public sont compatibles avec un Etat de droit qui garantit les droits des individus. Michael Walzer considère que les groupes particuliers servent comme terrain d’apprentissage de la citoyenneté pour les individus. Pour sa part, Jürgen Habermas admet que les citoyens de l’Etat puissent se reconnaître culturellement à travers plusieurs niveaux d’appartenance simultanée14. De telles idées se heurtent à la force des traditions françaises, que les hauts tribunaux et le législateur sont censés préserver.

Un autre trait distinctif de la France est le rejet de l’autonomie des juges par rapport à la loi ; le « gouvernement des juges » est perçu comme une menace de tyrannie et affichée comme une des grandes différences entre le droit Français et la Common Law. D’ailleurs, la suprématie du législateur, la rigueur rationaliste et le goût pour la généralisation ont prédisposé les juristes français à adhérer au positivisme juridique. Mais la loi a ses limitations et, pour répondre aux nouvelles situations les juges ont dû développer et approfondir certaines catégories et concepts consacrés par le législateur15 ; cette adaptation de la loi positive est devenu source d’innovation juridique. C’est bien le cas des jurisprudences civile et administrative qui ont construit des institutions prétoriennes lesquelles ont préfiguré l’évolution législative. Toujours par analogie ou en développant les principes juridiques implicites dans la loi, c’est à dire, en s’inscrivant dans la culture juridique française qui affirme la supériorité du législatif.

Ces particularismes français relèvent des facteurs historiques. Au XVIII siècle, la Révolution française, à l’opposé de la Révolution américaine, a placé la démocratie sur l’unité plutôt que sur le pluralisme ; cette unité est symbolisée par un corps politique un et indivisible. Tandis que pour les Etats Unis, s’il n’y a pas de pluralisme, on soupçonne que les libertés démocratiques se trouvent menacées. La tradition française est aussi aux antipodes de la Constitution espagnole de 1978, laquelle évoque le pluralisme dès l’article 1 alinéa 1.

D’autres Etats qui se réclament de la tradition juridique française, ainsi que les déclarations internationales des droits de l’homme ont pris les valeurs de la liberté, l’égalité et la solidarité, mais ils ont refusé de suivre la France dans l’homogénéisation culturelle, et la négation des corps sociaux intermédiaires et des Droits collectifs, trois sujets clés pour les peuples autochtones.

Il y a un autre renversement de perspective entre les valeurs civiques et républicaines, traditionnellement reconnues à l’Etat Français, et les valeurs ethniques et culturelles des groupes tribaux. Les valeurs civiques et républicaines liées aux Droits de l’Homme de la Révolution française étaient perçues comme des valeurs universelles et garantie de la dignité humaine ; tandis que les valeurs ethniques et culturelles comportaient une fermeture identitaire, conduiraient à la domination des individus et à la méconnaissance des Droits de l’Homme.

14 Jürgen HABERMAS, Après l’Etat-Nation, Paris, Fayard, 2000.

15 Michael Barry HOOKER, Legal pluralism, Clarendon Press, Oxford, 1975, p. 194

Cette infériorisation a priori des peuples autochtones n’est plus acceptée par les sciences sociales, qui partent de l’égale dignité des cultures16 et qui considèrent les valeurs ethniques comme dynamiques ouvertes et universalisables à partir d’un héritage culturel.

L’appartenance à une société concrète est nécessaire pour assurer la dignité humaine de l’« homme situé »17, et la rhétorique incantatoire de l’égalité formelle a cédé sa place à une égalité plus réelle. Cette préférence pour l’homme et la société concrets s’assortie d’une relativisation de la propre culture ; ainsi, les Droits de l’Homme sont abordés d’après une perspective inter-culturelle18. L’exception culturelle française fait que l’Etat et le droit Français n’aient pas la même approche des sciences sociales contemporaines et que la jurisprudence et les autorités françaises refusent de reconnaître formellement des droits collectifs, par exemple aux groupes linguistiques minoritaires19, puisque les droits individuels leur suffissent largement.

Quant aux motifs de cet attachement au monisme juridique, hormis la force des traditions républicaines et la mentalité cartésienne des Français, on trouve également de raisons pratiques pour que la France métropolitaine n’adopte pas un régime juridique multiculturel s’il n’y a pas une demande préalable des communautés concernées. Dès la perspective française classique, le droit à la différence serait le symptôme d’un défaut d’intégration sociale, soit par échec, limitation ou effondrement de l’Etat. Ailleurs, les différences culturelles servent des stratégies20 politiques pour revendiquer les droits sociaux des groupes exclus, tandis qu’en France les programmes administratifs21 différenciés fournissent efficacement les prestations dont les exclus ont besoin ; ils en sont bénéficiaires en tant que citoyens libres et égaux et, par conséquence les exclus n’ont pas besoin de stratégies identitaires. L’Etat souverain, détenant par définition le monopole de la contrainte légitime, accepte mal la concurrence d’autres appartenances collectives, et un changement si profond, comme la reconnaissance de la diversité culturelle dans l’espace public, ne va pas se produire spontanément.

Quant aux chercheurs et aux universitaires, le pluralisme juridique fondé sur les différences culturelles reste une problématique assez marginale. Norbert ROULAND a publié en 1995 un livre intitulé L’Etat français et le pluralisme. Histoire politique des institutions publiques de 476 à 179222. Le même auteur a dressé en 2000 un bilan assez modeste du pluralisme23. Peu nombreux sont ceux qui osent contredire la version française d’unité nationale ; parmi eux, Guillaume CARTIGNY affirme que la formule de l'Etat-nation, qui suppose une large concordance entre unité politique et culturelle, n'est plus adaptée pour les sociétés contemporaines24. Dominique ROUSSEAU et Stéphane PIERRE-CAPS ont montré

16 Les postulats de l’égale dignité des cultures ou de leur inégalité constituent des points de départ, voire des choix intellectuels dont leur « scientificité » n’est prouvée par les sciences sociales qu’à posteriori.

17 Pierre BURDEAU, cité par Dominique TURPIN, 2003, p. 520.

18 Cristophe EBERHARD, Droits de l’Homme et dialogue interculturel, Editions des Ecrivains, Paris, 2002 et Michel ROSENFELD, « Can Human Rights Bridge the Gap Between Universalism and Cultural Relativism ? A Pluralistic Assesment Based on the Rights of Minoritie”s, Columbia Human Rights Law Review, Vol. 30, N° 2, 1999, pp. 249 à 284.

19 Même contre les politiques européennes de reconnaissance de la diversité culturelle et linguistique ; cf.

Ordonnance en référé du Conseil d’Etat, du 15 juillet 2002 sur les écoles Diwan en langue bretonne.

20 Charles TAYLOR et Steven ROCKEFELLER suggèrent cette utilisation stratégique du pluralisme identitaire.

Cf. Multiculturalisme, différence et démocratie, Champs – Flammarion, 1992, pages 37 et 117.

21 Gilles DUMONT, Citoyenneté administrative, thèse Université de Paris II, 2002

22 Norbert ROULAND, L’Etat français et le pluralisme. Histoire politique des institutions publiques de 476 à 1792, Paris, Odile Jacob, 1995.

23 Norbert ROULAND, « Le droit français devient-il multiculturel ? », Droit et Société, 46, 2000, pages 519 à 545.

24 Guillaume CARTIGNY, La nation dans tous ses Etats, les identités nationales en mouvement, 2002.

que le constituant, par le terme "unité", n’avait pas nécessairement voulu signifier

"uniformité".

Dans le domaine de l’anthropologie juridique, une science auxiliaire du droit, deux centres de recherche travaillent en faveur du pluralisme juridique : le Laboratoire d’Anthropologie Juridique de Paris, fondé par Michel ALLIOT et dirigé par Etienne LE ROI, et le Groupe droit et Culture de l’Université de Nanterre, sous la direction de Raymond VERDIER.

§ 2

: les ouvertures vers le pluralisme.

En France le pluralisme fut introduit dans la doctrine en 1938 par Georges GURVITCH lorsqu’à la suite de Proudhon, il affirme dans son Essai d’une classification pluraliste des formes de sociabilité, que seule la complexité consciente et voulue dans les études sociologiques rapproche du réel25. En 1977 Jean-Guy BELLEY a souligné comment le pluralisme juridique met en relief la complexité croissante de la société qui multiplie les groupes et les enjeux sociaux26. Mais le mouvement intellectuel des anthropologues du droit et de la culture en faveur du pluralisme juridique ayant prospéré aux Pays-Bas, fut neutralisé en France dès les années 1970 par le Doyen Jean CARBONNIER dont les ouvrages Sociologie juridique (1972) et Flexible droit (1969) sont étudiés dans les facultés de droit. Le doyen CARBONNIER a, certes, ouvert la tradition juridique française aux analyses sociologiques mais il a empêché le pluralisme juridique naissant de se développer.

En fait, la seule reconnaissance possible de la diversité culturelle est jurisprudentielle ; ce qui fait que les avancées de la diversité culturelle restent toujours limitées aux cas jugés.

L’Ecole Nationale de la Magistrature reconnaît dans ses programmes de formation que la jurisprudence ne présente pas le même visage selon le cadre culturel, anthropologique ou géographique dans lequel elle s’applique ; et que la justice rendue par la magistrature française se présente sous un visage différent, selon qu’elle est rendue en métropole ou en Outre-Mer. Le juge applique la règle de droit, mais il s’inscrit chaque fois dans un contexte dont les spécificités sont assez fortes27.

Le Conseil Constitutionnel accepte le pluralisme politique dans le régime de la presse et des partis politiques ; toujours subordonné à l’unité et à l’égalité de la République. Le juge constitutionnel, toujours soucieux d’adaptation de la société française au temps présent, entreprend de rénover le fondement même de l’identité nationale sans remettre en cause la tradition révolutionnaire dont elle procède.

La France n’échappe point aux pressions internes et externes vers le pluralisme juridique.

La diversité de régimes et le pluralisme juridique ne sont pas étrangers à la France ; l’Alsace et la Lorraine en sont de bons exemples ; puis en Outre-mer il y a déjà des concessions institutionnelles vers un Etat multiculturel28. Il est paradoxal que les autorités françaises revendiquent l’« exception culturelle » et se dressent en défenseuses des identités culturelles vis-à vis de la mondialisation et qu’en même temps, la France ne reconnaisse les langues locales (alsacien, breton, occitan, …) qu’à titre partiel pour les études primaires, secondaires et pour le baccalauréat dans son territoire métropolitain29.

25 PROUDHON, Du principe fédératif, Editorial Dentu, 1853, p. 38.

26 Jean-Guy BELLEY, Conflit Social et Pluralisme Juridique en Sociologie du droit, thèse à Paris II, 1977, p.

26 Jean-Guy BELLEY, Conflit Social et Pluralisme Juridique en Sociologie du droit, thèse à Paris II, 1977, p.