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1.3 État de l’art et objectifs de la thèse

1.3.3 Modélisation thermodynamique à haute pression

systèmes chimiques d’intérêt à des conditions particulières (observable à des condi-tions données de pression, température et composition), ces données ne peuvent constituer qu’un échantillonnage discret du système (e.g. détermination de la com-position eutectique du système H2O − MgSO4 à quelques pressions d’intérêt entre 0 et 1 GPa). Une perspective des présents travaux est de permettre le développe-ment de modèles d’évolution des satellites prenant en compte les chimies H2O − CO2

et/ou H2O − MgSO4. De tels modèles nécessitent la description continue des para-mètres d’intérêt sur les gammes de conditions devant être explorées (e.g. valeur de la composition eutectique à n’importe quelle pression entre 0 et 1 GPa) afin de pouvoir résoudre les calculs posés à toute position dans ces gammes de conditions.

À cette fin, l’interpolation ou l’extrapolation des données acquises est un enjeu primordial. L’ajustement des données à l’aide de lois empiriques permet dans une certaine mesure de répondre à cet impératif. Cependant, s’il existe toujours une description mathématique suffisamment complexe pour reproduire tout jeu de don-nées, une telle approche présente des capacités prédictives limitées (extrapolations incertaines, problème de la transposition des lois à d’autres conditions) et n’offre pas de perspective critique sur les données (pour les lois purement empiriques). La modélisation thermodynamique offre une alternative palliant à ces deux problèmes : descriptions des phénomènes par des lois unifiées et fondement physique des équa-tions permettant, dans une certaine mesure, critique et extrapolation des jeux de données. Un objectif de la thèse est donc de participer au développement d’un outil thermodynamique apte à décrire les nouvelles données acquises, et particulièrement les équilibres liquide − solide impliqués par les océans aux pressions et températures attendues dans les hydrosphères des grands satellites (0 − 1.5 GPa, 250 − 350 K).

En raison de l’ubiquité de l’eau et de ses implications pour les processus géo-logiques, biologiques et industriels, la modélisation des fluides aqueux à fait l’objet d’un nombre important d’études thermodynamiques exploitées dans de nombreux modèles numériques. Cependant, le même constat peut être posé pour ce domaine que pour celui de l’exploration expérimentale : le domaine des hautes pressions (∼ GPa) et basses températures (point de fusion des glaces) n’est pas d’intérêt pour les études terrestres, en conséquence de quoi les modèles développés pour ces condi-tions sont aujourd’hui limités. Le modèle FREZCHEM (Marion et Kargel, 2008) est un des rares outils disponibles permettant la modélisation des fluides aqueux froids sous pression. Ce modèle basé sur une approche ionique (modèle de Pitzer) et une égalisation des potentiels chimiques de chaque constituant dans chaque phase du système permet la modélisation précise du comportement de 58 phases issues de seize composants. Cependant, si la gamme de températures de FREZCHEM est adéquate pour les présents travaux, la gamme de pressions couverte (0 − 0.1 GPa) est elle bien en-deçà des objectifs visés. Ce problème tient plus au manque de don-nées disponibles pour contraindre les paramètres d’interaction du modèle qu’aux équations thermodynamiques employées, mais le modèle tel qu’il existe aujourd’hui ne peut pas être extrapolé au-delà de quelques centaines de MPa (Vance et Brown, 2013). Les travaux de Zolotov (e.g. Zolotov et Shock, 2001 ; Zolotov, 2007) destinés aux environnements aqueux à pression modérée (e.g. Europe, Encelade) souffrent du même problème.

Choukroun et Grasset (2007, 2010) ont établi le seul modèle reproduisant à l’heure actuelle le comportement du système unaire H2O sur les gammes de pres-sions et températures attendues dans les hydrosphères de Ganymède et Titan. L’uti-lisation de données dans le système H2O − NH3 a notamment permis à ces auteurs de retranscrire la stabilité du liquide et des glaces d’eau à des températures aussi basses que 175 K (Choukroun et Grasset, 2010). Présentement, le modèle décrit les transitions liquide − solide et les propriétés du liquide et des glaces Ih, II, III, V et VI entre 175 et 360 K, de 0 à 2.2 GPa. La deuxième version du modèle a per-mis la description du système H2O − NH3 à ces conditions ; cependant, l’approche retenue pour prendre en compte l’effet de l’ammoniac fut celle du modèle d’acti-vité de Margules. Ce modèle offre une approche simple (le comportement du binaire H2O − NH3 fut reproduit avec seulement quatre paramètres) mais difficile à étendre aux systèmes complexes (nécessité de paramètres d’interaction entre toutes les es-pèces en présence). La description du système unaire apportée par cette étude offre quoi qu’il en soit un cadre idéal pour l’implémentation de chimies plus complexes. Le modèle, basé sur une expression du potentiel chimique de H2O dans les différentes phases en présence, est en effet particulièrement adapté au problème général des chi-mies "riches en eau" et peut être aisément étendu à l’aide de nombreux formalismes existants (utilisation répandue du potentiel chimique).

Afin de retranscrire les données obtenues dans les systèmes H2O − CO2 et H2O −MgSO4, et dans l’optique future de décrire les systèmes eau − gaz et eau − sel aux conditions attendues dans les hydrosphères des grands satellites, un objectif supplé-mentaire de la thèse fut de contribuer au développement du modèle de Choukroun et Grasset en y implémentant :

les constituants volatils (e.g. CO2, CH4) devant être considérés d’une part pour leur solubilité (le gaz en solution affectant le comportement de la phase liquide, et par conséquent tous les équilibres impliquant cette phase), et d’autre part pour leur propension à former des hydrates aux pressions et températures considérées ;

les composés ioniques solubles (e.g. MgSO4, NaCl) devant être considérés pour leur solubilité, selon une approche permettant une intégration progressive de systèmes plus complexes.

Approche expérimentale

En préambule de la présentation des résultats expérimentaux, le chapitre 2 dé-taille l’ensemble des techniques analytiques et expérimentales mises en œuvre durant la thèse. La section 2.1 détaille les principales techniques spectroscopiques employées lors de la thèse et, dans le cadre élargi de collaborations, lors d’études de matériaux glacés. La section 2.2 caractérise l’ensemble des instruments utilisés au cours de ces expériences, présente le principe des expériences en cellule à enclumes et expose les principaux éléments de métrologie. Enfin, la préparation et la caractérisation des hy-drates de gaz et des solutions H2O − MgSO4, échantillons utilisés pour l’exploration des diagrammes de phase, est détaillée en section 2.3.

2.1 Techniques analytiques