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L’analyse des spectres et l’établissement des critères spectraux est l’étape la plus importante pour l’établissement des diagrammes de phase. Une fois cet outil de diagnostique établi, il est possible, en chaque point P-T ou un spectre a été

acquis, de reporter la phase correspondante dans l’espace pression-température du diagramme. Cette démarche menée sur l’ensemble des spectres acquis a permis, rétrospectivement, de compléter le diagramme des expériences menées avant la thèse (figure 4.5, page 153) qui n’avait jusqu’alors été que partiellement contraint, et de traiter selon la même approche les données acquises lors de la thèse.

À partir de tels documents, la reconstruction des champs de stabilité des phases d’intérêt (ici les deux hydrates de CO2) est statistique. Lorsque la transition entre les deux phases (les deux hydrates) ne peut être observée à l’équilibre, il est ad-mis, car courament observé en cours d’expérience, qu’un certain nombre de points P-T-phase reportés sont métastables, particulièrement lorsque des équilibres entre phases solides (sans phase liquide) sont mis en jeu. Lors de la montée en pression d’un échantillon composé du clathrate sI, la cinétique défavorable des transitions au regard de la durée des expériences implique courament que le clathrate sera ob-servé dans un état métastable a une pression hors de son champ de stabilité avant que l’hydrate de haute pression n’apparaisse. Lors de la formation de ce dernier, la transition ne sera pas observée à l’équilibre si la différence de pression entre le point actuel et celui auquel aurait dû se produire la transition est trop grande : dans une telle situation, la transition affectera l’ensemble de l’échantillon avant que celui-ci revienne à la pression de l’équilibre à laquelle le clathrate sI aurait été stable. Lorsque l’exploration est conduite selon des trajets en pression croissants et d’autres décroissants, il se dessine, lorsque le nombre de données expérimentales est suffisant, une région dans laquelle les observations des deux phases cohabitent, tel que dans la figure 4.4 (page 148). Lors d’une telle approche, les transitions sont alors placées au mieux dans ces régions de chevauchement. Le détail du protocole expérimental est ici important : dans le cas de nos expériences où seuls des explorations à pression croissante ont été réalisées (à une exception près détaillée ci-après), seul le clathrate sI de CO2 a pu être observé métastable à proximité de la transition entre les deux hydrates. Sur nos diagrammes, cette transition ne peut donc être placée à une pres-sion supérieure à celles auxquelles l’hydrate de haute prespres-sion a été observé. Suivant cette approche, la justesse de la construction des domaines de stabilité des phases est directement tributaire du nombre de points expérimentaux collectés et de la lar-geur des domaines métastables ou de leur zone de recouvrement (qualitativement inversement proportionnelle au temps d’accommodation avant acquisition de chaque point P-T-phase).

Dans ce contexte, le suivi optique des échantillons est un outil précieux per-mettant de contraindre l’exploration des diagrammes de phase. En plus de faciliter l’identification des phases elles-mêmes et ce faisant de permettre de déterminer la nature et les conditions d’un équilibre dans l’échantillon (par exemple, l’observa-tion de cristaux de CO2 en présence d’un fluide aqueux et de cristaux de glace H2O VI permet d’assurer que la fusion de cette glace a lieu à saturation en CO2), l’observation de l’évolution de deux phases (ou groupes de phases) impliquées dans une transition à des conditions P-T connues permet de préciser dans quelle sens la réaction évolue et donc dans le domaine de stabilité de laquelle de ces phases l’observation P-T est conduite. À titre d’exemple, il fut observé plusieurs fois au cours des expériences la coexistence du clathrate sI et de l’hydrate de haute

pres-sion du CO2. Ces observations n’ont jamais été conduites à l’équilibre, autrement dit, aux conditions P-T précises de la transition qui aurait dès lors pu être observée de façon réversible par augmentation et diminution de la pression ou de la tempéra-ture. Dans cette situation, l’approche la plus simple, comme détaillé précédemment, consisterait à reporter aux conditions P-T mesurées l’observation de chacune des deux phases. Cependant, l’évolution de la réaction peut être mise en évidence par une série d’images (figures 4.8 à 4.11, pages 165 à 168). La série d’images permet ainsi d’identifier quelle phase est en résorption (hors de son champ de stabilité) et quelle phase est en croissance (dans son champ de stabilité) lorsque la pression et la température ont été mesurées à un point au milieu de cette série.

Le nombre d’observations de ce type réalisées au cours des expériences au LPG-Nantes est limité mais permet une contrainte plus fine du système binaire. Le dia-gramme de phase final intégrant l’ensemble des données nantaises après analyse des spectres Raman et des photographies est présenté en figure 4.12, page 169. Pour chacun des deux hydrates, trois figurés sont utilisés : les points auxquels la crois-sance de l’hydrate a été observée (gros losanges), ceux où l’hydrate a été observé

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Figure 4.8 – Croissance du clathrate sI de CO2 aux dépens de l’hydrate de haute pression lors de l’expérience DiamCO2-6. En a) l’hydrate de haute pression du CO2, métastable, est observé à 0.65 GPa et 272 K en présence de la phase liquide. En b), c) et d) les conditions P-T permettent la croissance de cristaux automorphes du clathrate sI (flèches vertes) au détriment de l’hydrate de haute pression entre 0.60 et 0.64 GPa à 270 K. Expérience en cellule à enclumes de diamant. Diamètre de l’échantillon : 200 microns.

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Figure 4.9 –Croissance de l’hydrate de haute pression du CO2aux dépens du clathrate sI lors de l’expérience DiamCO2-13. En a) l’hydrate de haute pression vient d’apparaitre en bas à droite de la chambre dans un échantillon formé de clathrate sI. De l’image b) à l’image f) les conditions P-T permettent la croissance de l’hydrate de haute pression (flèches bleues) vers 0.8 GPa entre 267 et 261 K. Expérience en cellule à enclumes de diamant. Diamètre de l’échantillon : 200 microns.

en résorption (losanges creux) et tous les points où aucun critère visuel n’a pu être défini et où seule la nature des phases est attestée par spectroscopie Raman (petits losanges). Selon l’approche classique telle qu’adoptée pour la figure 4.4 (page 148), seul un type de figuré par phase aurait été employé ; ici, l’intérêt la nouvelle approche est mis en avant par l’adéquation des points de croissance ou de résorption des deux phases, aucune zone de chevauchement entre les deux phases observées en croissance

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Figure 4.10 – Croissance de l’hydrate de haute pression du CO2 aux dépens du clathrate sI lors de l’expérience DiamCO2-15. En b) l’hydrate de haute pression vient d’apparaître à droite de la chambre, dans un échantillon formé de clathrate sI. De l’image c) à l’image f) les conditions P-T permettent la croissance de l’hydrate de haute pression (flèches bleues) vers 0.85 GPa et 261 K. Expérience en cellule à enclumes de diamant. Diamètre de l’échantillon : 200 microns.

ne se dessinant. Près de l’extrémité à haute pression de la courbe de dissociation du clathrate sI, les points de croissance des deux phases délimitent une région de seulement 50 MPa, entre 0.75 et 0.80 GPa, dans laquelle la transition doit avoir lieu. Cette région est en accord avec la terminaison de la courbe de dissociation du clathrate sI (et plus particulièrement l’intersection de cette courbe de dissociation et de la courbe de fusion de la glace H2O VI à saturation en CO2, comme détaillé dans

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Figure 4.11 – Croissance de l’hydrate de haute pression du CO2 aux dépens du clathrate sI lors de l’expérience SaphH2OCO2-1. En a) et b) le clathrate sI de CO2 croît dans la cellule pendant un refroidissement (flèches vertes) (pression non mesurée). À partir de l’image c) l’hydrate de haute pression se développe au détriment du clathrate sI vers 0.82 GPa et 268 K (flèches bleues). Expérience en cellule à enclumes de saphir. Diamètre de l’échantillon : 600 microns.

l’article), offrant ainsi une contrainte robuste sur l’étendue du domaine de stabilité du clathrate à ces conditions.

Dans l’article ci-après, le diagramme de phase présenté (figure 3) est une version simplifiée de la figure 4.12. Les critères de stabilité établis par suivi visuel, bien qu’intéressants, traduisent un état de non équilibre des échantillons. Les points de "croissance" concernés ont cependant été conservés car à l’inverse rien de permet de

0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 1.2 1.4 1.6 1.8 V II III Ih Température (K) P re ss io n (G P a) 240 260 280 300 320 340 CO 2 (liquide ) CO 2 (gla ce I) H 2O (liq uide ) H 2O (gla ce VI ) Transitions de phase Dissociation CO2-sI unaire H2O unaire CO2 binaire H2O-CO2 Takenouchi et Kennedy, 1965 Ohgaki et Hamanaka, 1995 Nakano et al., 1998 Manakov et al., 2009 LPG-Nantes Données de stabilité glaces H2O VI + CO2 I CO2 sI CO2 HP CO2 sI (croissance) CO2 HP (croissance) CO2 sI (résorption) CO2 HP (résorption) fusion H2O VI (unaire) fusion H2O VI (binaire)

Figure 4.12 – Bilan de l’exploration du système H2O − CO2 (données de la littérature et ex-périences nantaises antérieures et contemporaines à la thèse). Ce diagramme reprend l’ensemble des données des tableaux 4.2, 4.3 et 4.4. Les points reportés traduisent l’identification des phases par spectroscopie Raman et leur stabilité établie par suivi visuel grâce aux diagnostiques mis en place durant la thèse (gros losanges - phase en croissance ; losanges vides - phase en résorption ; petits losanges - pas d’indice). Avec les nouvelles données de dissociation, les nouvelles données de stabilité, la correction de la métrologie de pression et le diagnostique visuel de stabilité, le domaine d’existence du clathrate sI de CO2 se dessine naturellement (voir l’article).

témoigner de l’état d’équilibre de tous les points "indéterminés". Pour la figure de l’article, les points traduisant la résorption des phases ont été écartés ainsi que le point d’observation à plus basse pression vers 0.6 GPa de l’hydrate de haute pression (seul point obtenu par décompression). Également, la distinction entre les points de croissance et les points "indéterminés" a été supprimée. Les domaines de stabilité construits pour les deux hydrates sont cependant compatibles avec les informations plus détaillées de la figure 4.12.